Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Des personnes et des institutions

Robert Soullard, o.p.

N°1998-1-2 Janvier 1998

| P. 64-67 |

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Mon très bref témoignage à ce Conseil est celui d’un homme, prêtre et religieux, dont toute la vie « professionnelle » a été au service de la vie religieuse soit en raison des fonctions que j’ai exercées et que je continue à exercer tant en France qu’en Belgique (où je réside depuis 1979), soit en raison des matières enseignées. Quelques éléments de mon curriculum indiqueront bien d’où je jette modestement un regard sur la vie religieuse : de 1968 à 1979, j’ai été assistant des Supérieurs Majeurs de France ; en Belgique j’ai continué à travailler pour la vie religieuse en faisant partie du Comité de rédaction de notre revue Vie Consacrée et comme membre de l’équipe du Vicariat pour l’état religieux pour la partie francophone du diocèse de Malines-Bruxelles ; quant à mon enseignement en droit canonique, il a eu principalement pour objet les structures d’Église et la vie consacrée.

Les paradoxes

Aborder les problèmes de vieillissement dans la vie religieuse, suppose que l’on ait pris conscience d’un certain nombre de paradoxes.

Dans un ouvrage déjà ancien, publié en 1972 sous le titre Vie et mort des Ordres religieux, le Père Raymond Hostie montre que, dans bien des cas au cours de l’histoire, la durée de vie des Instituts religieux avait été en moyenne de deux cents ans. Certes, un certain nombre avaient surmonté leurs difficultés et retrouvé leur vitalité, mais la moyenne, qui n’est que statistique, reste parlante. Aujourd’hui aussi, il faut bien constater que plusieurs Instituts religieux, tant masculins que féminins, sont arrivés à la fin de leur parcours. C’est le premier paradoxe : si la vie religieuse est inhérente à la vie de l’Église - et Vita consecrata insiste à nouveau beaucoup sur ce point-, aucun Institut particulier ne lui est nécessaire ! Je me souviens d’un texte célèbre du Père Régamey, au début d’un Cahier de Saint Jacques, intitulé Un Ordre ancien dans un monde moderne, où il affirmait : « Pendant douze siècle, l’Église s’est passée de l’ordre de saint Dominique, elle pourrait encore s’en passer ! » (On n’en voudra pas à un dominicain de montrer dans la suite du texte que cela serait quand même dommage...)

Second paradoxe. Le rôle des institutions. Nécessaires, elles assurent une permanence, une continuité alors que les personnes changent et se succèdent. Sans cette permanence des institutions, les personnes ne pourraient atteindre les buts quelles poursuivent ensemble. Mais il existe un seuil critique au delà duquel l’institution ne sert plus à rien. Gardons nous toutefois d’absolutiser les enquêtes statistiques et sociologiques. Il n’y a pas si longtemps, vers les années 70, une pareille étude, d’ailleurs très remarquable et fort utile, menée en France à la demande des Supérieures Majeures, avait conclu à la fin des activités religieuses au terme de la décennie. Il ne restait plus qu’a préparer les maisons de repos nécessaires pour « assurer les vieux jours des religieuses ». Or il s’est trouvé que ces dix années qui devaient être tragiques ont été les plus fécondes pour la vie religieuse dans son ensemble : Chapitres de mise à jour des Constitutions, remaniement des implantations, communautés d’insertions, etc. Bien sûr, il arrive, actuellement, que l’on se trouve devant des congrégations qui ne comportent plus que quelques religieuses. Cela n’a plus, sans nier la sainteté de vie personnelle, beaucoup de sens. Pour qu’il y ait Congrégation, il faut une Supérieure Générale, un conseil, il faut la célébration régulière du Chapitre... à trois ce n’est plus possible ! Ici, il serait sage de procéder à des suppressions, mais il est aussi plus humain parfois d’attendre la mort des personnes. En toute hypothèse, ce sont là des situations où les institutions n’ont plus de signification. D’autres cas de figure existent. Les Congrégations internationales, même si elles sont obligées de supprimer des provinces voient leur vitalité renouvelée dans les jeunes Églises... D’autres Instituts, sans en être à la nécessité de la suppression connaissent de très grandes difficulté en cette phase de vieillissement où les mêmes personnes restent forcément en fonction à cause du manque d’effectifs. Là aussi il est évident que l’institution ne peut plus jouer son rôle qui est de donner accès au charisme fondateur, ni même de bien fonctionner dans la « gestion courante ».

Envisager l’avenir

Comment donc aller de l’avant, comment envisager l’avenir, quels remèdes proposer ?

Deux orientations me semblent à bien mettre en œuvre.

Le partenariat avec les laïcs

Celui-ci, qui ne le reconnaît, doit être de plus en plus instauré. Sans doute peut-on distinguer deux aspects, deux niveaux à ce partenariat.

Le premier, déjà largement pratiqué, est au niveau des activités, des œuvres fondées par une Congrégation où la responsabilité est partagée et où d’ailleurs les laïcs prennent une part de plus en plus importante ; le personnel religieux jouant une rôle de « présence » assurant au mieux la continuité du charisme fondateur.

Le second aspect se situe au niveau pastoral des Églises locales où, à côté des services qui requièrent un ministère ordonné, de nombreux autres, jadis réservés aux clercs, sont maintenant de plus en plus confiés à des laïcs : catéchèse, service eucharistique auprès des malades, aumôneries diverses. Ici encore, une collaboration fructueuse s’instaurera entre les laïcs et les religieux et religieuses se retrouvant, selon leurs charismes propres, sur le même terrain pastoral.

Les rencontres et la collaboration entre les Instituts

Ces vingt dernières années, différentes formes de rencontres ou même de regroupement ont porté du fruit. Un exemple parmi d’autres est les programmes de formation initiale intercongrégationnelle où les jeunes novices de différents Instituts, gardant la spécificité de leur propre noviciat, se rencontrent lors de week-ends, ou sessions communs. Il y a là économie réaliste de formateurs et source de connaissance réciproque gage de collaboration future possible. Certes, la création déjà ancienne des Conférences de Supérieurs Majeurs et des Unions des Religieuses sont d’autres lieux fort importants où se posent en commun les questions de tous et de toutes. D’autres regroupements par « famille de même spiritualité » : ignatienne, dominicaine, franciscaine et autres, où se rencontrent d’ailleurs des Congrégations religieuses, des Instituts séculiers et des laïcs, sont bien sûr à promouvoir.

Toutes ces différentes formes de rencontres sont une chance réelle et constituent certainement une expérience d’Église novatrice.

Une attention particulière aux attentes des jeunes

D’autres ont déjà souligné combien diverses et parfois fragiles sont les vocations de nos jours. Aussi le plus important, dans le cadre que nous avons quelque peu esquissé, est de savoir les accueillir en acceptant ce qui parfois nous apparaît comme contradictoire, ou à tout le moins surprenant pour nous, plus anciens : le besoin de signes extérieurs de reconnaissance, le déploiement liturgique de la fête, des célébrations, des rassemblements, le caractère solennel, joyeux et public des premiers engagements, etc. À nous donc de discerner ces appels des jeunes vocations d’aujourd’hui.

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B-1050 BRUXELLES, Belgique

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