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Accueil des jeunes dans nos communautés monastiques

Mikaël Takahashi, o.s.b.

N°1998-1-2 Janvier 1998

| P. 68-70 |

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« Un fait est plus fort qu’un lord-maire », disent les Anglais. Commençons donc par une constatation : les candidats et candidates ne se pressent pas aux portes des monastères francophones de Belgique. Et de ce petit nombre, peu franchissent l’entrée, et moins encore y persévèrent : un sur dix ou, dans les meilleurs cas, un, voire deux, sur trois.

Comment se présentent-ils, ces « oiseaux rares » ? Ils ont grosso modo entre vingt-cinq et cinquante ans, voire au delà, et ils arrivent de milieux très différents. À notre époque où les distances les plus longues sont franchies en moins de vingt heures, il ne faut pas s’étonner que des vocations d’Amérique latine ou d’Asie viennent s’épanouir chez nous. Il me revient même qu’une Américaine a découvert le monastère allemand où elle est entrée grâce à Internet ; l’avenir nous réserve probablement encore des surprises en ce domaine. Leur passé est marqué diversement, parfois lourdement : religieux/ses de la vie apostolique, veufs/ves, divorcés...

Dans ce contexte, la vie au noviciat ne peut être aisée. Un étranger reste toujours quelque part un étranger. Les différences de culture, d’éducation, d’expérience de vie peuvent apporter un enrichissement, mais elles peuvent aussi faire apparaître un décalage difficile à franchir. Au niveau de la formation, des problèmes se posent ; les plus jeunes peuvent difficilement suivre tous les cours avec des aînés et tous doivent cependant être initiés à la vie monastique, qui est une vie cénobitique, commune. La consigne de saint Jean (1 Jn 4,1), que saint Benoît reprend au chapitre 58 de sa Règle, requiert aujourd’hui encore toute l’attention : « Éprouvez les esprits pour discerner s’ils sont de Dieu. » Et par ailleurs, on ne peut perdre de vue que, dans son Prologue, le Père des moines d’Occident s’adresse à « qui que tu sois ».

Un point important sans doute, tout aussi important que celui de la formation des novices et de leurs relations entre eux, c’est le rapport entre la communauté et les frères ou sœurs plus jeunes. Il est évident que pour les jeunes, la difficulté est plus grande d’entrer dans une communauté vieillissante que pour cette communauté d’accueillir un ou deux jeunes d’autres cultures et mentalités. En général, les anciens et les plus jeunes s’accordent bien ; il y a même une certaine connivence entre eux. Les problèmes surgissent du côté de ceux qu’on a l’habitude d’appeler le « moyen âge » et qui, depuis qu’on les appelle ainsi, ne sont plus d’un âge tout à fait moyen... Ces moines et moniales, encore en pleine activité, assument l’une ou l’autre charge ; ils tiennent les yeux braqués sur les novices ou les jeunes profès et, comme ceux-ci sont peu nombreux, ils ne leur passent rien, ils les considèrent comme ne sachant rien ou pas grand’chose, alors que certains novices ont parfois exercé d’importantes responsabilités avant leur venue au monastère. Cette relation entre le « moyen âge » et les derniers arrivés peut se figer irrémédiablement si de nouvelles vocations ne viennent pas modifier cette situation.

Mais il peut arriver aussi que la communauté désire confier très tôt des responsabilités communautaires aux jeunes profès ; ce qui n’est pas sans risque.

Ici encore, saint Benoît a des paroles éclairantes : « Les jeunes honoreront leurs anciens ; et les anciens auront de l’affection pour leurs cadets » (RB 63, 10). La vie chrétienne, et donc la vie monastique, est accueil mutuel ; il doit y avoir échange de part et d’autre. Les jeunes peuvent avoir des idées, des réflexions, des expériences à apporter à la communauté. La Règle (c. 61) invite l’Abbé à examiner avec prudence les avis et les remontrances des moines étrangers qui passent au monastère. Qui sait si la communauté ne pourrait trouver là une orientation dans sa manière de réagir aux propos et propositions des jeunes ?

Les contacts avec les religions orientales, dans lesquelles les laïcs peuvent vivre la vie monastique pour un temps qu’ils déterminent eux-mêmes, ont soulevé la question de l’engagement temporaire ; on entend parfois le terme de monachisme temporaire, ce qui n’a pas beaucoup de sens. Il me semble que chez nous on n’est pas très avancé sur le sujet. Dans la pratique, cela poserait quelques problèmes. Les candidats « temporaires » ne vont-ils pas rendre difficile la persévérance des autres ? On pourrait envisager de former à part ces candidats, de leur assurer un maître de formation pour eux seuls ; mais alors, quel investissement pour les communautés qui aujourd’hui disposent de si peu d’effectifs !

Cependant, ce pourrait être un service valable, en Église, à des jeunes qui, au terme de leurs études, cherchent à donner un sens à leur vie autre que la réussite professionnelle ou l’efficacité. Un séjour quelque peu prolongé dans un monastère pourrait leur permettre d’approfondir leur foi, leur contact avec l’Évangile, de découvrir qu’une vie pauvre et obéissante peut être source de liberté intérieure. Pour les chrétiens des jeunes Églises où il n’y a pas de longues traditions monastiques chrétiennes, comme en Occident, cette ouverture des communautés pourrait être une expérience enrichissante sans pour cela imposer aux candidats un engagement à vie.

La difficulté à résoudre les problèmes actuels est un appel à une lucide révision de vie. Certes, la vie monastique francophone de Belgique est affrontée à une situation peu enviable. Mais « qui nous séparera de l’amour du Christ ? » Que ce soit en Lui que se fonde notre espérance.

Monastère de l’Annonciation
57, rue de la Station
B-7040 Quévy-le-Grand, Belgique

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