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La vocation des Instituts Séculiers dans l’Église

I. Avant Vatican II

Armando Oberti

N°1982-3 Mai 1982

| P. 171-180 |

Si l’appel à se consacrer totalement à Dieu par la voie des conseils sans quitter pour autant le milieu dans lequel on vit remonte aux premiers siècles de l’Église, c’est surtout à l’époque moderne qu’est apparu le désir de nombreux laïcs de se grouper dans ce but. A la fin du siècle dernier et au début de celui-ci, la réponse de la hiérarchie fut d’abord négative : aux demandes qui lui étaient adressées, Rome répondait en invitant à rejoindre une des formes reconnues : congrégations, Tiers Ordres, pieuses unions (avec, éventuellement, voeux privés). La partie de cette étude que nous publions aujourd’hui nous mène jusqu’aux premiers documents qui reconnurent officiellement les Instituts Séculiers, sans toutefois percevoir encore pleinement la nouveauté du charisme dont ils témoignent. – Outre l’intérêt que cet exposé présente pour les Instituts Séculiers, il montre à tous par quelles longues patiences l’Esprit Saint mène ceux auxquels il inspire ces « nouveautés » jusqu’à leur pleine reconnaissance par le magistère, seul habilité, dans ce même Esprit, à authentifier ses dons.

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Dans cet exposé, je me propose de présenter la vocation particulière des laïcs consacrés telle qu’elle s’est manifestée dans l’Église et telle que le magistère ecclésial l’a accueillie, en tenant compte de quelques moments-clés de cette manifestation et de cet accueil.

Cet exposé ne prétend pas être une contribution spécifiquement historique. Il s’agit plutôt d’une lecture de la vocation des Instituts Séculiers dans l’Église, faite avec les yeux d’un témoin. C’est en quelque sorte une lecture « partisane », faite par des femmes et des hommes ayant ressenti en eux-mêmes l’appel puissant d’un charisme particulier. Pour pouvoir affirmer sa vraie nature, ils ne sauraient se borner à le déclarer, à le vivre et à en témoigner ; ils sont conscients de l’exigence qui oblige à soumettre ce charisme au jugement de « ceux qui ont la charge de l’Église et (auxquels) convient spécialement, non pas d’éteindre l’Esprit, mais de tout éprouver pour retenir ce qui est bon (1 Th 5,12.19-21) » (Lumen gentium 12).

J’ai choisi cette voie parce que je la considère comme la forme la plus féconde de lecture pour toute réalité ecclésiale. D’une part, il est impossible d’affirmer l’authenticité d’un charisme tant qu’il n’est pas reconnu par la communauté ecclésiale et par le magistère ; de l’autre, cette clé de lecture permet de dégager la nécessité d’un dialogue qui manifeste la vitalité de l’Église et l’amène à vivre le renouveau que réclame la fidélité aux dons offerts par l’Esprit.

Cette clé de lecture permet également de mettre en lumière la nécessité pour l’Église (et pour chacun des corps qui la composent) de dialoguer avec le monde. En effet, si c’est dans le dialogue interne que la vie ecclésiale trouve son dynamisme, la confrontation avec le monde lui fournit les éléments nécessaires pour exercer correctement la mission que le Christ lui a confiée.

Cet aspect trouve une expression actuelle dans la vocation propre aux Instituts séculiers.

Les précédents récents aux Instituts Séculiers

Pour faire bref, j’éviterai de mentionner les prédécesseurs lointains des Instituts Séculiers, à savoir l’apparition, dès les premières générations chrétiennes, de vocations de laïcs consacrés à Dieu tout en demeurant dans leurs conditions normales de vie. Je me limite à trois précédents récents.

Le décret « Ecclesia catholica »

Ce document de la Congrégation des Évêques, confirmé par Léon XIII le 11 août 1889, fixe des normes pour l’approbation d’organismes ou d’associations de laïcs désireux de s’engager dans le monde avec l’intention de suivre les conseils évangéliques sans se différencier par ailleurs, de quelque façon que ce soit, des autres laïcs [1]. Ce décret reconnaît, en somme, l’existence d’organismes et de groupements laïcs qui décident de se consacrer à Dieu tout en restant dans leur condition laïque. Mais il exclut la reconnaissance d’une consécration laïque, tout en admettant que chacun puisse, à titre privé, s’engager à vivre les conseils évangéliques.

Il s’agit donc d’une modification fort timide à une tradition ininterrompue depuis plus de mille ans d’après laquelle l’Église ne concevait pas d’autre possibilité de consécration complète à Dieu que celle qui entraînait la séparation du monde et, de ce fait, du milieu familial, professionnel et social.

Dix ans plus tard, c’est Léon XIII lui-même qui remet à Giuseppina Taddei – une jeune femme qui a quitté le couvent pour des raisons de santé – le projet d’une société de femmes consacrées qui « vivront dans le monde, mais sans être du monde ». Elle s’habilleront modestement, mais avec grâce et selon leur condition sociale. Le principe divin de la liberté sera la règle de leur vie extérieure et intérieure et de leur prière. Elles ne seront pas tenues à la récitation de nombreuses prières spéciales : chacune choisira ce qui correspond le mieux à ses inclinations et aux exigences de ses charges. Elles passeront dans la foule, le cœur absorbé en Dieu : à l’école, à leur table de travail, au bureau, dans la rue, dans les salons, les bibliothèques, les cercles. Chacune devra vivre de son gagne-pain ; avec le surplus, elle viendra en aide aux sœurs pauvres ou malades [2].

En 1918, Giuseppina Taddei, que sa santé force à différer la réalisation du projet, en parle au Père Gemelli. Celui-ci est frappé par lui et il le soumet à Armida Borelli, qui constitue une association de laïques consacrées à Dieu [3].

Le Code de droit canon

Pas plus d’ailleurs que d’autres associations similaires créées en divers pays, le groupement d’Armida Borelli ne pouvait être reconnu officiellement par l’Église comme forme de vie consacrée. Les normes fixées par le décret Ecclesia catholica s’y opposaient et, plus encore, les principes du Code de droit canon promulgué en 1917 : celui-ci sanctionne une répartition rigide des fidèles en trois catégories : les clercs, les religieux, les laïcs. Ces derniers sont définis négativement : ils ne sont ni clercs, ni religieux. Par conséquent, on admet des associations de laïcs, mais l’existence de groupements de laïcs consacrés est exclue : la profession des conseils évangéliques et la consécration qui en découle sont considérées comme une prérogative des religieux.

Le Code n’est pas un acte isolé. Il représente la formalisation ponctuelle et rationnelle, en termes juridiques, d’un magistère qui exprime depuis plusieurs siècles une doctrine et une conception de l’Église. On peut dire, en effet, que le Code est la formalisation et la codification de l’Église telle qu’elle était à l’issue du Concile de Trente et telle qu’elle s’est formée au cours de la Contre-Réforme.

Le développement d’associations de laïcs se réclamant d’un charisme spécifique

L’histoire de l’Église, dans les trente premières années de ce siècle, révèle d’une part la naissance, en Italie et ailleurs, d’associations de laïcs qui se réclament d’un charisme spécifique : être laïques en tout et, en même temps, consacrés à Dieu, face à un monde qui se sécularise de plus en plus. D’autre part, nous voyons l’Église du magistère examiner attentivement ce phénomène et tâcher de discerner ce charisme, mais elle reste comme surprise et inquiète devant lui et ne trouve pas d’autre solution que de refuser de le reconnaître pour ce qu’il est. « Ce qui n’est pas dans le Code n’est pas dans l’Église », affirme catégoriquement le Cardinal Pietro Gaspard.

Tout dialogue entre ceux qui vivent ce charisme, le magistère et les institutions ecclésiastiques se termine en définitive par l’échec des premiers. Non seulement cette grâce particulière de l’Esprit n’est pas reconnue comme telle, mais les Congrégations romaines vont jusqu’à inviter les associations existantes à se réviser, ou à s’agréger à l’un des Tiers Ordres reconnus par le Code. Ces invitations répétées sont suivies par un bon nombre de ces groupements ; entretemps, le nombre de ceux qui entrent dans ces associations ou en fondent de nouvelles ne cesse de croître. Toutefois, le dialogue avec les Congrégations romaines et les évêques n’est pas abandonné.

Le Congrès de Saint-Gall et le « Mémoire » du Père Gemelli

La situation dans laquelle se trouvent ces associations de laïcs, appelées à l’époque « sodalités » (confréries), était donc apparemment bloquée vers la fin des années 1930. En fait, ces groupes se multiplient : on les trouve désormais en Autriche, au Canada, en Tchécoslovaquie, en France, en Allemagne, en Italie, en Angleterre, en Hollande, en Espagne, en Suisse, en Hongrie, etc. S’ils manifestent leur volonté d’acquérir pleinement droit de cité dans l’Église, celle-ci continue à refuser qu’il soit possible de conjuguer les deux termes : laïcs et consécration.

C’est précisément pour confronter leurs points de vue que les représentants de vingt-cinq associations, toutes à caractère laïque, se réunissent, en 1938, à Saint-Gall (Suisse), sous la présidence du Père Gemelli [4]. Ce n’est pas sans surprise que les délégués présents à Saint-Gall constatent l’identité fondamentale de leurs vues et de leurs aspirations. Ils saisissent cette occasion pour présenter collectivement au Saint-Siège une demande d’approbation de leurs associations respectives, en leur donnant par la même occasion des statuts juridiques conformes à leur vocation propre.

À la suite du congrès, le Père Gemelli rédige, avec la collaboration de Giuseppe Dossetti, un mémoire historique et juridico-canonique, qu’il présente à la Congrégation du Concile. Dans ce document, qui a pour titre « Les associations de laïcs consacrés à Dieu dans le monde [5] », il observe que, face à ces nouvelles formes de vie, divers essais de solution juridique sont possibles : personnellement, il se prononce en faveur d’une solution axée sur les principes fondamentaux suivants :

  • en ce qui concerne la nature juridique de ces groupements : distinguer ces associations de laïcs consacrés tant des associations religieuses ou quasi religieuses que des associations de simples fidèles ; reconnaissance donc de l’état de laïc consacré comme d’un véritable et nouveau type d’état juridique de perfection ;
  • en ce qui concerne la constitution, la structure, l’organisation intérieure et extérieure : application analogique du régime des associations religieuses et, plus précisément, de celui des congrégations laïques ;
  • en ce qui concerne les obligations et les devoirs des associés : exclusion de l’application globale des obligations qui sont propres aux religieux ou aux quasi-religieux (telles que les précise le canon 679) ; application, en revanche, d’un ensemble de normes déterminant la portée et les conséquences des obligations de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, ainsi que de la soumission à la règle d’une manière adaptée à la situation particulière découlant du fait de demeurer dans le monde ;
  • en ce qui concerne enfin les droits et les privilèges : exclusion de l’application globale des privilèges des religieux et des clercs (cf. canon 680).

Le document est présenté en 1939 ; au mois de novembre de la même année, le Saint-Office invite le Père Gemelli à le retirer [6].

La reconnaissance canonique des Instituts Séculiers

L’incertitude et la confusion qui ont suivi le retrait du « Mémoire » du Père Gemelli n’ont pris fin qu’en 1947 : cette année-là fut promulgué le premier document qui reconnaissait les associations existantes et leur donnait le nom d’instituts Séculiers, la Constitution Apostolique Provida Mater Ecclesia [7].

« Provida Mater »

Ce premier document ne rejoint encore que de façon partielle la vocation propre des Instituts Séculiers. Son intérêt réside peut-être dans l’élargissement qu’il donne à la notion canonico-théologique de la vie religieuse, plus que dans une pleine saisie du charisme de la laïcité consacrée. Ainsi, les Instituts Séculiers sont définis à partir de leur ressemblance avec les religieux, en vertu de leur consécration, plutôt qu’à partir de la laïcité de leurs membres, qui constitue la véritable « nouveauté » de leur charisme.

En outre, le document utilise des notions de sécularité et d’apostolat conformes au magistère de l’époque, notamment, en ce qui concerne l’apostolat, au contenu des encycliques de Pie XI Ubi arcano et Quas primas ; mais ceci donne une image amenuisée de la vocation des membres des Instituts Séculiers.

En conclusion, on doit néanmoins reconnaître que ce document a, en tout cas, eu le mérite de donner une existence officielle à ceux qui, jusque-là, en étaient dépourvus. Certes « il semble vraiment que, pour la constitution Provida Mater, le membre d’un Institut Séculier (qu’il soit clerc ou laïc) puisse être défini comme un « religieux dans le siècle » ou dans le monde. Tout l’effort spéculatif sous-jacent au document semble s’être réduit à la démonstration que l’état religieux, aussi bien que l’état consacré à la recherche de la perfection, ne s’identifie pas avec ce que l’on appelle les « religions » (instituts religieux). Par conséquent, les Instituts Séculiers ne sont rien d’ essentiellement nouveau [8] ».

« Primo feliciter » et « Cum sanctissimus »

Un an après Provida Mater, deux nouveaux documents traitent des Instituts Séculiers et de la vocation de leurs membres, mais ils le font, cette fois, dans une perspective différente. Le Motu proprio Primo feliciter et l’Instruction Cum sanctissimus, des 12 et 19 mars 1948 [9], s’efforcent en effet de reconnaître la « nouveauté » que représente le charisme des Instituts Séculiers, tel qu’il se manifeste depuis plusieurs dizaines d’années dans l’Église, sans vouloir le contraindre à rentrer dans les cadres canonico-théologiques existants. C’est en effet le « Mémoire » du Père Gemelli qui constitue la source et la référence de Primo feliciter.

Aussi, ce document a-t-il centré son attention sur le charisme plus que sur la doctrine canonico-théologique de l’époque ; de ce fait, il se révèle sans doute plus fécond que Provida Mater. La sécularité y apparaît comme le caractère spécifique des membres des Instituts Séculiers. Primo feliciter dit explicitement :

Dans cette élévation des associations de fidèles à la forme supérieure d’instituts séculiers, et dans l’organisation aussi bien générale que particulière de tous les Instituts, il faut constamment avoir devant les yeux que le caractère propre et spécial des Instituts, c’est-à-dire le caractère séculier, en qui se trouve toute leur raison d’être, doit paraître en toutes choses... La perfection (chrétienne) doit être réalisée et professée dans le siècle ; en conséquence, il faut l’adapter à la vie séculière dans toutes les choses licites et compatibles avec les obligations et les œuvres de cette même perfection.

Ce qu’il faut signaler comme important, voire décisif, c’est qu’avec Primo feliciter le magistère accueille presque intégralement la « nouveauté » du charisme particulier des membres des Instituts Séculiers. Il en donne une description synthétique : la sécularité, la consécration, l’apostolat n’apparaissent plus comme des éléments juxtaposés, non susceptibles d’être intégrés et synthétisés dans une forme unique de vie, mais, au contraire, ils y sont présentés comme vécus de façon globale par ceux qui ont l’intention de répondre à cet appel particulier.

Dans un texte que l’on peut, à juste titre, considérer comme une anticipation de ce que Vatican II dira des laïcs, le Motu proprio affirme :

La vie tout entière des membres des Instituts Séculiers, consacrée à Dieu par le fait de professer la perfection, doit être convertie en apostolat... Cet apostolat, qui embrasse toute la vie, se manifeste sans cesse de manière si profonde et si sincère dans ces Instituts, la soif des âmes et le zèle paraissent non seulement avoir heureusement fourni l’occasion de cette consécration de la vie, mais encore avoir imposé pour une bonne part (à ces Instituts) leur manière d’être et leur forme. Ainsi, de façon étonnante, la fin spécifique semble avoir exigé et créé la fin générique. Cet apostolat des Instituts Séculiers doit être fidèlement exercé non seulement dans le siècle, mais pour ainsi dire par le moyen du siècle, et par conséquent par des professions, des activités, des formes, dans des lieux, des circonstances répondant à cette condition séculière.

La différence d’approche entre Provida Mater et Primo feliciter a fait l’objet de longues discussions entre canonistes et théologiens [10]. Sans prendre parti dans ce débat, voyons plutôt si le magistère a authentifié le charisme propre des Instituts Séculiers et jusqu’à quel point il l’a fait.

De ce point de vue, on a eu raison de faire remarquer que les documents contiennent deux déterminations qui ont pesé et qui pèsent encore, quoique moins lourdement que par le passé, sur la vie des Instituts Séculiers. Ceci montre que les deux documents, malgré leurs perspectives différentes, n’ont pas encore entièrement compris la « nouveauté » que constitue la sécularité consacrée. Ces deux déterminations sont :

  • la dépendance par rapport à la Congrégation des Religieux, confirmée par Primo feliciter ;
  • l’obligation, également confirmée, pour toutes les sociétés de clercs ou de laïcs, reconnues comme réunissant les éléments et les conditions prévues par Provida Mater, d’être immédiatement établies sous forme d’Instituts Séculiers.

De ces deux dispositions, la première laissera toujours planer un doute sur la nature des Instituts Séculiers par rapport aux religieux ; quant à la seconde, elle fera rentrer des expériences spirituelles différentes au sein d’une même structure.

La rencontre de Castelnuovo Fogliani

Les perplexités suscitées dans les milieux théologiques et canoniques par les documents que nous venons de rappeler et par les conceptions différentes qui leur sont sous-jacentes ont donné lieu à un très vaste débat, mais, en même temps, ces textes ont offert aux Instituts Séculiers des perspectives nouvelles.

En effet, plusieurs éléments essentiels de la vocation des Instituts Séculiers ont été accueillis par le magistère ecclésial, même si demeurent encore quelques ambiguïtés, causées par les déterminations rappelées ci-dessus. Cette reconnaissance rend le travail des Instituts de plus en plus fécond : leur nombre et celui de leurs membres sont en constante augmentation.

Afin de mettre davantage en lumière la nature propre de leur vocation, les Instituts Séculiers tiennent leur première rencontre à Castelnuovo Fogliani les 10 et 11 juillet 1954, avec la participation de trente-deux Instituts de sept pays différents. Il est remarquable que le premier point des conclusions soit entièrement consacré aux caractéristiques de la vocation séculière et à ses différences par rapport à celle des religieux. Ces différences découlent essentiellement de la sécularité des membres des Instituts Séculiers. On montre en outre la possibilité et la légitimité (prouvées par l’expérience) de l’union entre la sécularité et la consécration. On y affirme en effet :

Dans cette vocation « différenciée », l’accent est mis sur la sécularité, sans rien ôter à la consécration, mise au service d’une fin qui n’est pas uniquement sa propre perfection, mais aussi l’œuvre à accomplir dans le monde. Le langage est pauvre et le mot « monde » est équivoque : pour nous, il exprime toute la réalité cosmique, qui nous appartient. L’esprit d’un Institut Séculier n’est pas « mondain », il est « anti-mondain » au même titre que l’esprit de la vie religieuse ; mais celle-ci comporte un détachement, un éloignement volontaire, alors que l’Institut Séculier fait rester dans le monde pour y œuvrer, en prenant intérêt aux questions du cosmos en tant que partie intégrante de cette vocation à la perfection.

Cette insistance sur leur charisme propre est à la fois une réponse à ceux qui ne voient dans les membres des Instituts Séculiers que des « religieux imparfaits » et un appel au magistère pour qu’il reconnaisse pleinement la « nouveauté » vécue par ces laïcs consacrés qui font de leur sécularité la matière même de leur consécration.

Via di Porta Cavalleggeri 127
I-00165 ROMA, Italie

(À suivre)

[1Cf. I. B. Fuertes, « Los Institutos Seculares : el Fenómeno y su Norma », Commentarium pro Religiosis et Missionariis 53 (1972), 170-171, ou (en traduction italienne) « Gli Istituti secolari : genesi e riconoscimento giuridico », Vita consacrata 8 (1972), 578-579.

[2Cité par G. Brasca, « Il cammino degli Istituti secolari in trent’anni di storia », Rogate ergo n° 2, 1977, 3.

[3Cf. M. Sticco, Una donna fra due secoli, Milan 1967, 115-117.

[4« (Le) projet de tenir une réunion de ce genre à Rome, sous les yeux du Saint-Père, et de préparer peut-être ainsi une reconnaissance officielle, n’obtint pas l’approbation de... Pie XI », note le P. J. Creusen, s.j., Revue des Communautés Religieuses 19 (1947), n° 2, p. 16.

[5Dans Secolarità e vita consacrata, préparé par A. Oberti, Milan 1966, 341-442.

[6Cf. I. B. Fuertes, art. cité, 173 (581 en italien), qui note toutefois qu’à partir de ce moment le Saint-Office commença à s’intéresser à ces associations.

[7Pour les documents pontificaux on renverra à Les Instituts Séculiers dans le magistère de l’Église, Rome, CMIS 1974, et à la Revue des Communautés Religieuses. Les références seront données par les sigles CMIS ou RCR suivis du numéro de la page. Ici, CMIS 22 ; RCR 1947, n° 2, 1-32 (avec commentaire de J. Creusen, s.j.).

[8G. Moioli, « Consacrazione e secolarità : problema degli Istituti secolari o problema ecclesiologico ? », Teologia del presente, n° 2, 1972. Pour une connotation plus positive, voir, par exemple, M. Albertini, « Trente ans après le Motu proprio Primo feliciter », Dialogue 6 (1978), n° 32, 30-35.

[9CMIS 37-38 ; RCR 20 (1948) 133-140.

[10On trouvera des indications sur celles-ci, par exemple, chez A. Oberti, « A trent’anni dalla « Provida Mater » : bilancio e prospettive degli Istituti Secolari », Rassegna di Teologia 18 (1977), 29-39 ; pour l’autre son de cloche, voir, par exemple, E. Mazzoli, « Gli Istituti Secolari tra consacrazione e laicità », Rivista di Vita Spirituale, 27 (1973), 181.

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