Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Ceux qui les côtoient

Vies Consacrées

N°1975-3-4 Mai 1975

| P. 184-194 |

La lecture en ligne de l’article est en accès libre.

Pour pouvoir télécharger les fichiers pdf et ePub, merci de vous inscrire gratuitement en tant qu’utilisateur de notre site ou de vous connecter à votre profil.

Dans un monde qui croit à tout et à rien

Le monde d’aujourd’hui me paraît ressentir très vivement l’absence d’une religion adaptée à ses besoins et à ses problèmes. Étant en état de « manque », il se précipite sur toutes les formes de communion, si primitives soient-elles ; il sacralise tout ce qui lui paraît pouvoir être un substitut de religion. Il croit. Il croit à tout et à rien. On a rarement vu un monde aussi peu critique, aussi peu sceptique, aussi prompt à s’engager. D’où les innombrables « religions de contrebande » actuelles, pour reprendre les mots de Henri Desroche.

A vrai dire, tout au long des siècles, et même dans les moments les plus lumineux du Moyen Âge, la vie religieuse a connu des moments identiques d’effervescence dévoyée, sinon dépravée : millénarismes, prophétismes, accès de foi populaire teintée de préjugés et d’ignorances, refus de reconnaître l’autorité du Magistère, l’inévitable nécessité des institutions, etc. Et les religieux n’ont pas toujours été bien accueillis par la société chrétienne, tant s’en faut. L’anticléricalisme ne date pas d’hier.

À cet égard, la situation n’est pas aussi nouvelle que le font croire nos media de diffusion collective. Un peu plus dramatique, peut-être, en raison de la rapidité de transmission des événements, et de la crise où se trouve plongée notre société tout entière.

Mais je crois – il me semble, devrais-je dire –, qu’au-delà des excès et des accidents actuels, dont ne sont exempts ni l’Église, ni les prêtres d’aujourd’hui, se profile l’image d’une Église et d’un christianisme débarrassés de leurs scories, fruits de l’histoire, et qui auront, sur nos misérables « ersatz » de religion, les immenses avantages d’une construction lentement élaborée, fortement équilibrée et structurée, et plus capable de répondre aux questions de l’homme moderne. Aux questions et aux attentes.

Dès lors, cette religion, ainsi vécue, sécrétera tout naturellement des groupes de chrétiens plus exigeants (vis-à-vis d’eux-mêmes), plus rigoureux (idem), plus « excessifs ». Des chrétiens qui ne seront pas et ne voudront pas être des chrétiens du dimanche, comme il y a des peintres du dimanche et des sportifs du dimanche.

Ce seront les religieux de demain, qui enseigneront à un monde déboussolé les valeurs d’intériorité, le sens du sacrifice et de l’ascèse, la signification de l’absolu dévouement à autrui, la disponibilité totale. Qui démontreront qu’il est infiniment plus sage – et moins périlleux pour les autres hommes – d’agir ainsi pour servir Dieu que pour servir la Patrie, le Progrès ou la Race.

Léo Moulin, Bruxelles

Le linge sèche à la vue de tous

Lancé depuis une quinzaine d’années dans l’animation et ayant été amené à rencontrer des non-croyants et à vivre avec eux de façon intensive, ma sensibilité s’est transformée et il me semble que, par moments, je perçois les religieuses à peu près de la même façon que ceux qui n’ont pas la foi en Jésus-Christ. Cela fait douze ans au moins que je répète que la première attitude à trouver par les personnes consacrées, c’est de vouloir être et parler exactement comme les autres. Le chrétien n’a pas à se différencier.

Pour la première fois – et ce depuis trois ou quatre ans – je connais une jeune religieuse capable de rencontrer le monde et d’en être. Elle fait l’unanimité : elle est enseignante et ses méthodes pédagogiques sont extrêmement ouvertes ; elle participe à la vie d’un foyer socio-culturel ; elle anime un infor-jeune ; elle vit la vie d’une Maison des Jeunes.

Elle parle simplement, ne prêche jamais, ne refuse aucun problème, ne semble être limitée par aucun tabou. Et elle rayonne une joie de vivre perceptible à tous dès l’instant où on la rencontre. Son engagement pose question et amène très souvent ses amis à lui poser des questions.

Cette façon de vivre et d’être toute joie est traduit souvent par ceux qui la connaissent comme la preuve vivante que la fraternité, la vie communautaire ne sont pas seulement une affaire pour l’au-delà, mais sont possibles dans l’aujourd’hui.

Ainsi, d’une façon renouvelée, cette religieuse témoigne-t-elle d’une vieille tradition des institutions religieuses, à savoir que l’humanité est destinée à devenir « communauté ».

Je terminerai en disant que la maison qui les abrite, elle et ses trois consœurs, est une maison ouverte, sans parloir froid, où le linge est mis à sécher à la vue de tous, et où l’on sait que l’on peut toujours aller pour rencontrer des personnes qui sont d’abord des femmes et pas d’abord des consacrées.

P. Ballieux

Présence

La religieuse ? Elle est, me semble-t-il, présence à Dieu dans le monde et présence de Dieu au monde. Plus qu’une somme de connaissances, mieux même que la prière, son union à Dieu est l’adhésion totale à sa volonté sur elle.

C’est peut-être sur leur relation à leurs frères que porteront les éventuels changements de vie des consacrés. Hier les couvents se tenaient à l’abri du « monde », à l’écart de tous ses remous. Demain il leur faudra peut-être vivre au milieu de ce monde qu’ils ont quitté mais qui a besoin de leur présence, de leur témoignage. Grâce à ces hommes, à ces femmes à lui consacrés, Dieu sera vraiment au milieu de son peuple. Peut-être aurons-nous des communautés plus vivantes, plus rayonnantes qui montreront Dieu, donneront envie à ceux qui ne le connaissent pas de l’approcher, d’en vivre. Il n’empêche que le monde aura toujours besoin de ces forteresses-oasis que représentent le Carmel, la Trappe et tous les ordres contemplatifs, qui pourront peut-être s’ouvrir davantage encore à ceux de leurs frères qui éprouvent le besoin de plus en plus fort d’un ressourcement, d’une rencontre intime avec Dieu dans la prière.

Une laïque, 49 ans

Leur signalement reste celui de Jésus-Christ

– On les disait « séparés », « détachés », je les vois « rattachés », refaisant les liens du monde avec l’Amour oublié.

– On les disait « appelés », « mis à part », je les vois « interpellés » en consentant, sans pactiser.

– On les voyait « différents », je les crois « autrement », spécialement voués à l’amour, en prophètes des Béatitudes à revaloriser.

– Avec ou sans croix, les consacrés sont des gens crucifiés.

– Avec ou sans voix, les consacrés sont des gens des rues.

– Avec ou sans santé, les consacrés sont des gens vivants, captivés de l’existence à faire reconnaître, passionnés du plus formidable de tous les amours.

L’aujourd’hui des pauvres crie que la foi des consacrés doit devenir plus croyable.

Leur signalement reste celui de Jésus-Christ ; par lui, avec lui et en lui, ils deviennent capables « d’ouvrir les yeux aux aveugles, de faire entendre les sourds, de donner voix aux muets et de se relever eux-mêmes de leur propre grabat ».

Une laïque

Ne pas vouloir se distinguer

Quelques réflexions sur ce que ma femme et moi-même pensons de la vie religieuse :

  1. Les religieuses devraient travailler à mi-temps pour qu’elles puissent consacrer autant de temps à leur vie intérieure qu’à leur présence dans le monde.
  2. La religieuse ne doit pas vouloir se distinguer des autres personnes (par exemple, par l’habit, les attitudes pieuses, en restant cloîtrée). Pour témoigner du Christ, elle doit prier, faire silence, se ressourcer comme tout chrétien. Elle doit aussivivre avec les hommes et les femmes d’aujourd’hui pour pouvoir mieux comprendre leurs problèmes et aspirations. La vie en communauté me semble indispensable pour partager ce que chaque religieuse a vécu dans son milieu de travail ou autre. Les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance me semblent dépassés et assez négatifs et pourraient facilement être remplacés par quelques Béatitudes combien plus exigeantes. Je pense également que la religieuse devrait s’intéresser davantage aux plus faibles, aux plus démunis. Les gens peu intéressants, vivant en marge de la société ont besoin plus que d’autres d’un peu d’espérance. Un aspect qui me paraît important, c’est la joie de vivre chez la religieuse, témoignant de cette façon d’un engagement vis-à-vis de Dieu, mais en toute liberté.

B. Vanderlinden

Des « mutants », ou ils ne sont pas

La vie religieuse : c’est l’émergence, ou l’approche, de ce que connaîtra demain l’homme libéré : « faire sans fin dans le temps ce que nous ferons sans fin dans l’éternité ». Aimer.

Sens très particulier donné à ce mot : gratuité. Geste gratuit, geste d’amour, miraculeusement payé en retour par l’absolu bonheur. Contemplation-adoration. Geste fondamental du religieux qui, ayant renoncé à tout, à tout ce qui est sensible, et d’abord à lui-même, accède à la lumière dans son geste d’offrande, et est aussitôt saisi, comblé.

Difficulté essentielle de ne rien attendre de l’amour, puisqu’il ne saurait y avoir de don total avec un esprit de contrepartie, difficulté qui ne peut être maîtrisée que dans le cadre d’un ordre religieux (sauf exceptions : les ermites du désert), d’où l’utilité de la règle.

Les religieux : ce sont des mutants, ou ils ne sont pas.

Tout ce qui est du « monde » dans son actuelle organisation matérialiste, utilitaire, égoïste, « échangiste », ne saurait les concerner, et cependant ils doivent être « dans le monde comme le poisson dans l’eau ». Ils sont le monde comme l’expression de sa plus haute aspiration et ils ne peuvent renier leur origine charnelle. Mais le contemplatif ne peut pas se mêler au monde sans altérer plus ou moins sa mission-vocation, qui est de rendre témoignage de la présence-puissance de Dieu dans l’homme, en brûlant.

Le monde est avide de cela : dépassement, ouverture vers Tailleurs ; et vaincre la mort, c’est-à-dire dépasser le stade organique transitoire pour accéder au stade spirituel, qui n’a ni commencement ni fin, selon la promesse du Christ : nous sommes fils de Dieu.

L’Église, demain : nécessité de l’œcuménisme. Dieu n’est pas la propriété de l’Église de Rome. Mais toutes les Églises sont ses filles.

Cesser de prêcher, de moraliser, de légiférer. Plus de « cléricalisme ». Plus de confusion entre la politique et la religion, ni de discrimination entre l’homme et la femme ; cependant, nécessité du prêtre en tant que modèle de l’union à Dieu.

Cesser de faire de la charité un vaste fourre-tout prétexte à bonne conscience. L’être consacré – religieux ou séculier – est nécessairement « charitable », ou bien il n’est pas, c’est un problème préliminaire à régler avant les vœux ou l’engagement, pas après.

Ensuite, montée vers la lumière et la joie dans un dépouillement progressif et alors, rendre témoignage (de Dieu), suprême charité, vocation unique du religieux contemplatif, sans qu’il soit nécessaire de se répandre dans le monde, car le monastère est comme une montagne qui brûle et qu’on voit de partout : Moïse au Sinaï, Jésus et le Père de Foucauld au désert ; Honorat et Eucher à Lérins.

Signe que l’être consacré a réussi dans sa mission : la joie.

Jean-Jacques Antier, journaliste

Le monde change fort

Notre jeunesse nous a habitués à une présence religieuse sous forme d’implantations nombreuses de communautés petites ou grandes quadrillant le pays et engagées dans des secteurs fort divers. L’image que l’on avait des religieux (ses) impliquait une certaine distanciation : ils étaient « autres » et, même si leur travail était souvent fort apprécié, une barrière de respect et peut-être aussi d’interdit devant un monde un peu clos et à la limite mystérieux, était présent. (Je parle au passé, mais le problème peut encore être actuel et dépend un peu de l’image que les religieux (ses) se font d’eux-mêmes).

Mais le monde change fort vite et l’univers de chrétienté existant depuis des siècles s’estompe fort rapidement. Il est remplacé par un monde sécularisé où les chrétiens ont à prendre leur place dans des implantations qui ne leur sont plus réservées et où le pluralisme sera de plus en plus réalité voire nécessité.

Cela m’amène à plusieurs réflexions quant à la vie religieuse aujourd’hui :

  1. Que des religieux et des religieuses émigrent de leurs couvents, de leurs écoles, de leurs hôpitaux et même de leurs monastères pour aller habiter seuls ou à quelques-uns dans les quartiers me semble un signe certain d’un désir de vivre plus près des hommes et des femmes d’aujourd’hui et de partager leur vie. Dans cette nouvelle circonstance de vie, ils sont souvent vite amenés à sentir que leur tâche n’est peut-être plus toujours d’apporter quelque chose mais bien de vivre avec les gens, de partager leur habitat et leur travail et d’y apporter un témoignage discret de chrétien et de religieux. Ils sont bien sûr également mêlés là aux problèmes de la cité, mais au lieu d’animer des institutions, ils partagent avec d’autres les joies et les soucis des hommes et leur lutte contre l’injustice.Cette nouvelle forme de vie n’est hélas pas comprise par tous ceux ou celles qui ont responsabilités de communautés ou de congrégations. Cela amène parfois à des dilemmes extrêmement pénibles où certain(e)s sont acculés par leurs supérieur(e)s à un choix entre la continuation de la vie qu’ils ont choisie et l’appartenance à leur Ordre. Espérons que de telles situations ne se produiront plus, car ce serait une non-compréhension grave de ce qu’est le monde d’aujourd’hui.
  2. Un engagement différent semble aussi devoir se présenter de plus en plus souvent : il s’agit de l’animation spirituelle de groupes où des chrétiens viennent ressourcer leur action dans la foi. Il est évident que des religieux (ses) peuvent avoir une tâche d’animation dans les communautés traditionnelles telles que les paroisses, mais ils peuvent aussi, et c’est de plus en plus souvent le cas, se trouver engagés dans de petits groupes de chrétiens qui cherchent une autre forme de rassemblement plus à leur mesure. Ainsi des communautés ouvrières, d’étudiants, des maisons communautaires autour desquelles gravite un petit groupe de chrétiens. C’est une tâche nouvelle et fondamentale, car elle va dans le sens de la recherche d’une Église pour demain, une Église dégagée de sa lourdeur institutionnelle et de certaines compromissions et qui soit porteuse de la vie concrète et des espoirs de nombreux chrétiens engagés dans le monde.
  3. Il faut aussi penser à ces personnes – et nous en connaissons – qui, sans avoir sans doute voulu jamais s’engager dans une vie religieuse explicite, se consacrent totalement, au moins pour un temps, à Dieu et aux hommes.

Un prêtre-ouvrier

Vivre le paradoxe de la vie évangélique

Une récente étude de presse faite avec mes étudiants nous a montré que, chez les journalistes les plus proches du peuple, ce qui paraît actuellement le trait le plus significatif du visage de la religieuse, tel qu’ils l’imaginent, est son appartenance à une organisation, sa soumission à une supérieure.

L’important, pour se défaire de ces caricatures, n’est pas de les combattre mais de les remplacer : en faisant voir positivement quelle est l’âme de la vie religieuse, quel en est le souffle, le dynamisme, qu’il soit manifeste que l’on vit avec joie au service des gens, non pas avec tension, au service de sa propre institution. Cela ne se peut que par témoignage de vie, non par raisonnement.

La vocation propre de la religieuse apostolique d’aujourd’hui n’est-elle pas, dans ce monde meurtri par tant de souffrances et tant de conflits, de vivre, d’une manière particulièrement expressive, le paradoxe fondamental de la vie évangélique tel que l’énonce Taizé par exemple : lutter avec un cœur pacifié, agir avec une âme de contemplatif, être attentif à tout le visible avec des yeux qui voient l’invisible, répondre aux besoins humains comme à des appels de Dieu ?

Aujourd’hui, si on prétend se libérer des tabous sexuels, on redoute plus que jamais le tabou de la mort ; n’est-ce pas une mission de la religieuse que d’assumer au nom de l’Évangile la vie humaine avec toutes ses dimensions, donc de porter témoignage sur l’éternel d’une façon qui fasse prendre autrement au sérieux tout le passager ?

En deux mots, pour conclure : l’avenir de la vie religieuse est moins dans des discussions sur ses structures que dans la découverte – toujours renouvelée dans et par la vie de chaque jour – du mystère de Jésus-Christ présent au cœur de toutes les valeurs et de tous les manques de l’humanité d’aujourd’hui. Être à la fois très à l’écoute de la parole de Dieu et très réaliste dans la charité pour aller où sont les vrais appels, les vrais besoins.

R. Guelluy, Louvain

Pleinement hommes et femmes

Ils devront toujours être des hommes et des femmes de Dieu, accordant à la prière et à la rencontre avec Dieu un temps largement convenable, quelles que soient leurs situations. Le style de prière pourra varier selon les personnes, selon les âges, mais on ne saurait concevoir de « vie consacrée » sans de longs moments consacrés à la prière : prière individuelle, prière collective.

Ils devront être pleinement hommes et pleinement femmes, réellement responsables d’eux-mêmes. Tout en étant très en lien avec l’autorité, ils n’attendront fias que tout vienne d’en-haut, ils sauront prendre des initiatives. Ils vivront certes dans l’obéissance, mais ce sera dans une obéissance active, la plus exigeante peut-être. Ils vivront dans la pauvreté, mais dans une pauvreté réaliste et non dans une pauvreté formaliste qui est souvent bien pratique pour se défiler : dans ce domaine, ils éviteront de se payer de mots : c’est tellement plus facile ! Enfin ils sauront vivre dans la chasteté, sans œillères, sans tension, en assumant pleinement leur sexualité, mais en acceptant aussi les sacrifices nécessaires.

Ils se mettront activement au service des autres (à moins qu’il ne s’agisse de cloîtrés), tout en étant pleinement respectueux de ceux dont ils partageront l’existence. Vivant dans le monde, ils l’aimeront tel qu’il est, sans complexe ni d’infériorité, ni de supériorité, en essayant de faire partager le meilleur d’eux-mêmes : leur foi et leur amour de Jésus-Christ. Ils se souviendront que l’Église, c’est eux, mais aussi les chrétiens qui vivent autour d’eux et qu’ils ont à recevoir autant qu’à donner.

Un prêtre en paroisse, 48 ans

Un signe radical

La vie religieuse se caractérise, selon nous, par sa valeur de signe radical à l’adresse tant des chrétiens que des non-chrétiens. Ce signe s’exprime dans les vœux de pauvreté évangélique, d’obéissance à l’Évangile et de chasteté.

Cette valeur de signe implique :

  1. Qu’on ne devient pas uniquement religieux(se) pour sa propre perfection mais aussi pour l’épanouissement chrétien de ses frères les hommes.
  2. Qu’il est à vivre dans des conditions qui rendent ce signe réellement significatif ou parlant pour autrui.Or dans le monde contemporain ce signe ne sera positivement perçu que si la vie consacrée ne signifie pas l’adoption d’un style de vie qui se réfugie hors du « profane » vers un « sacré » séparé des réalités humaines. En effet les valeurs prônant l’engagement sont actuellement dominantes, y inscrire le signe de la vie consacrée est donc fondamental pour rendre le signe visible. Cela implique aussi une perception des contradictions propres à notre société (les décalages économiques et sociaux).
  3. Tous les signes extérieurs pouvant donner l’impression d’un désengagement du monde nous semblent compromettre l’épanouissement réel de la vie religieuse. Il y a là sans doute une mutation importante mais déterminante à opérer. Cette mutation ne se vivra pas sans un certain déchirement.

Enfin, par sa radicalité, la vie religieuse a aussi une fonction critique tant vis-à-vis de l’institution ecclésiale que du monde lui-même dans lequel s’inscrit cette institution. François d’Assise percevait d’ailleurs très bien cette double fonction critique.

Les Prêtres responsables de la Paroisse Jésus-Travailleur, Bruxelles

Fraternité

Des hommes et des femmes vivant parmi les hommes et les femmes la vie de tous les jours, mais dans le choix de la pauvreté, de l’amour sans partage du célibat et dans la fraternité de petites communautés humbles, pauvres et fraternelles, ouvertes à tous ceux qui cherchent la bonté, la compréhension, le respect, le partage, l’amitié.

Des hommes et des femmes qui ne s’encombrent pas de structures, mais sont disponibles au souffle de l’Esprit dans le contact personnel de chacun, dans l’accueil de Jésus dans les frères de la petite communauté d’abord, dans l’accueil de tout homme venant partager l’amitié, la prière, la joie de la petite communauté, ensuite.

Des hommes et des femmes épris du Dieu vivant appelant chaque homme à rencontrer Jésus à travers des témoins vivant concrètement et ensemble de lui.

Jean Rabau, Curé

L’Esprit est actif

Pour moi, toute vie est « religieuse » dans ce sens que nous tous, en tant qu’êtres humains, nous donnons une réponse à Dieu. Une vie « bonne » est donc celle où toute action est posée dans l’active conscience de la présence vivante de Dieu. La vie est religieuse lorsque nous acceptons notre vocation de recevoir et de partager avec les autres l’amour de Dieu tel qu’il se manifeste dans la vie quotidienne. Dans une manière de parler plus particulière, la vie religieuse est le style de vie où entrent ceux qui désirent proclamer à la face du monde cette relation d’amour avec Dieu. Certains et certaines choisissent de vivre une vie qui prend part à l’œuvre de l’Église qui est d’aimer, de servir et de témoigner devant tous de ce même amour de Dieu.

Aujourd’hui, plus que par le passé, il est davantage possible de vivre une telle vie d’une manière féconde. Il y a plus de liberté à l’intérieur des structures de l’Église ; des occasions plus nombreuses et plus vastes d’aimer, de servir, de témoigner à notre époque. Aujourd’hui, la croissance de la foi est intensifiée par les discussions théologiques et surtout par une riche expérience de prière dont beaucoup sont gratifiés. L’Esprit est très actif à notre époque, ce même Esprit conduit beaucoup d’hommes à des expériences profondes de prière et à une perspective théologique plus riche, c’est ce qu’attestent tant de mouvements à l’intérieur de l’Église.

À ces expériences de prière, il faut ajouter une ouverture croissante au dialogue qui a permis à maints religieux d’approfondir leurs relations interpersonnelles. C’est pourquoi ils sont de plus en plus nombreux les religieux et religieuses qui prennent conscience, d’une manière nouvelle, de l’amour de Dieu pour eux se manifestant dans le concret de leur vie. Une telle expérience va de pair avec une nouvelle conviction de la valeur et de la bonté d’un chacun. Sûrs de leur valeur propre, ils apportent une nouvelle profondeur et de nouvelles capacités pour servir.

En conclusion, je dirai que l’avenir des religieux et religieuses est loin d’être pessimiste. Nous devons vivre dans la Résurrection du Seigneur. Nous sommes invités, en cette époque de l’histoire, à répondre à son amour par notre amour, notre service, notre témoignage. L’ouverture à l’Esprit de Jésus rendra les religieux du monde moderne capables de faire une expérience plus profonde de la prière, d’établir des relations interpersonnelles plus profondes et plus fructueuses et de servir plus grandement.

Rev. Merle F. Kollasch, Louvain

Comment est-ce possible ?

Tu as grandi au milieu de nous, avec tes parents, tes frères et tes sœurs. Tu nous a vus nous marier, avec cet autre qui a tant de prix à nos yeux. Tu étais si proche et présente quand nos enfants sont nés, quand aujourd’hui nous essayons de faire d’eux des hommes heureux.

Nous savons que cette vie t’attirait, toi aussi, et pourtant tu as choisi une autre voie, tout entière pour et avec le Seigneur. Peut-être est-ce bien peu compréhensible pour beaucoup d’entre nous, car combien de fois n’entendons-nous pas dire : « comment est-ce possible ? »

Et pourtant, maintenant que tu confirmes ton choix et te décides pour toujours, nous sommes heureux de découvrir l’assurance paisible de ta joie dans le Seigneur, alors qu’il y a tant de versatilité et de superficialité dans notre monde. Cela nous fait réfléchir au sens profond de ta vie.

Nous te sommes reconnaissants pour ta foi vivante en celui qui est notre Dieu. Aussi désirons-nous que l’Esprit te donne la force de continuer à être le témoin joyeux de son amour.

Paula, le jour de la profession de sa sœur

Mots-clés

Dans le même numéro