Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Éditorial

Léon Renwart, s.j.

N°1967-3 Mai 1967

| P. 129-130 |

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Les grilles du parloir ou leur suppression, les hauts murs qui ceinturent les monastères ou leur disparition, bref, le maintien, l’abandon ou la modification des diverses manières dont la vie cloîtrée a marqué, jusqu’à nos jours, sa séparation du monde, seront légitimement interprétés par nos contemporains comme le signe et le symbole de l’attitude que la vie consacrée adoptera en face du monde. Le problème qui se pose à tous les religieux – et non aux seules cloîtrées – est en effet celui-là : découvrir, grâce au renouveau suscité par Jean XXIII et le Concile, l’attitude que l’Église attend d’eux dans le dialogue avec un monde qui est à la fois celui pour le salut duquel le Père a donné son Fils et celui dont Jésus a stigmatisé la perversion. Cette ambiguïté du monde, où la bonté originelle de la création et le péché des hommes s’enchevêtrent plus étroitement encore que le bon grain et l’ivraie de la parabole, est un problème posé à tout chrétien. Face à lui, la vie religieuse a un rôle complémentaire de celui du laïcat : si la tâche propre de celui-ci est de vivre en plein milieu du siècle et d’y travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment jeté en pleine pâte (cf. Lumen gentium, 31), celle des religieux, « en vertu de leur état », est d’attester « d’une manière éclatante que le monde ne peut se transfigurer et être offert à Dieu en dehors de l’esprit des Béatitudes » (ibid.).

La forme concrète que monastères, couvents et maisons religieuses donneront demain à leur nécessaire séparation du monde (qui ne peut être ni paraître un isolement) sera sans doute le signe le plus parlant pour nos contemporains du témoignage que la vie religieuse doit apporter au monde qui est le nôtre. Il y va de la vitalité de l’Église et, par contrecoup, de la vitalité des institutions religieuses. « Il dépend pour une bonne part de nous que la vie contemplative canonique continue ou non à exister demain dans l’Église », notait très justement une moniale.

C’est pour aider à la recherche de ce difficile équilibre, qui doit être avant tout l’œuvre des moniales et des religieuses elles-mêmes (Ecclesiae sanctae, n. 31 et 32), que nous avons tenté de réaliser ce numéro, dont il ne nous reste plus qu’à présenter les diverses parties.

Nous sommes heureux de pouvoir l’ouvrir par le discours de S. S. Paul VI aux Camaldules romaines, texte où le Pape met bien en lumière la vocation apostolique de la vie contemplative et sa nécessaire ouverture sur la vie de l’Église d’aujourd’hui, nonobstant une clôture qui compte à bon droit parmi les plus strictes que connaisse encore l’Église.

Viennent ensuite deux études doctrinales. Dans l’une, le P. Lucien Marie de Saint-Joseph s’efforce de mettre en lumière le sens théologique de la clôture : celle-ci est essentiellement au service de la vie contemplative. Dans l’autre, le P. Tillmans, partant des caractères propres de la contemplation chrétienne, qui s’inscrit dans le mouvement d’« incarnation » inauguré par le Verbe fait chair, en dégage la dialectique de retrait du monde et de présence sélective au monde qui doit en marquer toutes les réalisations et se concrétiser dans la forme donnée à la clôture ; pour être adaptée, celle-ci devra se préciser par échelons, des orientations générales qui relèvent de l’Église universelle aux précisions ultimes qui concrétiseront dans tel milieu donné la spiritualité propre d’un Ordre déterminé.

Après cela, il convenait de donner la parole à celles qui ont l’expérience vécue de la clôture et de ses problèmes. Car seule l’application des principes (indispensables) aux situations réelles peut permettre un aggiornamento véritable. Agir autrement serait – que l’on nous permette cette comparaison familière – risquer de mettre la pièce à côté du trou. La Sœur Veling s’est chargée de cette information avec beaucoup de compétence (elle a pu bénéficier d’une enquête menée dans toute la branche féminine de l’Ordre bénédictin) et cette franchise ouverte et respectueuse que demande notre fidélité à l’Église d’aujourd’hui.

L’histoire et le droit canon ont, eux aussi, leur mot à dire, pour nous montrer, l’une, comment et dans quel climat l’institution de la clôture s’est développée (P. Dortel-Claudot), l’autre, quel est l’état actuel de la législation, les possibilités qu’elle ouvre déjà et les lignes dans lesquelles une recherche fructueuse pourrait s’orienter (P. de Bonhome).

Une brève bibliographie termine l’ensemble : outre un rôle d’information sur les tendances actuelles, elle vise à aider ceux et celles qui le souhaiteront à poursuivre leur recherche.

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