Chronique biblique
Sébastien Dehorter
N°2017-4 • Octobre 2017
| P. 49-68 |
Chronique - Écriture Sainte ChroniqueTributaire des envois des éditeurs, la chronique annuelle de Sébastien Dehorter, prêtre de l’Emmanuel qui achève sa thèse en études bibliques, veut faciliter l’accès aux études récentes, méthodiques et littérales aussi bien que spirituelles. L’actualité vive de l’Écriture inspirée nous est ainsi rendue tangible.
La lecture en ligne de l’article est en accès libre.
Pour pouvoir télécharger les fichiers pdf et ePub, merci de vous inscrire gratuitement en tant qu’utilisateur de notre site ou de vous connecter à votre profil.
Après avoir présenté les Actes du Colloque de l’ACFEB 2014 (I), nous parcourrons les publications consacrées à une séquence de l’AT (II) avant d’en venir à des ouvrages thématiques, marqués cette année par les questions anthropologiques (III). Ensuite, deux études portant sur la narration biblique (IV) introduiront au NT, où la littérature johannique est spécialement honorée (V). Enfin, nous épinglerons deux ouvrages pleins de finesse et de poésie pour conclure une chronique bien fournie (VI).
I. Ouverture : la notion de « peuple de Dieu » dans la Bible
Fr. Lestang, M.-H. Robert, PH. Abadie et M. Rastoin (dir.) « Vous serez mon peuple et je serai votre Dieu ». Réalisations et promesses
coll. Le Livre et le rouleau, 51, Namur, Lessius, 2016, 15,5 x 23,5 cm, 488 p., 47 €
● À l’occasion des 50 ans de Lumen Gentium, l’Association Catholique Francophone des Études Bibliques s’est rassemblée en septembre 2014 autour de la thématique du « peuple de Dieu ». L’ouvrage qui en publie l’ensemble des interventions (sans distinguer les conférences des ateliers) ressaisit le parcours en trois étapes : I. La notion de peuple de Dieu dans l’AT ; II. La notion de peuple de Dieu dans le NT ; III. La notion théologique de peuple de Dieu. Comme chacun sait, un colloque n’offre pas de synthèse, de sorte que chaque intervention se distingue non seulement par les passages bibliques considérés (en l’occurrence toute la Bible y passe, de Gn à 1 P) mais surtout par les questions posées et les types de lecture mis en œuvre. Dans ce va-et-vient que l’on espère fructueux entre exégèse et théologie, les dernières interventions gagneraient à être lues en premier, pour éveiller le questionnement du lecteur. Il lui est en effet rappelé que le choix conciliaire de parler de l’Église comme « peuple de Dieu » (cf. LG, chap. 2) a permis à cette dernière, d’une part, de ne plus se percevoir uniquement comme une « contre-société » mais plutôt comme un corps en marche dans l’histoire et de souligner la continuité avec l’AT et, d’autre part, de dialoguer avec les autres peuples et croyants pour réfléchir à leur place dans le plan du salut. Mais, comme le notent avec pertinence M. Rastoin et A. Guggenheim, « l’Église ne fait pas nombre avec les peuples de la terre » (p. 429) et « ce n’est pas l’Église que les Écritures désignent littéralement par ce syntagme ». Ainsi, « peuple de Dieu » ne peut être dit de l’Église qu’à condition de prendre en compte sa nature sacramentelle et eschatologique (p. 429). Plus précisément, la réflexion ne peut avancer que si l’on accepte de lire les textes bibliques « “selon l’analogie de la foi”, c’est-à-dire selon une certaine proportion et ressemblance entre ce que nous croyons du dessein de Dieu sur l’humanité, sur Israël et sur l’Église, en raison de l’unité des Écritures dans le Christ et de la tradition vivante de l’Église » (p. 447). En réalité, « “le peuple” de Dieu est l’humanité entière selon la protologie et l’eschatologie ; Israël, selon l’élection [...] ; et, dans le Christ, l’Église comme “sacrement de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain” (LG, 1) et “sacrement universel de salut” (LG, 48) » (p. 442).
Ceci dit, des tensions demeurent : qu’il s’agisse du rapport d’Israël à sa terre, de l’histoire à l’eschatologie, de la signification théologique de la pérennité d’Israël et de sa mission, coextensive à celle de l’Église. C’est dans cette perspective et ces questionnements que les 25 contributions de ce volume auront à trouver leur place. Le parcours proposé invite à réfléchir dans un premier temps sur « Israël et ses problèmes d’identité » (J.-L. Ska) tel qu’on peut le contextualiser historiquement et le déchiffrer textuellement. Ensuite, en abordant le NT, c’est une étude philologique des usages de « peuple » et « nation » (Ch. Grappe) qui dessine l’agenda des enquêtes successives. Celles-ci mettent en lumière la manière dont la première génération chrétienne, en relayant la prédication de Jésus, centrée sur le Royaume, par celle de son mystère pascal, s’est agrégée progressivement un groupe social d’un genre qu’il faut bien qualifier de « nouveau ».
II. L’AT : du Pentateuque à Ben Sira
J.-L. Ska Le chantier du Pentateuque
coll. Le livre et le rouleau, 49, Namur, Lessius, 2016, 14,5 x 20,5 cm, 360 p., 25 €
● Si depuis l’abandon de la « théorie documentaire », le Pentateuque est devenu un « chantier ouvert », il n’en demeure pas moins un texte polyphonique dont il est possible de faire apprécier les contre-points et autres variations. C’est en tout cas la manière dont J.-L. Ska perçoit la mission de l’exégèse scientifique (p. 12) en introduction de ce recueil d’articles parus au cours des quinze dernières années. Sa lecture permet, si besoin était, de prendre conscience des difficultés du texte biblique soulevées par la critique historique, avant de recevoir quelques principes de solution. L’ouvrage est construit en deux parties. Tout d’abord, une série d’études textuelles affronte la question de la composition de Gn 1-11 (en dégageant le texte sacerdotal du reste) puis celle, plus spécifique, de Gn 2-3 et de son articulation avec Gn 1 ; elle s’interroge en outre sur la place des généalogies dans l’ensemble de la Genèse avant d’aborder les questions fondamentales du livre de l’Exode. Deux enjeux d’interprétation sont également étudiés, celui de la dignité de la personne humaine, et celui, fondamental, de la distinction entre droit et Loi. Quant à la seconde partie, elle traite d’« aspects littéraires et théologiques » à l’échelle de l’ensemble du Pentateuque. Après une méditation sur les figures d’Abraham et de Moïse, « amis de Dieu », c’est surtout de l’héritage de Moïse dont il est question, à savoir du livre de la Loi et de son origine, des sacrifices et du commandement de l’amour. À la jointure de ces deux ensembles, l’énoncé de « Cinq principes pour lire l’AT » pourra être médité avec profit tant par le lecteur averti que par l’étudiant.
A. Nouis Jacob et ses fils
Tharaux, Empreinte - Temps présent, 2016, 11 x 18 cm, 104 p., 9,80 €
● Avec Jacob et ses fils, A. Nouis, conseiller théologique du journal Réforme, poursuit une série de brèves « Figures Bibliques », commencée avec Adam, Noé et Abraham. Le sous-titre indique la perspective dans laquelle seront parcourues à grandes enjambées les histoires de Jacob et de Joseph : à distance de « l’utopie qui cherche à éradiquer le mal dans une quête de pureté dangereuse, l’alliance prend en compte le caractère ambigu et partagé de nos existences » (p. 10). Au terme de chaque épisode, relu sans pouvoir en épouser toutes les subtilités, l’A. épingle deux thématiques éthiques ou spirituelle, telles que « L’échelle comme baptême », « Tamar la combattante » ou encore « Mortelle jalousie ».
J.- D. Macchi Le livre d’Esther coll. Commentaire de l’Ancien Testament, XIVe
Genève, Labor et Fides, 2016, 17,5 x 24 cm, 592 p., 49 €
● Assez méconnu des milieux chrétiens, le livre d’Esther est un véritable best-seller pour les juifs, lu chaque année à l’occasion de la fête carnavalesque de Pourim dont il raconte l’origine (Est 9,28). J.-D. Macchi, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Genève, en offre un imposant commentaire scientifique. La longue introduction traverse les portes d’entrée classiques de présentation d’un texte biblique : établissement du texte, contexte historique et intellectuel de production, caractéristiques littéraires et thématiques, canonisation et réception. Le choix textuel est rendu délicat du fait des trois grands témoins forts différents dont on dispose. D’une part, le texte massorétique (TM) expose la « narration commune » ; de l’autre, le texte grec de la LXX et un autre texte grec minoritaire (TA) ajoutent à cette narration commune six « additions » significatives ; enfin, si la narration commune du TM et celle de la LXX sont similaires, celle du TA, plus brève, témoigne probablement d’un proto-Esther hébreu prémassorétique. L’A. fait le choix de baser son commentaire sur le TM (tradition protestante), en présentant plus brièvement les « additions » en fin d’ouvrage (p. 513-544). Le texte est découpé en seize séquences où l’A. fait suivre sa « traduction » de « notes textuelles et remarques de traduction » puis du « commentaire » proprement dit, ce dernier visant à « expliquer à la fois la logique interne de l’œuvre, comment les différents motifs y sont agencés et y fonctionnent, et sa signification dans le contexte historique dans lequel il a été produit » (p. 148). Nous avons là un guide fiable, extrêmement précis et documenté dont l’objectif est celui d’établir avec rigueur le sens littéral du texte.
L. Morard Prophètes d’hier pour aujourd’hui. Regards sur les prophètes bibliques
Chouzé-sur-Loire, Saint-Léger éd., 2016, 14 x 19,5 cm, 240 p., 17 €
● Quittant les Livres historiques, nous en arrivons aux Prophètes grâce au livre de Sœur Loyse Morard. Son objectif est de montrer comment le large courant de la foi judéo-chrétienne a été initié par des hommes qui, en se laissant travailler par les « souvenirs » du passé d’Israël, les ont transmis en les remodelant et les interprétant. Il invite par-là même à en poursuivre l’effort, de sorte que les Prophètes d’hier le soient encore pour aujourd’hui (p. 7-9). Certes, la recherche récente sur le prophétisme biblique s’attache moins à la figure historique ou légendaire de ces hommes (approche chère au romantisme) qu’aux écrits qu’ils ont laissés, œuvres de plusieurs mains anonymes. Mais il n’en demeure pas moins vrai que la présence dans la Bible de livres portant un nom d’auteur (les prophètes écrivains) permet de ne pas détacher ces textes de personnes dont la vie a eu valeur de témoignage. C’est à la rencontre des plus grands parmi eux que nous sommes conviés : Moïse et Élie, les prophètes du VIIIe s. (Amos, Osée, Isaïe 1-39) puis ceux de l’exil (Jérémie et Ezéchiel), avant que ne se dresse un « prophète d’espérance pour un monde désespéré » (Is 40-55) et que n’éclate la consolation à l’aube d’un monde nouveau. En bref, une méditation vigoureuse, enracinée dans la lettre et bien informée, qui conduira le lecteur attentif à la rencontre du Dieu vivant.
B. Standaert Le désir désiré. Commentaire sur le Cantique des cantiques
Paris, Salvator, 2016, 14 x 21 cm, 308 p., 22,50 €
● Tout moine se doit d’écrire son commentaire sur le Cantique des Cantiques. Celui de B. Standaert a été composé en deux fois, d’abord comme un journal lors d’un séjour en ermitage (1999), ensuite comme un essai, au cours du printemps 2015. En général, les deux textes sont simplement juxtaposés, le signe [2015] indiquant le passage aux notes les plus récentes. Nourri à la tradition monastique de la lectio divina, dont toute la science se résume en des questions simples « Qui parle ? », « À qui s’adresse-t-on ? » et fin connaisseur de la tradition juive avec ses quatre niveaux de lecture dont il fait un usage « lucidement sauvage », l’A. offre ici un ouvrage savoureux. Il le qualifie volontiers « d’exercice du beau désir » (p. 303), qui n’a d’autre souci que de « repérer le désir, de le tenir ouvert, de l’éveiller toujours davantage » (p. 12). C’est donc pas à pas que le texte est recopié et commenté mais sans en perdre la progression rhétorique et dramatique. Un livre empreint de gratitude et d’émerveillement face à l’Amour que le Cantique met en scène et célèbre avec passion.
J.-L. Vesco Psaumes. Dieu de miséricorde célébré par des hymnes et des supplications
Marseille, La Thune, 2016, 14 x 21 cm, 152 p., 18 €
● Auteur de quatre précieux volumes sur le Psautier [1], J.-L. Vesco réédite, à l’occasion du Jubilé de la Miséricorde, un ensemble de six articles (parus entre 1975 et 2014) auxquels il ajoute une étude liminaire inédite. Le titre du recueil ressaisit la perspective développée dans les deux premiers chapitres : l’ouvrage s’ouvre, en effet, avec une enquête approfondie sur les termes hébraïques pouvant correspondre à l’attribut de miséricorde avant que ne soient explorées les deux structures essentielles de la prière biblique, l’hymne et la supplication. Viennent alors quatre études particulières : Ps 42-43 où le croyant est soumis à la dérision ; les Psaumes des montées qui retracent l’itinéraire allant d’un monde hostile et violent au Dieu de miséricorde ; Ps 131, témoignage d’humilité et de confiance ; Ps 4 en écho aux promesses de bonheur qui traversent le Livre des louanges d’Israël. En conclusion, la retranscription d’une conférence de 2006 dans laquelle l’A. présente la spécificité de sa longue recherche, celle d’une lecture canonique où « le livre devient principe de lecture et d’interprétation en situant le texte dans un contexte qui contribue à lui donner sens » (p. 131). Si la tradition monastique conseille d’avoir toujours un psaume sur l’ouvrage, ce petit recueil relancera avec bonheur l’opus laudationis.
P. Poucouta Ben Sira, un sage pour notre temps ? Une lecture de Siracide 7
Paris, L’Harmattan, 2017, 13,5 x 21,5 cm, 294 p., 29 €
● La réception et de la transmission de la Parole de Dieu ainsi que le choix des moyens de cette communication est l’un des nombreux défis posés aujourd’hui à l’Église d’Afrique. Plutôt que de l’affronter de manière générale, le père P. Poucouta, professeur d’Écriture Sainte à la Faculté de théologie de l’Institut Catholique de Yaoundé, en fait le point d’aboutissement d’une étude consacrée à un passage peu remarqué des écrits de sagesse, le chapitre 7 du Siracide. L’étude procède en deux temps. Le premier est un travail classique d’exégèse (établissement du texte, message théologique, écoute de sa réception, p. 12-176). Le second temps (p. 177-257) est plus original. Remarquant que Ben Sira, confronté à la progression de l’hellénisme, avait voulu « réaffirmer la force et l’intérêt du patrimoine sapientiel et religieux d’Israël » (p. 239), l’A. entend poursuivre ce même travail, en « convoquant le sage juif, mais aussi la sagesse du continent [...] relue à la lumière de Jésus le sage de Dieu et d’Africae Munus » (p. 240). De manière plus précise, il s’intéresse à la culture woyo (sud de la RDC, enclave du Cabinda et sud du Congo Brazzaville) et à ses pictographies qui, gravées sur des couvercles culinaires (matampa), transmettent des symboles proverbiaux. En parcourant un certain nombre de ces matampa, photos à l’appui, l’A. montre les affinités thématiques avec le contenu de Si 7, autour de trois domaines, la famille, l’espace public et la solidarité. Ainsi, ces ressources de communication traditionnelles pourraient-elles servir de support à une pastorale sapientielle selon l’invitation même d’Ecclesia in Africa, 123. C’est la question qui demeure sous-jacente aux nombreuses réflexions amorcées ensuite par l’A. jusque dans sa conclusion [2].
III. Approches thématiques et anthropologiques
M. Balmary et S. Legastelois Ouvrir le Livre. Une lecture étonnée de la Bible
Paris, Albin Michel, 2016, 12,5 x 19 cm, 256 p., 18,90 €
● Aujourd’hui encore, la Bible est pour beaucoup de ses lecteurs un livre scellé, illisible, inaudible, vite refermé. Pourtant, dès que l’on parvient à en faire sauter les verrous, elle acquiert une étonnante capacité de transformation et – pourquoi pas ? – prend place à côté des outils de développement personnel. Convaincue de longue date de son pouvoir révélant, M. Balmary, psychanalyste et familière des Écritures, entreprit un sorte de voyage avec l’une de ses nièces pour lui en faciliter l’accès. Ce voyage prit souvent la forme d’une recherche de la Bible elle-même, tant il est vrai que son texte disparaît trop souvent derrière les traductions incertaines ou se trouve embrouillé par les préjugés du lecteur. Il ressort de ces rencontres un ouvrage tout naturellement intitulé Ouvrir le Livre, dont le ton alerte et familier est celui d’un carnet de route tenu par S. Legastelois, avec ses rencontres et ses découvertes, ses paysages et ses confidences. C’est par une attention aux mots, aux étymologies et à la phraséologie du texte, couplée d’un sens aigu de la parole et du langage ainsi que des dynamiques interpersonnelles, que sont ouverts de nouveaux horizons en matière de relation homme-femme, de désir, de faute et de culpabilité, d’image de Dieu et de compréhension du bonheur.
P. Gilbert Ce que dit la Bible sur... Le péché
coll. Ce que dit la Bible sur..., 27, Bruyères-le-Châtel, Nouvelle Cité, 2017, 11,5 x 18 cm, 128 p., 13 €
● C’est également en vue de faciliter l’accès à la Bible qu’a été créée la collection « Ce que dit la Bible sur... » dont chaque numéro offre une large traversée des Écritures en fonction d’un thème précis. Pour parler du Péché, le Père P. Gibert commence de manière très judicieuse par citer quelques versets de psaumes, le Psautier étant un « livre premier », au sens où il met à disposition un langage dans lequel nous pouvons nous retrouver en le faisant nôtre (p. 11). Ainsi, quoiqu’on en dise, le « péché reste le péché » (p. 124), une « réalité humaine dont la Bible se saisit largement pour nous la dire, mais surtout pour nous l’enseigner et nous en guérir » (p. 6). Dès l’origine, il apparaît comme « une clé de l’histoire » (chap. 5) avec laquelle, on relit les Prophètes et la Sagesse pour en arriver au Christ. Ultimement, c’est bien à « sortir du péché » (chap. 9) et au « choix du pardon » (chap. 12) que nous conduit cette nouvelle conversation biblique.
D. Janthial Devenir enfin soi-même. À la suite des grands hommes du Premier Testament
Paris, Éd. de l’Emmanuel, 2017, 13 x 18,5 cm, 176 p., 14 €
● Avec Devenir enfin soi-même, D. Janthial, professeur à l’I.É.T. (Bruxelles) et curé de la paroisse universitaire de Louvain-la-Neuve, offre un parcours biblique à la frontière de l’humain et du spirituel qui se veut une lecture transformante de l’Écriture. Car le « soi-même » du titre n’est pas une injonction autocentrée mais ne peut se comprendre qu’en relation avec Dieu, en et par Jésus-Christ. À la suite de sept grands hommes du Premier Testament, il « invite à effectuer l’exode intérieur qui fera passer de l’“être comme” à l’“être pour” et du faux ego au vrai moi » (4e de couverture). Le format modeste de l’ouvrage ne doit pas tromper : c’est un enseignement largement éprouvé qui est ici distillé, dans une écriture limpide et précise, fruit d’un long cheminement dans les pages de la Bible, de lectures universitaires stimulantes et de rencontres pastorales multiples. Dans le contexte contemporain où le rejet des modèles identitaires classiques conduit le plus souvent soit à « l’insoutenable légèreté de l’être » où l’engagement n’a plus de place, soit à de nouveaux conformismes où le contrôle social s’est mondialisé, ces pages intelligentes rappellent, dans un langage accessible, l’alternative libératoire de la filiation adoptive. Une invitation urgente au dialogue et à l’accueil de la Parole de Dieu.
A. Wénin (dir.), C. Lanoir et al. Le salut vient des femmes. Figures bibliques
coll. Trajectoires, 29, Namur, Lumen Vitae, 2017, 13,5 x 19,5 cm, 128 p., 16 €
● Elles sont nombreuses, enfin, à se presser aux portes de ce livre, ces femmes de la Bible par qui le salut est advenu, que ce soit dans « les coulisses du récit » (chap. 2), sur le devant de la scène (chap. 3) ou dans l’entourage de Jésus (chap. 4) : Aksa, la fille de Jephté, la concubine du lévite et les deux Tamar ; Rebecca, Ruth et Judith ; Marie de Magdala et Marie mère de Jésus, la Samaritaine et l’oubliée de Béthanie sans compter toutes les anonymes, depuis les sages-femmes de l’Exode à – qui sait ? – l’autre moitié de Cléophas, pèlerin d’Emmaüs. En regroupant les quatre conférences d’un cycle organisé en 2016 à la Faculté de théologie de l’Université Catholique de Louvain, cet ouvrage invite heureusement « à relire la Bible [et] à se plonger dans la complexité humaine qu’elle met en scène » (p. 7). Reconnaître que la Bible est issue d’un monde patriarcal est conforme à la compréhension chrétienne de la Révélation dès lors que celle-ci « s’est formulée en passant par le plus humain de l’humanité » (p. 25). Mais les lectures ici présentées montrent que « la Bible est importante pour les écarts qu’elle propose dans le monde dont elle est tributaire ». Aussi est-elle « à même d’enseigner “l’art bienfaisant d’honorer la complexité des choses” pour apprendre à vivre avec confiance la relation entre femme et homme » (p. 10).
IV. Deux études sur l’art biblique de raconter
J. Descreux (dir.) « Confiance, c’est moi ! ». Fiabilité et non-fiabilité des narrateurs bibliques, Actes du symposium du RRENAB, Lyon, 14-16 juin 2013
Lyon, Profac, 2016, 15 x 21 cm, 132 p., 13 €
● Le Réseau de Recherche en Narratologie et Bible (RRENAB) publie à intervalle régulier le fruit de ses rencontres de travail. En s’interrogeant sur la fiabilité du narrateur biblique, notion introduite par le critique littéraire W. Booth et liée à l’apparition du roman réaliste, le symposium de Lyon en 2013, a touché sans doute une limite de l’application de certains outils narratologiques à la Bible (p. 7.11-12), tant il est vrai que le narrateur biblique est fiable par convention. La notion de fiabilité se révèle néanmoins intéressante dans le cadre de récits enchâssés racontés en première personne, ainsi que pour réfléchir au processus de construction du narrateur et de la confiance qu’on lui accorde – même si l’on glisse à ce moment-là vers la notion rhétorique de crédibilité (p. 5). Des quatre communications qui composent ce recueil, la première fait état de la recherche littéraire sur la notion de fiabilité. Viennent alors deux études bibliques : l’une sur le livre d’Amos où les quelques versets narratifs du livre (Am 7,10-17) sont lus comme une « réflexion sur ce qui constitue les critères de fiabilité d’un écrit prophétiques » (p. 60) ; l’autre, sur la Préface de Lc et la Postface de Jn : deux manières de construire un narrateur crédible. Enfin, une relecture de l’Ombre du Galiléen (G. Theissen, 1988) étend la notion littéraire de fiabilité vers le champ de l’historicité des évangiles.
J.-N. Aletti Jésus. Une vie à raconter. Essai sur le genre littéraire des évangiles de Matthieu, de Marc et de Luc
coll. Le Livre et le rouleau, 50, Namur, Lessius, 2016, 14,5 x 20,5 cm, 160 p., 15 €
● J.-N. Aletti offre quant à lui un essai stimulant sur le genre littéraire des évangiles (Mc, Mt et Lc). S’il est admis par la plupart des chercheurs que les évangiles sont des biographies (bioi) populaires, influencées par l’AT dans leur contenu et formulations stylistiques (p. 41), une difficulté majeure devait être rencontrée pour rendre raison de l’utilisation de ce modèle, à savoir que le genre des bioi ne s’appliquait qu’à des gens illustres, reconnus comme tels. Ainsi, l’apport décisif et original ici proposé porte précisément sur la place de la reconnaissance (anagnôrisis) dans les récits synoptiques et la manière dont elle reconfigure le genre biographique. Une fois que celle-ci est élucidée (en remarquant que le modèle littéraire utilisé dans le récit de la Passion de Mc est celui de l’innocent souffrant persécuté), il devient plus aisé de rendre compte de l’écriture de l’ensemble de l’évangile, de Mc, d’abord, et de Mt, ensuite, qui suit sensiblement le même modèle (chap. 2 et 3). Quant à Lc (chap. 4 et 5), la relecture de sa Passion en clé de reconnaissance met en valeur le recours à la « typologie prophétique ». En bref, un essai écrit avec conviction, où l’A. rappelle vigoureusement (cf. p. 55, 78, 105, 131) qu’en raison même de leur nature, les textes évangéliques doivent être étudiés en donnant priorité à l’analyse littéraire sur la recherche historique : « utiliser historiquement les données sans voir qu’elles appartiennent à des modèles littéraires et sémantiques est méthodologiquement erroné et non sans risque » (p. 131).
V. Le NT : des Synoptiques aux Apocryphes
J. Legrez Figures spirituelles chez saint Luc
Paris, Artège, 2016, 11 x 17 cm, 240 p., 15,90 €
● En publiant Figures spirituelles chez saint Luc, Mgr J. Legrez n’a d’autre ambition que d’aider ses lecteurs à lire ou relire l’entièreté de l’Évangile. L’expérience de la lecture spirituelle de la Parole de Dieu étant fondamentalement celle d’une rencontre, c’est par ce biais que l’A. nous y introduit, portraiturant tour à tour aussi bien Marie, Joseph, Jean-Baptiste ou Simon Pierre que les pharisiens et les publicains, le démon et ses collaborateurs. L’originalité de ces méditations évangéliques est de ne pas proposer la lecture suivie d’une péricope mais plutôt d’offrir des portraits sur la base de l’Évangile pris dans son ensemble et lu à la lumière de la grande Tradition de l’Église, des Pères au Magistère récent, en passant par des auteurs singuliers, tels que Lacordaire, Péguy ou Bernanos.
A. F. Ambrosio Une lutte sans merci. Actualité des paraboles
Tharaux, Empreinte - Temps présent, 2016, 14 x 21 cm, 144 p., 14,90 €
● Pour A. Ambrosio, dominicain spécialiste de l’histoire du soufisme ottoman, la vie chrétienne est une « lutte sans merci », Una lotta continua pour reprendre le titre original emprunté au nom d’un groupe révolutionnaire de la gauche italienne. Il s’agit donc de combattre le « bon combat » pour se maintenir dans le sillage du Christ et, pour cela, ne pas perdre l’étonnement face à la nouveauté de sa Résurrection. Tel est le message principal qui ressort de ces libres méditations sur neuf paraboles évangéliques, à mi-chemin entre spiritualité et théologie biblique. Le genre parabolique se prêtait sans doute le mieux à ce type de lecture où l’expérience de la vie, les réflexions d’anthropologie culturelle chères à l’A. ainsi qu’une longue fréquentation de l’islam soufi compénètrent le texte évangélique. Loin d’être noyé ou relativisé, celui-ci garde au contraire sa propriété essentielle d’être « un agent de stupeur » (p. 130). Alerte et roboratif.
J. Zumstein La mémoire revisitée. Études Johanniques
coll. Le monde de la Bible, 71, Genève, Labor et Fides, 2017, 14 x 22,5 cm, 552 p., 32 €
● En publiant un recueil de vingt-cinq articles consacrés au quatrième évangile, J. Zumstein offre un précieux complément à son commentaire en deux volumes [3] puisqu’il y expose ses choix méthodologiques et herméneutiques élaborés au fils des ans. La « mémoire » dont il est question dans le titre de l’ouvrage n’est cependant pas celle de son auteur exégète mais celle de la communauté johannique. La mise en récit et la dramatisation de cette mémoire est en effet l’orientation centrale qui éclaire les questionnements herméneutiques et théologiques de ce recueil, sous ses deux versants : comment le corpus johannique (Jn et 1, 2, 3 Jn) fait-il mémoire de Jésus ? comment revisite-t-il la mémoire des premiers croyants ? Pour l’A. de ce recueil, en effet, l’histoire du christianisme johannique peut être approchée comme une série de relectures successives (p. 30). Cette relecture nécessite mémoire et perpétuel renouvellement ; elle est en outre liée à l’Écriture qu’elle interprète tout en recevant d’elle sa structure fondamentale (phénomène d’intertextualité) (p. 59-60). Finalement, plus qu’aucun autre auteur néotestamentaire, Jn a réfléchi au problème posé par l’historicité de la révélation christologique : s’il est vrai que dans la personne historique de Jésus, Dieu se révèle de façon ultime, qu’en est-il de l’avenir de cette révélation une fois que le Révélateur a pris congé des siens ? (p. 485). L’étude de la « dynamique du souvenir » donne à penser que l’histoire advenue du Christ incarné et crucifié est devenue une histoire fondatrice, histoire qui conduit à la naissance du récit johannique et où le Paraclet a mission d’être acteur et herméneute du souvenir, en ne proclamant rien d’autre que la parole de Jésus mais en la proclamant d’une manière entièrement nouvelle (p. 497-498).
J.-M. Vercruysse (dir.) La Résurrection de Lazare
coll. Graphè, 26, Arras, Artois Presses Université, 2017, 16 x 24 cm, 244 p., 18 €
● Le 26e numéro de la collection Graphè est consacré à l’épisode johannique de la Résurrection de Lazare et au devenir du texte dans ses relectures littéraires et artistiques. Selon une formule éprouvée, une double présentation exégétique est suivie d’un parcours chronologique de sa réception. J.-M. Vercruysse souligne dans sa Préface que celle-ci s’est développée en deux temps. À la lecture ecclésiale dont témoignent les Pères et les antiques représentations, centrée sur le Christ, « succède une autre lecture qui s’affranchit de la dimension religieuse et replace le personnage de Lazare au centre de l’interprétation » (p. 13). Il faut dire que les silences du personnage et du texte quant à l’expérience du tombeau, à la célébration de ses retrouvailles et à son devenir, prêtaient le flanc à un investissement imaginaire multiforme. Et c’est ainsi qu’en incarnant « l’existence tragique de l’homme face à sa finitude », se sont levés « des avatars de Lazare qui regrettent leur retour à la vie » (idem).
Y.-M. Blanchard Voici l’homme. Éléments d’anthropologie johannique
coll. Théologie Biblique, Paris, Artège / Lethielleux, 2016, 13,5 x 21,5 cm, 184 p., 22 €
● En publiant ces Éléments d’anthropologie johannique, Y.-M. Blanchard complète sa lecture ecclésiologique de Jn publiée en 2013 [4]. L’approche y est résolument sémantique. Elle s’organise autour de paires de mots (esprit-chair, lumière ténèbres, justice-péché, voir-croire, etc.), qu’il ne faut cependant pas lire comme des oppositions dialectiques mais comme « un moyen pédagogique pour mieux cerner, sans prétendre fixer de façon définitive, les contours mouvants de notions inséparables » (p. 9). Les différents chapitres du livre constituent ainsi autant d’occasions de parcourir en intégralité Jn et 1 Jn tout en dessinant progressivement les lignes de forces anthropologiques que l’A. ressaisit dans sa conclusion. Du jugement négatif posé par Jésus au sujet de l’« homme » (2,25) à l’avènement de sa signification nouvelle, redéfinie à l’aune du comportement de Jésus lui-même à l’heure de sa Passion (Ecce homo, 19,5), il faudra bien tout le récit évangélique, parcouru à maintes reprises, pour que ce nouveau visage d’humanité devienne ultimement celui du disciple-lecteur. Telle est assurément la promesse de ce livre dont la lecture reste cependant exigeante, tant par l’approche sémantique proposée que par la multiplication des références scripturaires et des termes grecs dans le corps du texte.
A. Spatafora Langage symbolique et Apocalypse
coll. Le livre et le rouleau, 52, Namur, Lessius, 2016, 14,5 x 20,5 cm, 192 p. 19,50 €
● Pour en finir avec la littérature johannique, présentons l’ouvrage du père A. Spatafora, professeur à la Faculté de théologie de l’Université Saint Paul à Ottawa, dont l’objectif est de nous aider à mieux décrypter les symboles de l’Apocalypse pour accéder au sens théologique du livre. Le genre apocalyptique en effet est une littérature de révélation qui, dans un cadre narratif, dévoile au moyen d’images et de symboles, une réalité transcendante, aussi bien sur le plan temporel que spatial (p. 38). Aussi, la première étape (chap. 1) est celle d’une réflexion sur le langage en général, puis sur les symboles et le langage symbolique. Un des points d’insistance de l’A. est que les symboles de l’Ap ne peuvent être adéquatement déchiffrés qu’en prenant en compte non seulement la signification des symboles en eux-mêmes (leur réalité matérielle ou leurs usages traditionnels) mais encore la manière dont l’Ap les retravaille par le cadre narratif dans lequel elle les insère et leur combinaison avec d’autres symboles. De plus, pour accéder au « langage symbolique », il faut encore tenir compte des divers tropes qui recourent à ces symboles : métaphores, comparaison, allégorie, etc. C’est sur cette base théorique que les principaux symboles sont ensuite explorés dans les chapitres suivants (chap. 2-5) et regroupés autour de quatre thématiques théologiques : symboles de Dieu, du Christ, du mal et de l’Église.
D. Marguerat (éd.) La lettre à Philémon et l’ecclésiologie paulinienne
coll. Colloquium Oecumenicum Paulinum, 22, Louvain, Peeters, 2016, 17 x 24 cm, 220 p., 68 €
● C’est au très court billet adressé par Paul à Philémon (335 mots) qu’a été consacrée la 23e session (2014) du prestigieux Colloquium Oecumenicum Paulinum dont les assises se tiennent à l’ombre de l’abbaye romaine de Saint-Paul-hors-lesmurs. Il est revenu à D. Marguerat d’en présider les rencontres et d’en éditer les contributions. Celles-ci, retranscrites dans leur langue de communication (anglaise, allemande ou française) bénéficient ainsi d’une introduction en français et d’un résumé en anglais. Quant au titre du volume, il indique la perspective adoptée, à savoir examiner la gestion du cas « Onésime » comme « un cas exemplaire, un test case, de l’ecclésiologie paulinienne » (p. 11). Par suite, les neuf contributions ici rassemblées forment une progression en cinq étapes. Il s’agit premièrement de présenter les reconstitutions possibles de l’histoire derrière le texte ainsi que de l’intention de l’écrit, non sans en avoir parcouru le mouvement rhétorique. Viennent alors deux explorations sociohistoriques du texte, l’une sur le statut socio-économique de Philémon, l’autre sur le statut de l’esclave au Ier siècle. En troisième lieu, surgit la question d’interpréter ce qui reste implicite dans l’argumentation de l’apôtre au moyen d’autres passages des lettres – à la lumière de 1 Co 7,20 ou plutôt à partir de Ga 3,28 ? Quatrièmement et plus généralement, les deux contributions suivantes cherchent à inscrire Phm dans le cadre de la théologie paulinienne, soit à partir de la notion de communion, soit en considérant le billet comme une concrétisation éthique de la théologie de la justification paulinienne. Quant à l’essai de synthèse qui situe Phm entre conformité sociale et nouveauté chrétienne, il montre, si besoin était, l’actualité toujours vive de ce cours billet.
M. Scopello Les évangiles apocryphes (nouv. éd. revue et augm.)
coll. Les clés du sacré, Paris, Presses de la Renaissance, 2016, 13 x 20 cm, 112 p., 13 €
● Enfin, signalons deux publications bien informées sur les textes apocryphes du NT. Celle de M. Scopello, qui organisa en 2006 le premier colloque international sur l’Évangile de Judas, se concentre sur le genre « évangile ». Elle en présente d’abord quelques exemples chrétiens dont l’objectif premier était de « décrire les faits de la vie de Jésus en les rehaussant par l’imaginaire » (p. 36). Mais la majeure partie de l’ouvrage est consacré à l’introduction et à la présentation de textes appartenant au vaste monde de la gnose auquel l’A. nous introduit avec compétence.
R. Burnet Les Apocryphes. Témoins d’une Église plurielle
Divonne-les-Bains, Cabédita, 2016, 15 x 22 cm, 96 p., 14,50 €
● Quant à R. Burnet, professeur à l’Université Catholique de Louvain, il donne un regard plus large sur l’ensemble des textes apocryphes comme autant de Témoins d’une Église plurielle. Après en avoir présenté les sources principales, dont certaines découvertes relèvent du thriller, il choisit de procéder non par genres littéraires mais de manière chronologique, depuis les premiers témoins de communautés diverses jusqu’au début de l’hagiographie. La conclusion en rappelle les nombreuses traces laissées dans l’art. « Beau destin que celui des apocryphes, ces textes tellement bien “cachés” qu’on n’a cessé de les exhiber dans les lieux les plus emblématiques de la chrétienté ! » (p. 89).
VI. En guise de dessert : deux confiseries savoureuses
M. Remaud Du neuf et de l’ancien. Au fil de l’Écriture
Paris, Parole et Silence, 2017, 11,5 x 19 cm, 210 p., 14 €
● Avec Du neuf et de l’ancien, M. Remaud complète l’édition de petits billets déjà parus dans la revue Feu et Lumière (qui a cessé désormais de paraître), édition commencée avec Paroles d’Évangiles, paroles d’Israël (2012). Il y joint quelques textes venus d’ailleurs, de façon à nous gratifier d’une soixantaine de ces méditations dont il a le secret, où le texte du NT resplendit de nouveaux feux au contact de la tradition juive ancienne. Comme le dit avec éloquence J. Massonnet dans la Préface, « ce petit livre n’est pas un traité de théologie systématique, mais il contient de la théologie ; ce n’est pas un traité d’ascétique et de mystique, mais il donne des conseils judicieux pour la vie spirituelle ; ce n’est pas non plus un commentaire biblique, mais il apporte de beaux éclairages sur quelques passages de la Bible, et c’est encore moins un roman, mais il se lit bien, et avec intérêt... Ces chapitres tout simples, pleins d’enseignement, sont en réalité le fruit d’un long cheminement... à la découverte d’une parole qui invite celui qui la reçoit à aller toujours plus profond et au-delà de ses propres conceptions et certitudes » (p. 7-9).
G. Miró Figures de Bethléem (présenté et trad. de l’espagnol par Y. Rouillère)
coll. Au singulier, 31, Namur, Lessius, 2016, 11 x 15 cm, 96 p., 8 €
● Saluons enfin les éd. Lessius qui, dans leur collection « Au singulier », offrent un véritable bijou avec la traduction française des Figures de Bethléem de l’écrivain espagnol G. Miró (1879-1930). Ce texte sans doute inachevé – quatre petits chapitres –, devait suivre l’ouvrage monumental des Figures de la Passion du Seigneur, traduit en dix langues, mais jamais en français. Comme le note le traducteur Y. Roullière dans sa présentation, « il s’agit de minutieuses descriptions de l’univers biblique » où les paysages semblent être une expérience personnelle, « non pas quelque chose qu’il a vu, mais quelque chose qui lui est arrivé, qui lui est survenu comme une aventure ou un amour » (p. 6-7). « Ces figures de Bethléem dont il est question dans ces récits sont bien entendu Ruth et Noémi, Joseph et Marie, les rois mages et Jésus... ce sont surtout les paysages décrits avec une qualité d’émotion et un réalisme tels que le lecteur se sent invité à entrer lui-même à Bethléem et à y exercer ses cinq sens » (4e de couverture). « Bethléem s’élève par deux coteaux aux versants bien plantés. Elle est d’une clarté fraîche, nette, saline, d’une blancheur de palissades, de cénacles, de citernes, de tombeaux et de fours. Ses demeures regorgent de soleil comme les alvéoles des épis de maïs et des rayons de ruche. Le ciel de son côté reçoit depuis les rampes et les maisons une vapeur de chaux. Elle semble exhaler une pulvérisation de moulin à farine... » Ainsi commence le premier chapitre. Invitation au voyage, à fermer les yeux, à voir, à sentir, à toucher Bethléem !
[1] Voir, aux éd. du Cerf, Le Psautier de David, coll. Lectio Divina, 210-211, (2006) et Le Psautier de Jésus ; coll. Lectio Divina, 250-251 (2012), recensés dans VsCs 79 (2007), p. 219 et VsCs 84 (2012), p. 301.
[2] Notons cependant qu’une relecture minutieuse du manuscrit, eu égard à la finition de sa présentation et à la précision de son orthographe, aurait amélioré sensiblement la qualité de l’ensemble.
[3] L’évangile selon saint Jean, Genève, Labor et Fides, 2007 et 2014.
[4] L’Église, mystère et institution, selon le quatrième évangile, Paris, DDB, 2013.