Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Près de nous en Dieu : le père André de Jaer s.j.

Noëlle Hausman, s.c.m.

N°2016-4 Octobre 2016

| P. 77-80 |

Sur un autre ton

Il a dirigé Vie consacrée naguère, attentif, sur tous les continents, à l’expérience spirituelle où s’enracinent les diverses formes de célibat pour le Royaume. Compagnon de Jésus et des pauvres, ce connaisseur d’Ignace de Loyola vient d’achever son pèlerinage. Il a transmis avec les Exercices spirituels la source de son rayonnement. Nous en gardons mémoire, avec reconnaissance.

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Le Père André de Jaer s.j. a achevé sa course le 22 août dernier. Né en 1925, le jeune et brillant officier qui entrait dans la Compagnie de Jésus en 1946 devait vivre une partie de sa formation au Congo belge (RDC) avant d’entamer un doctorat romain, interrompu par l’appel des supérieurs à diriger le noviciat. Dès lors, les responsabilités ne l’ont plus quitté, ni la capacité d’ouvrir des horizons inexplorés : supérieur d’une « petite communauté » de quartier, visiteur des religieux pour le diocèse de Malines-Bruxelles, directeur de notre revue Vie consacrée (1974-1987), père spirituel à l’Institut d’Études Théologiques de Bruxelles, responsable du Troisième an jésuite, d’abord pour la Belgique (auprès de l’Arche de Jean Vanier), puis à Madagascar, au Zaïre et en Afrique Occidentale, il voyage en Amérique latine, en Asie, en Pologne, au Liban, prodiguant accompagnement spirituel et retraites, depuis la communauté de Wépion ou celle de La Viale-Europe, jusqu’à son accueil en 2013 parmi ses frères âgés. Son premier article rend compte de ses recherches doctorales [1] ; mais c’est ailleurs qu’il servira désormais tout ensemble la pensée et la vie chrétienne [2] , comme dans « Ignace de Loyola et le ministère des prêtres », publié dans la Nouvelle revue théologique [3] .

Vie consacrée s’honore d’avoir édité, en plus de nombreux articles, son premier ouvrage, À cause de Jésus et de l’Évangile, des prophètes pour notre temps [4] . Suivront Faire corps pour la mission, une lecture sapientielle des Constitutions de la Compagnie de Jésus [5] , puis (avec une équipe) Vivre le Christ au quotidien, pour une pratique des Exercices spirituels dans la vie [6] . Il avait aussi donné une préface au livre de Franck Janin, Avec Jésus pauvre et humilié, le cheminement à l’Arche et les Exercices de saint Ignace [7] .

Dans le témoignage qu’il a voulu ajouter à la fin de son homélie d’action de grâces pour ses cinquante ans de sacerdoce, le 15 août 2007 [8] , on retrouve les traces de cette intelligence intérieure qui a toujours caractérisé sa vision. Nous en extrayons ces quelques lignes, qui ne vieilliront pas :

Malgré mon désir d’être frère, les supérieurs m’ont demandé d’accepter d’être ordonné prêtre. J’y ai consenti, mais vraiment dans la nuit. D’ailleurs, de toute manière, prêtre ou frère, il s’agissait pour moi toujours et uniquement d’être témoin de l’amour de Jésus-Christ parmi ses frères. C’est ce que j’ai écrit sur mon image-souvenir d’ordination : « Témoin de l’amour de Jésus-Christ parmi mes frères, pour les aider à recevoir sa Parole, son Pardon, son Corps ». On m’a fait remarquer qu’il fallait mettre plutôt « pour leur donner... ». Mais je ne le sentais pas comme cela. Car ce n’est pas moi qui donne le Christ. Il se donne lui-même à chacun de nous. Je ne suis que son instrument. C’est le Christ qui se donne à travers moi. Je n’ai qu’à m’effacer, à aimer comme Il m’a aimé, à donner ma vie. C’est de cette manière-là que j’ai accepté d’être ordonné. Témoin de cet Amour.
Et voilà que, tout au long de ces cinquante années, sans que rien n’ait été programmé d’avance, c’est cela qu’il m’a été donné de vivre comme compagnon de Jésus, à la suite de saint Ignace et dans l’esprit du frère Charles. J’ai été conduit là où je ne savais pas, et où je ne m’attendais pas d’aller, mais toutes les missions que j’ai reçues, parfois de manière totalement imprévue, m’ont permis de vivre ce désir que le Seigneur avait inscrit en moi : que ce soit dans la formation des jeunes jésuites, dans l’aide apportée à la vie religieuse, dans les tâches en divers pays d’Afrique, de Madagascar ou d’ailleurs, dans la présence aux personnes pauvres et handicapées qui m’ont beaucoup évangélisé le cœur dans la communauté de l’Arche, dans les retraites, les accompagnements – le fil rouge en a toujours été ce désir et cet appel à être témoin, dans la présence et les rencontres, de l’amour de Jésus parmi mes frères et sœurs.

Merci, Père André.

Noëlle Hausman, s.c.m.

[1(avec A. Chapelle), « Le noétique et le pneumatique chez Maurice Blondel », in Revue philosophique de Louvain, tome 59, 1961, p. 609-630.

[2On pourrait écrire « spiritualité », si l’on veut bien comprendre qu’elle s’emmembre de raison.

[3NRT 109 (1987,) p. 540-553.

[4Coll. Vie consacrée 7, Namur, 1994.

[5Coll. La part-Dieu 3, Bruxelles, 1998.

[6Coll. Spiritualité ignatienne, Fidélité, Namur/Paris, 2003.

[7Coll. Vie consacrée, Namur, 1992, p. 7-10.

[8Voir sa publication intégrale dans Vs Cs 80, 2008-1, p. 14-15.

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