Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Collaborer entre instituts

Au Congo de 1960 à nos jours

Jean-Luc Vande Kerkhove, s.d.b.

N°2016-2 Avril 2016

| P. 51-68 |

Orientation

C’est tout un pan de l’histoire récente d’une vigoureuse Église d’Afrique que retracent les pages suivantes, que nous sommes honorés de pouvoir publier en avant-première des Actes du Colloque récent de Kinshasa. Un sujet fort peu exploré, qui s’achève sur des recommandations très inspirantes, notamment pour les pratiques similaires en d’autres contrées.

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Un proverbe bemba affirme qu’on ne peut saisir un pou avec un seul doigt. Dans le vivre ensemble, la solidarité, la collaboration de tous et de chacun s’imposent. Ce qui est vrai de la société l’est aussi dans l’Église, dans nos congrégations et entre nos congrégations. Et comme l’ont rappelé plusieurs des conférenciers qui m’ont précédé, les documents récents sur la vie consacrée, prenant acte d’un monde toujours plus complexe, avec des défis qui dépassent les forces des uns et des autres, incitent à la synergie, à une plus étroite collaboration.

En abordant ce sujet de la collaboration des instituts religieux en République Démocratique du Congo, je crois traiter un sujet, à ma connaissance, encore fort peu exploré et pour lequel il n’a pas été aisé de rassembler la documentation nécessaire à l’échelle de l’ensemble du pays. D’où j’implore déjà votre indulgence. Dans cet exposé, je ne retiens pas les formes de collaboration ponctuelle, qui ont toujours existé et existent encore en bien des endroits, pour concentrer mon attention sur les formes structurelles.

L’ASUMA et l’USUMA [1] sont nées avant le concile Vatican II, mais elles répondaient déjà pleinement au souhait exprimé dans Perfectae caritatis au n° 23 : « Il faut favoriser les conférences ou conseils de supérieurs majeurs érigés par le Saint-Siège, qui peuvent contribuer beaucoup à ce que chacun des instituts atteigne plus pleinement sa fin, à ce qu’une entente plus efficace se développe pour le bien de l’Église, à ce que les ouvriers de l’Évangile soient répartis plus équitablement dans un territoire donné, à ce que soient traitées les affaires communes aux religieux ». L’ASUMA a été créée la première, peu de temps avant l’indépendance, et a été reconnue officiellement par la Sacrée Congrégation des religieux le 8 mai 1960 [2]. Elle a été suivie de peu par l’USUMA en 1961. La première Assemblée plénière de 1960 ayant exprimé le désir de voir se constituer une Union identique à celle de l’ASUMA, la demande fut introduite auprès de la Sacrée Congrégation pour les religieux et auprès celle de la Propagation de la foi. Celles-ci en approuvèrent la création respectivement le 8 août 1961 et le 12 août de la même année [3]. L’article 1 des premiers statuts de l’ASUMA stipule le but de l’Association : « Le but de cette Assemblée des Supérieurs majeurs du Congo […] est de coordonner les activités de tous les Instituts religieux résidant au Congo […] ; d’étudier les problèmes d’intérêt commun et d’en assurer une solution adéquate par une collaboration plus efficace [4] ». La dernière version de ces statuts, approuvée par la 16e Assemblée plénière de 2006, rend plus explicite encore le but de l’association : « promouvoir une collaboration efficace entre les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique établis (résidant) en RDC : en aidant les Supérieurs Majeurs à mieux réaliser la finalité de leurs Instituts respectifs, dans le respect de leur autonomie, caractère et esprit propres ; en étudiant les problèmes d’intérêt commun pour en donner des solutions adéquates ; en érigeant des centres d’études, de formation, d’enseignement et d’entraide en faveur des membres et des tiers ; en procurant à ses membres le concours matériel, spirituel et moral pour les aider à créer, développer, promouvoir et entretenir en RDC leurs Instituts et leurs œuvres respectives ; en établissant la coordination et la coopération avec la Conférence des Évêques ainsi qu’avec chaque évêque (cf. CIC 708) ». Le deuxième alinéa ajoute « L’ASUMA aura aussi à cœur de promouvoir la collaboration avec l’Union des Supérieures Majeures en RDC (USUMA), le cas échéant, par des initiatives communes dans le but de développer les valeurs propres de la Vie Consacrée ». Le décret d’approbation de l’USUMA par Rome indique comme finalités la meilleure connaissance des principes de la vie religieuse, l’instruction religieuse et apostolique convenable, la connaissance mutuelle et l’entraide, l’approfondissement du travail apostolique, la coopération plus étroite avec la hiérarchie locale et la représentation auprès des autorités ecclésiales et civiles légitime [5].

On constate donc que dès leur origine, nos associations ont été fondées pour favoriser la collaboration entre les religieux, plus particulièrement en vue de coordonner les initiatives communes de leurs membres dans les domaines de la formation et de la mission. Dans mon exposé, je ne retiendrai que trois formes de collaboration entre instituts : premièrement, les assemblées plénières, les colloques et la rédaction des annuaires ; deuxièmement, le travail des commissions ; et, troisièmement, la gestion des instituts de formation, pour ébaucher une réflexion sur les aspects positifs, les difficultés rencontrées et formuler ensuite quelques recommandations en vue d’une collaboration plus effective dans la ligne de Perfectae caritatis, Vita consecrata et des statuts de nos Associations.

Réunions plénières, colloques et annuaires

Les réunions plénières de nos associations se sont déroulées avec régularité de trois ans en trois ans depuis leur création jusqu’à nos jours. Elles ont abordé nombre de thèmes concernant la vie religieuse : sa signification et sa place dans l’Église du Congo et dans la société congolaise, ses formes de vie, les défis posés par le contexte, les conditions matérielles de son bon fonctionnement, son inculturation... Il serait d’ailleurs fort intéressant que les historiens se penchent sur la riche documentation que constituent les actes de ces assemblées. Certaines d’entre elles ont été suivies de déclarations communes pour faire face à des situations critiques que traversait le pays [6]. Il faut malheureusement déplorer que souvent ces textes sont peu connus des religieux « à la base ».

Parmi les initiatives sur le plan national, signalons également les colloques nationaux tenus en 2003, 2007, 2010 et 2013 sur la place de la vie consacrée dans l’Église du Congo, l’inculturation de la vie consacrée et la formation [7]. Pour leur part l’ASUMA et USUMA-Katanga ont organisé cinq colloques de formation à la vie religieuse qui ont toujours été préparés par une équipe de consacrés de différentes congrégations et ont vu la participation d’un groupe de 80 à 100 personnes. Dans les dernières éditions, les membres des instituts séculiers ont aussi été invités comme participants et conférenciers. Les thèmes abordés ont été « L’intégration dans son être propre et dans l’institut », les trois vœux : « Former à la pauvreté évangélique » (2007), « Former à l’obéissance à la suite du Christ » (2009) ; « Former à la chasteté en vue du Royaume » (2011) et la vie fraternelle : « Former à la vie de communauté » (2013) [8].

Pour collaborer, il faut aussi se connaître, pouvoir localiser les instituts et les personnes. Un des moyens pour atteindre ce but est la publication d’annuaires qui reprennent les coordonnées des différents instituts. C’est pourquoi le secrétariat général de l’USUMA a d’abord publié une liste des instituts de vie consacrée en 1989. Ensuite, les secrétariats de l’ASUMA et de l’USUMA ont publié des annuaires dotés de statistiques en 1992, en 2004, 2010 et en 2013. Un annuaire des congrégations du Katanga est sorti en 2013, mais il est encore incomplet [9]. J’ignore s’il existe des initiatives semblables dans d’autres provinces ecclésiastiques.

Le CRI de l’ASUMA/USUMA Katanga

Dès sa création, l’ASUMA a prévu l’existence de commissions « établies par le Comité directeur ou par les assemblées provinciales ou régionales d’une manière définitive ou temporaire d’après les nécessités du travail qui doit leur être confié [10] ». Étant peu informé des réalités nationales et des autres associations provinciales, je m’en tiens à l’ASUMA et USUMA-Katanga. Au sein de ces deux associations, existe depuis 2006 une commission appelée CRI, Comité de Réflexion et d’intervention (dont les statuts ont été approuvés en 2008) qui regroupe des religieux de différentes congrégations [11]. Né suite à un appel de l’évêque de Kilwa-Kasenga, Mgr Fulgence Muteba, adressé dans le contexte des exactions des groupes Maï-Maï dans le Nord de la province, le groupe se réunit tous les mois pour réfléchir sur des situations d’injustice. À son actif, nous pouvons relever une déclaration des religieux contre le seigneur de guerre Mutanga, alias Gédéon, qui a conduit à sa première arrestation en 2006 suivie d’une autre pour qu’il soit jugé [12] ; un mémorandum adressé au gouverneur et aux autorités provinciales du Katanga [13] ; une déclaration sur les violences sexuelles à l’Est du pays ; une réflexion sur les effets dévastateurs des F.I.P./F.A.P. sur l’enseignement qui a été reprise dans l’Instrumentum laboris du deuxième Synode diocésain de Lubumbashi [14] ; une réflexion sur le prophétisme de la vie religieuse dans le contexte de la R. D. du Congo à l’occasion d’une journée de la vie consacrée. Le groupe a suivi une session de formation sur une méthode d’analyse des situations en vue d’élaborer des stratégies de transformation. La toute dernière réunion a porté sur un éclairage sur la situation des prochaines élections par Maître Mulongoyi de la Société civile. Le groupe ne s’est pas contenté de déclarations, mais a aussi, selon ses objectifs, pu coordonner des aides matérielles pour des populations défavorisées.

Artisanat d’Afrique centrale (et p. 63) DR

Les membres du groupe considèrent l’expérience comme enrichissante, permettant de dépasser les clivages des congrégations. La principale difficulté rencontrée est la disponibilité limitée des membres, la plupart ayant des charges importantes dans leur institut. À cela s’ajoutent les départs suite à une nouvelle nomination et le manque de moyens financiers disponibles. Cela explique que le groupe ne parvient pas à atteindre toutes ses finalités. Cela a surtout été vrai dans le domaine de la formation des consacrés aux questions de justice et de paix et de l’information sur les situations économiques, politiques et sociales du pays. Je signale qu’à côté de cette commission CRI, il existe une commission scolaire qui a repris ses activités, mais balbutie encore, et une commission juridique qui doit renaître de ses cendres. Selon les statuts de l’ASUMA à l’article 46, il devrait aussi y avoir dans chaque diocèse une commission de la vie consacrée (CVC). Une telle commission n’existe pas dans nos diocèses du Katanga.

L’expérience du CRI atteste que sans une forte motivation des membres, une commission peut difficilement s’inscrire dans la durée et produire un travail efficace.

La collaboration dans les instituts de formation

Le n° 18 de Perfectae Caritatis insiste sur l’importance de la formation dans le renouvellement de la vie consacrée [15]. Il recommande que tous les religieux, séminaristes, frères ou religieuses puissent bénéficier d’une formation religieuse, apostolique, doctrinale et technique dans des maisons appropriées [16]. De toute évidence, c’est le domaine où la collaboration semble la plus indispensable et où, effectivement, elle paraît aussi la plus effective.

● Les instituts de formation cogérés

À défaut de pouvoir me faire une idée de toutes les institutions cogérées qui existe sur le territoire de la République, j’évoquerai l’Université Saint-Augustin de Kinshasa, puis l’Institut de Pédagogie catholique de l’ASUMA à Kinshasa (Righini), enfin, l’Institut Anuarite de Kimwenza et l’Institut Maria Malkia à Lubumbashi.

1° L’Université Saint-Augustin de Kinshasa (USAKIN) est une création relativement nouvelle d’un consortium de congrégations. Je vous invite à suivre les différentes étapes qui ont abouti à ce processus qui a fait naître une large collaboration des instituts de vie consacrée sans pour autant parvenir à impliquer l’ASUMA en tant que telle [17]. L’origine lointaine de l’Université remonte au Philosophat Saint-Augustin fondé en 1981. En octobre de cette année, les supérieurs majeurs de six instituts de vie consacrée décidaient de pourvoir à la formation philosophique de leurs candidats. Ils créèrent un consortium qui reçut le nom de « Philosophat inter-congrégationnel Saint-Augustin ». Son chancelier était le président du Comité directeur élargi de l’ASUMA. Les cours débutèrent dans les locaux du Scolasticat CICMC (Congrégation du Cœur Immaculé de Marie, ou Scheutistes) Père Nkongolo. Les Prémontrés offrirent une partie de leur concession au consortium et ce dernier construisit un nouvel institut. En 1984, l’institut comptait un bâtiment administratif, un grand auditoire et deux salles de cours. Quatre ans plus tard, suite à l’augmentation croissante du nombre d’étudiants, on construisit un nouveau secrétariat, une bibliothèque et un nouvel auditoire. Bien vite même ces structures ne furent plus suffisantes et l’on s’orienta vers un enseignement complet sur trois sites : à Kindele chez les Prémontrés, Kimbondo chez les Clarétains et à Limete chez les Augustins.

Une deuxième étape vers une plus grande intégration a été, au début de l’année académique 1991-1992, la création de l’Institut supérieur de théologie et de philosophie (ISTP) par la fusion, sous l’égide de l’ASUMA, du Philosophat Saint-Augustin et de l’Institut Eugène de Mazenod. Ce dernier disposait déjà d’une affiliation à la Faculté de Théologie de l’Université Pontificale Urbanienne. C’est en 1992 que le Philosophat obtint l’affiliation à la Faculté de Philosophie de l’Université Pontificale Urbanienne et l’agrément du Ministère de l’enseignement supérieur et universitaire. En 1993, l’ASUMA décida de reconnaître aussi des extensions à l’intérieur : Butembo, Kolwezi, Kisangani et Mulo. Ces extensions réunissaient 12 instituts et comptaient 101 étudiants et 64 professeurs [18]. Toutefois leur lien structurel avec l’I.S.P.T. n’était pas clairement établi et le Ministère de l’Enseignement Supérieur et Universitaire n’a pas accepté de reconnaître ces extensions [19]. Les Éphémérides 1994-1995 de l’Institut mettent en parallèle l’organigramme de l’I.S.T.P. et celui d’Eugène de Mazenod. Dans ce dernier, le pouvoir organisateur est le provincial des OMI (Oblats de Marie Immaculée) et son conseil. La Faculté de philosophie a obtenu l’agrément du cycle de licence en 2001. La Faculté de théologie a commencé en 2007 sur le site de Limete. En 2009, l’Institut comptait 43 instituts de vie consacrée, 306 étudiants et une soixantaine de professeurs.

L’étape suivante a été la création de l’USAKIN dont les statuts ont été notariés le 11 novembre 2009 [20]. Selon ces statuts, l’USAKIN a le statut d’une ASBL (Assemblée sans but lucratif) [21]. Comme toute ASBL celle-ci possède son assemblée générale, laquelle est composée des supérieurs majeurs des instituts partenaires, et un comité restreint dont les membres sont désignés par l’assemblée. 19 instituts faisaient partie de ce consortium à ses débuts.

Ils sont aujourd’hui 22 à participation totale et 8 partielle [22]. Sur le plan académique, la section de théologie a obtenu en octobre 2010 l’affiliation à la Faculté de théologie de l’Université Pontificale Urbanienne. La même année, une nouvelle faculté est venue s’ajouter aux deux premières, celle de psychologie et de sciences de l’éducation. Dans les Éphémérides 2014-2015, rien n’est dit d’une agrégation des facultés de philosophie et de théologie reconnue par le Saint-Siège, encore moins du statut d’université du point de vue ecclésial [23].

Il faut noter ici qu’à la création de l’Université Saint-Augustin, certaines congrégations ont préféré garder leurs étudiants de théologie à l’Institut Eugène de Mazenod qui reste géré par les Oblats de Marie Immaculée [24]. Pour certaines, la raison principale de ce choix a pu être la proximité géographique de leurs structures.

Ce fait illustre bien qu’il existe une diversité d’approches au sein des instituts religieux, d’aucuns tenant à garder la gestion de leurs institutions, dans lesquelles elles ont souvent investi mais qui parfois rapportent en retour, d’autres étant ouvertes, par choix ou par force, à des formes de cogestion, d’autres encore envoyant leurs étudiants dans divers instituts. Notons également que l’USAKIN n’est pas gérée par l’ASUMA, mais bien par un consortium de congrégations. Cela a créé un problème lorsque l’USAKIN a exprimé le désir de s’implanter sur le site de l’ASUMA dans la commune de Righini, ce qui avait été acquis en un premier moment, mais s’est ensuite heurté à une opposition de la part de plusieurs supérieurs majeurs et de l’Institut de Pédagogie catholique déjà implanté à cet endroit. La raison principale du refus était que l’université était gérée par un consortium et non par l’ASUMA.

2° L’Institut supérieur de pédagogie religieuse de l’ASUMA est né de la restructuration de l’Institut de spiritualité africaine. Ce dernier avait été fondé en 1991 suite à la décision de l’Assemblée plénière de l’ASUMA du 29 avril au 5 mai 1990. Il a commencé ses activités en 1991. Il se dénomme aujourd’hui Institut de Pédagogie catholique et est dirigé par sœur Régine Mofila, des sœurs du Divin Maître, à la demande des autorités de l’ASUMA. Il est en réalité le seul institut de formation géré par l’ASUMA. Il propose des formations en pédagogie religieuse, gestion et administration scolaires, gestion des conflits et éducation à la paix et pédagogie sociale. Pour cette année académique, il compte 122 étudiants, dont 85 consacrés de 57 instituts et 45 professeurs provenant de différentes institutions. Une des difficultés rencontrées est le manque de professeurs stables, mais cette difficulté n’est pas propre à cet institut. Elle est commune à beaucoup d’autres [25].

3° Venons-en à l’Institut Anuarite de Kimwenza. L’idée de la création de cet Institut pour la formation permanente des religieuses congolaises est née en 1963 lors d’une rencontre des Supérieures majeures et du Père Paolo Molinari, Conseiller Général des Supérieures Majeures pour l’Afrique. Après une première tentative de formation des maîtresses de novices à Butare, qui ne dura que deux ans, on créa en 1973 l’Institut Anuarite de Kimwenza. Au départ, le centre fonctionnait comme juvénat intercongrégationnel. Il est devenu aujourd’hui un centre de recyclage spirituel avec différents modules de formation pour les religieuses qui se préparent aux vœux perpétuels, les responsables de la formation initiale, les économes et les animatrices de communauté. Les cours sont assurés par des religieux, religieuses, prêtres diocésains et laïcs engagés, tous employés à temps partiel [26].

4° Enfin, l’Institut Facultaire Maria Malkia de Lubumbashi a été fondé par l’USUMA Katanga le 14 février 1996. D’institut de spiritualité qu’il était au départ (Institut de Spiritualité Maria Malkia), il est devenu un institut facultaire proposant des formations en pédagogie religieuse, en éducation à la paix et en informatique. Son conseil d’administration est composé de l’évêque répondant de la vie religieuse dans l’A.S.E.P.L., de la présidente de l’USUMA Katanga, de différents membres de la même USUMA et de quelques membres de l’ASUMA Katanga. Selon ses statuts, les membres du Comité de gestion doivent être normalement membres de l’USUMA ou, au moins désignés par elle. L’Institut bénéficie de l’agrément du Ministère de l’enseignement supérieur et universitaire et de la recherche. Jusqu’à l’an dernier il bénéficiait aussi d’une affiliation provisoire à la Faculté pontificale des sciences de l’éducation Auxilium, gérée par les Filles de Marie Auxiliatrice. L’année dernière, cette affiliation a été révoquée par le conseil d’administration.

L’expérience faite au sein de l’Institut montre qu’il n’est pas facile d’obtenir des congrégations qu’elles libèrent des personnes dûment qualifiées. Ainsi les administratrices du budget se sont succédées sur des périodes rapprochées au cours des années d’existence de l’institut. Elles n’étaient pas toujours qualifiées pour accomplir leur tâche dans toutes leurs dimensions. Parfois ce sont les employés laïcs qui connaissent mieux la marche de la maison. Une autre difficulté a été d’obtenir des étudiantes des divers instituts. Les supérieures majeures changeant après leur mandat et les attentes des unes n’étant pas celles des autres, ceci a entraîné des modifications constantes qui ne furent pas toujours bénéfiques pour l’Institut. Ceci s’est surtout manifesté sur le plan des programmes (national et/ou international) et de la charge horaire (pas trop lourde pour permettre d’autres activités formatrices pour les jeunes sœurs). Malheureusement beaucoup de congrégations féminines se contentent encore de la formation du noviciat sur le plan doctrinal et pastoral [27]. Une dernière difficulté a été de trouver une juste articulation entre autorité religieuse et autorité académique dans le respect de l’autonomie légitime de cette dernière [28].

● Les instituts de formation qui accueillent des membres d’autres congrégations

Il existe plusieurs instituts de formation gérés par un seul institut, mais qui accueillent des membres d’autres congrégations dans leur corps enseignant et parmi leurs étudiants. C’est le cas de la Faculté de philosophie Saint Pierre Canisius à Kimwenza (1961/1975, s.j.), de l’Institut Saint Jean Bosco de Kansebula (1960/1979, s.d.b.), l’Institut Supérieur Emmanuel d’Alzon de Butembo (1981, a.s.), de l’Institut Eugène de Mazenod à Kinshasa (1982, o.m.i.), de l’Institut Supérieur de Philosophie et de théologie de Kolwezi Bienheureux Jean XXIII de Kolwezi (1982, o.f.m.), de l’Institut de Théologie Saint François de Sales (1988, s. d. b.), de l’Institut Facultaire Théophile Reyn (1994, a.u.m.). La gestion de ces institutions est dans les mains d’un institut qui peut parfois faire appel à des compétences externes. Habituellement, les supérieurs religieux des étudiants sont impliqués d’une manière ou d’une autre dans la vie de ces instituts. Dans ces institutions, les congrégations qui ont beaucoup de membres donnent la préférence à une reconnaissance ecclésiastique à travers leurs facultés de théologie ou de philosophie. C’est le cas des Jésuites avec la Grégorienne, des Franciscains avec l’Antonianum, des Salésiens avec l’Université Pontificale Salésienne. L’avantage est la continuité assurée par une congrégation. Un des inconvénients majeurs est que les congrégations ne disposent pas toujours de toutes les compétences requises ; un autre, selon les cas, vient de la taille insuffisante de l’institution.

Tentative d’évaluation et recommandations

Nous avons vu comment Perfectae caritatis et les Statuts de nos associations ont fortement encouragé la collaboration entre instituts de vie consacrée en vue de la formation et de la mission. Nous avons choisi de partir d’expériences concrètes pour réfléchir sur ce thème important de la collaboration afin de ne pas nous contenter de généralités et de mieux en percevoir les enjeux. Je voudrais maintenant relever les aspects positifs, mais aussi les difficultés que mettent en valeur les différentes expériences pour ensuite formuler quelques recommandations.

● Points positifs

La collaboration permet une connaissance mutuelle des charismes. Elle fait apparaître leur complémentarité dans une Église qui se veut Famille de Dieu. Elle offre l’opportunité d’une formation en commun. Elle crée des synergies bénéfiques sur le plan financier, celui du personnel celui et des infrastructures. Mais aussi elle constitue un témoignage de notre identité commune de consacrés qui nous rend capables de collaborer dans des projets communs au service de l’Église et de la société congolaise.

● Difficultés

Dans les structures intercongrégationnelles, l’expérience montre souvent qu’un institut n’accepte pas facilement de céder des personnes qualifiées dont il a lui-même besoin pour faire fonctionner ses propres œuvres. Cette difficulté peut aussi exister dans des institutions gérées par une congrégation où le supérieur peut appauvrir une équipe de professeurs ou de formateurs pour répondre à d’autres besoins de sa province. Même lorsqu’on libère du personnel, il n’est pas exclu qu’il existe un conflit entre les obligations vis-à-vis de l’institution et celles de sa congrégation, ce qui diminue l’efficacité dans le travail et peut devenir source de tensions dans une équipe. Parfois aussi, le personnel mis à disposition n’est pas vraiment qualifié pour la tâche, ce qui entraîne que d’autres doivent intervenir pour pallier les manques, ce qui provoque des conflits.

Les supérieur(e)s majeur(e)s changeant à la fin de leur mandat, les priorités changent parfois aussi ce qui nuit à la continuité de l’institution. Celle-ci ne s’accommode pas de perpétuels changements d’orientation. Ceci est malheureusement trop souvent le cas et est source de faiblesse et de déclin de certaines institutions.

Très régulièrement, les supérieur(e)s majeur(e)s ne sont pas au fait des exigences de l’enseignement supérieur et de son organisation. Il s’ensuit que les autorités académiques ne disposent pas toujours de l’autonomie nécessaire pour bien diriger leur institution selon les directives de la Congrégation Catholique et du Ministère de l’Enseignement supérieur et universitaire. Il importe de bien réfléchir sur les compétences et les tâches de chacun : conseil d’administration, conseil de gestion... Parfois on peut interférer dans des questions purement académiques, parfois se décharger de certaines responsabilités en termes de moyens financiers et de personnel sur les quelques personnes désignées à la direction. Le conseil d’administration doit jouer son rôle mais ne pas ôter toute autonomie aux autorités académiques sous peine de freiner le bon fonctionnement de l’institution.

Il faut parfois déplorer un esprit de rivalité, de concurrence, qui sape la bonne collaboration. Au lieu de voir le bon fonctionnement de l’institution, on cherche soit des avantages matériels soit une position en vue. En fait dans le monde académique, le seul critère devrait être celui de la performance dans l’enseignement, la recherche ou la gestion.

Assez souvent des effectifs réduits poussent les congrégations à se soucier de la gestion de leurs propres structures. Les membres sont absorbés par les tâches et les préoccupations à l’intérieur de leur institut. Ce qui vaut des membres en général est encore plus vrai pour les supérieurs. Ceux-ci, surtout si leur province comporte beaucoup de membres et est étendue, sont sollicités par l’animation et le gouvernement. Les Associations de supérieur(e)s majeur(e)s souffrent de cette situation. Toutefois la motivation joue aussi un rôle important. En effet, assez souvent, la vie des associations dépend de ceux et celles qui sont à leur tête, de leur capacité de susciter la collaboration, l’engagement au service d’une mission commune.

● Recommandations

Une bonne collaboration, c’est-à-dire une collaboration effective et durable, n’est possible que s’il existe un cadre juridique et économique bien défini. Nous avons souligné certaines difficultés liées à des imprécisions dans les statuts de nos institutions. Une fois ce travail effectué, il importe également de s’en tenir à ces statuts pour ne pas tomber dans une improvisation perpétuelle.

Pour dynamiser l’ASUMA et l’USUMA, il faut se convaincre de leur importance dans la ligne de ce que nous recommandent Perfectae Caritatis et les statuts respectifs de nos associations. Un bon cadre juridique ne peut suffire. Il faut un vrai engagement de la part de tous.

Dans le secteur de la formation académique, il importe de prendre connaissance des exigences de l’Église et de l’État congolais en matière d’enseignement supérieur et universitaire afin d’éviter que les responsables de nos instituts soient pris en tenailles entre leur appartenance religieuse et leur statut de recteurs ou de directeurs généraux.

Le dynamisme d’une association dépend de celui de ses commissions. Malheureusement, souvent elles n’existent que sur le papier. Ce sont elles qui pourraient aider les supérieur(e)s majeur(e)s à bien animer et gouverner leurs associations. Je pense à des commissions comme « justice et paix », « commission scolaire », « commission juridique » et « commission de formation », particulièrement stratégiques pour notre travail.

Trop souvent nous avons l’impression qu’en dehors d’assises comme celles-ci, les contacts sont limités. Ne devrait-on pas se soucier d’échanger nos expériences, nos publications ? Enfin, je lance ce qui pourrait apparaître comme un appel un peu provocateur. Dans beaucoup de pays, il n’existe plus désormais qu’une seule association regroupant tous les consacrés féminins et masculins, religieux, instituts séculiers et consacrés des communautés nouvelles. Un tel regroupement est-il envisageable dans notre pays ? À quelles conditions ?

*

À l’heure de la mondialisation et des défis qu’elle comporte, d’une professionnalisation toujours croissante à laquelle il n’est plus possible d’échapper, la question se pose d’une plus grande collaboration entre nos instituts plutôt qu’en une prolifération d’initiatives non coordonnées, qui reposent sur des effectifs insuffisants et pas toujours dûment qualifiés. La mise en œuvre d’une telle collaboration à l’échelle d’un pays comme le nôtre n’est toutefois pas toujours aisée. Nous avons hérité d’un passé où chaque congrégation était établie dans une zone géographique déterminée et a investi dans des infrastructures qu’elle ne serait souvent plus à même de construire aujourd’hui. Un institut qui compte un grand nombre d’étudiants aura du mal à les déplacer tous sur une longue distance et à construire les infrastructures nécessaires. Les traditions de gestion varient parfois considérablement d’un institut à un autre. Pourtant nous devrions nous préoccuper de créer des synergies là où elles sont possibles, sur un même territoire, sur base de nécessités communes de formation, de mission [29]... En plus d’un souci d’efficacité, une telle collaboration témoignerait d’une capacité de communier dans des valeurs communes au service de l’Église et du monde, réalisant ainsi le souhait de Perfectae caritatis dont nous faisons mémoire cinquante ans après sa promulgation par les Pères du concile Vatican II.

[1ASUMA : Assemblée des Supérieurs majeurs ; USUMA : Union des Supérieures majeures (du Congo).

[2Dans son allocution d’ouverture à la deuxième réunion plénière, le Père Mertens fait remarquer que la Sacrée congrégation des Religieux encourageait ce genre d’assemblée dans tous les pays mais qu’en Afrique le Congo était le seul à l’avoir mis en œuvre. Cf. Rapport général de la deuxième réunion plénière de l’ASUMA 21-28 avril 1963, Léopoldville, Secrétariat Permanent, 1963, 11.

[3USUMA, 50 ans de l’USUMA au service de la Vie Consacrée en République Démocratique du Congo 1961-2011, Kinshasa, Secrétariat Général de l’USUMA, 2011, 22.

[4Rapport général de la deuxième réunion plénière de l’ASUMA 21-28 avril 1963, Léopoldville, Secrétariat Permanent, 1963, 109.

[5USUMA, 50 ans de l’USUMA au service de la Vie Consacrée en République Démocratique du Congo 1961-2011, Kinshasa, Secrétariat Général de l’USUMA, 2011, 24.

[6P. ex. « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? Message de la XVIIe Assemblée générale de l’ASUMA aux consacrés du Congo » en 2009.

[7La vie consacrée dans l’Église du Congo, Kinshasa, Médiaspaul, 2007 ; L’identité des Consacrés à l’épreuve de nos cultures, Kinshasa, du 25 janvier au 2 février 2009, Kinshasa, Médiaspaul, 2010 ; Quelle pédagogie pour la formation religieuse aujourd’hui ?, Kinshasa, 2013.

[8Les défis d’une formation progressive à l’unité dans la vie consacrée, Lubumbashi, Don Bosco, 2006 ; Former à la pauvreté évangélique, Lubumbashi, Don Bosco, 2008 ; Former à l’obéissance à la suite de Jésus-Christ, Lubumbashi du 13 au 17 avril 2009, Lubumbashi, Don Bosco, 2010.

[9ASUMA/USUMA KATANGA, Annuaire 2013 (Lubumbashi 2014).

[10Cf. Statuts, Titre VI in Rapport général de la deuxième réunion plénière de l’ASUMA 21-28 avril 1963 (Léopoldville, Secrétariat Permanent 1963) 115 ; Statuts de 2006, Chap. V. L’article 34 prévoit la constitution de commissions mixtes ASUMA-USUMA.

[11Une Mercédaire de Biarritz, deux Carmélites de Saint-Joseph, un Carme déchaux, une Sœur de Charité, deux Capucines tertiaires, un Salésien de Don Bosco, un Missionnaire d’Afrique, une Sœur de la Pureté de Marie.

[12Déclarations de l’USUMA-ASUMA/Katanga de février 2006 et du 12 juin 2006.

[13« Je t’ai consacré : je fais de toi un prophète pour les nations » (Jr 1,2) du 1er mars 2007.

[14Instrumentum laboris, 41-47.

[15Je tiens à remercier le Père Denis Bosomi, capucin, recteur de l’USAKIN, sœur Régine Mofila, Divin Maître, rectrice de l’Institut de Pédagogie Catholique et sœur Charlotte Bizige, Fille de Marie Auxiliatrice, ancienne Rectrice de l’Institut Maria Malkia, pour les précieux échanges qui m’ont permis de mieux saisir les réalités de leurs institutions.

[16« La rénovation appropriée des instituts dépend au plus haut point de la formation de leurs membres ». Le décret ajoute à l’attention des frères et des religieuses : « C’est pourquoi les membres non clercs et les religieuses ne doivent pas être affectés à des œuvres d’apostolat immédiatement après le noviciat, mais leur formation religieuse et apostolique, doctrinale et technique, avec la possibilité d’obtenir des diplômes appropriés, doit être poursuivie dans des maisons spécialisées » (Perfectae caritatis, 18).

[17Selon l’annuaire de l’USAKIN pour l’année académique 2014-2015, pages 25-26, 22 congrégations sont membres du consortium à part entière et 8 ont une participation partielle.

[18Cf. I.S.T.P. – Institut de Spiritualité africaine, Programme des cours 1999-2002, Kinshasa, Institut Eugène de Mazenod, 1999, 12.

[19Cf. Université Saint-Augustin de Kinshasa, Éphémérides 2014-2015, Kinshasa, 2014, 12.

[20Cf. Ibidem, 157-162.

[21Cf. Ibidem, 15.

[22À noter qu’il existe un flou dans les termes : les statuts parlent d’instituts membres effectifs, sympathisants et d’honneur (art. 5) tandis que les Éphémérides parlent d’instituts partenaires à participation totale ou partielle. Le comité restreint et le conseil d’administration se superposent-ils ?

[23D’après les normes de la Congrégation pour l’enseignement catholique, pour obtenir le statut d’université il faut impérativement organiser au moins quatre cycles complets.

[24C’est le cas des Comboniens, des Carmes déchaux, des Barnabites, des Assomptionnistes, des Grands Carmes…

[25Du côté masculin, il faut aussi mentionner l’Institut Supérieur de Philosophie Isidore Bakanja de Bukavu, cogéré par les Xavériens de Parme, les Barnabites, les Missionnaires d’Afrique et les Rogationistes. Cet institut organise un premier cycle de philosophie reconnu par l’État congolais. Des démarches étaient en cours pour une affiliation à la Faculté de philosophie de l’Urbanienne. L’initiative de cet institut est à attribuer à l’ASUMA Kivu alors présidée par le Père Jean Chaptal, M.Af. À Kisangani, un consortium gère l’Institut de philosophie Édith Stein qui regroupe les Comboniens, les Montfortains et les Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus. Lui aussi organise un premier cycle de philosophie et a reçu l’agrément du Ministère de l’Enseignement Supérieur et Universitaire et de la recherche scientifique.

[26Cf. USUMA, 50 ans de l’USUMA au service de la Vie Consacrée en République Démocratique du Congo 1961-2011, Kinshasa, Secrétariat Général de l’USUMA, 2011, 29-34.

[27Quelques-unes, comme les FMM, les Pureté de Marie… organisent une formation de ce genre après le noviciat ou en préparation aux vœux perpétuels.

[28Du côté féminin, il faut aussi mentionner l’existence de l’Institut Supérieur de Pastorale familiale de Bukavu géré par l’USUMA-Kivu.

[29Le message de la XVIIe Assemblée générale de l’ASUMA aux consacrés du Congo au numéro 36 invitait tous les consacrés à œuvrer en ce sens : « Nous encourageons la création d’œuvres apostoliques impliquant plusieurs instituts et gérées en consortium. De telles œuvres pourront construire les bases d’une solidarité intercommunautaire pour une nouvelle synergie religieuse et un témoignage de la communion dans la diversité des charismes ».

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