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Connaître et discerner les nouvelles formes de consécration

Leonello Leidi

N°2015-1 Janvier 2015

| P. 30-43 |

Voici un jugement pratique, autorisé, qui tente de faire l’état de la question complexe des nouvelles formes de consécration en naissance dans l’Église catholique. C’est que « le droit suit la vie », mais aussi, que la vie gagne à une juste reconnaissance ecclésiale de ses formes nouvelles.

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Le phénomène des nouvelles formes de consécration ainsi nommées – ou des nouvelles formes de vie consacrée, pour être plus précis étant donné que, dans ce contexte, le terme consécration se réfère à la forme de vie qu’on nomme « la vie consacrée par la profession des conseils évangéliques » – est à la fois une des réalités vivantes et intéressantes pour l’Église et une des questions ouvertes et débattues dans le panorama ecclésial depuis près de cinquante ans. Ce phénomène s’est davantage développé à partir de la fin du Concile Vatican II et aujourd’hui, parmi les fondations qui aspirent à une reconnaissance ecclésiale, plusieurs se présentent avec des traits originaux et nouveaux, inhabituels. Ainsi, elles n’entrent pas forcément dans les formes canoniques approuvées et, en invoquant le canon 605 du Code de Droit Canonique, demandent avec insistance d’être reconnues par l’Autorité compétente comme nouvelle forme [1].

Devant une telle nouveauté, persiste dans le cadre ecclésial une situation d’incertitude doctrinale, qui rend ardue la tâche déjà difficile de discernement des charismes de vie consacrée confiée aux évêques diocésains. En effet, à trente ans de la publication du Code de Droit Canonique, nonobstant les enseignements d’autorité contenus dans l’exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata, particulièrement les nn. 12 et 62, et nonobstant les efforts répétés de réflexion accomplis par les spécialistes en la matière, nous devons reconnaître que nous ne sommes pas encore parvenus à une claire et satisfaisante définition théologique et juridique des formes nouvelles. A ce propos, il convient de souligner que la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique (CIVCSVA), laquelle a comme fonction principale de promouvoir et de régler la pratique des conseils évangéliques suivant les formes approuvées de vie consacrée (cf. Constitution apostolique Pastor Bonus, 105), a cherché une façon pragmatique de résoudre les problèmes au cas par cas, non sans difficulté et, à défaut d’un cadre de référence doctrinale claire, avec des résultats qui ne sont pas toujours satisfaisants.

Ayant bien conscience de ces approximations, nous souhaiterions simplement offrir à votre attention, en présentant notre travail, quelques éléments utiles pour approfondir la connaissance de la réalité des nouvelles formes et fournir quelques critères théologiques et juridiques qui puissent contribuer au discernement ecclésial en tenant compte de la praxis en usage à ladite Congrégation.

A. Une réalité complexe et variée

La terminologie utilisée par les auteurs exprime déjà en soi la complexité du phénomène. Parmi les termes les plus employés, on trouve : nouvelles formes de consécration, nouvelles formes de vie consacrée, nouvelles communautés, nouvelles fondations, nouvelles formes de vie évangélique. Souvent ces expressions sont utilisées comme des synonymes ou des termes interchangeables, bien qu’ils ne le soient pas. L’utilisation indistincte de ces expressions, en effet, est souvent un facteur de confusion. Par exemple, l’appellation nouvelles communautés est ambivalente ou équivoque. En effet, selon la littérature récemment produite sur la vie consacrée ainsi qu’à partir des congrès réalisés ces dernières années sur le sujet, on peut dire que sous l’expression nouvelles communautés nous trouvons des réalités associatives diverses, qui toutes évoquent l’exhortation Vita Consecrata (nn. 12 et 62). De son côté, comme nous le noterons, la CIVCSVA s’est orientée, depuis les débuts, en faveur de l’expression famille ecclésiale de vie consacrée, c’est-à-dire, vers une terminologie juridique, où l’expression famille, liée à la tradition monastique médiévale, indique la possibilité d’approuver un seul institut composé à la fois d’une branche masculine et d’une autre féminine, le tout avec la possibilité que dans la famille tous les membres ne soient pas nécessairement des consacrés. La variété de vocabulaire semble avoir deux orientations de fond : d’un côté, on entend faire remarquer que tels groupes, agrégations, communautés n’entrent pas dans les formes canoniques de vie consacrée ; d’autre part, l’intention est, au contraire, celle de les faire entrer dans le concept théologico-canonique de vie consacrée, tout en soulignant qu’il s’agit de nouvelles formes.

De même, la typologie est variée. Il y a, en effet, des formes plus proches de la vie monastique comprise dans le sens classique de la vie religieuse, et des formes de vie apostolique qui, à leur tour, privilégient la dimension caritative ou de service. Mais il y a aussi des formes qui proviennent des mouvements ecclésiaux qui se distribuent en communautés de vie avec des membres de vie commune, en communautés mixtes avec des membres qui mènent la vie commune et d’autres la vie individuelle, enfin, des formes de vie commune ou non, avec des membres consacrés et aussi des personnes mariées.

Les caractéristiques principales de ces nouvelles formes ou nouvelles communautés peuvent être résumées ainsi :

  • reconnaissance de la centralité de la valeur de la communion et du partage de vie ;
  • forte valeur de la pauvreté ;
  • estime de l’hospitalité et de l’accueil ;
  • reconnaissance de la valeur de la vie contemplative et de la dimension d’intériorité ;
  • possibilité de vœux ou de liens sacrés temporaires pour un temps indéfini et possibilité de différents engagements dans la communauté ;
  • vie mixte non seulement entre consacrés, hommes et femmes, mais aussi avec des célibataires et des personnes mariées ;
  • nouvelles formes de prière (en particulier sous des modes charismatiques) ;
  • accentuation de l’importance de l’église particulière ;
  • absence d’œuvres apostoliques spécifiques ;
  • vie commune aussi avec des frères qui appartiennent à d’autres confessions chrétiennes ;
  • acceptation d’un engagement politique ;
  • possibilité que la responsabilité du groupe et les charges de gouvernement soient confiées à des femmes.

Différentes figures juridiques. La préoccupation fondamentale des nouvelles formes est celle de préserver l’unité spirituelle, apostolique et de vie des différentes réalités qui les composent, sans perdre l’esprit des origines. En général ces groupes sont prêts à accepter des solutions juridiques qui sacrifient l’un ou l’autre aspect de leur physionomie. Elles adoptent, pour protéger leur propre spécificité, différentes figures juridiques que nous pouvons récapituler ainsi :

  • un seul sujet juridique avec une seule communauté, composée de prêtres, de consacrés et de consacrées ;
  • un seul sujet juridique avec deux communautés distinctes, masculine (composée de prêtres et de laïcs) et féminine, les deux avec la profession des conseils évangéliques ;
  • un seul sujet juridique avec une seule communauté, composée de prêtres, de consacrés et de consacrées, avec des époux agrégés ou associés ;
  • un seul sujet juridique avec deux communautés distinctes, masculine (composée de prêtres et de laïcs) et féminine, les deux avec la profession des conseils évangéliques, avec des célibataires et des époux agrégés ou associés ;
  • une seule réalité juridique avec une seule communauté, composé de prêtres, de laïcs consacrés, de laïques consacrées et des époux ;
  • une seule réalité juridique avec trois communautés distinctes : une masculine (composée de prêtres et de laïcs), une féminine et une de personnes mariées ;
  • possibilité de vie commune ou de vie individuelle, toujours avec appartenance à la même communauté.

De tout ce que nous venons de dire, bien que de façon synthétique, il résulte clairement que la réalité qui se réfère aux nouvelles formes ou nouvelles communautés est assez vaste, variée et articulée. Bien sûr, toutes ne peuvent pas être considérées comme relevant de la vie consacrée telle que celle-ci est comprise, vécue et approuvée par l’Église. Il est donc utile d’avoir des critères clairs.

B. Critères d’identification

Dans l’intention de déblayer le champ de toute ambiguïté et avant toute autre chose, nous devons affirmer avec clarté que tous les phénomènes associatifs de vie commune, ou dans lesquels il y a des membres qui assument la pratique des conseils évangéliques en se définissant comme nouvelles formes de consécration ou nouvelles formes de vie consacrée, ne le sont pas, en réalité. Pour qu’ils puissent l’être, il est nécessaire qu’on y trouve toujours l’essence de la vie consacrée, de cette vocation particulière dans l’Église qui se distingue par le fait d’être une forme stable de vie, initiée par la profession des conseils évangéliques de chasteté, de pauvreté et d’obéissance ; profession assumée par un lien sacré particulier, reconnu et approuvé par l’autorité compétente. Cette profession comporte le don de soi, à un titre nouveau et particulier pour l’honneur de Dieu, pour l’édification de l’Église et le salut du monde.

Dans les années post-conciliaires – et pour fournir des critères clairs aux évêques – l’engagement de la CIVCSVA fut avant tout celui d’indiquer quelques critères identifiés, utiles à définir ce qui est une forme nouvelle de vie consacrée et indispensables pour comprendre en quoi consiste la novitas dont il est question au canon 605 du Code de Droit Canonique. Ce canon affirme :

« L’approbation de nouvelles formes de vie consacrée est réservée uniquement au Siège Apostolique. Cependant, les Évêques s’efforceront de discerner les nouveaux dons de vie consacrée confiés par l’Esprit Saint à l’Église ; ils en aideront les promoteurs à exprimer le mieux possible leurs projets et à les protéger par des statuts appropriés, en recourant surtout aux règles générales contenues dans cette partie ».

Ce canon est unique parce qu’il n’y en a pas d’équivalent ; nouveau, c’est-à-dire sans précédent dans le Code de 1917 ; enfin, il est général. Il a été pris comme un point de référence pour différentes réalités associatives dans l’Église. Comme déjà dit, ces réalités présentent des traits charismatiques et institutionnels nouveaux n’entrant pas nécessairement dans une forme de vie consacrée – soit communautaire soit personnelle – existante dans le Code, et se reconnaissent comme possibles destinataires du canon 605.

Après la promulgation du Code de Droit Canonique, avant même la publication de l’exhortation Vita Consecrata, la CIVCSVA – devant la sollicitation insistante de quelques Fondateurs et Fondatrices qui voulaient voir leur œuvre approuvée comme nouvelle forme de vie consacrée – a approuvé, lors du Congrès du 26 janvier 1990, quelques critères pour identifier les nouvelles formes en établissant la procédure à suivre en vue de leur approbation. Selon ces critères, il est possible d’identifier une nouvelle forme de vie consacrée quand il y a les éléments essentiels décrits dans les canons 573-605, c’est-à-dire :

  1. la profession des conseils évangéliques, par des liens sacrés assumés selon le droit universel et propre ;
  2. la stabilité de vie ;
  3. le don de soi, à un titre nouveau, pour l’honneur de Dieu, à l’édification de l’Église et au salut du monde ;
  4. la vie fraternelle, propre à chaque institut ;
  5. des supérieurs internes, dotés de pouvoir selon le droit universel et propre ;
  6. une juste autonomie de vie, spécialement de gouvernement ;
  7. le code fondamental, approuvé par l’autorité ecclésiastique compétente ;
  8. l’érection de la part de l’autorité ecclésiastique compétente.

Le deuxième pas, plus difficile, était l’identification de la novitas dont il est question au canon 605. Sans entrer dans le sujet de la discussion doctrinale toujours en cours sur le sens à donner à l’expression nouvelles formes, le Dicastère a voulu considérer la possibilité d’existence d’une nouvelle forme de vie consacrée lorsque celle-ci ne peut entrer, sans avoir à forcer ses traits, dans aucune autre forme stable déjà reconnue, telles que les Instituts religieux, les Instituts séculiers, la vie érémitique (solitaire ou associée), la virginité consacrée (individuelle ou associée).

Dans ces circonstances a été publiée l’exhortation Vita Consecrata qui, sur le thème des nouvelles formes de vie consacrée, fournit des précisions d’une valeur particulière, puisqu’elle présente une ferme analyse quant au discernement et à la reconnaissance ecclésiale de ces nouvelles formes. L’exhortation, qui traite des nouvelles ou formes renouvelées de vie consacrée et des nouvelles formes de vie évangélique aux numéros 12 et 62, a substantiellement confirmé les critères identifiés par le Dicastère et en a fixé d’autres, en particulier le critère fondamental de l’exclusion de personnes mariées.

Au n. 12 nous trouvons un premier critère important de discernement. Selon le texte, en fait, il convient de discerner s’il s’agit vraiment de nouvelles formes et de nouveaux instituts, ou bien s’il s’agit « d’Instituts semblables à ceux qui existent déjà, mais nés de nouveaux élans spirituels et apostoliques » et qui, par conséquent, entrent dans des formes déjà existantes. Devant la multiplication de nouveaux groupes, l’autorité de l’Église, en effet, si elle veut certes en encourager la vitalité mais aussi en éprouver l’authenticité, est appelée à discerner s’il s’agit d’un charisme vraiment original. Et pour être original, un charisme doit incarner dans sa réalité ecclésiale une réelle nouveauté de l’Esprit Saint, en se distinguant des réalités semblables déjà existantes par une spécificité propre. Cela pour éviter une multiplication excessive d’institutions analogues entre elles et en conséquence, une fragmentation en des groupes trop petits.

« Restant ferme ce critère général, on doit aussi tenir compte du fait qu’il s’agit parfois de groupes de personnes consacrées qui, bien que s’insérant dans des courants spirituels déjà existants et ayant des finalités semblables à celles d’autres instituts, souvent religieux, ne sont pas toutefois attirés par la forme de vie de ces instituts, parce qu’elle semble ne pas correspondre aux exigences apostoliques actuelles. Si l’inspiration s’avère authentique, ces nouveaux groupes pourront certainement contribuer à un renouvellement dans la vie religieuse et un enrichissement dans l’Église ».

Un deuxième critère est donné devant des expériences originales qui sont encore en recherche d’une identité propre dans l’Église. Dans l’œuvre de discernement qui revient à l’Autorité, l’exhortation Vita consecrata, au n. 62 affirme : « Pour que l’on puisse parler de vie consacrée, le principe fondamental est que les traits spécifiques des nouvelles communautés et formes de vie apparaissent fondés sur les éléments théologiques et canoniques essentiels, qui sont le propre de la vie consacrée ». Dans la note de ce numéro, on renvoie au canon 573 du Code de Droit Canonique, dans lequel de fait sont énumérés les principes théologiques et juridiques relatifs à la vie consacrée dans l’Église [2].

Ensuite, traitant de l’importance et des domaines du discernement qui revient aux évêques et en ayant présent à l’esprit l’expérience faite par différentes réalités associatives après l’approbation du Code de 1983, le document énonce un autre principe, cette fois d’ordre typiquement théologique :

« En vertu du même principe de discernement, on ne peut faire entrer dans la catégorie spécifique de la vie consacrée les formes d’engagement, cependant louables, que des couples chrétiens prennent dans certaines associations ou mouvements ecclésiaux, lorsque, dans l’intention de porter à la perfection de la charité leur amour déjà en quelque sorte “consacré” dans le sacrement du mariage, ils confirment par un vœu le devoir de la chasteté propre à la vie conjugale et, sans négliger leurs devoirs envers leurs enfants, ils professent la pauvreté et l’obéissance ».

Par ce propos s’établit sans aucun doute que – pour que ces communautés originales soient éventuellement approuvées comme nouvelles formes de vie consacrée – tous les membres doivent assumer les trois conseils évangéliques de chasteté dans le célibat, de pauvreté et d’obéissance par un lien sacré public. En outre, d’autres membres agrégés ou associés sont admis, lesquels de fait n’assument pas les conseils évangéliques ou n’assument pas tous les trois conseils.

Toujours selon le n. 62, l’originalité de telles communautés par rapport à d’autres consisterait dans le fait que dans leur unité, parfois avec des branches distinctes, elles sont composées d’hommes et des femmes, de clercs et de laïcs, consacrés ou non consacrés, engagés dans une mission commune de vie évangélique et de service apostolique. Selon les cas, ces communautés sont gouvernées par des clercs ou des laïcs. Les époux qui participeraient à la vie, à la spiritualité et aux activités de ces communautés – reconnues comme des formes de vie consacrée – doivent toutefois être considérés comme des associés et non comme membres de plein droit. Ces associés pourraient confirmer par un lien sacré leur devoir d’observer la chasteté conjugale. Dans le cas où ils voudraient assumer les conseils évangéliques de pauvreté et d’obéissance, ils pourraient le faire, mais d’une manière tout à fait particulière et limitée, étant donné qu’ils sont tenus d’accomplir les devoirs parentaux à l’égard des enfants mineurs. Par contre, si ces communautés souhaitaient une pleine intégration des époux, la figure juridique dans laquelle ils peuvent entrer est celle d’association publique de fidèles, sans toutefois prétendre devenir une forme de vie consacrée.

C. Discernement et approbation ecclésiale

A propos de l’autorité compétente pour approuver ces expériences originales comme nouvelle forme selon le n. 12 de Vita consecrata, nous voyons réaffirmé ce qui est disposé dans le canon 605 du Code de Droit Canonique, c’est-à-dire, que cela revient uniquement (uni) au Siège Apostolique [3]. Cette réserve de compétence n’enlève pas le fait qu’il revient aux évêques, dans leurs diocèses, de conduire le discernement approprié par rapport aux groupes particuliers qui naissent et dans lesquels apparaîtraient, en fonction de leur authenticité, une spécificité et une utilité ecclésiale. En poursuivant l’œuvre de discernement, l’évêque est appelé à favoriser l’insertion nécessaire du nouveau don de vie consacrée dans l’horizon ecclésial, en orientant le choix de la forme canonique à adopter qui peut le mieux incarner et exprimer la potentialité et la finalité de l’intuition spirituelle du Fondateur ou de la Fondatrice. Selon la praxis introduite par la CIVCSVA, les évêques diocésains, dans le but de certifier la qualité humaine, religieuse et ecclésiale d’un groupe de fidèles qui entend se constituer en une des formes de vie consacrée approuvées, ou bien en une nouvelle forme, sont invités à poursuivre un chemin graduel d’insertion de la réalité naissante dans le contexte du diocèse, selon des passages et des étapes institutionnelles déterminés.

Particulièrement dans la phase initiale, l’Autorité compétente devra faire un examen approfondi en vérifiant, comme l’a indiqué VC 62 :

  • l’orthodoxie et le témoignage de vie du fondateur et des membres ;
  • les états de vie assumés à l’intérieur du groupe ;
  • l’absence d’exagérations ou des extravagances (p. ex. gestion imprudente des biens, pénitences trop sévères, mélanges indus entre for interne et for externe, secret absolu à l’égard des personnes étrangères au groupe, dévotions excentriques, etc.) ;
  • capacité et disponibilité à insérer le don propre dans le dynamisme global de la vie de l’église particulière, à l’interaction et à la collaboration avec les autres institutions présentes dans l’église, à la considération et à l’estime pour les qualités et le bien dans les activités et dans les charismes des autres, l’assomption de l’histoire d’une église particulière et de la culture d’une région, avec ses limites et ses potentialités ;
  • les contenus et les méthodes de formation ;
  • les modalités d’incorporation à la communauté ;
  • la docilité aux indications de la hiérarchie ;
  • l’apostolat et la sensibilité ecclésiale dans l’accomplissement de la mission propre.

Tout cela étant vérifié, le groupe pourrait être érigé en tant qu’ association privée de fidèles (canons 299, 310) avec l’examen (recognitio) nécessaire des Statuts (canon 299 § 3). L’évêque pourrait lui aussi louer ou recommander (canon 299 § 2) l’association et, s’il l’estime opportun, procéder à une autre étape, en l’érigeant en personne juridique privée avec l’approbation (probatio) des Statuts (canon 322), de sorte que c’est lui-même qui procède à leur promulgation. Ensuite le groupe – ayant acquis une certaine maturité interne à l’égard de la connaissance d’elle-même, et une maturité externe en ce qui regarde la consolidation de ses propres structures ainsi qu’une certaine diffusion – sera prêt à être érigé en association publique de fidèles (canon 313) par un décret formel de l’évêque compétent (canon 312). Celui-ci, dans le décret, aura le soin d’y inclure ces mots « en vue de devenir un jour une nouvelle forme de vie consacrée ». Des pas ultérieurs en vue de la reconnaissance ecclésiale sont de la compétence du Siège Apostolique auquel, comme rappelé, l’évêque du siège principal devra s’adresser [4].

D. La praxis du Dicastère

Dans les quinze années qui ont suivi la publication de l’exhortation Vita Consecrata, se tenant aux critères établis lors du Congrès de janvier 1990, ultérieurement affinés en fonction des indications contenues dans l’exhortation post-synodale et successivement confirmées, avec quelques précisions, lors de la Congrégation Plénière de 2005, le Dicastère a procédé par voie expérimentale, en examinant au cas par cas les demandes d’approbation comme nouvelles formes qui lui sont parvenues de la part des évêques.

En particulier, en cherchant à répondre aux nouveaux éléments présents dans les nouvelles formes, la praxis de la Congrégation s’est consolidée autour d’une figure juridique particulière, appelée Famille ecclésiale de vie consacrée, qui se présente avec les traits ci-dessus décrits :

  1. Un seul sujet juridique institutionnel, qui peut avoir différentes appellations (e.g. Communauté, Famille, Fraternité, Institution, Œuvre, etc.), avec un seul charisme, un seul but, un seul texte constitutionnel et un seul gouvernement, formé de deux branches principales de consacrés : d’hommes célibataires (clercs et non clercs) ainsi que de femmes célibataires, lesquels assument les conseils évangéliques de chasteté, de pauvreté et d’obéissance par des vœux publiques ou par d’autres liens sacrés, qui sont des membrespleno jure, de plein droit ; et de membres associés laïcs, célibataires ou mariés, liés à l’Institut de manière différente par des engagements, en en partageant le charisme, la spiritualité et la finalité apostolique, mais non en tant que membrespleno jure. Les associés, bien qu’en se référant aux Constitutions en ce qui concerne la spiritualité et la participation à la mission, doivent avoir un Statut propre, avec des normes qui réglementent soit l’organisation interne soit le rapport avec les deux branches principales.
  2. En ce qui concerne le gouvernement, les branches principales ont une structure propre, dotée d’une certaine autonomie propre, avec un Président qui a autorité (à déterminer) sur toute laFamille ecclésiale et en assure l’unité en tant que garant du charisme. Le Président est assisté d’un conseil, habituellement formé par les supérieurs généraux des deux branches principales ainsi que de leurs conseils respectifs et, en certains cas, aussi par une représentation de la branche des associés.
  3. Le Président peut être un homme (clerc ou non clerc) ou femme. Si le Président n’est pas un clerc, la faculté d’Ordinaire revient au supérieur de la branche masculine, qui doit être un clerc.
  4. En analogie avec les Instituts religieux et les Sociétés de vie apostolique cléricaux, les membres clercs peuvent être incardinés dans l’Institut avec l’approbation diocésaine.

La nouveauté de telle forme – par rapport aux formes de vie consacrée déjà approuvées ou existantes – consiste surtout dans le fait de comporter une variété de membres, de plein droit ou non, dans l’unité d’un seul sujet juridique. De la recherche auprès des archives du Dicastère, nous pouvons déduire qu’il y a une trentaine de réalités qui peuvent être classées comme nouvelles formes/familles ecclésiales de vie consacrée.

Conclusion

Jus sequitur vitam, le droit suit la vie, nous enseignent les anciens. Sans doute la vitalité de telle affirmation s’adapte pleinement à la réalité des nouvelles formes de vie consacrée. Il convient toujours de partir de l’expérience pour trouver des solutions juridiques adéquates et correctes. Forts de l’expérience acquise en ces années, en effet, nous allons pouvoir mieux comprendre la signification de l’expression nouvelles formes de vie consacrée et perfectionner les critères pour évaluer si les réalités qui demandent la reconnaissance comme nouvelles formes le soient réellement ou non.

Non nova sed noviter, non pas des choses nouvelles, mais une manière nouvelle. Les nouvelles formes de vie consacrée apparues tout au long de l’histoire n’ont jamais éliminé les précédentes. Un signe de l’Esprit Saint et un encouragement pour tous semble être vraiment le fait que les nouvelles formes d’aujourd’hui ne se présentent pas comme des alternatives aux formes existantes. En ce sens, pour utiliser une image conciliaire (Cf.. Lumen Gentium 43) reprise dans l’exhortation Vita consecrata au n. 5, la vie consacrée apparaît comme « une plante aux multiples rameaux, qui plonge ses racines dans l’Évangile et produit des fruits abondants à tous les âges de l’Église ». Il nous tient à cœur d’aider cette plante à grandir et à être féconde en fruits de sainteté pour le bien de l’Église et du monde.

[1Pour comprendre la complexité du phénomène des nouvelles formes de vie consacrée et des problématiques théologiques, juridiques et ecclésiales sous-jacentes, nous renvoyons aux résultats du congrès sur « Les nouvelles formes de vie consacrée et les nouvelles communautés », organisé par la Fraternité Franciscaine de Béthanie, à l’occasion de 25e anniversaire de sa fondation, et par la Coordination d’Historiens Religieux (Coordinamento Storici Religiosi, CSR, Rome) qui a eu lieu les 5 et 6 octobre 2007 à Rome, à l’Université Pontificale Urbanienne et sous son patronage. Voir les deux volumes suivants. Le premier, sous la responsabilité de R. Fusco – G. Rocca, Nuove forme di vita consacrata (Urbaniana University Press, Rome 2010) recueille les conférences prononcées lors du congrès ; le deuxième tome, publié par G. Rocca, Primo censimento delle nuove comunità (Urbaniana Univresity Press, Rome 2010) offre, pour la première fois, les informations qui ont pu être recueillies à propos de plus de 800 nouveaux instituts, partout dans le monde.

[2A son tour VC 12 réaffirme que le trait spécifique fondamental qui a assuré à la vie consacrée sa propre unité de fond dans sa multiforme variété est « l’appel à suivre Jésus chaste, pauvre et obéissant, dans la recherche de la charité parfaite ».

[3Selon la doctrine commune, en effet, l’expression « Siège Apostolique » contenue dans le canon se réfère au Souverain Pontife auquel – en tant que seul suprême maître et législateur – il revient de reconnaître qu’une forme de vie répond aux éléments théologiques substantiels de la vie consacrée et, de ce fait, de l’approuver par un acte officiel, en lui donnant une configuration canonique générale, de manière à ce qu’elle soit ajoutée aux autres formes déjà canoniquement reconnues et configurées dans le Code de Droit Canonique. C’est ainsi qu’on a procédé pour la reconnaissance des Congrégations de vœux simples et pour les Instituts séculiers. L’acte d’approbation d’une nouvelle forme est de compétence exclusive du Pontife Romain en tant que, avant tout, il relève d’un jugement magistériel duquel dérive un acte législatif de nature universel, par lequel la nouvelle forme de vie consacrée reçoit une configuration canonique. Par sa nature, en effet, la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique n’a pas de pouvoir législatif, à moins que le Souverain Pontife ne le lui délègue expressément.

[4Dans l’approbation des nouvelles formes, à la différence de ce qui est prévu dans le canon 579, c’est le Dicastère qui – ayant attentivement examiné toute la documentation, en particulier le texte des Constitutions, et seulement quand y sont présents tous les éléments de la vie consacrée requis aux canons 573 et suivants – autorise l’évêque diocésain du siège principal à ériger l’association comme nouvelle institution de vie consacrée et à approuver le texte des Constitutions ad experimentum, avec les modifications éventuellement indiquées par le Dicastère lui-même. Aussi, en vertu de la réserve dont il est question au canon 605 dans le cas de nouvelles formes, l’éventuelle érection sans la consultation préalable du Siège Apostolique doit être considérée comme invalide.

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