Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Le temps de l’Avent et celui de Noël

Pierre Piret, s.j.

N°2011-4 Octobre 2011

| P. 254-265 |

À la fin du mois de novembre, l’Église entre dans le temps de l’Avent, non sans lien avec le temps ordinaire qui culminait dans la solennité du Christ-Roi. Un parcours pas à pas de la liturgie eucharistique des dimanches et des jours de la semaine nous permet dès maintenant d’entendre les résonances de ce temps de part en part prophétique.

La lecture en ligne de l’article est en accès libre.

Pour pouvoir télécharger les fichiers pdf et ePub, merci de vous inscrire gratuitement en tant qu’utilisateur de notre site ou de vous connecter à votre profil.

Un article intitulé « Le jour du Seigneur et le développement de l’année liturgique » précède celui-ci et le rejoint [1]. Nous y avons considéré l’octave pascale qui confirme le jour de la Résurrection, le « premier jour de la semaine ». Celui-ci est désigné par les quatre évangiles, puis est réaffirmé « huit jours après » par celui de Jean (ch. 20, 19-29), que l’on proclame le deuxième dimanche de Pâques. C’est encore ce même jour qui se déploie dans les cinquante jours du temps pascal et s’achève par la célébration de la Pentecôte, selon la chronologie des Actes des apôtres.

Interrompu par le Carême, le temps ordinaire de la liturgie, qui avait débuté au lendemain du Baptême de Jésus, reprend son cours le lendemain de la Pentecôte. C’est alors en partant de cette date que nous avons décrit, dans ses lignes essentielles, le développement de l’année liturgique.

Cependant, le premier des temps de l’année liturgique est le temps de l’Avent, l’avènement (adventus), la venue. C’est au VIe siècle qu’il fut adjoint, en les précédant, aux solennités de la nativité et de la manifestation du Christ Jésus (la Noël et l’Épiphanie) déjà célébrées.

Vers ce temps de l’Avent qui ouvre l’année liturgique, vers celui de Noël et de l’Épiphanie que clôt le dimanche du Baptême [2], se tourne le présent article [3].

La venue du Christ notre Seigneur

Le temps de l’Avent ne commence pas une nouvelle année liturgique de façon abrupte. Dans les derniers jours du temps ordinaire, la liturgie eucharistique quotidienne retient, comme évangiles, plusieurs annonces de l’avènement du « Fils de l’Homme », et le missel introduit chaque proclamation par le même rappel : « En ces jours-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue ». La solennité du « Christ Roi de l’univers » (instituée en 1925), au dernier dimanche du temps ordinaire, peut conduire tout uniment au temps de l’Avent, durant lequel « nous attendons sa venue ».

Adoptée du premier dimanche au 16 décembre, la première Préface de l’Avent, adressant sa louange au Père, fait mémoire de la venue du Christ dans la condition charnelle et s’engage dans l’espérance de sa venue glorieuse :

Car il est déjà venu, en prenant la condition des hommes, pour accomplir l’éternel dessein de ton amour et nous ouvrir le chemin du salut ;
il viendra de nouveau, revêtu de sa gloire, afin que nous possédions dans la pleine lumière les biens que tu nous as promis et que nous attendons en veillant dans la foi.

« Il est déjà venu » et « il viendra de nouveau ». Un premier et un second avènements du seul et même Christ notre Seigneur sont ainsi proclamés. Le passé du premier et l’avenir du second sont à la fois ramassés dans la présente confession et parcourus par elle, de mémoire et en espérance.

Par l’effet d’une seule promesse du Père, les deux avènements communiquent entre eux et s’interpellent. La venue du Christ dans la chair jusqu’à sa mort et sa résurrection anticipe et annonce sa venue dans la gloire qui nous rassemblera auprès du Père. En retour, son avènement glorieux qui nous affranchit définitivement des puissances du péché et de la mort confirme et explique son humble venue dans une chair identique à la nôtre.

En communiant de tout notre être à la première venue du Christ, en nous convertissant à elle, nous hâtons et rendons possible la seconde. En espérant la seconde venue du Christ et en œuvrant pour elle, nous recueillons la vérité et assimilons la générosité de la première. Notre intervention, essentielle, dans le double avènement du Seigneur s’est vu désignée, dans la tradition chrétienne, comme « troisième venue » du Christ qui relie la première et la seconde [4].

Une telle reconnaissance du triple avènement du Christ notre Seigneur s’exprime dans le déroulement du temps de l’Avent.

De l’accomplissement à sa promesse

À vrai dire, inversant en cela l’ordre suivi par la Préface (et par le commentaire que nous en avons fait), c’est l’espérance de la seconde venue du Seigneur, dont lui-même fit la promesse, qui inaugure le temps liturgique de l’Avent et ne cessera d’influer sur lui.

Une telle promesse et l’espérance qui lui correspond orientent l’Église pérégrine. Pour en saisir les expressions dans la liturgie de l’Avent et comprendre aussi le rôle qu’y tiennent les prophètes d’Israël, une réflexion sur la relation des Écritures au Christ et sur le rapport de l’Ancien au Nouveau Testament nous sera ici utile.

Évangélistes et apôtres, dans leurs écrits, insistent à maintes reprises sur la relation des Écritures au Christ : celui-ci est mort et ressuscité « selon les Écritures » (1 Co 15,3-4), il en est « l’accomplissement », elles « s’accomplissent » en lui (cf. Jn 19,28-30), il ouvre à leur « intelligence » (Lc 24,45). Ces écrits concernant l’acte du Christ furent bientôt, à l’intérieur de l’Église, intégrés aux Écritures d’Israël. Un redoublement s’effectue au sein de l’Écriture toujours unique. Le « Nouveau Testament » confirme la vérité inaliénable de l’« Ancien Testament », établissant ainsi l’autorité des Écritures et anciennes et nouvelles en faveur de tous les hommes, pour leur communion avec Dieu.

Sous sa désignation la plus simple et la plus générale, le rapport de l’Ancien au Nouveau Testament [5] est celui de la « promesse » de Dieu à son « accomplissement ». L’Alliance de Dieu avec son peuple, promesse des bénédictions sur Israël et en lui sur les Nations, est accomplie dans l’Alliance du Christ, le Fils du Père qui transmet l’Esprit Saint.

L’accomplissement rend raison de la promesse. Mais encore, l’Alliance nouvelle et éternelle du Christ, nouée dans le sacrifice eucharistique de l’Église, comprend en elle l’espérance de l’avènement glorieux du seul et même Christ Seigneur à l’humanité entière. La venue du Christ Jésus dans l’histoire suscite et soutient, dans le temps présent, notre conversion et notre coopération à l’œuvre de l’Esprit conduisant l’histoire à son Seigneur.

Accomplissement de la promesse inscrite dans l’Ancien Testament, le Nouveau contient donc en lui-même la promesse de l’avènement du Christ « à la fin des temps ». Ainsi peut-on parler, en vertu du Nouveau Testament, d’un rebond ou d’un redoublement de la promesse qui s’exprime dans l’Ancien.

Or les témoins vigilants, les maîtres pédagogues des pro- messes de Dieu furent et, dans l’Esprit du Christ, demeurent les prophètes d’Israël. La tâche leur est confiée, au temps de l’Avent, de susciter notre attente et de nous former à l’espérance du Christ Jésus notre Seigneur.

Les quatre dimanches de l’Avent

« Donne à tes fidèles, Dieu tout-puissant, d’aller avec courage sur les chemins de la justice à la rencontre du Seigneur, pour qu’ils soient appelés, lors du jugement, à entrer en possession du Royaume des cieux ». Propre au premier d’entre eux, cette oraison introduit à la succession des quatre dimanches de l’Avent et des semaines qui en découlent.

Soutenue par les prophètes, notre espérance du jugement définitivement victorieux du bien sur le mal et de la vie sur la mort caractérise le premier dimanche et la semaine correspondante.

À chacune des années A, B et C, l’évangile annonce la venue, à l’improviste, du « maître de maison » (Mc), du « Fils de l’homme » (Mt et Lc), et appelle à la vigilance que réclame un tel avènement : « Veillez » [6].

Cependant, au nom même de l’attente du jugement de justice et de vie, nous sommes conviés à la « conversion », au discernement du salut que Dieu promet et entreprend. Visionnaires du « Jour du Seigneur », les prophètes sont aussi les hérauts du com- bat spirituel qui dispose à la venue tant implorée. Jean Baptiste, « voix qui crie dans le désert » (Mt 3,3 ; Mc 1,3 ; Lc 3,4) relaie l’appel d’Isaïe à la conversion, à la préparation du « chemin du Seigneur ». C’est le deuxième dimanche.

Mais encore, le Seigneur lui-même s’approche de son peuple, lui signifie en paroles et en gestes sa venue imminente et salvatrice, l’initie à sa présence déjà influente mais encore méconnue. Jean Baptiste, en conférant un baptême de conversion, se sait et se déclare le Précurseur – c’est-à-dire, celui qui court au devant et sans écart en désignant son Maître. Nous sommes au troisième dimanche de l’Avent, avec l’antienne d’ouverture : « Soyez dans la joie… le Seigneur est proche » (cf. Ph 4,4-5).

Nous étions attirés par l’avènement ultime du Seigneur. Voici qu’au quatrième dimanche de l’Avent, nous sommes reconduits et ramenés au premier. Disons mieux : nous y sommes conduits et amenés. Loin de décliner, en effet, l’espérance s’accroît à l’an- nonce de l’enfantement. L’ange du Seigneur apparaît à Joseph (Mt 1,18-24 : année A) ; l’ange Gabriel est envoyé par Dieu à Marie (Lc 1,26-38 : année B). Saluée par elle, Élisabeth s’exclame au sujet de Marie : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (Lc 1,39-45 : année C).

Une semaine datée précisément du 17 au 24 décembre accompagne le quatrième dimanche, avec des oraisons et des lectures propres à chaque jour [7]. Elle débute par « la table des origines de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham » (Mt 1,1-17) et s’achève sur la bénédiction prononcée par Zacharie à la naissance de Jean Baptiste (Lc 1,67-79).

Proclamée durant cette période, la seconde Préface de l’Avent retrace le chemin qui est suivi de dimanche en dimanche avec les prophètes, Jean Baptiste, Marie, et qui accède au dies natalis du Christ notre Seigneur :

Il est celui que les prophètes avaient chanté, celui que la Vierge attendait avec amour, celui dont Jean Baptiste a proclamé la venue et révélé la présence au milieu des hommes.
C’est lui qui nous donne la joie d’entrer déjà dans le mystère de Noël, pour qu’il nous trouve, quand il viendra, vigilants dans la prière et remplis d’allégresse.

Les prophètes, parmi lesquels Isaïe

Les prophètes fournissent la première lecture à chacun des dimanches de l’Avent, pour les trois années, et nous continuons à les entendre au long des semaines. C’est aussi, en tenant compte du psaume et (au dimanche) de l’épître, l’ordonnance de cette lecture prophétique avec celle de l’évangile qui mérite d’être remarquée.

Durant le temps ordinaire, le texte évangélique paraît déterminer le choix de la première lecture. Les jours de semaine, la lecture continue d’un des trois évangiles synoptiques est accompagnée, suivant l’alternance des années impaires et paires, de celle d’un écrit de l’Ancien Testament ou du Nouveau. Le dimanche, la lecture de l’évangile est précédée d’un passage de l’Ancien Testament qui s’y rapporte comme à sa pleine réalisation.

L’usage continu du livre d’Isaïe et d’autres prophéties met en valeur, quant à lui, l’unité du temps de l’Avent, son élan (la première semaine) et son mouvement vers la venue du Seigneur.

Le témoignage d’Isaïe est prépondérant. Nous le recevons les quatre dimanches de l’année A et les trois premiers de l’année B de même que, à trois exceptions près [8], chaque jour des trois semaines de l’Avent jusqu’au 16 décembre.

Il ne s’agit pas d’une lecture continue, car les coupes sont parfois larges et des textes, comme ceux du « Serviteur », sont réservés au temps du Carême et de la Passion. L’ordre des chapitres, non pas les dimanches mais les jours de semaine, est cependant respecté [9].

Jean, le Baptiste et le Précurseur

Dans la progression de l’Avent, le rôle de Jean Baptiste est central. Il occupe les deuxième et troisième dimanches ainsi que leurs semaines. Le deuxième dimanche intègre le premier, puisque Jean y est identifié par une citation d’Isaïe. Le troisième dimanche conduit au quatrième : déclarant qu’il ne l’est pas, Jean rend témoignage au Messie.

Du jeudi de la deuxième semaine au vendredi de la troisième, la lecture de l’évangile traite de Jean Baptiste. La continuité de la lecture quotidienne ne réside pas dans la succession des épisodes, mais dans les paroles que Jésus prononce, au cours de sa mission, au sujet de Jean Baptiste. Entendons-nous le témoignage de Jean à l’égard de Jésus ? Celui-ci nous presse, dans le temps de l’Avent, à passer par ce témoignage [10].

La liturgie du temps de Noël s’attachera à nouveau, par l’écoute de l’évangile johannique, à l’œuvre et à la personnalité de Jean Baptiste [11].

La messe du jour, à la solennité de la Nativité, et celle du 31 décembre dans l’octave, ont pour évangile le prologue johannique (Jn 1,1-18). Or ce texte mentionne à deux reprises (cf. Jn 1,6-8 et 15) le témoignage de Jean Baptiste. Celui-ci, à l’endroit où il baptisait, confirmera bientôt la parole que le verset 15 du prologue lui attribue : « C’est de lui que j’ai dit : après moi vient un homme qui est passé devant moi parce qu’avant moi il était » (Jn 1,30).

À la suite du prologue, le texte de Jn 1,19-42 est lu en trois parties, les 2, 3 et 4 janvier avant l’Épiphanie [12]. Le samedi après l’Épiphanie, il s’agit de Jn 3,22-30. Alors que Jésus s’est rendu en Judée avec ses disciples, Jean Baptiste confesse devant ceux qui l’interrogent : « L’époux, c’est celui à qui l’épouse appartient ; quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il entend la voix de l’époux, et il en est tout joyeux. C’est ma joie, et j’en suis comblé. Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue » (Jn 3,29-30).

Le lendemain, dimanche après l’Épiphanie, la liturgie célèbre le Baptême du Seigneur.

La mère de Jésus, Marie, épouse de Joseph

Chanté par les prophètes, le Christ est « celui que la Vierge attendait avec amour ». (La seconde Préface mentionne, chronologiquement, Jean Baptiste en dernier lieu). Au quatrième dimanche de l’Avent et aux féries du 17 au 24 décembre, les évangiles de Matthieu et de Luc se conjuguent tous deux dans la mémoire séculaire de l’attente et dans l’annonce – à Joseph (pour Mt 1,18-25), à Marie (pour Lc 1,26-38) – de la conception, par Marie, de l’enfant descendant de David et fils du Très Haut, dont le nom sera Jésus [13].

C’est Matthieu que nous écoutons en premier lieu. « La table des origines de Jésus-Christ » (Mt 1,1-17) est l’évangile du 17 décembre ; l’annonce de l’ange à Joseph (Mt 1,18-24), celui du quatrième dimanche à l’année A et du 18 décembre. L’ensemble du chapitre (Mt 1,1-25) sera l’évangile de la veille de Noël, à la messe du soir.

Avec l’apparition de l’ange à Zacharie (Lc 1,5-25), le 19 décembre, débute le récit de Luc. L’annonce de l’ange Gabriel à Marie (Lc 1,26-38) est accueillie le 20 décembre et le quatrième di- manche à l’année B. Se succèdent alors la visite de Marie chez Élisabeth (Lc 1,39-45) le 21 décembre et le dimanche C, son chant d’action de grâces (Lc 1,46-56) le 22, la naissance de Jean Baptiste (Lc 1,57-66) le 23 et le chant prophétique de Zacharie son père (Lc 1,67-79) le 24 au matin.

L’octave de Noël

Célébrée en Orient et passant à l’Occident au cours du IVe siècle, la fête de l’Épiphanie regroupe originairement les premières manifestations du Verbe de Dieu fait chair : l’adoration des mages, le baptême et les noces de Cana. Le mot français garde son origine grecque : epiphaneia signifie « manifestation ».

La fête de la Nativité commémore la naissance, à Bethléem, du Verbe éternel. Elle est fixée le 25 décembre au solstice d’hiver, annonciateur de la lumière. Geste de réception du concile de Nicée (325) qui professe l’identité divine du Christ Jésus, la fête de la Nativité s’établit à Rome en 330 sous le pape Sylvestre et se répand bientôt de l’Occident en Orient. Au Ve siècle, sous l’in- fluence du pape Léon le Grand, les enseignements du concile de Chalcédoine (451) sur la communion de l’humanité et de la divinité du Christ transparaîtront à leur tour dans sa liturgie.

Expression médiévale, Noël est un cri de joie et Nael Dieu veut dire « nativité de Dieu ».

Les trois Préfaces que le Missel actuel propose pour le temps de Noël, si elles sont disponibles chacune à tout moment de celui-ci, suivent néanmoins une certaine progression. La première magnifie la lumière du Verbe incarné par qui Dieu invisible s’est rendu visible à nos yeux. Gardant la même orientation, la deuxième ajoute la restauration de l’univers et le salut de l’homme qu’effectue l’Incarnation. La troisième chante « l’échange merveilleux » accompli dans le Fils de Dieu qui « devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels ».

Les accents des trois Préfaces sont également perceptibles, et en suivant la même ordonnance, dans les trois oraisons de la solennité de Noël – respectivement aux messes de la nuit, de l’aurore et du jour. La messe de la nuit : « Seigneur, tu as fait resplendir cette nuit très sainte des clartés de la vraie lumière… ». À l’aurore : « …une lumière nouvelle nous envahit : puisqu’elle éclaire déjà nos cœurs par la foi, fais qu’elle resplendisse dans toute notre vie ». Au jour : « Père,… fais-nous participer à la divinité de ton Fils, puisqu’il a voulu prendre notre humanité ».

La messe de la nuit laisse entendre l’annonce, aux bergers, de la naissance d’ »un Sauveur dans la ville de David » (Lc 2,1-14) et la messe de l’aurore relate la venue des bergers auprès du « nouveau-né couché dans une mangeoire » (Lc 2,15-20). Le prologue de l’évangile selon saint Jean (Jn 1, 1-18) est proclamé à la messe du jour [14]. Sa méditation sur l’économie du Verbe fait chair conduit et soutient sans relâche les semaines du temps de Noël : la première lettre de saint Jean, en effet, est lue à partir du 27 décembre (avec 1 Jn 1,1-4) jusqu’au samedi après l’Épiphanie (avec 1 Jn 5,14-21).

Cette économie du Verbe dans la chair est aussitôt engagée par le témoignage du sang versé. Le premier martyr du Christ, saint Étienne, est célébré le 26 décembre. Le disciple témoin, saint Jean, suit le lendemain. En retenant la lamentation de Rachel pleurant ses enfants (Mt 2,16 : cf. Jr 31,15), l’évangile des « saints Innocents », le 28 décembre, rappelle la foi des justes d’Israël au cours des âges.

La « Sainte famille de Jésus, Marie et Joseph » est fêtée le dimanche dans l’octave de la Nativité (ou, s’il y a lieu, le 30 décembre). Le 1er janvier, huitième jour de l’octave, la solennité de « sainte Marie Mère de Dieu », en même temps qu’elle rend hommage à Marie, commémore la circoncision de l’enfant et l’imposition du nom. C’est la conclusion de l’évangile de la messe (Lc 2,16-21) : « Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception ».

Les jours de l’Épiphanie

La solennité de l’Épiphanie, plutôt qu’au 6 janvier, est fixée dans les régions de langue française au dimanche qui suit le 1er janvier. L’évangile qui s’y trouve proclamé (Mt 2, 1-12) débute par l’interrogation des « mages venus d’Orient » sur le « roi des Juifs qui vient de naître », car ils ont vu « se lever son étoile » [15].

La lumière du Christ, reconnue à Noël par des bergers d’Israël, illumine à présent tous les hommes qui la cherchent. La Préface met en valeur cette manifestation : « Aujourd’hui, tu as dévoilé dans le Christ le mystère de notre salut pour que tous les peuples en soient illuminés… ». Semblablement l’oraison : « Aujourd’hui, Seigneur, tu as révélé ton Fils unique aux nations, grâce à l’étoile qui les guidait… ».

Avant l’Épiphanie, du 2 au 7 janvier, la lecture de la première lettre de saint Jean est accompagnée par les débuts de son évangile : Jn 1,19-51 du 2 au 5 et, (après Lc 2,23-38 pour le 6), Jn 2,1-11 le 7 janvier [16].

Après l’Épiphanie, du lundi au samedi, diverses manifestations du Christ notre Seigneur sont présentées par les textes évangéliques : sa proclamation du Royaume des cieux (Mt 4,12-25), la multiplication des pains (Mc 6,34-44), la marche sur la mer (Mc 6,45-52), la lecture d’Isaïe dans la synagogue de Nazareth (Lc 4,14-22), la purification du lépreux (Lc 5,12-16), le témoignage de Jean Baptiste au sujet de l’Époux (Jn 3,22-30).

Le Baptême du Seigneur est son ultime manifestation dans ce temps liturgique, la solennité du dimanche après l’Épiphanie. Les cieux s’ouvrent, l’Esprit descend sur Jésus comme une colombe, la voix se fait entendre. Elle s’adresse à lui : « C’est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour » (Mc 1,11 ; cf Lc 3,22). Elle s’adresse à nous : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour » (Mt 3,17).

[2La désignation générale d’un « temps de Noël » englobe toute cette période.

[3Comme le précédent, il se réfère seulement à la Liturgie eucharistique du dimanche et des jours de la semaine, et non pas à l’Office divin. Nous découvrons, simplement, et mettons en valeur le contenu théologique du Missel promulgué par Paul VI, l’ordonnance de son calendrier, son choix des lectures de l’Écriture Sainte.

[4La proposition d’une « triple venue » du Seigneur (dans son Incarnation, dans l’âme chrétienne, dans sa Parousie ultime) peut être comparée à la formulation du « triple sens spirituel » de l’Écriture Sainte : allégorique, tropologique, anagogique. L’une et l’autre furent engagées par Origène. Alcuin (735-804), dans sa réforme de la liturgie gallicane inspirée par celle, romaine, du pape Grégoire le Grand (540-604), insiste sur cette perspective doctrinale de l’Avent.

[5« Testament » définit, et la réalité de l’Alliance de Dieu avec les siens, et sa mise par écrit : l’Écriture Sainte.

[6Voici les références de la première et de la troisième lectures de l’Eucharistie dominicale au temps de l’Avent. Premier dimanche. A : Is 2,1-5 ; Mt 24,37-44. B : Is 63,16…64,7 ; Mc 13,33-37. C : Jr 33,14-16 ; Lc 21,25…36. Deuxième dimanche. A : Is 11,1-10 ; Mt 3,1-12. B : Is 40,1…11 ; Mc 1,1-8. C : Ba 5,1-9 ; Lc 3,1-6. Troisième dimanche. A : Is 35,1…10 ; Mt 11,2-11. B : Is 61,1…11 ; Jn 1,6.19-28. C : So 3,14-18 ; Lc 3,10-18. Quatrième dimanche. A : Is 7,10-16 ; Mt 1,18-24. B : 2 Sm 7,1…16 ; Lc 1,26-38. C : Mi 5,1-4 ; Lc 1,39-45.

[7Les évangiles du 17 et du 18 décembre sont, respectivement, Mt 1,1-17 et 1,18-24. L’ensemble de Lc 1,1-79 est réparti du 19 au 24 décembre. Cf. infra, notre section « La mère de Jésus, Marie, épouse de Joseph ».

[8Il s’agit de Sir 48,1-11 (samedi de la 2e semaine), de Nb 24,2-17 et de So 3,1-13 (lundi et mardi de la 3e).

[9Du lundi de la 1ère à celui de la 2e semaine, nous sommes conduits jusqu’au ch. 35, et du mardi de la 2e semaine au jeudi de la 3e, jusqu’au ch. 55 ; le vendredi de la 3e semaine, nous entendons le ch. 56,1-8. Le 20 décembre propose Is 7,10-16 et Lc 1,26-38 avec Is 11, 1 comme antienne. Les quatre messes de Noël emprunteront chacune leur première lecture au prophète : Is 62,1-5 ; 9,1-6 ; 62,11-12 ; 52,7-10. Pour les dimanches de l’Avent, cf. supra, la note 6.

[10Se succèdent jour après jour : Mt 11,11-15 puis 16-19 ; Mt 17,10-13 ; Mt 21,23-27 puis 28-32 ; Lc 7,18-23 puis 24-30 ; Jn 5,33-36.

[11Contrairement à ceux de Matthieu à l’année A, de Marc à l’année B, de Luc à l’an-née C, l’évangile de Jean ne bénéficie pas d’une année propre dans la liturgie. En revanche, il apparaît chaque année à des moments importants du temps liturgique. Au temps de Noël : les ch. 1 et 3. Le jeudi et le vendredi saints : les ch. 13 et 18-19. Au temps pascal : les ch. 20, 3, 4, 6, 10, 14-17, 21. Notons l’insertion de Jn 1, 6.19-28 au troisième dimanche de l’Avent, année B.

[12Les deux extraits de Jn 1,29-34 et 35-42 sont repris le 1er dimanche du temps ordinaire, dans la succession des années A et B. L’année C recourt à Jn 2,1-11, de même que le 7 janvier avant l’Épiphanie.

[13L’éclairage que les deux annonces projettent l’une sur l’autre est bien rendu par les articles d’Étienne Grenet, « La filiation selon Matthieu 1-2 », Nouvelle Revue Théologique, 3 (2008) 529-549, et « ‘Suis-je à la place de Dieu ?’ : La paternité de Joseph dans l’Évangile selon saint Luc », Communio, 6 (2009) 61-77.

[14Comme lectures, à la messe de la nuit : Is 9,1-6 ; Tite 2,11-14 ; Lc 2,1-14. À celle de l’aurore : Is 62,11-12 ; Tite 3, 4-7 ; Lc 2, 15-20. A celle du jour : Is 52, 7-10 ; Hé 1, 1-6 ; Jn 1, 1-18. Dans l’octave de la Nativité, les 29, 30 et 31 décembre : Lc 2,22-35 puis 36-40 ; Jn 1,1-18.

[15La première lecture est l’interpellation d’Isaïe à Jérusalem : que celle-ci resplendisse de sa lumière vers laquelle marcheront les nations ! (Is 60,1-6). Le psaume 71 chante comme refrain : « Parmi toutes les nations, Seigneur, on connaîtra ton salut ». Paul enseigne aux Éphésiens le mystère du Christ : en celui-ci, par l’annonce de l’Évangile, « les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse » (Ép. 3,2-6).

[16Cf. supra, notre section « Jean, le Baptiste et le Précurseur ».

Mots-clés

Dans le même numéro