Chronique sur la vie consacrée
Noëlle Hausman, s.c.m.
N°2011-2 • Avril 2011
| P. 142-149 |
Reporter d’un numéro notre chronique ordinaire sur la vie consacrée et son contexte, aura heureusement rendu possible le signalement de plusieurs ouvrages arrivés récemment à notre rédaction et qui poursuivent, semble-t-il, un mouvement vers les « fondamentaux » que nous croyions déjà deviner.
La lecture en ligne de l’article est en accès libre.
Pour pouvoir télécharger les fichiers pdf et ePub, merci de vous inscrire gratuitement en tant qu’utilisateur de notre site ou de vous connecter à votre profil.
Reporter d’un numéro notre chronique ordinaire sur la vie consacrée et son contexte, aura heureusement rendu possible le signalement de plusieurs ouvrages arrivés récemment à notre rédaction et qui poursuivent, semble-t-il, un mouvement vers les « fondamentaux » que nous croyions déjà deviner. Mais avant de parcourir l’un après l’autre les livres particulièrement retenus pour cette revue annuelle, rappelons que les déplacements de l’un ou l’autre membre de notre rédaction nous ont conduits de Rome (pour l’Assemblée de l’Union internationale des Supérieures générales) à Lourdes (pour celle des Supérieur(es) Majeur(e)s de France) et aussi à Madrid (pour la IIe rencontre internationale des directions des revues pour la vie religieuse), en attendant d’autres rendez-vous, à Lubumbashi ou ailleurs encore. Ainsi continue à luire l’Étoile du matin, sur les réalités grandes et petites de nos vies, bouleversées encore par la mise au jour de comportements où des religieux – et non seulement ni peut-être d’abord des prêtres diocésains – ont été si lamentablement compromis. Pourtant, toute la vie consacrée ne se résume pas à la défaillance de ceux des nôtres qu’une longue pénitence, portée par tous, pourra, si Dieu le veut, contribuer à relever, non sans un engagement commun pour les réparations possibles, en l’espèce.
*
Sur d’autres terres, en d’autres temps, les religieuses missionnaires se sont montrées capables de dévouements inouïs, comme le montre « la mission au féminin » [1]. Qui veut faire un tour du monde sous cet aspect doit d’urgence se mettre à la lecture de cet imposant ouvrage, présenté par Elisabeth Dufourcq puis par l’éditrice, elle-même responsable de plusieurs notices. Ces récits d’anthologie, pour la plupart inédits, bénéficient tous d’introductions particulières qui permettent de les situer dans chacune des parties thématiques : le grand départ, les découvertes et turbulences, les œuvres. Les huit congrégations citées (dont une locale) sont elles aussi présentées au début, tandis que l’importante bibliographie finale s’achève sur quelques lignes consacrées à chacun des six auteurs. Qui voudra aborder à de tels rivages sortira pour toujours d’une vision colonialiste de la mission, et s’interrogera longtemps sur l’oubli de ces pionnières de l’éducation, du soin des malades, de l’évangélisation, mais aussi, de la libération des esclaves, des rapports des femmes avec la hiérarchie, du développement par le travail – et pourquoi pas, sur la folle énergie qui porta au bout du monde et souvent sans retour, des filles de nos pays vers des destinées bien plus périlleuses encore qu’elles ne l’appréhendaient.
Pour ce qui regarde la liturgie toujours renouvelée du repas fraternel, on lira avec plaisir l’ouvrage suivant [2]. Reprenant sa thèse de psychosociologie (agrémentée maintenant de recours à D. Vasse ou à M. Mauss), recourant de plus à l’histoire de l’art (via un cahier de 16 illustrations en couleurs) et à l’observation des formes communautaires depuis mai 1968, l’auteur, récemment décédé, fut guidé d’abord par la conviction que le repas, « comme système d’échanges symboliques, fonde, reflète et reproduit tous les échanges dans la vie de la communauté » (14). Dans une Première partie, consacrée aux conduites de table dans la symbolique de notre culture, il parcourt la structure typique du repas (complet) de midi, avec ses catégories fondamentales d’aliments, sa préparation, le statut de « l’objet du désir » alimentaire (ch. I) ; il étudie ensuite (ch. II) les images de la table (ici interviennent les œuvres d’art), et la disposition des convives (en rond, en long, en carré…), puis les récits de repas communautaires (ch. III) dans un certain nombre de groupes de vie plus ou moins récents : Laurac, Gautray, Biana, chez Moon, à Emmaüs, à Tamié, au Saint-Désert. La Deuxième partie tente une théorie des faits de table, en considérant la manière de servir l’acte de manger ensemble, les paroles qui s’y échangent, les acteurs de cette convivialité différenciée – un grand moment de l’ouvrage, pour qui vit communautairement. La Troisième partie médite sur le repas de l’Alliance, avec le Père donateur, la Parole qui nourrit, la Source et l’échange des dons, la communauté comme fruit, la loi fraternelle, les rôles de l’autorité, les identifications qui s’opèrent. In fine, tout se recentre, plus que sur le repas comme signe de l’alliance, sur son fondement, la prière de bénédiction et l’Eucharistie (292) : « la leçon du repas nous rappelle que le fond de tout lien est de recevoir ensemble le don du Père – en-deçà de la mère – comme des enfants ». A déguster sans hâte.
Les psychologues recommenceraient-ils à s’intéresser à la vie religieuse ? Fruit d’une thèse doctorale en psychologie, l’étude de quelques vocations monastiques que désigne le sous-titre de l’ouvrage suivant [3] est précédée d’une longue partie méthodologique, puis de l’analyse approfondie de quatre récits, segmentés et « reconstitués de manière diachronique ». L’ensemble du corpus (les seize récits proprement dits) n’est abordé que dans les cinquante dernières pages, qui mettent en évidence les processus de conversion et l’expérience religieuse qui s’y atteste, les étapes de la vie et la construction identitaire. Des « dévoilements » apparaissent, spontanés ou non, qui permettent à l’interlocuteur questionné d’accéder à une représentation de soi « moins lisse que celle du projet narratif » : l’identité se tisse donc parmi de multiples possibles. Peut-être cette recherche aidera-t-elle les pratiques d’accompagnement dans la vie religieuse (393) ; elle contribue sans aucun doute à redonner au récit de vie une place dans la recherche en psychologie de la religion.
*
Au chapitre de la forme la plus ancienne de vie consacrée, épinglons l’ouvrage suivant, en italien [4]. C’est un véritable monument que nous propose l’abbé S. Bocchin (Tchéquie) dans cette thèse doctorale de 2007 qui étudie, après un état des publications et dans un ordre différent de celui du titre, la virginité célébrée (400 pages), professée (70 pages), confessée (90 pages), avant une longue partie conclusive (environ 100 pages) ; le tout, suivi de 400 pages d’annexes, qui reprennent (en latin) tous les livres liturgiques anciens, tous les schémas préparatoires au rituel de 1970 et une très utile synopse du nouveau rite dans ses deux formes, l’une pour les vierges consacrées, l’autre pour les moniales. De nombreux schémas clarifient souvent le propos, et une bibliographie de 50 pages (où notre revue, plusieurs fois citée, est, à tort, encore localisée à Louvain) achève de faire de l’ouvrage un excellent instrument de travail. Il ne faut pas l’entendre comme relevant de la « pastorale liturgique », mais de la « théologie liturgique », avertit l’auteur (592), qui accepte cependant de signaler, dans son évaluation finale du nouveau rite, quelques questions ouvertes (sur le sujet, le ministre…). Même si on peut rester perplexe devant certains développements « théologiques », comme la triple dimension « mystère-action-vie », plus construite que féconde, on se réjouira comme l’auteur de ce qu’avec la renaissance des vierges consacrées, la consécration se soit faite « laïque », dans la ligne du sacerdoce commun des fidèles et de leur diaconie royale : voilà bien une existence prophétique des noces du Christ avec son Église (768).
*
Les formes nouvelles de vie consacrée ont encore le vent en poupe, mais la réflexion à leur sujet ne fait que commencer. C’est le fruit d’une rencontre organisée par la Fraternité franciscaine de Béthanie et la Coordination des études d’histoire religieuses de Rome (CSR), en 2007, qui nous est tardivement communiqué, en trois langues, dans la première partie de ce volume [5]. On y analyse d’abord beaucoup le canon 605 (V. de Paolis, V. Bertolone, G. Ghirlanda) et l’autorité propre à ces nouvelles formes (L. Sabbarese), telles qu’elles apparaissent en Italie (M. Toricivia), en France (O. Landron), aux Etats-Unis (P. Wittberg) et dans leurs éléments constitutifs (L. Oviedo) ; sont rappelés (et publiés en annexes) leurs critères d’approbation par la Congrégation pour les instituts de vie consacrée (J. Torres) ou le Conseil pontifical pour les laïcs (A. Montan). Signalons surtout la curieuse étude de G. Andenna, à propos de la cohabitation hommes-femmes dans les monastères doubles du Moyen-Âge : un chantier s’ouvre à neuf, qu’il faudrait poursuivre. En deuxième partie nous sont proposés les profils de six nouvelles communauté : la Fraternité franciscaine de Béthanie elle-même, la famille ecclésiale « Mission Église-Monde », Seguimi, la communauté des Fils de Dieu, la Communauté Mariana-Oasis de la Paix et la Communauté Amour et Liberté.
Le second volume du même éditeur [6] offre un premier recensement de l’ensemble des communautés nouvelles, classées par ordre chronologique (il y en a 775 bien signalées, et 50 autres, présentées sommairement) ; une bibliographie générale, elle aussi chronologique, précède un index alphabétique qui identifie rapidement le nombre de membres, l’année et le pays de fondation. On ne soulignera pas assez l’utilité d’un répertoire qui permet de réaliser à quel point ces nouveaux groupements font curieusement florès, alors que le désert semble ailleurs toujours gagner en étendue…
*
Dans le paysage récent des auteurs qui tâchent d’aller aux fondements de la vie religieuse (J. Haers, Ph. Lécrivain…), il faut marquer d’une pierre blanche cet essai [7] de l’ancien directeur d’Économie et Humanisme, qui entend la vie religieuse comme « un écart pour la vie » – écart fertile s’il en est. Après une Première partie de « diagnostics » qui « osent la lucidité » dans le lamentable tableau de la vie religieuse en Europe, la Deuxième partie creuse, à partir des fondations et de « l’écart appelé prière », les lieux du combat spirituel (avec la lecture de la Parole de Dieu et la pratique de l’accompagnement), à commencer par « l’écart de la vie commune », donc, les chemins vers la vie fraternelle (les laïcs sont à l’horizon) ; puis « l’écart des vœux » (ici se justifie le titre, 203 ; Cf. 268), comme ce qui permet de devenir humains (notamment dans l’ascèse, « marquage de la question de Dieu sur le corps et le quotidien », 211) ; et enfin, « l’écart du service d’Église », celui de la diaconie, en particulier dans le service de la guérison (et la thématique « justice et paix »). Au fil de cette Deuxième partie, les chapitres vont ainsi deux par deux, le premier permettant le second. Dans la Troisième Partie, « l’Advenir », il est d’abord rappelé que les hommes et les femmes n’ont pas le même parcours de vie, et que tous n’ont pas en même temps les mêmes âges, alors que l’autorité est d’abord au service de la Parole qui fait vivre. Finalement, l’avenir se joue sur le don de soi (vers les pauvres, le service d’Église, l’écoute spirituelle), un véritable art de vivre, l’intérêt pour les nouvelles aventures de l’esprit, quelle que soit notre fragilité. « La vie religieuse est en transformation. Le chantier de réhabilitation bat son plein » (307).
« Se réjouir du don de Dieu » dit le beau titre de ce « petit guide de la vie consacrée » [8], destiné aux jeunes en formation dans les instituts religieux du Cameroun. Silvia Recchi, bien connue de nos lecteurs, réussit le tour de force de fournir un texte de base aux formateurs de son pays d’adoption, en même temps qu’un vrai traité de la vie religieuse et consacrée. L’intitulé des chapitres enchante déjà par son parti-pris scripturaire (« à la recherche de Celui qu’on a trouvé », « qu’il est heureux que nous soyons ici ! »…). La séquence de ces courts segments captive elle aussi : le charisme, la dimension trinitaire, le fondement christologique, les fondateurs, la vocation et la transmission du charisme… : c’est l’exhortation postsynodale Vita consecrata qui est le cantus firmus, avec les références magistérielles ou théologiques les plus assurées. Ce vrai traité théologique ne manque pourtant pas d’éclairer pratiquement ses destinataires africains, dans leurs difficultés les plus obvies, aussi bien que dans leurs relations aux Églises locales. La vie consacrée aujourd’hui, don de la joie (charisme) et mise en œuvre mariale de ce don, s’en trouve exactement recentrée.
La session annuelle qu’organise à la fin de l’hiver le Centre Sèvres portait cette fois sur « La vie religieuse, une et plurielle » [9] ; un angle d’approche délicat, car la multiplicité des instituts a conduit à une dissémination de leurs « charismes » qui finit par ne plus convaincre, au moment de leur plus grande déshérence en Occident. Philippe Lécrivain plaide pour l’amour divin qui consacre la diversité, tout en reliant à sa démesure ; Nicolas Capelle, président sortant de la Corref, lance des éléments de réflexion explosifs, quant à la vie religieuse apostolique surtout ; Céline Piguel, carmélite, et Élisabeth Robert, franciscaine, témoignent d’expériences de complémentarité et d’unification depuis leurs familles religieuses respectives ; Jean Rigal inscrit ces mouvements dans l’actualité de l’enseignement de Vatican II, concile d’ouverture qui indique en Dieu Trinité la source de l’unité plurielle. Pour finir, Sylvie Robert « se recentre sur la vie religieuse » pour se « frayer un passage » parmi les écueils, en regardant en particulier sa différence d’avec le mariage chrétien. Qu’on se permette ici de faire remarquer, à propos d’un paragraphe rapportant sommairement l’un de nos essais (88), que la « curieuse articulation théologique », « bien faible d’un point de vue réflexif » que nous y avions osée, s’inspirait notablement et de Thomas d’Aquin et d’Ignace de Loyola, pour ne rien dire de Lumen gentium ou de la deuxième partie du Catéchisme de l’Église catholique [10] ; sans compter qu’une estime aujourd’hui bien répandue pour la narratologie pouvait aussi éclairer le jugement.
Dans le genre polémique où nous venons de nous laisser surprendre et que représente paradigmatiquement saint Jérôme, la lecture d’un recueil d’articles somme toute récents, mais difficiles à trouver [11], réjouira ceux qui cherchent à comprendre comment la chasteté des femmes, et surtout le propos de virginité, ont pu prendre tant d’extension, dans l’antiquité chrétienne, et comment le discours élogieux aussi bien que la satire ont conforté ce mouvement ascétique qui permit notamment aux grandes dames de Rome de passer « des servitudes propres au statut féminin » au « service de la cause chrétienne vécue sous une forme épurée ». Une imposante bibliographie et plusieurs index achèvent de manifester le caractère scientifique de l’ouvrage, très facile d’accès cependant.
*
D’autres études portent plutôt sur les fondateurs ou leurs émules, comme il en va dans les cas suivants. Et tout d’abord, voici enfin le « Totus » des textes et documents d’origine relatifs à François d’Assise, avec légendes, miracles et autres chroniques quasi contemporaines [12]. L’impressionnant travail de multiples collaborateurs nous permet, dans ces deux volumes (et pour la première fois en français), de voir mis en perspective et annotés, les documents autographes bien sûr, mais aussi les admonitions, louanges, règles, lettres, testament et logia. Avec ces « Écrits » (300 pages environ) se ranime déjà la connaissance du Poverello ; mais il y aussi les « Vies », qui courent sur plus de 2500 pages, et les « Témoignages », sur 500 pages environ. D’imposantes annexes, dont un « petit dictionnaire des sources franciscaines » combleront les chercheurs. Tous seront ravis de voir se dresser devant eux la figure renouvelée de celui qui expulsait de l’ordre les fornicateurs (206), conseillait la confession aux frères laïcs en cas de besoin (215), fut le premier dans l’Italie de son temps à faire consigner sa prière (20) et trouva dans l’écriture la contrepartie de sa démission, « l’exutoire à son renoncement » (34). Peut-être nous arrivera-t-il, en écoutant les « Louanges du Seigneur » que François composa dans sa maladie, d’entendre, comme le podestat d’Assise en conflit avec son évêque, le Cantique de frère Soleil « comme si c’était l’Évangile du Seigneur », retrouvant ainsi la paix et la concorde des cœurs qui pardonnent pour l’amour du Très-Haut (1321). La « stigmatisation » de François, dont les premières attestations sont contradictoires, visait-elle autre chose ?
Préfacé par Mgr M. Stenger, évêque de Troyes, transi de reconnaissance envers le Père F. Morlot dont la signature a plus d’une fois honoré notre Revue, l’ouvrage de M. Tenace [13] veut célébrer les 130 ans de la mort du fondateur et les 170 ans de la Congrégation, en tâchant de discerner la spiritualité vécue dans l’Institut. Sous l’heureuse formule « l’audace de la foi », l’auteur, proche des Sœurs du Bon-Secours s’il en est, formule l’essentiel de ce parcours, qui va de « la sainte humilité » aux « saintes audaces » de la compassion : ici, on sortira même quand la nuit est tombée, et on séjournera à domicile le temps qu’il faudra pour le service des malades, « soignant les corps pour arriver à l’âme ». Infirmières à domicile en même temps que travailleuses familiales et aide-ménagères, les sœurs partagent la grâce de « contemplation active » de Vincent de Paul aussi bien que d’Ignace de Loyola, soit cette « prophétie du regard qui voit Dieu là où d’autres ne voient que maladie, misère, péché » (81). « Compatir en soulageant », porter remède au dépérissement de l’esprit de famille sera donc leur charisme (105), qui « prend soin dans la charité », comme le Christ Bon Samaritain, Notre-Dame toujours secourable, l’ange de l’agonie, Marie confessant sa foi à Béthanie (illustration de couverture). L’aventure française se poursuit aujourd’hui en Corée, aussi bien qu’en Angleterre, en Italie, en Pologne. Trois appendices historiques et une bibliographie « essentielle » achèvent cet exemplaire travail de reprise. La théologie pratique naît de ce que l’on prenait pour d’infimes fragments.
Il arrive ainsi que les anniversaires apportent leur lot de bonne surprise. Agrémenté de huit pages d’illustrations hors texte, complété par quelques cartes utiles, des indications bibliographiques, la chronologie, la suite des dynasties chinoises, un glossaire, un index, et « d’autres précisions », voici l’ouvrage [14] qui fait déjà date, dans la série des publications du 400e anniversaire de la mort de l’illustre jésuite. On découvrira, dans ces chapitres palpitants, ce qu’il fallut de patience (trente ans) pour installer la première mission jésuite en Chine, et de frustrations (dix-huit ans) pour que le Père Ricci, désormais Li Madou, puisse s’incliner devant le trône vide de cet empereur qu’il ne rencontrerait jamais. Il ne réussira pas non plus à convaincre les Chinois que le christianisme « était la seule religion à respecter pleinement les enseignements du confucianisme antique, avant sa contamination par des idées bouddhistes et taoïstes et les interprétations néo-confucéennes » (328). L’auteur, mathématicienne, historienne des sciences et sinologue, nous permet de rencontrer, avec l’infatigable Ricci et ses admirables compagnons, la plus vieille civilisation du monde, dont l’évangélisation est encore devant nous.
Plus près de nous, le P. Pierre van Stappen, « authentique prophète bâtisseur pour un temps de crise » (préface du vaillant Cardinal G. Danneels), a longtemps porté seul, d’échecs en recommencements, l’opiniâtre désir de proposer aux jeunes des filières « classiques », quelque chose de difficile, d’exigeant, de fou. Ce sera La Viale [15], cet amas de ruines lozériennes aujourd’hui relevées, nous chuchote la conteuse d’un récit palpitant dont le P.G. Martinot, engagé dans l’aventure depuis quarante ans, tire les conclusions. Il y a donc des communautés de travail, de rires et de prière, en France et en Belgique, où des jésuites et leurs amis s’accordent, pour quelques jours ou pour longtemps, dans une vie de fraternité, pour l’amour de Jésus et de son Église. Il y a donc des lieux, au cœur de l’Europe, où grandissent, un peu en pagaille, inventeurs et aventuriers, à l’ombre de ces châtaigniers qu’aucun orage ne peut détruire, puisque la sève continue à monter des racines dans les surgeons (106) – toute une promesse, en effet.
[1] Paisant Ch. (édit.), La mission au féminin. Témoignages de religieuses missionnaires au fil d’un siècle (XIXe-début du XXe siècle). Anthologie de textes missionnaires, coll. d’anthologies missionnaires, 16 pages d’illustrations, Turnhout, Brepols, 2009, 15,5 x 23,5 cm, 792 p., 70 €.
[2] Sagne J.-C., La symbolique du repas dans les communautés. De la cène au repas monastique, Paris, Cerf, 2009, 13,5 x 21,5 cm, 310 p., 27 €.
[3] Fournier CL.-A., S’engager dans la vie religieuse. Étude psychologique de 16 vocations monastiques, coll. Psychologie et spiritualité, Genève, Labor et Fides, 2010, 15 x 22,5 cm, 432 p., 30 €.
[4] Bocchin S., La verginità « professata », « celebrata », « confessata ». Contributo per la sua comprensione teologico-liturgica dall’Ordo consecrationis Virginum, Bibliotheca « Ephemerides Liturgicae », « Subsidia », 151, Centro Liturgico Vincenziano/Edizioni Liturgiche, Roma, 2009, 17 x 24 cm, 1080 pages, 80 €.
[5] Fusco R. et Rocca G. (édit.), Nuove forme di vita consacrata, Vatican, Urbaniana University Press, 2010, 17 x 24 cm, 304 p., 29 €.
[6] Rocca G. (Edit.), Primo censimento delle nuove comunità, Vatican, Urbaniana University Press, 2010, 17 x 24 cm, 368 p., 33 €.
[7] Lavigne J.-CL., Pour qu’ils aient la vie en abondance. La vie religieuse, coll. Perspectives de vie religieuse, Paris, Cerf, 2010, 14,5 x 21,5 cm, 320 p., 27 €. Le P. Lavigne a déjà écrit un bref article, intitulé « Ascèse », dans notre revue (voir VC 73, 2001-4, 252-258).
[8] Recchi S., Se réjouir du don de Dieu. Petit guide de la vie consacrée, Cahiers de réflexion 8, Mbalmayo (Cameroun), 2010, 17 x 24 cm, 118 p., prix non communiqué.
[9] Robert S. et Desouches D. (dir.), La vie religieuse, une et plurielle. Session février 2010, Centre Sèvres– Facultés jésuites de Paris, Cahiers de la vie religieuse 157, Paris, Média sèvres, 2010, 17 x 24 cm, 108 p., 10 €.
[10] C’est la structure « exitus-redditus » de la Somme Théologique qui se trouve à la source, en même temps que celle de Phil 2 (« il s’est abaissé…, Dieu l’a exalté ») ; on y avait vu une chance pour la doctrine de Lumen gentium 46, intégrant déjà les « mystères du Christ » dont le Catéchisme fera si brillamment état (Première Partie, chapitre II, article 3, §3, 512-560).
[11] Laurence P., Le monachisme féminin antique : idéal hiéronymien et réalité historique, Leuven, Spicilegium Sacrum Lovaniense, Études et documents, 52, Peeters, 2010, 16 x 24 Cm, 362 pages, 70 €.
[12] Dalarun J. (Dir.), François d’Assise. Écrits, vies, témoignages, 2 tomes, Paris, Sources franciscaines, Cerf/Éditions franciscaines, 2010, 15 x 22 cm, 1886 et 1556 pages, 50 et 40 €.
[13] Tenace M., L’audace de la foi. Le Père Paul-Sébastien Millet et les Sœurs de Notre-Dame de Bon-Secours de Troyes. Repères de spiritualité, Rome, Lipa, 2009, 246 pages, 15 €
[14] Fontana M. Matteo Ricci. 1552-1610. Un jésuite à la cour des Ming, coll. biographies, Paris, Salvator, 2010, 15 x 22,5 cm, 458 p., 29,50 €.
[15] Mahieu-De Praetere M. et Martinot G., La Viale. Un lieu pour renaître, Namur, Fidélité, 2009, 14,5 x 21 cm, 120 p., 11,95 €.
