Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Chronique sur la Vie consacrée

Rencontres et lectures récentes

Noëlle Hausman, s.c.m.

N°2007-1 Janvier 2007

| P. 69-75 |

Au hasard des voyages de 2006, notre revue poursuit son petit tour du monde des consacrés. Depuis notre dernière chronique 1, nous avons en effet pu entendre le vigoureux message de Benoît XVI aux religieuses et religieux (Rome, 22 mai 2). Plus tard, la 31e rencontre de l’EIIR (Rencontre internationale et interconfessionnelle des religieux) qui se tenait au cœur du dispositif des Diaconesses protestantes de Neuendettelsau (Nuremberg, 13 au 19 juillet) nous a permis de fréquenter l’alter ego du C.I.C. (Congrès international et interconfessionnel des Religieux) dont nous avons rapporté la 14e rencontre de Bâle (Riehen), du 11 au 16 juin 2005 3. La récente assemblée générale des Supérieures et Supérieurs Majeurs de France à Lourdes (15 au 17 novembre) portait sur l’exercice de l’autorité au service de la liberté. Bientôt nous participerons au Colloque sur la pauvreté organisé à Lubumbashi (1er au 4 avril 2007) et soutenu par les deux Unions de la République Démocratique du Congo…

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Au hasard des voyages de 2006, notre revue poursuit son petit tour du monde des consacrés. Depuis notre dernière chronique [1], nous avons en effet pu entendre le vigoureux message de Benoît XVI aux religieuses et religieux (Rome, 22 mai [2]). Plus tard, la 31e rencontre de l’EIIR (Rencontre internationale et interconfessionnelle des religieux) qui se tenait au cœur du dispositif des Diaconesses protestantes de Neuendettelsau (Nuremberg, 13 au 19 juillet) nous a permis de fréquenter l’alter ego du C.I.C. (Congrès international et interconfessionnel des Religieux) dont nous avons rapporté la 14e rencontre de Bâle (Riehen), du 11 au 16 juin 2005 [3]. La récente assemblée générale des Supérieures et Supérieurs Majeurs de France à Lourdes (15 au 17 novembre) portait sur l’exercice de l’autorité au service de la liberté. Bientôt nous participerons au Colloque sur la pauvreté organisé à Lubumbashi (1er au 4 avril 2007) et soutenu par les deux Unions de la République Démocratique du Congo…

Mais l’actualité de la vie consacrée, c’est aussi la publication d’ouvrages dont certains nous ont paru particulièrement importants par leur sujet (les vocations, la formation…), leur angle d’approche renouvelé (les communautés nouvelles…), les limites aussi qu’ils mettent en évidence (la question des abandons…). Qu’on en juge plutôt.

L’avenir des vocations

Voici un ouvrage qu’il faut regarder de près, à propos d’une question capitale. L’introduction, percutante (« désormais, il n’y aura de vocations que si l’on fait tout pour qu’il y en ait, que si je m’en occupe personnellement »), s’intitule « un cri », et l’est effectivement. Ensuite vient l’analyse, excellente jusqu’en ses outrances (« il est de plus en plus manifeste en France que seules les… familles religieuses qui se construisent sur la visibilité ont des chances de survivre et de se développer »). Le chapitre consacré à la sexualité est écrit à l’emporte-pièce (sévérité pour l’homosexualité, juste appréciation de l’instruction Ordinatio sacerdotalis), mais il a le mérite de n’éviter aucune question et d’offrir des réponses non convenues. A propos des lieux d’éducation, on retrouve le même style outrancier, et le même fourmillement d’observations imparables (« jusqu’à un certain point, les communautés nouvelles ne semblent pas s’intéresser aux écoles, qui requièrent stabilité et spécialisation »). Le cinquième chapitre en appelle d’ailleurs à des institutions visibles. Le long et important chapitre sixième s’attaque aux fondements de la formation qui nécessite en particulier de vraies écoles de théologie. Le dernier chapitre examine le soutien que les consacrés donnent ou reçoivent dans le domaine des vocations (« décidément, ce ne sont pas les vocations qui sont en crise, mais les chrétiens »). La conclusion est, bien entendu, donnée sous forme d’appel – un ouvrage qu’il faut lire, discuter, débattre, et auquel il est impossible, nous semble-t-il, de ne pas répliquer – dans tous les sens de ce mot.

La formation à l’unité de vie

Fruit du colloque organisé par l’ASUMA et l’USUMA (les Unions de supérieurs majeurs masculins et féminins) du lundi 28 mars au samedi 2 avril 2005 à Lumbumbashi (R. D. Congo), cette brochure est dédiée par son éditeur (J.-L. Vande Kerkhove) à la mémoire du père R. De Haes, s.j. – l’un de nos recenseurs –, qui fut assassiné à Kinshasa peu après. A la suite d’un bref historique (V. Kadima Masengo) nous sont présentés la situation de la jeunesse congolaise (J.-P. Longwa), puis les résultats d’une enquête effectuée auprès des novices et religieux et religieuses en formation (J.-L. Vande Kerkhove lui-même). Il s’agit pour ces jeunes de s’intégrer à leur institut dans une société congolaise en crise (J. Mbuyi), ou encore, de développer chez les jeunes la passion pour l’identité de l’institut (V. Kadima), mais aussi, d’acquérir une connaissance de l’identité de la vie consacrée (« la conversation est le premier moyen pour assurer la socialisation continue », D. Isabell). La contribution du P. De Haes portait sur l’importante question de l’accompagnement spirituel, qu’un maître de novices a illustrée de son expérience (J. Schreurs). Une dernière intervention souligne l’initiation à la vie de prière comme enracinement dans « l’Église en prière » (F. Banga). Plusieurs de ces contributions ont allié l’exposition et la réflexion pratique. Le fascicule se termine par la liste des participants ainsi que celle des organisateurs et intervenants.

La prédication en Afrique

Déjà bien connu de nos lecteurs, le Centre d’études Redemptor hominis du Cameroun nous propose un « cahier » sur la prédication en Afrique, formé de quatre contributions. G. di Salvatore donne, en une cinquantaine de pages, des « notes sur la prédication » valables en fait partout, depuis Vatican II. E. Grasso présente ensuite la figure du dominicain Antonio de Montesinos, l’un des premiers à prêcher, dès 1511, contre la colonisation hispanique. On saluera l’étude du même G. di Salvatore sur les thèmes majeurs de la prédication de Mgr J. Zoa, archevêque de Yaoundé, de 1962 à 1998 : une pastorale de l’intelligence a mis en œuvre cette théologie de la création qui poussait, par amour des pauvres, à l’engagement politique, chemin ecclésial des chrétiens africains. Pour finir, S. Recchi réfléchit aux conditions d’une communauté missionnaire au Cameroun (« identité charismatique et annonce de la Parole »), non sans poser de redoutables questions : « L’on peut se demander encore si la société ecclésiale n’a pas réussi, avec notre complicité, à nous assimiler dans le meilleur des cas, pour un travail pastoral ordinaire, raisonnable et paisible, pour lui rendre des services multiples, sans passion et sans bouleversement » (123) – venant d’une voix habituellement si irénique, quelle interrogation !

Les communautés nouvelles

En publiant ce cours donné aux Facultés jésuites de Paris (Centre Sèvres), la communauté du Chemin Neuf rend un service insigne à la cause de la vie consacrée. C’est que le père Dortel-Claudot, qu’on ne présente plus à nos lecteurs, fait ici le point sur la question canonique de la liberté d’association dans l’Église, avec l’enthousiasme et l’acribie qu’on lui connaît par ailleurs. Le premier chapitre (« quand des fidèles se regroupent entre eux »), assez technique, donne le dossier de la question, brûlante dès avant le Concile. Le deuxième chapitre pose les communautés nouvelles (dont un recensement est donné) comme des associations de fidèles « atypiques » (« n’espérez pas prendre place à côté des formes reconnues de vie consacrée ; ceci ne vous sera accordé ni aujourd’hui, ni demain »). Le chapitre trois est capital ; il indique les groupes déjà reconnus comme nouvelles formes de vie consacrée d’après le canon 605 (une information essentielle) et forme l’hypothèse, à la fois prudente et audacieuse, qu’une porte est ainsi ouverte à d’autres applications. Le chapitre quatre examine l’apostolat de ces communautés (les jeunes, les couples, les pauvres, la formation…) et leur insertion (parfois problématique) dans l’Église locale. Un dernier chapitre se préoccupe brièvement, mais toujours fort clairement, du statut des prêtres, diacres et séminaristes dans ces communautés. Partout sont soulignées les proximités et les dissimilitudes par rapport à la vie religieuse et aux instituts séculiers. Une pierre milliaire, et un impressionnant plaidoyer pour le discernement de ce nouveau don ecclésial.

Un Catéchisme de la vie consacrée ?

C’est déjà la cinquième édition augmentée et mise à jour d’un ouvrage dont on ne croyait pas revoir l’édition au xxie siècle : un Catéchisme de la vie consacrée ! Sa taille modeste et sa clarté pourraient faire son succès, n’étaient les imprécisions, audaces et inexactitudes qui l’émaillent. Imprécisions, pour le moins : « La consécration peut être dite profane ou sacrée… la consécration sacrée est le passage… d’une personne ou d’une chose de la sphère du profane à la sphère du sacré, etc. » (articles 9-10). Audaces : les veufs et les veuves relèveraient de la catégorie des consacrés, s’ils font vœu de chasteté perpétuelle, se dédient à la prière et au service de l’Église (a. 25) ; ceux qui ne respectent pas le jeûne eucharistique ne pourraient recevoir la sainte communion (a. 158). Inexactitudes : reparler d’état de perfection (a. 22), de vœux simples (a. 44), etc., toutes catégories devenues obsolètes depuis Vatican II. Les plans qui achèvent la brochure relèvent des mêmes approximations (on voit ainsi réapparaître la triple catégorie vie monastique-vie conventuelle-vie active pour décrire l’apostolat des religieux de vie apostolique, ce qui est parfaitement contraire au numéro 8 de Perfectae caritatis et à son interprétation ultérieure). Il serait dommage que ce Compendium, malgré quelques mérites, porte à croire qu’on forme les esprits en miniaturisant la doctrine, pire, en retournant aux problématiques décidément périmées.

Le vieillissement des instituts

Abordant courageusement cette question récurrente qui avait retenu leur Comité permanent durant deux ans, les Supérieurs majeurs de France la traitent ici comme un défi évangélique au cœur de leurs pratiques de gouvernement (B. Cadoré). Deux religieux âgés (J. Collomb, P. Duchêne) et trois Supérieurs majeurs (un Frère, un Moine, un Père) interviennent ensuite. Le compte-rendu de quatre ateliers spécifiques porte sur l’accompagnement spirituel et psychologique, la manière de garder mémoire de ces vies, la dimension communautaire encore possible, la préparation au grand âge, le poids du vieillissement sur le dynamisme apostolique. Une synthèse globale parie enfin sur la vie, recommande l’anticipation et de nouveaux types d’alliance, en soulignant le rôle du supérieur et la responsabilité du gouvernement – non sans solliciter la CSMF elle-même. En annexe, une « réflexion sur le vieillissement dans la vie religieuse » reprend le texte élaboré par le groupe de travail, en 2004. Un dossier délicat, délicatement traité.

Fidélité et abandons

C’est un autre sujet bien plus douloureux que l’Union des Supérieurs généraux a voulu aborder dans l’une de ses récentes rencontres. On se trouve en effet aujourd’hui devant un « regain des crises vocationnelles » : « en ce qui concerne les défections, nous ne savons pas bien ce qui nous arrive » (J.-M. Aranaiz). Comme en thérapie familiale, il s’agit sans doute d’examiner tout le système (A. R. Echeverria), à commencer par le contexte culturel global, celui d’une « fidélité assiégée » (J.-M. Fernandez-Martos). Une remarquable « approche de la réalité des abandons » est alors tentée (L. Oviedo), à partir d’un sondage dans 26 instituts ou congrégations masculines ; des chiffres qui « ne sont pas rassurants » : « un peu plus de la moitié de ceux qui professent à la fin de leur noviciat arriveront aux vœux perpétuels » ; quelques théories explicatives sont tentées, avant quelques propositions (« peut-être faut-il regarder ailleurs [que du côté de ces abandons], comme nous l’enseigne la tradition prophétique »). Une « recherche des signes de vitalité dans la vie consacrée » suit (F. Cereda), avant que les différentes étapes de la formation religieuse ne soient reconsidérées du point de vue de leurs défis et moyens (E. Mercieca). Destinées aux Supérieurs religieux et membres des curies générales, ces pages méritent une active réflexion. [4]

Les associations internationales de fidèles

Ce premier catalogue des associations de fidèles dépendant du Conseil pontifical en cause comporte 122 entrées, où l’on voit figurer des groupes qui comptent parmi eux des clercs aussi bien que des laïcs (donc aussi des membres de la vie consacrée), et des associations à vocation œcuménique ou interreligieuse. Chaque fiche contient le nom (français), le sigle, l’année de fondation, l’histoire, l’identité, la structure, la diffusion, les œuvres, les publications, les sites internet, les coordonnées, le logo de chaque groupement. Un outil de travail très utile, qui permet d’ailleurs de réfléchir aux rapports de ces « associations de fidèles » avec la vie consacrée aujourd’hui.

L’avenir dans le passé ?

L’ouvrage consacré par J. Chittister aux plus belles années de son propre institut porte un sous-titre un peu trompeur, dans la mesure où il s’agit, de manière certes prototypique, de rapporter l’histoire de la transformation des seules bénédictines d’Erié (Pennsylvanie, USA). A partir des « icônes d’immobilité » bien identifiées, les « plus belles années » ont fait place à la déconstruction paraconciliaire, puis au temps de croissance malgré le chaos, puis à la revitalisation actuelle, sous le gouvernement de l’auteur ; c’est aussi le temps des recommencements. On reconnaît la plume alerte et le tempo de l’écrivain, une beauté formelle que n’altère pas la traduction française. Cependant, la magie du verbe ne peut empêcher de s’interroger sur la suffisance des présupposés psychosociologiques (voir par ex. la conclusion du chapitre 15 : « La sécurité personnelle, l’identité psychologique et les convictions profondes, tous ces éléments essentiels du moi, cherchaient une nouvelle orientation », 138), et sur leur aboutissement, par ex. dans la prétention universelle au ministère ordonné, etc. Mieux vaut s’en tenir à l’argumentation principale, reprise dans l’excellent chapitre final : « Dans l’histoire récente, la vulnérabilité du leader n’a jamais été aussi évidente que durant la période du renouveau des communautés religieuses » (273).

La Conférence des Supérieures majeures (de France)

Pour finir en beauté, félicitons la Conférence des Supérieures majeures de France qui est devenu quinquagénaire ! Le document réalisé pour l’occasion nous rapporte la naissance de ce qui était l’USMF, puis l’histoire des Unions (recomposée grâce aux ressources la Revue des Communautés religieuses, aujourd’hui Vies consacrées…), en France et ailleurs. Vint le Concile, et son « renouveau adapté », l’enquête du P. Luchini, la réorientation initiée par sœur Gh. Aubé… Toute une époque nous est rappelée pas à pas, d’hier à aujourd’hui, avec la réimpression d’introuvables documents d’archives. Le cahier central s’enrichit de photos mémorables, en noir et en couleurs. Commissions, visages divers, services, rencontres, liens avec les autres unions, situation dans l’Église de France ainsi que dans les relations internationales… : tout ce que l’on voudrait savoir s’y trouve, avant la conclusion de sœur M. Gugenberger, et puis l’ouverture vers de nouveaux projets. D’utiles statistiques ainsi qu’une carte des « communautés de province » achèvent ce morceau savoureux. Un dossier de presse proposé pour l’Assemblée conjointe de Lourdes [5], a par ailleurs servi de trame au CD projeté devant les participants. Le fascicule indique à loisir, sous la plume de sœur F. Schilll, comment « le recul de l’histoire, qui gomme les aspérités et met à leur juste place les combats qui furent nécessaires, laisse entrevoir la confiance profonde et l’« allégresse » qui a emporté la vie religieuse dans un courant de vie » (7). Qu’il en soit donc à nouveau ainsi !

[1Vs Cs 78 (2006-1), 49-56.

[2Voir notamment la Documentation catholique n° 2361, 2 juillet 2006, 605-607.

[3L’article du Métropolite de Tallin et de toute l’Estonie en est issu, voir Vs Cs 78 (2006-4), 219-232.

[4Conseil pontifical pour les laïcs, Associations internationales de Fidèles. Répertoire, Vatican, Librairie éditrice vaticane, 2006, 21 x 15 cm, 310 p., 10,00 €.

[5Éditeurs : CSM-CSMF.

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