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A propos d’un ouvrage récent

Encyclopédie Saint-Augustin. La Méditerranée et l’Europe IVe – XXIe siècles

Véronique Fabre

N°2006-3 Juillet 2006

| P. 205-207 |

Encyclopédie Saint-Augustin. La Méditerranée et l’Europe IVe – XXIe siècles.

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Notre monde est friand d’encyclopédies permettant à chacun d’avoir accès vite et bien au maximum de données et de découvertes d’une humanité qui ne cesse de progresser dans le domaine du savoir. Mais n’est-il pas étrange de faire paraître une encyclopédie sur saint Augustin et sa postérité, alors que, précisément, le mode de pensée patristique est un puissant antidote au morcellement de la multitude des connaissances théologiques ? Il suffit pour s’en convaincre de rappeler la profonde unité entre théologie et philosophie qui subsistait chez les Pères de l’Église. N’y a-t-il donc pas quelque chose d’anachronique à vouloir recenser toutes « les données augustiniennes » ? Peut-être, mais il faut bien se rendre compte que « ce géant de l’Occident qu’est Augustin a écrit une œuvre monumentale et a marqué de son influence les siècles ultérieurs jusqu’à aujourd’hui [1] ». Une encyclopédie est alors un moyen particulièrement adapté pour mettre à la disposition de tous un tel trésor.

L’origine de cette encyclopédie se situe aux États-Unis ; sa publication datant de 1999 avait pour but de présenter « la vie, la pensée, l’œuvre, l’influence d’Augustin et les thèmes marquants de son œuvre [2] ». La version française est complétée par plusieurs articles provenant notamment des deux traductions espagnole et italienne effectuées depuis lors, ainsi que par une mise à jour et une adaptation des bibliographies propres à chaque article. Finalement, c’est près de 500 entrées qui sont offertes, auxquelles s’ajoute, au centre de l’ouvrage, un beau cahier iconographique. Les 149 auteurs des différents articles proviennent pour environ deux tiers d’Amérique du Nord et pour environ un tiers d’Europe.

Les entrées, classées par ordre alphabétique, recouvrent aussi bien les données historiques que les œuvres proprement dites de l’évêque d’Hippone et ses grands thèmes. Pour ce qui est de la postérité, plusieurs entrées correspondent aux personnages et aux courants de pensée qui ont été influencés par Augustin. Relevons un article très utile puisqu’il présente les outils disponibles à notre époque : « Augustin dans l’espace cybernétique ». En ce qui concerne la vie consacrée, signalons les articles « Ascétisme », « Travail des moines (Sur le) », « Règle (La) », « Règles monastiques ».

Puisque l’Écriture est l’âme de la pensée d’Augustin et que son herméneutique est d’abord scripturaire [3], il est fort instructif de parcourir cette encyclopédie sous l’angle biblique. Outre quelques entrées d’ordre général comme « Bible », « Apocalyptique », « Canon des Écritures et Septante », « Figure et allégorie », « Herméneutique », « Paul », « Sens spirituels », et quelques entrées immédiatement bibliques comme « Abraham », « Adam et Eve », « Babylone », « Jérusalem », « Rachel et Léa », on trouve surtout les titres des nombreux ouvrages ayant trait directement aux livres bibliques. Approchons-nous de cette mine en nous arrêtant quelque peu sur l’excellent article « Commentaire des Psaumes » signé par M. Cameron, et traduit par M.-A. Vannier à qui nous devons l’édition française de cette encyclopédie.

Après la présentation des Enarrationes in Psalmos comme « l’ouvrage le plus long – sa longueur atteint plus du double de celle de la Cité de Dieu – mais peut-être le moins lu, d’Augustin, et pourtant l’un des plus intéressants » (p. 289), deux paragraphes traitent du contexte de l’ouvrage et du lien entre interprétation et prédication. Deux autres paragraphes sur les thèmes théologiques et les traits apologétiques et polémiques suivront, mais d’abord vient le point majeur : le totus Christus comme clé herméneutique du Psautier. Selon l’interprétation traditionnelle de l’époque, c’est la voix du Christ que l’on entend dans les Psaumes, mais Augustin précise : celle du Christ total, tête et corps. Et lorsque Jésus crucifié dit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Ps 21, 2), il parle aussi au nom de son corps qui est l’Église ; ainsi l’Église reçoit-elle la vie divine alors que le Christ prend sur lui la chair, le péché, la corruption et la mort. « Cette réciprocité dans l’humanité manifeste l’œuvre continue d’intercession de l’Incarnation, où le Christ, non seulement a porté le péché, mais continue aussi à porter l’être et la voix de la chair pécheresse. Partant du commandement de Gn 2, 24 : “Les deux deviendront une seule chair”, et allant jusqu’au “grand mystère du Christ et de l’Église” en Ep 5, 31-32, Augustin propose le principe de la voix unique : “Si deux deviennent une seule chair pourquoi ne deviennent-ils pas une seule voix ?” [4] » (p. 293). Pour saisir toute la portée de telles affirmations, il faut poursuivre l’article et aller lire les commentaires d’Augustin sur les Psaumes [5].

Ainsi, cette encyclopédie constitue une merveilleuse incitation à découvrir et redécouvrir les œuvres d’Augustin lui-même. Que tous ses artisans en soient vivement remerciés !

[1Ibid., Préface, p. XI.

[2A. Fitzgerald, Augustine through the Ages, p. XV-XVI.

[3Cf. I. Bochet, « Le firmament de l’Écriture ». L’herméneutique augustinienne, Paris, Institut d’études augustiniennes, 2004, p. 321.

[4Cette citation se retrouve en En. Ps. 30 [2],1,4 ; En. Ps. 68,2,1 ; En. Ps. 138,21 ; En. Ps. 142,3.

[5Il n’y a pas de traduction française récente des Enarrationes in Psalmos, mais on a accès à l’ancienne traduction sous la direction de M. Poujoulat et de M. l’abbé Raulx, datant de 1869, sur la bibliothèque du site de l’abbaye Saint-Benoît de Port-Valais (Suisse) : www.abbaye-saint-benoit.ch.

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