Chronique d’Ecriture Sainte (N.T.)
Véronique Fabre
N°2005-4 • Octobre 2005
| P. 264-273 |
Les ouvrages que les éditeurs ont bien voulu nous faire parvenir cette année, sont regroupés en quatre chapitres, selon l’ordre biblique : les Évangiles (I), les Actes des Apôtres et la propagation de la Parole (II), Paul et ses lettres (III), l’Apocalypse (IV).
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Les ouvrages que les éditeurs ont bien voulu nous faire parvenir cette année, sont regroupés en quatre chapitres, selon l’ordre biblique : les Évangiles (I), les Actes des Apôtres et la propagation de la Parole (II), Paul et ses lettres (III), l’Apocalypse (IV).
I
Un petit livre de G. Ravasi [1], bibliste italien renommé, propose de méditer les évangiles de l’enfance (Mt 1 – 2 et Lc 1, 5 – 2, 52) réunis et lus comme un tout structuré en quatorze petits chapitres. Ces deux « mini-évangiles » sont en réalité, « le premier chant adressé au Christ glorieux, dont la venue dans le monde constitue déjà le résumé, chiffré et déchiffrable, du salut qui nous est offert » (p. 9). L’ouvrage, tout en tenant compte des résultats de l’analyse exégétique, ne cesse de chercher à saisir la visée profonde, l’ultime message essentiel de ce chant. Voici par exemple comment est lue la parole des mages qui a guidé les pèlerins des récentes JMJ de Cologne : « Au terme du voyage, après mille péripéties et tant d’obscurité, après fausses routes et silences, voici, pour tous, Bethléem. La petite scène finale est significative, les Mages nous sont présentés comme de parfaits croyants prosternés, ils adorent (cf. Mt 2, 11). Par ailleurs, tout le récit a répété que le but du voyage était la profession de foi : Nous sommes venus pour lui rendre hommage (2, 2 ; cf. 2, 8). Dieu vient à la rencontre de celui qui le cherche d’un cœur sincère ; l’itinéraire ne suit pas celui des caravanes qui se perdent dans le désert (Jb 6, 18-20), il conduit à bon port » (p. 36).
A l’initiative du Service de Formation du Centre pastoral du Brabant Wallon et de l’Institut supérieur de Catéchèse et de Pastorale de Liège, un guide de lecture communautaire de l’évangile de Marc vient d’être traduit de l’espagnol [2]. L’objectif est de soutenir les communautés paroissiales en leur donnant une méthode pour accompagner des groupes dans une découverte de la Parole de Dieu. La proposition concrète consiste en une lecture suivie du second évangile, à la recherche du visage de Jésus et de l’identité du disciple. Deux livrets d’accompagnement, un pour le participant et un pour l’animateur, proposent de vivre, au rythme du récit évangélique, partage, lecture, écoute, lien avec la vie, prière, approfondissement. Un tel outil pourrait s’avérer bien précieux !
Un autre livre se penche sur l’Évangile de Marc [3], mais dans une perspective tout-à-fait différente : il s’agit d’un approfondissement des deux ouvrages, célèbres dans le monde de la narratologie (où le texte étudié est lu comme un histoire), de D. Rhoads et D. Michie (1982) et J.D. Kingsbury (1989). L’auteur, M. Pesant, spécialiste de psychologie et de politique sociale, montre combien le second Évangile « constitue véritablement un récit unifié de l’avènement du Règne de Dieu dans le monde, avec à l’arrière-scène Dieu qui veut faire advenir son Règne et à l’avant-scène, les envoyés qui sont confrontés à des forces d’opposition à cet avènement » (p. 265). Dans cette optique, tous les conflits sont analysés, un par un, tels qu’ils se présentent dans le récit marcien : avec les forces démoniaques, les maladies ou incapacités, les forces de la nature, les autorités humaines, les disciples, la famille ou la patrie de Jésus, la foule et enfin, le conflit intérieur de Jésus. La série est impressionnante et témoigne du dynamisme à l’œuvre : « En sa première étape, le Règne de Dieu advient par la venue (l’envoi) de Jésus auprès d’Israël. Sur les forces non humaines d’opposition, il a plein pouvoir pour les soumettre, sur les forces humaines, il n’a aucun pouvoir de coercition. Il doit user de son pouvoir pour servir, inviter à la conversion et à la foi en l’Évangile de Dieu : celui du temps qui est accompli et du Règne de Dieu qui, par lui, s’est approché. Venu pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude, il rend à Dieu le seul vrai culte qui lui est dû : celui du cœur, de l’amour ! » (p. 263).
R. Meynet, professeur à l’université grégorienne de Rome, avait déjà publié une analyse rhétorique de l’Évangile de Luc. Il approfondit cette lecture en inaugurant la collection « Rhétorique sémitique » aux éditions Lethielleux [4]. Il existe en effet une rhétorique spécifique aux textes de la tradition sémitique : « Au risque de simplifier outrageusement, alors que le mode de composition gréco-latin classique serait de type déductif et linéaire, acheminant progressivement l’auditeur ou le lecteur vers la conclusion où culmine le discours, la manière juive de disposer la matière est, le plus souvent, de la focaliser sur un centre qui en est, pour reprendre les images des auteurs anglais du siècle dernier, le cœur ou la clé de voûte » (p. 996). L’auteur insiste sur le fait que le Nouveau Testament naît dans le monde juif et qu’il est fortement marqué par les techniques d’Écriture qui lui sont propres. Ainsi met-il en lumière la composition extrêmement précise de l’Évangile de Luc, notamment par des planches qui font apparaître les mots et les expressions qui le structurent, depuis les unités les plus élémentaires jusqu’aux quatre grandes sections qui en forment l’ensemble : A. La venue du Christ préparée par les messagers du Seigneur ; B. Jésus constitue la communauté de ses disciples en Galilée ; C. Jésus conduit la communauté de ses disciples à Jérusalem ; D. La Pâque du Christ annoncée par les Écritures d’Israël. Certes, la lecture semblera parfois ardue et trop technique, mais on pourra alors se reporter directement à l’interprétation qui découle de l’analyse tout en étant « marquée par la personnalité de son auteur, son histoire et son tempérament, ses goûts et ses préoccupations, par « l’air du temps aussi qu’il respire avec ses lecteurs » (p. 19).
La mort du Messie. Encyclopédie de la Passion du Christ [5]. Ce volumineux ouvrage est la traduction française du livre intitulé : The Death of the Messiah. From Gethsemane to the Grave : A Commentary on the Passion Narratives in the Four Gospels de R. Brown paru aux USA en 1994. L’édition française est préfacée par D. Marguerat dont voici quelques lignes, présentant au mieux cette somme : « Le livre de Raymond Brown sur la mort du Messie est un chef-d’œuvre monumental de l’exégèse historique. Il fait le point de la recherche historico-critique appliquée à la Passion de Jésus et en magnifie les résultats. Dans ce livre se dépose plus d’un siècle de critique textuelle, d’interrogation philologique, de comparaison littéraire, de vérification historique – un siècle d’enquêtes minutieuses, attachées à sonder les récits évangéliques sur la souffrance et la mort de Jésus le Nazôréen. La visée de cette somme est très clairement énoncée par l’auteur : “Expliquer en détail ce que les évangélistes ont voulu dire et ont transmis à leur auditoire par leurs récits de la Passion et de la mort de Jésus” » (p. 30). […] Les questions qui guident l’enquête sont aussi bien littéraires qu’historiques et théologiques. Quel regard les évangélistes posent-ils sur cette tragédie ? Leurs récits sont-ils historiquement plausibles ? D’où proviennent leurs informations ? Que sait-on des pratiques judiciaires et religieuses de ce temps-là ? Comment démêler les faits de l’interprétation dont ils sont enrobés ? Peut-on reconstruire le scénario des événements ? […] La recherche historique n’est pas l’ennemie de la foi. Les chrétiens doivent savoir que la lecture croyante est un surplus de sens donné aux événements. Sonder historiquement la fin de la vie du Maître s’inscrit pour les croyants dans une logique d’incarnation, car l’effort historien de cerner l’événement désigne au croyant sur quoi se greffe le surplus de sens dont se nourrit la foi » (p. I et IX).
P.-L. Carle, dominicain et théologien, étudie dans un récent ouvrage [6] une question fort débattue ces dernières années : Marie, la mère de Jésus, a-t-elle eu d’autres enfants ? Sa réponse est claire : « Une recherche approfondie au travers de l’Histoire, une étude attentive, le témoignage des Évangiles et de la Tradition (en particulier en Palestine celui d’Héségippe au iie siècle) nous permettront d’ancrer notre conviction : Jésus est bien l’unique enfant de Marie. Les frères et sœurs mentionnés dans l’Évangile sont effectivement des cousins germains par saint Joseph, père adoptif du Sauveur » (p. 13). L’enquête est très documentée, ainsi qu’en témoignent les nombreuses notes regroupées en fin d’ouvrage. On peut seulement regretter le ton parfois polémique, mais aussi se réjouir de la parution à venir des prochains tomes ; il ne s’agit là que de la première étape d’un parcours indiqué dans le sous-titre : « La signification théologale de la maternité virginale de Marie, et sa résonance au Mystère trinitaire : la Nativité dans le temps du Verbe incarné, révélation de l’éternelle Génération du Fils de Dieu. »
Cette question de la maternité virginale de Marie se retrouve dans un autre ouvrage intitulé [7] Heureuse es-tu, toi qui as cru. Marie, une femme juive. Tel est le premier titre de la nouvelle collection « Biblik » aux Presses de la Renaissance dont le but est de nourrir aussi bien l’intelligence que la prière du croyant. F. Manns, professeur d’exégèse du NT et de littérature juive ancienne à Jérusalem, raconte la vie de Marie en lisant les textes bibliques et certains passages apocryphes soigneusement décodés, dans la perspective suivante : « Un portrait réaliste de Marie, femme juive, ne peut pas faire l’économie de l’étude de son contexte religieux, politique et social. Loin d’être une figure mythique ou distante, Marie devient alors proche de la condition humaine » (p. 10). Le récit s’achève par la considération de la place de Marie dans le dialogue œcuménique et interreligieux.
II
L’Association catholique française pour l’étude de la Bible a tenu son xxe congrès sur les Actes des Apôtres dont les fruits nous sont offerts dans le numéro 199 de la collection « Lectio divina » aux éditions du Cerf [8]. Les pistes proposées étaient : histoire, récit, théologie. O. Flichy (Centre Sèvres, Paris) commence par dresser un panorama des recherches en cours en insistant sur les mutations de l’approche historique, l’apport des lectures narratives et l’étude du judaïsme ancien. R. Dupont-Roc (Institut catholique de Paris) reprend le problème de la double tradition textuelle du livre. M.-F. Baslez (Université Paris XII) situe le « monde des Actes « dans la littérature et la culture de l’époque. J.-P. Lémonon (Université catholique de Lyon) examine les différents courants chrétiens qui marquent les communautés d’Éphèse au ier siècle, en relisant Ac 18, 18 – 19, 7. D. Marguerat (Université de Lausanne) montre comment, à propos de l’image de Paul, « figure identitaire « du christianisme des origines, le livre des Actes articule récit, volonté historienne et réflexion théologique. M. Quesnel (Université catholique de Lyon) situe, par une analyse rhétorique, les discours d’apologie de Paul en Ac 22 et 26 aux confins des pratiques judiciaires et des prédications. R. Gounelle (Université de Strasbourg) débat des relations entre les foisonnants Actes apocryphes des Apôtres et les Actes des Apôtres canoniques. Enfin deux exemples de réception contemporaine du livre des Actes des Apôtres : L. Villemin (Institut catholique de Paris) traite de son influence sur l’ecclésiologie du concile Vatican II et C. Meesters rend compte de l’expérience de lecture des Actes dans les « communautés ecclésiales de base » au Brésil. L’ensemble très riche, aussi bien par l’approfondissement des contributions que par leur diversité, comblera tous ceux qui veulent approfondir leur lecture des Actes des Apôtres.
Nous insérons ici deux ouvrages ayant trait, chacun à sa manière, à la propagation de la Parole : le premier cherche à mieux percevoir les rapports entre judaïsme et christianisme, le second, entre christianisme et paganisme. D’abord d’un ouvrage de F. Manns, auteur déjà mentionné ci-dessus [9]. « La méthodologie employée projette un faisceau de lumière convergeant à partir des textes néo-testamentaires, rabbiniques et patristiques sur une période historique complexe. Seule une lecture dialectique des sources peut ouvrir de nouveaux horizons : les textes néo-testamentaires doivent être éclairés en amont et en aval. Leurs racines juives et les développements patristiques doivent être approfondis. Quant aux textes rabbiniques et patristiques, après avoir été édités de façon critique et datés, ils doivent être lus en parallèle. Le choix des textes présentés pourrait sembler arbitraire, mais il répond à nos centres d’intérêt. Notre recherche s’oriente dans quatre directions principales : nous interrogeons le Nouveau Testament, les écrits rabbiniques et quelques textes patristiques. En finale, un brève enquête approfondit des symboles connus » (p. 5). A travers ses analyses, l’auteur montre combien le judéo-christianisme était présent durant les premiers siècles du christianisme, non seulement en Orient mais également à Rome, et invite à revenir aux sources de la foi.
Un tout autre point de vue est celui de C. Prieto, théologienne et pasteure de l’Église réformée de France, dans un ouvrage qui scrute la prédication de l’Évangile dans le monde gréco-romain [10]. Le processus d’inculturation du christianisme dans le monde romain pendant les années 80-90 après Jésus Christ est étudié à la loupe dans ce livre, grâce à une analyse des textes tirés de l’évangile de Luc, de celui de Jean, des Actes des apôtres et de l’Apocalypse. Il apparaît que « la tactique missionnaire se déploie selon deux axes. Premièrement, les apôtres se servent de la quête religieuse païenne et des structures déjà existantes comme porte ouverte possible pour introduire le christianisme dans le monde gréco-romain […] Deuxièmement, le christianisme ne souhaite pas être assimilé au paganisme par un processus syncrétiste, et s’incorporer à ce terrain jusqu’à s’y diluer » (p. 165). L’intérêt de cette étude est de conjoindre l’analyse des textes et l’apport des références culturelles sur le monde antique qui entourait les Églises.
III
Une histoire de Paul de Tarse nous vient de J. Murphy-O’Connor [11], professeur à l’école biblique et archéologique de Jérusalem et bien connu pour ses recherches sur l’apôtre Paul. Il rend compte lui-même de son projet : « Écrire ce livre a été une véritable aventure : en effet, il s’agissait de transformer une vie en “histoire”[…] Je reconstruis donc sa vie avec assez de détails pour donner consistance et couleur et je raconte les événements dans l’ordre chronologique. Il me semble qu’une ligne narrative forte peut seule donner sens à la personne de Paul. Inévitablement, il s’y mêle de l’hypothétique et de l’imaginaire. Mais chaque fois, je retiens l’hypothèse la plus probable et mon imagination reste sous le contrôle des sources écrites ou archéologiques contemporaines et de nos connaissances des lieux où Paul s’est trouvé » (p. 7 et 8). Le résultat est étonnant à plus d’un titre. Captivant sans pour autant s’imposer de manière contraignante, il permet d’intégrer aisément les dernières recherches pauliniennes.
Deux cahiers successifs de la collection « Connaître la Bible » étudient les deux lettres de Paul aux Corinthiens [12]. G. Bonneau, enseignant la Bible et la tradition judéo-chrétienne à l’Université de Sudbury (Ontario), s’attarde d’abord longuement sur Paul : Un prophète et sa communauté (I) ; un prophète critiqué (II). Puis, il présente chacune des deux lettres aux Corinthiens en insistant sur la situation de la communauté et en décrivant les événements de façon à resituer dans leur contexte la rédaction des lettres : dans sa première missive, Paul réagit aux divisions entre classes sociales tandis que dans la seconde, il se défend face au danger provoqué par l’arrivée à Corinthe d’un groupe de missionnaires étrangers. Le point de vue a l’avantage d’être clairement exposé et donne matière à réflexion.
Le second volume de la nouvelle collection « Commentaire biblique : Nouveau Testament » des éditions du Cerf [13], nous est offert par Ch. Reynier, professeur d’exégèse biblique au Centre Sèvres, sur l’épître aux Éphésiens. Selon l’objectif de la collection, ce commentaire fait apparaître la dynamique du texte pris comme un ensemble. La question de l’authenticité de la lettre, qui a si longtemps grevé la recherche, retrouve ainsi sa juste place derrière « les thèmes majeurs propres à cette épître – le Christ récapitulateur, l’élection dans le Christ, l’Église corps du Christ, le mystère de l’homme et de la femme » (p. 20). Le commentaire, scientifique tout en restant accessible à un large public, présente différents niveaux de lecture avec notamment une traduction aussi littérale que possible et des bibliographies particulières. Finalement, l’auteur peut situer la lettre dans le développement de la pensée paulinienne, en particulier du point de vue de l’eschatologie, et affirmer : « Aucun autre texte n’envisage avec autant de force les conséquences de la Résurrection ni la place du Christ dans le dessein de Dieu. Aucune réflexion sur l’Église ne peut donc faire abstraction des affirmations de l’épître aux Éphésiens » (p. 216).
Paul, une théologie en construction [14] : cet ouvrage nous livre le fruit d’un programme de recherches de Nouveau Testament en Suisse romande. Il s’agit d’une série de 18 études d’exégètes bien connus, protestants et catholiques, soulevant des questions de fond dans le contexte de l’actuelle remise en cause du rapport entre Paul et la sotériologie juive. Notons les titres de chapitres sous lesquels se regroupent ces études : État de la recherche (M. Quesnel), Une écriture en mouvement (J.-N. Aletti ; G. Barbaglio), Paul avant Paul (K.P. Donfried ; R. Riesner ; N. Elliott ; D. Gerber ; E. Cuvillier), La Loi (J.D.G. Dunn ; D. Marguerat ; J.-P. Lémonon), Le centre de la théologie paulinienne (J. Zumstein ; U. Schnelle ; F. Vouga), Paul l’apôtre (R. Penna ; Ph. Nicolet) ; Paul après Paul (A. Dettwiler ; S. Vollenweider). On ne peut mieux dire la richesse de l’ensemble. Rajoutons néanmoins une remarque de D. Marguerat qui précise dans l’introduction l’esprit dans lequel ces diverses contributions ont été regroupées : « Contrairement à la plupart des enquêtes pauliniennes, qui commencent par reconstruire l’histoire de l’apôtre, nous avons choisi d’explorer au préalable son écriture. C’est avouer une option prioritaire pour l’enquête synchronique (qu’est-ce qui se dit à même le texte ?) avant que soit ouverte l’enquête diachronique (de quelle histoire vit ce texte ?) » (p. 10). Dans la même ligne, pointons encore les trois centres proposés de la théologie paulinienne : la croix comme principe de constitution de la théologie paulinienne (J. Zumstein) ; le présent du salut, centre de la pensée paulinienne (U. Schnelle) ; la vérité de l’Évangile et la création nouvelle : l’apôtre Paul comme interprète de Jésus de Nazareth (F. Vouga).
IV
La collection « La Bible tout simplement », aux éditions de l’Atelier, présente son volume sur l’Apocalypse grâce aux bons soins de Y.-M. Blanchard, professeur à l’Institut catholique de Paris [15] : « Plus que tout autre livre biblique, l’accès à la compréhension de l’Apocalypse suppose la possession d’un certain nombre de clés » (p. 9). A partir de cette conviction, l’auteur propose un parcours en trois étapes. La première section – « Révélation de Jésus Christ (Ap 1, 1) » – aborde les questions de base posées par la rédaction de ce livre, puis traite des rapports entre ciel et terre, et désigne la figure centrale du livre qu’est l’Agneau de Dieu, agneau vainqueur. La deuxième section – « Écris aux Églises (Ap 1, 11) » – étudie la situation historique et géographique du livre, puis élargit le regard à l’ensemble du monde romain, pour finalement considérer le thème de la Jérusalem céleste. La troisième section – « Le temps est proche (Ap 1, 3) » – s’attache davantage à la dimension temporelle du récit orienté vers la fin des temps avec les questions suivantes : l’enchaînement des « septénaires » ; la relation entre le livre de l’Apocalypse et l’ensemble de l’Ancien Testament ; la célébration du jour du Seigneur. Un bel itinéraire pour mieux lire les paroles inspirées elles-mêmes : « L’objet de cet ouvrage n’est pas de se substituer au texte biblique : bien au contraire, ces neuf chapitres n’ont d’autre but que d’introduire à la lecture savoureuse d’un livre biblique aussi fascinant que mystérieux et, dès lors, vulnérable aux interprétations les plus fantaisistes » (p. 12). Effectivement, ce petit livre peut être une grande aide !
Un autre commentaire de l’Apocalypse est publié aux éditions Lethielleux, sous la plume d’E. Bianchi, prieur de Bose [16]. L’ouvrage commence par une substantielle introduction traitant de la littérature apocalyptique et de ses sources bibliques, des interprétations de l’Apocalypse, de son auteur, de sa date et du lieu de sa composition, avec finalement une vision d’ensemble du livre, une proposition de structure et l’examen de sa place dans la Bible. Notons au passage un certain nombre de tableaux qui facilitent la lecture. Puis l’auteur procède à une lecture spirituelle du texte, telle qu’il la définit dans son avant-propos : « Cet ouvrage voudrait proposer une lecture spirituelle de l’Apocalypse, qui puisse favoriser sa compréhension en vue de la prière et de la contemplation ; c’est une suite d’annotations permettant de pénétrer en profondeur l’esprit qui l’anime. C’est pourquoi les indications strictement exégétiques, les notes en bas de page et les renvois bibliographiques ont été limités à l’essentiel » (p. 8). Le résultat prouve la richesse d’une telle lecture pétrie par la lectio divina. En ce sens, le rapprochement avec la Genèse est particulièrement instructif : « La comparaison entre Gn 1 – 3, Ap 2 – 3 (les lettres aux sept Églises) et Ap 21– 22 révèle très clairement la compréhension que Jean avait de l’histoire, ainsi que le propos de son livre. Jean, d’une certaine manière, relit l’histoire des origines comme une promesse, dont l’Église donne dès à présent une garantie ; une promesse qui s’est déjà réalisée dans le Christ et qui s’accomplira pleinement et définitivement, à la fin, pour toute l’humanité » (p. 60).
Un dernier livre sur l’Apocalypse s’inscrit dans le courant sémiotique [17], lequel cherche à accéder au sens même du récit en repérant et en identifiant les mécanismes de sa production. L’auteur, F. Martin, professeur à l’Université catholique de Lyon, insiste sur la spécificité de l’Apocalypse de Jean : « Alors que les apocalypses juives renvoient presque toujours à un accomplissement à venir, qui sera une sortie victorieuse de la crise présente (l’affrontement à l’hellénisme ou l’oppression romaine), le texte johannique joue plus habilement du déjà là et du pas encore, inscrivant ainsi l’espérance sur une victoire déjà acquise (l’événement pascal) quoi qu’encore attendue (la Parousie). A cet égard, peut-on encore parler d’apocalypse ? Le jeu des figures est au service d’un tel message et dévoile – tel est le sens d’apocalupsis – le mystère du Christ, tour à tour Témoin fidèle, Premier né des morts, Saint et Véritable, Principe de toute création, Verbe de Dieu, Lion de Juda, Agneau immolé et Cavalier blanc de la victoire. Face à lui se dresse le grand Dragon (qui est Satan, l’antique serpent) dont l’action passe par la Bête de la mer et la Bête de la terre » (p. 1). C’est donc avec une grande attention au jeu des figures que l’auteur commente le texte au fur et à mesure de son déroulement et qu’il en déploie le symbolisme théologique. Un dernier chapitre clôt le livre en se posant la question : y a-t-il un genre apocalyptique ? Après une rapide recension des caractéristiques généralement reconnues au genre apocalyptique, l’auteur reprend la pensée de Paul Beauchamp qui, en tenant compte de l’effet de clôture produit par le canon des Écritures, est en mesure de situer l’apocalyptique vétéro-testamentaire à la place précise où elle devient l’écriture de clôture. Nous en restons là…
[1] G. Ravasi, Méditations sur l’Évangile de l’enfance, Saint-Maurice, Ed. Saint-Augustin, 2004, 14 x 21 cm, 141 p., 19,00 €.
[2] LA Casa de la Biblia, Pour vous qui suis-je ? Guide pour une lecture communautaire de l’Évangile de Marc, Rixensart, Monastère des Bénédictines/Centre le Chemin, 2004, 14 x 20,5 cm, 101 p. (participant) et 129 p. (animateur), 6 et 12,00 €.
[3] M. Pesant, L’histoire de l’avènement du règne de Dieu dans le récit de Marc, Québec, Presses de l’université de Laval, 2004, 15 x 24 cm, 284 p., 30,00 $ CAN.
[4] R. Meynet, L’Évangile de Luc, coll. « Rhétorique sémitique », Paris, Lethielleux, 2005, 17 x 24 cm, 1037 p., 50,00 €.
[5] R.E. Brown, La mort du Messie. Encyclopédie de la Passion du Christ, de Gethsémani au tombeau. Un commentaire des récits de la Passion dans les quatre évangiles, Paris, Bayard, 2005, 16 x 24 cm, 1693 p., 59,00 €.
[6] P.-L. Carle, Les quatre frères de Jésus et la maternité virginale de Marie, Paris, Éditions de l’Emmanuel, 2004, 14 x 21 cm, 159 p., 14,60 €.
[7] F. Manns, Heureuse es-tu, toi qui as cru. Marie, une femme juive, coll. « Biblik », Paris, Presses de la Renaissance, 2005, 13 x 20 cm, 219 p., 16,00 €.
[8] M. Berder (sous la direction de), Les Actes des Apôtres. Histoire, récit, théologie. XXe congrès de l’Association catholique française pour l’étude de la Bible (Angers 2003), coll. « Lectio divina », 199, Paris, Cerf, 2005, 13,5 x 21,5 cm, 281 p., 31,00 €.
[9] F. Manns, Un père avait deux fils. Judaïsme et christianisme en dialogue, coll. « Vivre la Parole », Paris, Médiaspaul, 2004, 13,5 x 21,5 cm, 414 p., 32,00 €.
[10] C. Prieto, Christianisme et paganisme. La prédication de l’Évangile dans le monde gréco-romain, coll. « Essais Bibliques », 35, Genève, Labor et Fides, 2004, 14,5 x 22,5 cm, 175 p., 19,00 €.
[11] J. Murphy-O’Connor, Histoire de Paul de Tarse, Paris, Cerf, 2004, 13,5 x 21,5 cm, 315 p., 30,00 €.
[12] G. Bonneau, Paul et les Corinthiens, I : la première lettre – II : la seconde lettre, coll. « Connaître la Bible », 35 et 36, Bruxelles, Lumen Vitae, 2004, 15 x 21 cm, 79 p. et 75 p., 9,00 € par cahier.
[13] Ch. Reynier, L’épître aux Éphésiens, coll. « Commentaire biblique : Nouveau Testament », 10, Paris, Cerf, 2004, 15,5 x 23 cm, 235 p., 34,00 €.
[14] A. Dettwiler, J.-D. Kaestli, D. Marguerat, (sous la direction de), Paul, une théologie en construction, coll. « Le Monde de la Bible », 51, Genève, Labor et Fides, 2004, 15 x 22,5 cm, 493 p., 31,00 €.
[15] Y.-M. Blanchard, L’Apocalypse, coll. « La Bible tout simplement », Paris, Éditions de l’Atelier, 2004, 17 x 23 cm, 156 p., 16,00 €.
[16] E. Bianchi, Le monde sauvé. Commentaire de l’Apocalypse de Jean, Paris, Lethielleux, 2004, 14 x 20,5 cm, 320 p., 25,00 €.
[17] F. Martin, L’Apocalypse, lecture sémiotique, Lyon, Profac-Cadir, 2004, 14,5 x 20,5 cm, 264 p., 30,00 €.
