Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Chronique d’Écriture Sainte

Ancien Testament

Didier Luciani

N°2004-3 Juillet 2004

| P. 189-206 |

Abondance et qualité caractérisent la cuvée 2004. De manière quelque peu arbitraire, je classe les vingt-deux ouvrages reçus de la manière suivante : deux commentent un livre précis (I) ; deux se rapportent à un ensemble canonique de plusieurs livres (II) ; huit traitent de questions d’herméneutique ou de méthode (III) ; cinq concernent des personnages (IV) ; quatre abordent des thèmes (V) ; le dernier, enfin, se situe clairement en aval du texte biblique (VI).

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Abondance et qualité caractérisent la cuvée 2004. De manière quelque peu arbitraire, je classe les vingt-deux ouvrages reçus de la manière suivante : deux commentent un livre précis (I) ; deux se rapportent à un ensemble canonique de plusieurs livres (II) ; huit traitent de questions d’herméneutique ou de méthode (III) ; cinq concernent des personnages (IV) ; quatre abordent des thèmes (V) ; le dernier, enfin, se situe clairement en aval du texte biblique (VI).

I

Sous des dimensions modestes, le livre que C. Lichtert, prêtre de Bruxelles, consacre au récit de Jonas [1] se recommande à la lecture pour plusieurs raisons. Il s’appuie sur une information exégétique solide (l’auteur a soutenu sa thèse de doctorat sur ce drôle de prophète) ; en adoptant l’analyse narrative, il propose une méthode à la fois sûre, accessible et parfaitement adaptée à son objet ; il en offre une traduction littérale ; et enfin, il fait entendre les phénomènes d’écho que ce livre entretient avec d’autres passages du corpus biblique, tels que Gn 4 et 1 R 17– 19. Tout cela au service d’une lecture intégrale du livre (chapitre 2 y compris) à la fois audacieuse et ouverte sur des horizons plus vastes que la mer.

Dans l’autre collection biblique de Lumen Vitae, Y. Simoens, jésuite enseignant à Paris (Centre Sèvres) et à Rome (Institut Biblique), nous offre un commentaire profond du Cantique des Cantiques [2]. Une de ses clefs de lecture est empruntée à P. Beauchamp, qui considérait ce livre comme figure d’accomplissement de ce qui se joue à la création (Gn 2 – 3). Le texte est serré de près. Le commentaire, qui refuse de choisir entre lecture naturaliste et lecture allégorique, préfère intégrer le sens spirituel au sens littéral. De fait, les références théologiques et anthropologiques s’entrecroisent sans cesse. La langue de l’auteur est elle-même ciselée. Pour le dire tout de go, le résultat – aussi suggestif et profitable soit le propos pour ceux qui auront eu le courage de s’y accrocher – me paraît particulièrement mal adapté à une collection qui vise l’initiation. Une fois prévenu, rien n’empêche de saisir ce guide pour relire un texte qui, comme l’amour qu’il chante, reste de toute façon énigmatique et toujours hors d’atteinte.

II

Pour la deuxième fois depuis 1990, le collectif Le Pentateuque en question, fruit d’un séminaire doctoral organisé par les universités de Suisse romande en 1986, est réédité [3]. C’est dire le succès de cet ouvrage et le tournant qu’il marque dans les études en langue française. C’est dire aussi la complexité des problèmes, personne (hormis J. L. Ska, Introduction à la lecture du Pentateuque) ne s’étant aventuré depuis lors à proposer une synthèse ou au moins une vue d’ensemble sur ce corpus. L’ouvrage est reproduit selon la pagination des éditions précédentes, avec une mise à jour de la bibliographie de chacun des collaborateurs. Un article de T. Römer (« Brève présentation du débat actuel sur le Pentateuque : le Pentateuque toujours en question ») est ajouté en préface et retrace dans les grandes lignes les évolutions de la recherche depuis la première édition. A-t-on progressé depuis la grande remise en cause de la théorie documentaire ? Oui, si l’on considère l’efflorescence des recherches multiformes ; sûrement pas, quant à la possibilité de proposer une théorie globale de substitution pour l’histoire de la formation du Pentateuque. Même les piliers qui semblaient résister à l’entreprise de démolition semblent maintenant ébranlés. Les textes sacerdotaux, par exemple, jusque-là relativement épargnés, sont maintenant au cœur de la tourmente : faut-il parler du Pentateuque comme d’une source ou d’une rédaction ? quelle est l’étendue, la date et l’intention de cette entreprise sacerdotale ? est-on face à un récit qui a intégré du matériel législatif ou le contraire ? etc. L’histoire deutéronomiste, avec le Deutéronome comme préface, subit les mêmes assauts. Quand, en plus, on sait que des ensembles comme le Lévitique et les Nombres sont encore relativement peu travaillés, on se doute que le débat n’est pas prêt de se clore. Tant mieux, il est passionnant !

Seize ans après sa publication, The Literary Guide of the Bible, des deux professeurs de littérature R. Alter et F. Kermode, est traduit en français sous le titre un peu flatteur d’Encyclopédie littéraire de la Bible [4]. Quelle que soit son importance matérielle et théorique, cet ouvrage qui traite en 600 pages des deux Testaments n’a en effet rien d’une encyclopédie. Il prend tout simplement au sérieux l’art littéraire de la Bible et illustre, souvent avec bonheur et une grande diversité d’approches selon les contributeurs (une bonne vingtaine), certains aspects de cet art à travers chacun des livres qui la composent. Plusieurs introductions et essais généraux (« La Bible hébraïque et la littérature cananéenne » ; « Le Nouveau Testament et la littérature grécoromaine » ; « Le canon… » ; 220 pages) complètent ce parcours livre par livre et situent le projet dans son cadre global. L’édition française est préfacée par J. P. Sonnet (qui a fait connaître Alter au public francophone) et accompagnée d’une remarquable étude de P. M. Bogaert sur l’histoire des traductions françaises de la Bible. Après une éclipse, notre époque redécouvre le lien indissociable entre Bible et littérature, surtout en Occident. Sans avoir aujourd’hui l’impact qu’il eût lors de sa sortie (la bibliographie française actualisée prouve qu’on n’est plus dans un désert), cet ouvrage restera sans doute, non pas le guide, mais un guide stimulant pour redécouvrir tout en même temps la puissance littéraire de l’Écriture et la visée théologique qui, du milieu de sa lettre, s’y déploie.

III

A mon avis, l’originalité et le talent de R. Alter se manifestent de manière encore plus éclatante dans l’étude qu’il a publiée en 1985 sur la poésie biblique et que viennent de traduire, fort opportunément, les éditions Lessius [5]. De manière analogue à l’ouvrage précédent sur l’art narratif (L’art du récit biblique, également chez Lessius), le but est ici d’illustrer les principes poétiques à l’œuvre dans la Bible. Entre ceux qui dénient l’existence d’une poésie biblique et d’autres qui, à l’inverse, ont voulu voir toute la Bible écrite en vers, les théories sont multiples et rendent le propos moins simple qu’il n’y paraît. Comment en effet se caractérise la poésie hébraïque ? Est-ce par son usage du parallélisme, par sa métrique, par son système d’accentuation ou encore par d’autres contraintes d’ordre syntaxique ? Face à ces débats, Alter emprunte à B. Hruchovski une définition à la fois simple, équilibrée et souple du principe de versification biblique compris comme « rythme sémantique-syntaxique accentué ». Dans la plupart des cas, note-t-il, « un recoupement s’opère entre plusieurs parallélismes hétérogènes (c’est-à-dire : sémantique, syntaxique, prosodique, morphologique, phonétique, etc.) contribuant ainsi à leur renforcement mutuel de sorte qu’aucun élément isolé – la signification, la syntaxe ou l’accentuation – ne puisse occuper une fonction dominante ou au contraire purement auxiliaire » (p. 20-21). A cette compréhension extensive du verset biblique, l’auteur ajoute une deuxième idée qu’il reprend cette fois au formaliste russe V. Chklovski et à J.G. Herder : le parallélisme n’est ni une infirmité stylistique, ni un procédé mécanique destiné par exemple à favoriser la mémorisation, mais il traduit, par toute une série de procédés divers (spécification : du général au particulier ; concrétisation : de l’abstrait au concret…), une dynamique d’intensification qui passe de verset en verset et permet au poète d’exprimer, dans la forme même du poème, son monde de valeurs spirituelles, intellectuelles et émotionnelles. Se limitant presque toujours au niveau sémantique (pour les lecteurs n’ayant pas accès à la langue originale), Alter n’entend certes pas fournir un manuel complet de poésie hébraïque. Il fait bien plus en donnant le bonheur de lire et de comprendre autrement, c’est-à-dire selon leur facture poétique propre, des textes aussi connus que les Psaumes, Job ou le Cantique.

Le beau livre d’A.M. Pelletier [6] ne nous éloigne pas des questions d’interprétation du texte biblique, mais plutôt en pose les fondements et en découvre les présupposés. Après avoir pertinemment fait mémoire, en deux chapitres, de l’émergence dans le champ des études bibliques de la question de l’histoire (critique historique) puis de celle du sens (herméneutique philosophique et littéraire), l’auteur montre que ces interpellations, sans être tout à fait neuves, ont conduit à une compréhension affinée du texte biblique lui-même, de son processus d’écriture typologique (qui est toujours déjà relecture et réécriture), et de l’acte de sa lecture (qui est aussi réénonciation). Associant ces trois pôles et s’exerçant dès lors de l’amont à l’aval du texte, l’interprétation se définit non seulement comme principe et comme fin, mais encore réintègre, dans sa saisie du sens, le rôle irremplaçable de la tradition. Cette syntonie de l’herméneutique et des théories littéraires contemporaines avec les exigences de la lecture chrétienne fait de la Bible un objet culturel ouvert à une pluralité d’interprétations et approchable par une multitude de méthodes. Elle pose en même temps de manière aiguë la question de sa « vérité » qui ne peut s’approcher que dans une reconnaissance d’une double altérité fondamentale, celle du texte (« Le profit de la lecture de la Bible implique le consentement à entendre le texte énoncer… ce que l’on ne veut pas savoir » ; p. 149) et celle du lecteur à soi-même. L’enjeu est le suivant : de Good Book qu’elle était, la Bible va-t-elle devenir a nice book, témoin intéressant d’une sagesse consensuelle et inoffensive ou bien gardera-t-elle son caractère dangereux qui fait courir à tous ceux qui s’y exposent le risque d’être brûlés et d’y trouver la vie ? C’est sur ce formidable défi que, sans crainte ni crispations inutiles et avec la finesse qu’on lui connaît, l’auteur nous fait réfléchir. Qu’elle en soit vivement remerciée.

Le dernier ouvrage de M. Rose, professeur à l’Université de Neuchâtel, se caractérise à la fois par l’ampleur de son objet formel et par la diversité des point de vue adoptés [7]. Ni histoire de l’interprétation des textes, ni théorie des méthodes exégétiques, le projet herméneutique qu’il déploie se veut davantage sensible à la « fusion » des horizons de vie, celui du lecteur et celui de l’auteur. C’est pourquoi il propose, en autant de chapitres, dix lectures différentes de grands textes de l’Ancien Testament : une lecture chrétienne ; une lecture du point de vue du devenir (l’histoire comme dimension constitutive de l’existence humaine) ; une lecture du point de vue du mourir ; une lecture critique du théologien (c’est-à-dire s’opposant à toutes les systématisations en -isme) ; une lecture engagée d’un amoureux ; une lecture de génération en génération (comme père et comme fils) ; une lecture en tant que frère ou en tant qu’ ennemi ; une lecture du point de vue politique et national ; une lecture du point de vue cultuel et religieux ; une lecture identitaire, personnelle et existentielle (honorant la dimension individuelle de l’existence plus que sa forme collective). Comme le livre précédent, mais par d’autres chemins et en ne s’éloignant jamais trop du texte biblique lui-même, ce parcours s’achève par l’impératif d’une exposition à une double altérité (le texte, soi-même) qui seule permet de comprendre en se comprenant.

Que l’on travaille sur langue originale ou sur traduction, le premier point de résistance qu’oppose le texte biblique à son lecteur – on l’oublie trop souvent – c’est le texte lui-même ! D’où l’importance de son établissement (par la critique textuelle) et de sa traduction. Deux des plus grands spécialistes de la traduction, J. de Waard et E. A. Nida, livrent la synthèse de leurs travaux dans un ouvrage très instructif publié d’abord en anglais (1986) et maintenant disponible en français grâce à l’Alliance biblique universelle [8]. Partant – comme l’indique le titre – d’une définition de la traduction (le transfert d’un message d’une langue à une autre), et privilégiant – comme l’indique le sous-titre – le principe d’équivalence fonctionnelle (la communication du message et ses effets sur le destinataire priment sur l’équivalence formelle entre le texte source et le texte traduit), ils utilisent les outils de la linguistique, de la rhétorique classique, de l’analyse littéraire, de la théorie de la communication, de l’anthropologie et de la sociologie pour mener à bien leur démarche. La simplicité apparente des principes et le talent pédagogique des auteurs qui décomposent le mécanisme de la traduction et en analysent chaque rouage ne doit pas faire illusion sur le caractère fortement « idéaliste » d’une telle entreprise. Ils ne nous en offrent pas moins un bel outil, abondamment illustré par plus de cinq cent exemples tirés de la Bible et par de nombreux autres provenant de leur propre expérience de traducteurs.

Organisé par le RRENAB (Réseau de recherche en analyse narrative des textes de la Bible, regroupant une dizaine d’institutions universitaires de Belgique, du Canada, de France et de Suisse), un colloque international s’est tenu du 7 au 9 mars 2002 à Lausanne. Les éditions Labor et Fides en publient les actes [9]. La première partie du livre (« Bible et narrativité : recherche et enjeux ») rassemble principalement les conférences publiques et porte davantage sur des questions de méthode et de théorie : D. Marguerat (« L’exégèse biblique à l’heure du lecteur ») ; J.L. Ska (« Le livre de Ruth ou l’art narratif biblique dans l’Ancien Testament ») ; R. Culpepper (« Vingt ans d’analyse narrative des évangiles : nouvelles perspectives et problèmes en suspens ») ; P. Bülher (« La mise en intrigue de l’interprète : enjeux herméneutiques de la narrativité ») ; E. Parmentier (« Dieu a des histoires : la dimension théologique de la narrativité »). La seconde partie développe six champs de recherche et d’application de la méthode et rend compte des travaux effectués en séminaires. Là encore il n’est guère possible de faire plus que de citer les intitulés de ces différents séminaires, en précisant que chacun comportait quatre à cinq conférences : « Fiction et historiographie dans l’Ancien Testament » (Président : A. Wénin) ; « Analyse narrative et histoire des textes » (Prés. : J.D. Macchi) ; « Le narrateur dans tous ses états » (Prés. : J.P. Sonnet) ; « Commencer un évangile » (Prés. : C. Focant) ; « Discours et récit en Luc et Actes » (Prés. : D. Marguerat) ; « Des récits engendrant d’autres récits » (Prés. : J.D. Kaestli). Si on ajoute qu’une quarantaine de publications offertes n’ont pas trouvé place dans ce volume et que de nombreux débats ont animé la rencontre, on imagine sans difficulté l’effervescente créativité dont ce colloque fut le théâtre et la prometteuse fécondité d’une narratologie qui s’affirme tout en veillant à rester en dialogue avec les autres méthodes exégétiques. « Ce livre présente une moisson, une première moisson », affirme D. Marguerat en préface, et cela n’a rien d’un effet d’annonce. La moisson est encore abondante, mais l’ouvrage témoigne sans aucun doute d’un tournant dans les études bibliques, au moins pour le monde francophone. Les actes du deuxième colloque de ce dynamique réseau (Louvain-la-Neuve, avril 2004) sont déjà en préparation.

M. Remaud qui nous avait gratifiés, il n’y a pas si longtemps, d’un beau livre sur les rapports entre juifs et chrétiens (voir VC 74, p. 349), nous offre maintenant une série d’études sur l’éclairage que la tradition rabbinique apporte à la compréhension du Nouveau Testament [10]. L’idée sous-jacente est simple et de plus en plus fréquemment répétée depuis R. Le Déaut et L. Bouyer ; elle finit même par être connue : les premiers chrétiens ont hérité d’une Bible interprétée, donc pour comprendre les auteurs du Nouveau Testament, il faut aussi connaître la tradition interprétante des Écritures auxquelles ils se référaient. Malheureusement, et le plus souvent faute de connaissance suffisante de cette tradition, peu d’exégètes sont capables de tirer les conséquences pratiques d’une telle découverte. M. Remaud qui fréquente celle-ci depuis bientôt trente ans n’est pas de ceux-là et en fournit la preuve éclatante à travers douze études particulières et deux autres plus théoriques qui les encadrent (chap. 1 : « Du bon usage des sources juives pour l’intelligence du Nouveau Testament » ; chap. 14 : « Lecture juive et chrétienne de l’Écriture »). Tout en laissant le soin au lecteur de se laisser surprendre par le parcours proposé, deux points remarquables et liés entre eux me semblent devoir être soulignés dans la démarche de l’auteur. D’une part, la tradition juive n’est pas utilisée comme une carrière ou un réservoir à citations (façon Strack-Billerbeck) ; d’autre part cette tradition juive, d’abord étudiée pour elle-même, est saisie dans sa dynamique propre et sa cohérence. Le chemin est assurément plus long et demande plus d’efforts. Il est gage de respect. Dommage qu’en décidant de la fermeture du centre chrétien d’études juives de Jérusalem (Institut Ratisbonne), dont faisait partie M. Remaud, certains ne l’aient pas perçu et aient contribué à retarder d’autant cet investissement indispensable et les fruits qu’on pouvait en attendre !

Comme l’a bien montré P. Ricœur et comme l’illustre la narratologie, le récit biblique (comme tout récit) est déjà en lui-même gros d’une implication éthique et d’une capacité transformante. Est-ce à dire que le lien entre morale et Bible s’épuise dans cette rencontre entre le texte et son lecteur ? En adoptant une démarche pluridisciplinaire, l’ouvrage dirigé par P. Bordeyne et réunissant une équipe d’enseignants de l’Institut catholique de Paris [11] retrace l’histoire d’un intérêt réciproque et fait droit à la complexité du rapport qui unit les deux termes. La Bible, en effet, n’est ni un livre de recettes, ni un argumentaire disponible à l’usage d’une morale élaborée déductivement à partir de principes premiers. En même temps, la vie de la Parole s’étiole si elle ne renouvelle pas la vie présente de ceux qui la fréquentent et la théologie morale s’éloigne de sa source en ignorant les Écritures. Comme le montrent les différentes études et notamment le dossier pratique consacré à « l’étranger », la simplicité de Dieu et la diversité des situations humaines obligent à solliciter d’autres médiations (philosophique, théologique, spirituelle…) pour articuler ce qui est finalement hétérogène : la Bible est un corpus ; la morale, une science de l’action. Dès lors, la question se déplace et ne concerne plus tant la théorisation d’une dualité abstraite (Bible et morale), mais la manière dont le bibliste et le moraliste peuvent contribuer à éclairer une question éthique et à opérer un discernement à partir de l’actualité et de leur propre implication historique de sujet interprétant (une situation, un texte, des acteurs et des herméneutes situés). De ce point de vue, et parmi les riches contributions de ce volume, celles des moralistes G. Médevielle (« Le bibliste et le moraliste : un éclairage mutuel de la responsabilité théologique ») et P. Bordeyne (« Les promesses d’une collaboration renouvelée entre biblistes et moralistes ») m’ont paru particulièrement suggestives.

Cette deuxième section de la chronique s’achève par la présentation d’un écrivain atypique (J. Cazeaux ; voir VC 74, p. 337) qui, après avoir publié trois études bibliques, expose en quelque sorte son discours de la méthode [12]. L’avant-propos, non sans un certain humour et une pointe polémique, rappelle utilement quelques évidences (ce qui précisément ne se voit plus parce que cela crève les yeux) et permet de situer le projet et son auteur : « Comme il sait sa langue maternelle du dedans, le chrétien devrait exprimer sa philosophie religieuse selon un idiome et cet idiome n’est pas un vague humanisme, ni le bon sens, ni même le catéchisme, mais le langage spécifique des Écritures. Là, le concept, le résumé […] ne suffisent pas ; ils sont trop libres […], trop à la façon sportif du dimanche. Il y faut un encombrement, celui de la mémoire patiente et lourde […]. Le malheur des temps veut que la diction de la Bible soit devenue une science, l’exégèse une spécialité. Et comme toute science, elle tend à se perfectionner sans cesse, et donc à se promettre plus efficace pour demain. Mais il n’est pas dit qu’on doive toujours chercher, toujours et uniquement espérer un lendemain. Il faut transmettre aujourd’hui, c’est-à-dire couver pour ainsi dire tranquillement, et pour cela, s’arrêter de courir des renseignements aléatoires […]. Sans devenir forcément comme ces héros de westerns qui, entre la peau du castor, la flèche de l’Indien et la trahison du traître, citent une phrase de l’Ecclésiaste ou de la Genèse, tout chrétien devrait devenir un hôte familier des châteaux, des parcs et des basses-fosses de sa Bible, et […] en pratiquer l’idiome qui lui offrirait des réflexes de langage, de comportement […]. Seulement, l’Évangile des chrétiens n’est audible que selon l’Écriture entière […] l’antisémitisme est un suicide du chrétien […]. L’Écriture est une œuvre littéraire, homogène, globalement unifiée de la Genèse à l’Apocalypse et intelligente. […] lire des ensembles plutôt que des morceaux choisis […] » (p. 9-11).

De cette lecture littéraire de la Bible et de l’analyse interne de son contenu, J. Cazeaux tire une hypothèse chronologique (une rédaction ultime au iiie siècle) et avance un postulat de lecture : « Si l’on prend garde au sens global et obstiné qui se dégage des divers livres […] ; si l’on regarde leur composition et pas seulement des îlots qui ont l’air de longer l’Histoire, on verra que ces textes virent sous nos yeux du nationalisme à l’universalisme, via le passage de la volonté de puissance à la démission. Ils sont obsédés d’un idéal politique, celui de la Fédération de Douze Tribus dont l’autonomie soit assurée par le Cadastre tracé par Josué. Or, la Fédération et le Cadastre sont deux institutions liées entre elles qui condamnent d’avance la centralisation urbaine et l’ambition, courtiers du système royal. La Bible rédigée une ultime fois dans ce sens et canonisée met donc en doute le sionisme politique et territorial, patiemment, de façon dramatique, sans simplification, à partir même de documents qui disaient parfois le contraire, qui célébraient le roi et les victoires et les conquêtes […]. Seule une lecture superficielle et d’avance décidée à l’épopée peut encore parler de guerre sainte et d’orgueil national » (p. 18-19). Je ne connais pas l’âge de l’auteur, mais – ceci dit avec beaucoup de respect – ses propos me font penser à ceux d’un vieux sage pour qui les choses se sont pas mal décantées et qui, au fil de la lecture et au terme d’une longue cohabitation avec l’Écriture, revient à ce qui lui paraît essentiel et ne garde qu’une idée maîtresse qu’il déploie avec force et conviction, oubliant peut-être seulement qu’il est lui aussi tributaire d’un long parcours et de multiples détours (notamment ceux nécessaires à l’acquisition d’outils scientifiques de tous ordres) pour atteindre à cette « simplicité ». Du sage, il y a toujours quelque chose à apprendre ; cela ne dispense jamais de refaire le chemin par soi-même et de mettre éventuellement en lumière d’autres aspects du message biblique.

IV

Prenant la suite de ses deux précédents ouvrages (Le refus de la guerre sainte : Josué, Juges et Ruth, 1998 ; La guerre sainte n’aura pas lieu, 2001), J. Cazeaux illustre sa thèse antiroyaliste par un examen des textes concernant Saül (1 S 1 – 23), David (1 S 24 – 2 S 24) et Salomon (1 R 1 – 16) [13], le plus glorieux des trois n’étant pas, à ses yeux, le moins mécréant. A qui ne récuse pas d’emblée cette thèse et la lecture littéraire et canonique proposée sont promises de belles découvertes. Malgré tout, les choses sont-elles si simples et univoques que ne le dit l’auteur ? Est-il, par exemple, possible de parler de « l’obsession du rédacteur ultime, qui en quelques mois peut-être, a réécrit tous les fragments d’épopées ou de contes, pour mettre en garde les fils de Juda contre un retour de la royauté, et plus profondément contre la volonté de puissance inscrite dans le cœur de chacun » (p. 9) ? Est-il pensable, comme il le dit, que d’Abraham à Salomon, ce même rédacteur ait remodelé chaque épisode d’une longue histoire réelle ou fictive au bénéfice de son Utopie tribale et cadastrale ? Comme moi-même je suppose, Cazeaux a composé son livre sur traitement de texte. Mais qu’en était-il des réécritures à l’époque de la machine à écrire ? et à celle du calame et des peaux de bêtes ? Les réalités matérielles ont parfois raison des théories les plus séduisantes ou, au moins, les plombent sérieusement.

L’histoire de David retient aussi l’attention de W. Vogels et comme Cazeaux, la lecture qui en est proposée, après un bref état de la recherche (p. 9 – 30), est synchronique [14]. Les résultats sont pourtant sensiblement différents. L’ensemble du cycle forme une unité divisée en trois parties (« L’ascension de David », 1 S 16, 1 – 2 S 5, 5 ; « David au sommet », 2 S 5, 6 – 8, 18 ; « Le déclin de David », 2 S 9, 1 – 1 R 2, 11) et remarquablement structurée, même au niveau inférieur (chaque partie formant un chiasme). L’analyse du récit permet de rencontrer dans le plus jeune fils de Jessé un des personnages les plus « ronds », c’est-à-dire une des personnalités les plus complexes, les plus évolutives et les mieux décrites de la Bible. Les textes nous renseignent à la fois sur sa vie familiale, sa carrière politique, son comportement et son caractère. Même si l’intention du rédacteur final est de discréditer la royauté (Cazeaux), il en ressort – comme le dit Vogels – que « David avec ses grandeurs aussi bien qu’avec ses fragilités est finalement devenu […] une grande figure d’humanité devant Dieu » (p. 348).

Autre personnage emblématique de l’Ancien Testament, Abraham est au cœur d’une vaste enquête menée par A. Ségal [15], enquête qui a déjà fait l’objet d’une première publication chez Plon (1995), d’un documentaire télévisé sur La Cinquième et sur France 2 (1996) avant d’être rééditée et actualisée dans sa forme présente. Deux questions ont guidé le travail de l’auteur : comment résonne l’histoire d’Abraham à travers les religions et les cultures ? Que signifient pour nous aujourd’hui cette figure du père et l’épreuve du sacrifice ? Trois étapes balisent son parcours : l’ancêtre et sa mémoire, le père des croyants, un héros de notre temps. Il ne s’agit donc pas d’un travail d’exégèse, mais d’une succession de tableaux qui, sollicitant tour à tour l’archéologie, l’histoire, la littérature, la philosophie, les traditions religieuses… essayent d’éclairer par petites touches l’énigmatique héros. Sans être inintéressant, l’ensemble ne présente rien de très nouveau, est très éclectique, kaléidoscopique même, mais constitue un dossier pratique sur la Wirkungsgeschichte (« l’histoire de l’efficience ») du personnage.

C’est encore Abraham qui ouvre la galerie de onze portraits (Abraham, Moïse, Salomon, Élie, Jean-Baptiste, Marie, Marie Madeleine, Jacques, Jean, Pierre et Paul) que nous dressent les enseignants de la faculté de théologie de Toulouse [16]. Chaque intervenant avait la liberté de traiter son sujet comme il l’entendait, mais le sous-titre Entre histoire et mystère laisse clairement apparaître la double perspective historique et spirituelle sous laquelle les personnages sont saisis. Les propos des auteurs, en net décalage par rapport à des thèses récentes et habilement médiatisées (M. et R. Sabbah, « Les secrets de l’exode » ; I. Finkelstein et N. A. Silberman, « La Bible dévoilée » ; J. Assamn, « Moïse l’Égyptien »…), permettront plus d’une fois de vérifier que, concernant l’interprétation de la Bible, l’archéologie a sans doute son mot à dire, mais celui-ci ne peut être ni le premier ni le dernier.

Fruit d’une thèse de doctorat soutenue en 1999 à la faculté de théologie de Lausanne, sous la direction de T. Römer, l’ouvrage de D. Nocquet est original à plus d’un titre [17]. Tout d’abord par son sujet : il s’intéresse à celui qui, dans l’Ancien Testament, représente l’adversaire le plus sérieux de YHWH et fait courir le plus grand risque à l’identité religieuse d’Israël, à savoir Baal. Ensuite, par sa méthode : il allie approche synchronique et diachronique pour faire parler les textes et découvrir leur fonction dans l’histoire et dans le canon scripturaire. Enfin, par la thèse exposée : il aurait existé, à partir du viiie siècle en Israël, un « livre noir » de Baal destiné dans un premier temps à montrer la supériorité de YHWH et à légitimer la dynastie de Jéhu, puis servant deux siècles plus tard (lors de son intégration dans l’histoire deutéronomiste), à justifier la fin tragique des deux royaumes déportés. Un examen exhaustif du champ sémantique de la racine ba’al permet de déterminer un corpus réduit de quatre péricopes significatives, caractérisées comme récits de controverse autour desquels l’étude exégétique s’organise : Jg 6, 25-32 ; 1R 18, 17-46 ; 2 R 1, 2-17 ; 2 R 10, 18-28. L’enquête est minutieuse, avance pas à pas, met en lumière les correspondances et les dépendances entre ces différents récits et compare leurs contextes littéraires respectifs. Elle montre finalement, en plus de l’hypothèse susmentionnée, comment toute lutte contre un ennemi ne peut se conclure sans que quelque chose de la personnalité du vaincu ne passe dans celle du vainqueur, ce qui autorise l’auteur à parler de la « baalité de YHWH ».

V

L’ouvrage d’A. Lemaire [18] ouvre la section « Thèmes bibliques » de cette Chronique, mais assure en même temps une transition tout à fait adéquate avec celui qui précède. Faisant le point, en historien, sur la question fort controversée de l’émergence du monothéisme, l’auteur retrace avec clarté, pédagogie et modestie un parcours qui va des origines du yahwisme – au plus tôt au xive siècle avant J. C. – jusqu’à la disparition de YHWH achevée en 70 de notre ère, puisqu’à cette époque, le temple étant détruit, même le grand prêtre ne prononce plus le nom divin une fois par an le jour de Kippour. Ces étapes historiques conditionnent l’affirmation lente et progressive de la monolâtrie, puis le passage conceptuel et pratique de celle-ci au monothéisme universaliste absolu débouchant lui-même sur l’aniconisme et l’abandon du théonyme YHWH trop lié au particularisme d’Israël. En s’appuyant sur les textes bibliques (avec par exemple une « belle » confiance, à l’encontre de la tendance actuelle, sur la possibilité de retrouver le Moïse de l’histoire ; p. 34 s.), les inscriptions contemporaines et l’archéologie, A. Lemaire montre à la fois la difficulté à penser le monothéisme et l’inscription de cette aventure fondatrice dans l’histoire humaine.

Comme le montre le séminaire de recherche organisé, pendant quatre ans, par le groupe des exégètes francophones de Belgique, les réalités bibliques s’inscrivent aussi dans l’espace [19]. Prenant le thème de la Maison de Dieu, quatorze contributions (8 pour l’Ancien Testament, 1 pour le judaïsme de l’époque hellénistique, 5 pour le Nouveau Testament) examinent différentes manières dont sont conçues cette habitation et la fonction symbolique et médiatrice que joue ce référent topographique dans la rencontre de l’homme avec Dieu. Vu l’ampleur du thème traité et la variété des approches utilisées, on ne peut guère faire plus, dans le cadre de cette chronique, que de décliner les titres de ces contributions, en espérant ainsi tout de même laisser paraître un peu de l’intérêt de ce travail. A. Wénin ouvre la série par une analyse narrative de Gn 28, 10-22 (« Jacob découvre la maison de Dieu »). J. M. Van Cangh ne quitte pas Jacob en traitant de Béthel sous l’angle historique (« Béthel : archéologie et histoire »). T. Römer aborde la centralisation du culte dans le Deutéronome et dans l’historiographie deutéronomiste (« Une seule maison pour le Dieu unique ? »). P. Gibert se penche sur le projet davidique de construire une maison pour Dieu et sur l’oracle de Nathan qui lui répond (2 S 7 et la « relecture » psalmique). J. -P. Sonnet parcourt le cycle du Salomon architecte (« Salomon construit le Temple » : 1 R 5 – 10) tandis que P. Abadie s’intéresse à la littérature postexilique (« Le temple de Jérusalem au retour de l’exil : entre histoire et symbole »). J. Vermeylen et P.-M. Bogaert visitent la littérature prophétique (« La lumière de Sion : Isaïe 60 et ses rédactions successives » et « La demeure de Dieu selon Jérémie et Ezéchiel : la Maison, l’Exil ou la Ville »). C. Perrot instruit le dossier du judaïsme (« La Maison de Dieu à l’époque intertestamentaire »). C. Focant pour Marc, D. Marguerat pour Luc-Actes et M. Quesnel pour Paul montrent les prolongements du thème et les déplacements qui s’opèrent dans la primitive Église (« Vers une maison de prière pour toutes les nations » : Mc 11– 15 ; « Du Temple à la maison suivant Luc-Actes » ; « Où Dieu demeure-t-il à Corinthe ? »). Enfin, A. Vanhoye et P. Osborne complètent l’état des lieux (« Sanctuaire terrestre, sanctuaire céleste dans l’épître aux Hébreux » ; « Le Temple au risque du jugement et de la nouvelle création dans l’Apocalypse de Jean »). Les Belges disent d’eux-mêmes « qu’ils ont une brique dans le ventre ». Même si c’est de manière assez différente, la Bible partage visiblement avec eux cette même préoccupation pour les questions d’habitat.

De la maison à l’oikonomia (« l’art de bien administrer une maison »), il n’y a qu’une faible distance que l’étymologie nous aide à franchir. Poursuivant son cycle de conférences consacrées à la confrontation entre la Bible et une discipline universitaire (voir VC 72, 346-347 ; 73, 338-339 ; 75, 346-347), les Facultés jésuites Notre-Dame de la Paix (Namur, Belgique) offrent un cinquième volume consacré cette fois-ci à l’économie [20]. Réflexions des sages (M. Gilbert), interpellations des prophètes (J. Ferry) et modèle économique de la première communauté chrétienne des Actes (J. Taylor) servent à illustrer la prise en compte, par la Bible, de la dimension socio-économique de toute vie humaine. En sens inverse, deux économistes s’interrogent, à propos de l’argent (E. Perrot) et de la mondialisation (E. Herr), sur l’apport possible de la Bible en économie et sur la signification de cette dernière dans une perspective de théologie biblique. En articulant ainsi voix des Écritures et efficience des systèmes théoriques et pratiques, une telle réflexion conduit à dégager le sens de l’économie, permet de l’insérer dans un réseau de finalités et contribue à en faire une « production éthique » au service de tout homme et de tout l’homme. En outre, elle presse chacun à discerner ses responsabilités et à questionner ses priorités.

En traduisant les Schriften zur Bibel, les éditions Bayard permettent au public francophone de découvrir, à côté du Buber philosophe, le Buber exégète et herméneute [21]. Que ce soit à propos de Samuel et Saül (« L’oint »), d’Abraham (« Abraham le voyant »), de femmes anonymes du récit de David (« Sagesse et exploit des femmes ») ou encore au travers d’études thématiques (« L’élection d’Israël » ; « Prophétie et apocalyptique »), l’auteur déploie sa lecture originale de l’Écriture, fondée sur une conception dialogique de la relation entre Dieu et l’homme, et s’efforce d’interroger les textes dans leurs implications morales, sociales ou politiques. Ce faisant, il révèle la force conductrice et l’actualité de l’Ancien Testament (« L’homme d’aujourd’hui et la Bible juive ») et pose, quarante ans avant Nostra ætate, les jalons d’un dialogue interreligieux (« Imitation de Dieu »). L’effort requis par la lecture de ces écrits est à la hauteur des découvertes auxquelles ils conduisent.

VI

Pour terminer cette chronique, déjà longue, je voudrais attirer l’attention sur un ouvrage plus ancien mais qui, malheureusement, n’a pas reçu l’attention qu’il mérite. Il émane d’un juriste et philosophe du droit et est susceptible d’intéresser aussi bien les exégètes des textes législatifs de l’Ancien Testament que les moralistes et les théologiens en général [22]. Réfléchissant à la dialectique de l’autonomie et de l’hétéronomie inscrite au cœur même de l’institution juridique du lien social, l’auteur montre que le droit imposé (qui « vient d’en haut », comme au Sinaï) est toujours bien plus négocié qu’on ne le croit, alors qu’à l’inverse, le droit négocié (le contrat social moderne) est en définitive toujours plus imposé et réglementé qu’il n’y paraît. A ceux qui s’étonneront de la méthode utilisée pour sa démonstration (textes littéraires alternant avec des analyses philosophiques ou des commentaires juridiques), l’auteur répond que l’option qui consiste à combiner les ressources du discours narratif (l’événement) et celles du discours argumentatif (le concept) est délibérée et vise à un renforcement de leur pouvoir respectif. Puissance heuristique du récit et pouvoir analytique de la théorie se conjuguent pour élucider le sens des produits sociaux (textes, événements et pratiques). Signalons que dans son dernier ouvrage (Raconter la loi ; aux sources de l’imaginaire juridique), F. Ost poursuit avec brio ce rapprochement du droit et de la littérature et rejoint ainsi, de manière étonnante, les approches littéraires dont cette chronique a montré l’influence de plus en plus notable chez nombre d’exégètes.

[1C. Lichtert, Traversée du récit de Jonas, coll. « Connaître la Bible », 33, Bruxelles, Lumen Vitae, 2003, 21 x 15 cm, 78 p., 9,00 €.

[2Y. Simoens, Le Cantique des Cantiques, livre de la plénitude ; une lecture anthropologique et théologique, coll. « Écritures », 8, Bruxelles, Lumen Vitae, 2004, 23 x 15 cm, 176 p., 18,00 €.

[3A. De Pury, T. Römer (éd.), Le Pentateuque en question ; les origines des cinq premiers livres de la Bible à la lumière des recherches récentes, coll. « Le monde de la Bible », 19, Genève, Labor et Fides, 2002, 22 x 15 cm, XXXIX + 429 p., 40,00 €.

[4R. Alter, F. Kermode (éd.), Encyclopédie littéraire de la Bible, Paris, Bayard, 2003, 24 x 16 cm, 826 p., 45,00 €.

[5R. Alter, L’art de la poésie biblique, coll. « Le livre et le rouleau », 11, Bruxelles, Lessius, 2003, 21 x 15 cm, 307 p.

[6A. M. Pelletier, D’âge en âge les Écritures ; la Bible et l’herméneutique contemporaine, coll. « Le livre et le rouleau », 18, Bruxelles, Lessius, 2004, 21 x 15 cm, 176 p.

[7M. Rose, Une herméneutique de l’Ancien Testament ; comprendre, se comprendre, faire comprendre, coll. « Le monde de la Bible », 46, Genève, Labor et Fides, 2003, 22 x 15 cm, 480 p., 36,00 €.

[8J. De Waard, E.A. Nida, D’une langue à l’autre ; traduire : l’équivalence fonctionnelle en traduction biblique, Villiers-le-Bel, Alliance biblique universelle, 2003, 24 x 16 cm, 227 p., 25,00 €.

[9D. Marguerat (éd.), La Bible en récit : l’exégèse à l’heure du lecteur. Colloque international d’analyse narrative des textes de la Bible, Lausanne (mars 2002), coll. « Le monde de la Bible », 48, Genève, Labor et Fides, 2003, 22 x 15 cm, 461 p., 34,00 €.

[10M. Remaud, Évangile et tradition rabbinique, coll. « Le livre et le rouleau », 16, Bruxelles, Lessius, 2003, 21 x 15 cm, 213 p., 24,00 €.

[11P. Bordeyne, Bible et Morale, coll. « Lectio divina », Hors série, Paris, Cerf, 2003, 22 x 14 cm, 220 p., 22,00 €.

[12J. Cazeaux, Histoire, utopie, mystique ; ouvrir la Bible comme un livre, coll. « Initiations bibliques », Paris, Cerf, 2003, 22 x 14 cm, 244 p., 29,00 €.

[13J. Cazeaux, Saül, David, Salomon ; la royauté et le destin d’Israël, coll. « Lectio divina », 193, Paris, Cerf, 2003, 22 x 14 cm, 417 p., 30,00 €.

[14W. Vogels, David et son histoire : 1 S 16, 1 – 1R2, 11, Montréal/Paris, Médiaspaul, 2003, 22 x 14 cm, 354 p., 29,95 CAD.

[15A. Segal, Abraham ; enquête sur un patriarche, Paris, Bayard, 2003, 24 x 16 cm, 341 p., 25,00 €.

[16P. Deberge (éd.), La Bible et ses personnages ; entre histoire et mystère, Paris, Bayard, 2003, 21 x 15 cm, 341 p., 25,00 €.

[17D. Nocquet, Le « livret noir de Baal », coll. « Actes et recherches », Genève, Labor et Fides, 2004, 23 x 15 cm, 401 p.

[18A. Lemaire, Naissance du monothéisme ; point de vue d’un historien, Paris, Bayard, 2003, 21 x 15 cm, 193 p., 18,00 €.

[19C. Focant (éd.), Quelle maison pour Dieu ? coll. « Lectio divina », Hors série, Paris, Cerf, 2003, 22 x 14 cm, 470 p., 29,00 €.

[20Fr. Mies (éd.), Bible et économie ; servir Dieu ou l’argent, coll. « Connaître et croire », 10, « Le livre et le rouleau », 17, Namur/Bruxelles, Presses Universitaires de Namur/Lessius, 2003, 21 x 15 cm., 171 p., 20,00 €.

[21M. Buber, Écrits sur la Bible, Paris, Bayard, 2003, 24 x 16 cm, 199 p., 19,50 €.

[22F. Ost, Du Sinaï au Champ-de-Mars ; l’autre et le même fondement du droit, coll. « Donner raison », 7, Bruxelles, Lessius, 1999, 21 x 15 cm, 127 p., 15, 10 €.

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