Éclairage sur la spiritualité du clergé diocésain belge avant le concile Vatican II
Pierre Sauvage, s.j.
N°2002-5 • Septembre 2002
| P. 291-311 |
Les noms de Dom Marmion, cardinal Mercier, père Adolphe Petit, cardinal van Roey, l’abbé Jacques Leclerc... ne nous sont certes pas inconnus dans le domaine de la spiritualité (en régime francophone) et ils ont été des étoiles de première grandeur au ciel de la vie sacerdotale et religieuse (Qui ne s’est nourri du Christ, vie de l’âme ?). Ce sont les moments de l’évolution de la spiritualité, en particulier sacerdotale, au xix e siècle en Belgique que détaille avec une précision et une documentation sans faille ce texte précieux pour l’histoire du clergé en Belgique. Cette rétrospective, qui se clôt au seuil de Vatican II, demanderait une autre étude ; que s’est il donc passé après... ?
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De prime abord, il peut paraître insolite de traiter ce genre de question dans une revue destinée aux communautés religieuses. Toutefois, au fil du texte, on s’apercevra que la spiritualité du prêtre diocésain a subi l’influence de celle des religieux, présentée alors comme un modèle, et que le clergé diocésain a éprouvé de la difficulté à trouver sa propre spiritualité, partie intégrante de son identité.
Au seuil de cet article deux remarques préliminaires s’imposent. D’une part, traiter en quelques pages ce thème complexe oblige à se contenter de planter les jalons principaux de cette histoire, avec un risque évident de simplification. Le risque est d’autant plus grand que les domaines abordés, notamment celui de la spiritualité, n’ont pas encore été suffisamment arpentés par les historiens. D’autre part, il convient d’être au clair par rapport au terme de spiritualité qui peut prêter à confusion. Selon Gustave Thils, une spiritualité doit comprendre quatre éléments : posséder des racines historiques ; être marquée par une doctrine propre ; mettre l’accent sur certaines vertus pratiques, sur telles vertus ou telles valeurs morales ; préférer certains procédés ascétiques [1].
La reprise d’une tradition (1830-1906)
Au lendemain de l’indépendance de la Belgique, l’Église catholique sortant d’une longue crise qui a débuté avec la Révolution française, est animée d’un esprit de restauration. Elle se trouve devant un vaste champ d’apostolat : ranimer la ferveur des tièdes ; reconquérir ceux qui ont déserté ; immuniser les fidèles contre les infiltrations de la libre pensée et contre la paganisation des mœurs [2].
Pour assurer cette restauration, les évêques mettent un soin particulier à la formation spirituelle de leurs séminaristes. Ils adoptent un modèle éprouvé dont les traits fondamentaux ont été dessinés au Concile de Trente et qui, par la suite, a été véhiculé par l’école sacerdotale française. Le modèle de base prend appui sur une théologie du sacerdoce inspirée pour une grande part de saint Thomas. Les textes dogmatiques du Concile mettent l’accent sur le ministère de l’eucharistie et du pardon tandis que les textes de réforme insistent sur la formation des prêtres, la charge pastorale et la catéchèse [3]. L’école sacerdotale française, dont les figures majeures sont des fondateurs de sociétés de prêtres, d’associations de prêtres [4], est convaincue que l’approfondissement de la théologie du Sacrement de l’Ordre est une source de renouvellement de la vie sacerdotale. Son idée majeure se nourrit du mystère de l’incarnation où le Christ est oint comme prêtre. Dès lors toute la vie du Christ prend un sens sacrificiel, spécialement au moment de sa Passion. Par l’ordination sacerdotale, le prêtre participe au sacerdoce du Christ et il est rendu capable de s’identifier au Christ au point de devenir un alter Christus, un autre Christ. Reposant sur ces bases théologiques, « la spiritualité des prêtres se fonde donc sur la participation à l’être et à l’agir du Christ, pour être revêtus de lui, représenter sa personne, agir en son nom, donner leur vie en sacrifice par amour pour lui. Toute la vie du prêtre et toutes ses vertus visent à l’immolation à l’exemple du Christ, qui maintenant encore, continue à se présenter devant le Père comme une victime glorieuse et intercède pour les hommes [5] ».
Au xixe siècle, la restauration des séminaires s’effectue en rétablissant le plus complètement possible les pratiques et l’esprit qui avaient fait le succès de ces établissements lors de leur fondation au xviie siècle. Mais cette reprise s’opère dans un conformisme qui ne stimule ni la réflexion théologique ni le désir d’adaptation aux nouvelles circonstances. Ainsi, dans les ouvrages à l’usage des clercs se dessine une évolution significative : la piété a tendance à s’exprimer dans de nombreux « exercices », les méthodes tiennent beaucoup de place et les règlements ponctuent la vie du séminariste, puis celle du prêtre au point que l’exactitude à accomplir les obligations détaillées paraît être une vertu cardinale. Ainsi se ferment les vastes horizons ouverts par la spiritualité sacerdotale française [6]. Outre la célébration de l’eucharistie qui occupe une place centrale dans leur vie, diverses pratiques traditionnelles sont recommandées aux prêtres pour nourrir leur vie spirituelle : visite au saint Sacrement, lecture du bréviaire, récitation du chapelet, méditation quotidienne. Pour s’aider dans leurs prières, les prêtres ont à leur disposition des livres de méditations qui ont fait leur preuve à travers les âges. C’est ainsi par exemple que dans le diocèse de Bruges, parmi les ouvrages les plus utilisés on trouve Navolging van Christus (« La suite du Christ »), inspirée du petit ouvrage de Claude Arvisenet qui s’intitule Memoriale vitae sacerdotalis (qui connut trente-deux éditions jusqu’en 1922) et l’ouvrage du père P.F. Valke, Speculum et idea Boni pastoralis, qui a paru en 1785 à Bruges [7].
A cette époque, on renoue avec la tradition des retraites annuelles, temps de ressourcement pour la vie spirituelle des prêtres séculiers [8]. Elles sont prêchées par des religieux qui, après la restauration, ont tendance à accentuer la spécificité de leurs écoles de spiritualité [9]. Parmi ces prédicateurs, une figure se détache, celle du père Adolphe Petit (1822-1914) qui donne les Exercices de saint Ignace [10]. Lui-même a considéré son action auprès des prêtres comme « l’œuvre de sa vie, comme l’œuvre de son cœur [11] ». Dans sa prédication, le jésuite met l’accent sur un des aspects de la spiritualité héritée du concile de Trente : le devoir de sanctification. Aussi n’est-ce pas par hasard qu’il devient l’animateur et le directeur spirituel de l’Union apostolique Omnia pro Jesu, une association pour la sanctification du clergé séculier dont, en 1870, l’abbé Bauloye, curé de Marchovelette, du diocèse de Namur, a pris l’initiative en s’inspirant du modèle mis en place en France, en 1862, par Mgr Lebeurier. Chaque année le père Petit prêche une retraite aux membres de l’Union apostolique et, auprès de prêtres, il ne manque pas de louer les avantages offerts par cette association pour leur sanctification [12]. Cette association simple, sans vœux ni vie commune, approuvée par le pape Pie ix en 1875, est ouverte à tous les bons prêtres ; elle leur offre une mystique solide fondée sur le cœur de Jésus. Elle noue entre les prêtres un lien de fraternité par la prière récitée chaque jour aux intentions de tous et par l’esprit de famille qui les unit [13]. Encouragée par les évêques, l’association fait des adeptes dans tous les diocèses du pays : en 1883, elle compte plus de huit cent membres et, en 1937, elle atteint le chiffre de mille deux cents.
Durant ce siècle, la fonction du clergé paroissial est essentiellement centrée sur le culte : célébrer l’eucharistie, assurer la prédication, donner le sacrement de pénitence, visiter les malades et porter les derniers sacrements aux mourants. Ces activités, tout spécialement dans les paroisses rurales, lui laissent de nombreuses heures de liberté qu’il consacre à des occupations considérées par les laïcs comme des divertissements : lecture, jardinage, rencontres avec des confrères. A partir de la seconde moitié du siècle apparaît, à côté du prêtre de paroisse, un autre type de prêtre : l’enseignant. Une bonne partie des membres du clergé commencent leur ministère comme professeur d’humanités dans un collège. Si ce fait permet de relever le niveau culturel du clergé paroissial, il accentue la tendance à l’embourgeoisement, encouragée au début par les évêques qui estiment qu’un clergé au style de vie proche des classes dirigeantes en imposerait aux classes populaires [14]. Au tournant du siècle, une autre figure de prêtre séculier fait son apparition : le directeur d’œuvre. Un nombre croissant de prêtres de paroisse, tout particulièrement des jeunes vicaires, s’inspirent d’un mot d’ordre venu de France, suivant lequel « la paroisse de l’avenir doit être un groupement d’œuvres ». Cette nouvelle perspective bouleverse la conception traditionnelle de l’apostolat centrée sur le culte. Commence alors à se développer un ascétisme de l’action où le prêtre se présente comme « un homme mangé [15] ». C’est en effet lui qui, dans la majorité des cas, assure la responsabilité des œuvres de nature diverse dans lesquelles les laïcs sont maintenus dans un rôle secondaire [16].
Une fidélité créatrice dans le respect de la tradition (1906-1926)
Sous l’impulsion de Désiré Mercier, qui devient archevêque de Malines en 1906, se fait jour un changement décisif dans la spiritualité du clergé séculier à l’intérieur d’une tradition en ouvrant de nouveaux champs d’apostolat.
Son parcours avant son accession à l’épiscopat témoigne déjà de cet état d’esprit. Dans le diocèse de Malines, Désiré Mercier est un des premiers adhérents à l’Union apostolique et il se nourrit de la spiritualité du père Petit [17]. Professeur au petit séminaire de Malines, il apprend, par ses contacts avec les séminaristes, à connaître les besoins spirituels des futurs prêtres et il acquiert la conviction de l’importance d’une formation spécifique tant intellectuelle que spirituelle en vue du sacerdoce. Avant tout, il est soucieux de promouvoir la sainteté sacerdotale ce qui, à ses yeux, requiert l’approfondissement de la vie intérieure par un contact assidu et familier avec Dieu. Lorsqu’il devient président du séminaire Léon xiii, à Louvain, son expérience s’accroît et son choix de Dom Columba Marmion comme confesseur et directeur spirituel accentue son désir d’une vie intérieure centrée sur la personne de Jésus Christ [18]. Du point de vue de la formation des séminaristes, les autorités de l’Église lui reconnaissent une compétence : lorsqu’en 1891, à la requête du secrétaire d’Etat du Vatican, l’internonce en Belgique demande une enquête sur la situation des séminaires belges, Mercier, alors à la tête de l’Institut supérieur de philosophie, fait partie des informateurs [19]. Dans son rapport se trouvent déjà les axes principaux de la spiritualité sacerdotale qu’il développera lorsqu’il sera nommé archevêque.
Dès son arrivée sur le siège de saint Rombaut, Désiré Mercier s’attache à développer la formation spirituelle et intellectuelle de son clergé, élément qu’il juge indispensable pour assurer un plus grand rayonnement du prêtre séculier à une époque où le clergé régulier est volontiers considéré comme le modèle par excellence de la vie du prêtre. Pour modifier cette conception, il défend la valeur et la consistance de « l’ordre sacerdotal [20] ».
Dans une trilogie, l’archevêque, qui a pris comme devise Apostolus Christi, livre sa pensée dans laquelle se distinguent une permanence – le souci de la sainteté sacerdotale –, et une évolution dictée par une nouvelle manière d’envisager le rapport entre la vie intérieure et l’apostolat. Dans le premier ouvrage, intitulé A mes séminaristes (1908), le Cardinal demande la fidélité au règlement et il rappelle la nécessité de la mortification, mais il insiste surtout sur l’oraison, comme contact personnel avec Dieu, comme jaillissement spontané de l’âme, à l’inverse des formules toutes faites des livres de méditations en vogue à l’époque [21]. Dans le deuxième ouvrage, Retraite pastorale (1909), qui est la mise par écrit d’une retraite donnée à ses prêtres l’année précédente, il insiste encore sur la nécessité de la vie intérieure. D’ailleurs, une seule de ses causeries a trait à la vie pastorale proprement dite. A ce propos, il avoue, au cours de cette même retraite, que son passé professoral l’empêche de donner des directives précises concernant le ministère paroissial [22]. Le troisième ouvrage, qui est également le fruit d’une retraite donnée à ses prêtres en 1918, présente quelques accents différents. Le titre choisi est La vie intérieure. Appel aux âmes sacerdotales, manifeste sa préoccupation permanente : la spiritualité spécifique du prêtre et son appartenance à l’état de perfection. Mais cette fois, le Cardinal présente la perfection sacerdotale comme condition de l’apostolat et non plus au nom de l’intimité avec le Christ [23].
Dans cette ligne, il franchit un pas supplémentaire lorsque, à la fin de sa vie, il fonde la « Fraternité sacerdotale diocésaine des Amis de Jésus ». Les membres de cette association émettent entre les mains de l’évêque les trois vœux de religion – pauvreté, chasteté et obéissance – et il leur est loisible d’y ajouter un vœu d’immolation et de victime [24]. La genèse du projet est le fruit de la rencontre de deux aspirations. D’une part, le cardinal Mercier lui-même, dès avant la guerre, avait envisagé de fonder une association sacerdotale sur le modèle des chanoines réguliers qui, tout en célébrant les offices dans leurs monastères et observant les trois vœux de religion, étaient engagés dans la pastorale diocésaine [25]. D’autre part, des séminaristes et des prêtres qui avaient entendu son appel, à l’issue de la retraite qu’il avait prêchée en 1913, estiment que la vie du clergé séculier ne favorise pas l’épanouissement d’une vie intérieure. Aussi certains d’entre eux sont-ils attirés par la vie religieuse. Pour répondre aux souhaits de ces prêtres et ainsi empêcher ces déviations « clérico-monastiques », le cardinal décide, en 1919, de créer une association sacerdotale. En 1922, il en présente le projet au pape qui l’agrée un an plus tard. Ce n’est qu’en 1926, alors qu’il est à l’article de la mort, qu’il reçoit l’approbation pontificale des statuts de la Fraternité [26]. Dans le commentaire des statuts de cette association, qui constitue « l’ultime synthèse de sa doctrine sur la perfection sacerdotale [27] », laquelle est composée de trois éléments – union personnelle au Christ, spiritualité apostolique et évangélique, appartenance à l’évêque –, le Cardinal affirme que toute la spiritualité sacerdotale doit être caractérisée, dirigée, informée par le devoir apostolique :
« L’oraison – les membres doivent s’y appliquer durant une heure –, la pauvreté et l’obéissance, tout cela est requis et développé, non par ascétisme ni même à proprement parler pour la sanctification personnelle de ses membres, mais pour faciliter leur apostolat. »
L’institution de cette fraternité sacerdotale présente un double paradoxe. D’une part, alors que le Cardinal entend promouvoir le clergé diocésain et le nourrir d’une spiritualité propre, il adopte le modèle des vœux évangéliques propres aux religieux ; d’autre part, alors qu’il est soucieux de l’unité de son clergé, il provoque une sélection en créant une sorte d’élite [28]. Il convient de remarquer que ces types d’associations sont encouragés par l’exhortation que Pie x adressa au clergé catholique en août 1908 où il est affirmé que tout prêtre doit devenir un saint.
Dans la pensée du cardinal Mercier, la prise de conscience progressive de la primauté de l’apostolat se marque encore d’une autre manière. Le prélat constate qu’il ne suffit pas de mener une pastorale de « préservation » pour sauvegarder les fidèles des dangers extérieurs mais qu’il devient urgent d’entreprendre un travail de conquête intellectuelle et populaire, surtout parmi la jeunesse. Dans ce but, il charge l’abbé Abel Brohée, son ancien étudiant au séminaire Léon xiii, d’une enquête en Allemagne et en France afin de s’informer des nouvelles méthodes [29]. A son retour, l’abbé organise le Secrétariat des œuvres apologétiques, puis, en 1909, il lance un double mouvement : d’une part, le cercle d’études pour jeunes universitaires et, d’autre part, les « estudiantines », qui sont des groupes de loisirs destinés aux élèves du secondaire. C’est à partir de là qu’en 1921 naît un nouveau mouvement : l’ACJB (Action Catholique de la Jeunesse Belge), qui regroupe les différentes organisations catholiques de la jeunesse du pays. D’emblée, le mouvement s’affirme lors des Congrès nationaux [30]. Au sein du clergé séculier, apparaît alors une nouvelle fonction sacerdotale, l’aumônerie des organisations d’Action catholique, qui progressivement va provoquer une mutation dans la spiritualité sacerdotale traditionnelle.
Pour mesurer l’influence de la spiritualité diffusée par le cardinal Mercier, nous disposons de plusieurs indices.
En premier lieu, le succès de ses ouvrages de spiritualité. Tous connaissent un nombre élevé de rééditions : A mes séminaristes compte quatorze éditions jusqu’en 1932 ; Retraite pastorale est éditée jusqu’en 1926 ; et La vie intérieure, jusqu’en 1950.
En deuxième lieu, l’accueil très favorable par le clergé des ouvrages de Dom Marmion, qui pendant longtemps a été le confesseur et le directeur de conscience du Cardinal. Le nombre de rééditions de la trilogie du bénédictin est révélateur, mais aussi le contenu des recensions dans les revues diocésaines. A propos des deux premiers ouvrages, Le Christ vie de l’âme et Le Christ dans ses mystères, on peut lire :
« Il y a longtemps que nous aurions voulu signaler à nos lecteurs ces deux ouvrages de Dom Marmion et le leur recommander instamment. Les éditions s’en sont multipliées rapidement et les revues qui s’occupent d’ascétique et mystique en ont toutes fait l’éloge à l’envi, à la suite de S.E. le cardinal Mercier [...]. Nous souhaitons que tous nos confrères dans le sacerdoce puisent à cette lecture le goût d’étudier toujours plus à fond les sujets traités. Ils trouveront matière abondante pour leurs conférences spirituelles et, d’après les besoins des âmes, s’en inspireront dans leur méthode de direction. »
Le Christ idéal du moine fait l’objet des mêmes attentions :
« Il [l’ouvrage] s’adresse surtout aux moines bénédictins [...]. Néanmoins, la lecture et la méditation de ces pages peuvent être fort profitables à beaucoup d’autres personnes qu’aux religieux et aux religieuses de l’ordre de saint Benoît. Les admirables conférences sur la componction du cœur, le renoncement à soi-même, l’humilité, l’obéissance, l’esprit d’abandon, s’adressent à tout ce qui est appelé à la perfection, même en dehors du cloître, en particulier aux prêtres. »
Un troisième indice est la vénération dont Edouard Poppe (1890-1924), prêtre du diocèse de Gand, est l’objet de la part de ses confrères dans le sacerdoce [31]. Nourri de la spiritualité du cardinal Mercier, cet abbé, directeur spirituel des séminaristes qui accomplissent leur service militaire au camp de Beverloo et promoteur de la croisade eucharistique [32], est considéré par ses confrères comme un saint prêtre [33]. Sa devise était : « Se sanctifier pour et par le ministère ». Lorsqu’il décède en 1924, il devient un exemple de la spiritualité sacerdotale caractéristique de l’entre-deux-guerres [34]. On admire en lui l’apôtre fervent, l’homme de prière, le prêtre disposé à donner sa vie pour ceux qui se confient à lui [35]. Les recensions de ses ouvrages témoignent de la réputation de sainteté dont cet abbé jouissait auprès des prêtres.
Remise en question du modèle et recherche d’une spiritualité propre (1926-1950)
Les causes du changement sont à rechercher durant l’entre-deux-guerres avec l’apparition de l’Action catholique spécialisée sous l’impulsion de la Jeunesse ouvrière catholique, créée en 1925 par l’abbé Joseph Cardijn. Ce type d’action poursuit comme objectif la christianisation d’un milieu de vie bien déterminé. Comme le souligne le chanoine Aubert, « par son initiative qui bouscule les habitudes des ecclésiastiques et des hommes d’œuvres, l’abbé bruxellois ouvre des perspectives neuves à la pastorale et à l’apostolat. A la pastorale en l’invitant à ne plus se centrer comme au xixe siècle sur le milieu chrétien à protéger et à conserver, mais à s’orienter au contraire vers le monde à évangéliser, frayant la voie au renouveau missionnaire qui sera l’une des caractéristiques de l’Église catholique du deuxième tiers du xxe siècle. A l’apostolat, en introduisant dans l’Action catholique, tentée parfois, par crainte des compromissions, de se replier dans un surnaturel intemporel, l’idée d’une action entièrement incarnée dans la réalité globale de l’existence quotidienne des laïcs ainsi que des milieux de vie et des institutions qui les influencent même à leur insu [36] ».
Ce nouveau type d’apostolat retentit nécessairement sur la spiritualité et, par conséquent, sur le statut social du prêtre. L’aumônier de ces mouvements spécialisés ne peut plus être préoccupé par sa propre sanctification. A cause de ses contacts réguliers avec la réalité vécue par les laïcs sa spiritualité s’incarne davantage, elle devient une spiritualité d’action. Même si, dans ces groupes, le prêtre occupe une place privilégiée et respectée, son rôle a tendance à devenir celui d’un animateur, ce qui le rend plus proche. Bref, il n’est plus l’homme « séparé » par son état de perfection.
Ce changement a été favorisé par l’action du cardinal van Roey, le successeur du cardinal Mercier. Plus rapidement que certains de ses collègues dans l’épiscopat, il perçoit qu’à côté du ministère paroissial et scolaire, il importe d’affecter un nombre croissant de prêtres aux mouvements d’Action catholique, non seulement au niveau diocésain mais aussi national et, par son ascendant personnel, il parvient à rallier les autres évêques à ses vues [37].
Dans le domaine de la spiritualité sacerdotale, une publication de l’époque mérite d’être épinglée : Les essais de morale catholique de l’abbé Jacques Leclercq qui comportent quatre tomes : Le retour à Jésus, Le dépouillement, La vie intérieure et La vie en ordre, dont la parution s’étale de 1931 à 1938. L’auteur, professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles, est également, depuis 1930, aumônier général de la Jeunesse Universitaire Catholique (juc). Comme les titres de ces ouvrages en témoignent, les thèmes que Jacques Leclercq développe se situent dans la droite ligne de la pensée du cardinal Mercier qu’il avait eu comme directeur spirituel durant ses années de séminaire. Il se félicite d’ailleurs d’être compté parmi les « hommes du cardinal Mercier » [38]. Toutefois, dans ses Essais, Jacques Leclercq introduit une nouveauté : il offre à ses contemporains un traité de morale catholique dans lequel il entend renouer le lien entre la théologie morale et la spiritualité. Comme l’indique le titre de son premier essai, Le retour à Jésus, il souhaite que la morale s’inspire directement de la personne de Jésus, c’est-à-dire devienne évangélique. Même si ces Essais ne s’adressent pas uniquement aux prêtres, il a indubitablement donné un souffle nouveau à leur vie spirituelle. Les recensions de ces différents volumes en témoignent [39]. Philippe Delhaye n’hésite pas à affirmer que « ces Essais constituent une des premières interprétations de la morale chrétienne dans la ligne du personnalisme [40] ».
Les changements importants qui s’amorcent dans la spiritualité du clergé ne provoquent pas la disparition immédiate de la dominante traditionnelle basée sur la perfection et la sanctification personnelle. Dans les retraites qu’il prêche à ses prêtres, le cardinal van Roey rappelle cette nécessité pour l’apostolat :
« Comme prêtres, vous êtes tenus à la vie de perfection, à la sainteté, et la raison de cette obligation est donnée par saint Thomas d’Aquin [...] En raison de votre sacerdoce, vous êtes comptables de votre conduite vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis des hommes. Dans votre façon de vivre et d’agir, vous devez servir de modèle aux autres, leur donner le bon exemple. »
Et comme modèle de prêtre qui se sont sanctifiés dans la société moderne, il leur donne saint Jean-Marie Vianney, le père Damien De Veuster [41], le père Petit, l’abbé Poppe [42]. Les revues diocésaines témoignent de la permanence de ce courant. Ainsi, dans la Revue ecclésiastique de Liège, l’abbé Jos Rappe, directeur spirituel au séminaire entre 1928 et 1940, publie une série d’articles dont les titres sont significatifs : « De la perfection sacerdotale », « Du désir de la perfection », « L’utilité d’un règlement de vie », « De la nécessité de la mortification pour arriver à la perfection », « Des exercices de piété dans la vie du prêtre », « De la visite au saint sacrement ». Dans la Revue du diocèse de Namur, quelques articles vont dans le même sens. En septembre 1932, l’introduction à un article sur la spiritualité sacerdotale débute comme suit :
« A la question qui leur fut posée dernièrement, presque tous les cercles des diocèses ont répondu qu’à l’heure présente, comme en tout temps, le travail qui s’impose le plus impérieusement à notre clergé, c’est celui de sa propre sanctification. »
Le même auteur, un an plus tard, publie deux articles qui se complètent : « Désir de perfection chez le prêtre [43] », « La perfection chez le prêtre [44] ».
La seconde guerre mondiale accélère la maturation de ce qui était en germe les années précédentes. Deux éléments sont à prendre en considération. D’une part, par la force des choses les membres du clergé sont amenés à fréquenter de plus près les laïcs : dans la résistance où ils se mobilisent ensemble contre l’occupant et surtout en captivité où ils partagent la condition de tous. Là, ils découvrent l’étendue de la déchristianisation et le partage du travail qui abolit les barrières humaines et culturelles. Cette expérience singulière, qualifiée par Emile Poulat de « brassage de la guerre » [45] provoque des lézardes dans le mur qui séparait les clercs des laïcs et constitue le point de départ de l’engagement des prêtres-ouvriers, au lendemain du conflit [46]. D’autre part, le silence imposé par l’occupation est propice à la réflexion. Certains prêtres séculiers le mettent à profit pour dresser un bilan des années écoulées et pour examiner leur propre situation. C’est ainsi que Gustave Thils, maître en théologie et professeur au grand séminaire de Malines, publie deux ouvrages significatifs : Le clergé diocésain I. Doctrine [47] et Mission du clergé [48] et que des prêtres animés d’une profonde vie intérieure et d’un fervent esprit missionnaire n’hésitent pas à se poser des questions fondamentales concernant leur ministère et leur spiritualité.
Aussi, dès la fin du confit, se manifeste dans le clergé séculier, une volonté de posséder enfin une spiritualité propre [49]. En Belgique et en France, cette aspiration donne lieu à la parution de nombreux ouvrages et articles sur un sujet qui suscite un débat parfois passionné [50]. En majorité, ceux qui sont signés par des religieux ne sont pas enclins à reconnaître l’existence d’une spiritualité propre au clergé séculier [51]. En 1947, paraît en France un ouvrage révélateur de la volonté du clergé séculier d’avoir sa propre spiritualité : Pour le clergé diocésain, où sont présentés les résultats d’une enquête réalisée par l’Union apostolique à la demande des évêques français à propos de la spiritualité du clergé [52]. Dans la préface, Mgr Guerry souligne l’importance de l’enjeu :
« L’œuvre entreprise sera laborieuse ; elle demandera du temps. Il ne s’agit ici que des éléments de base. Du moins sont-ils déjà suffisamment précisés pour permettre des recherches fécondes et orienter des études utiles dans les rangs du clergé et parmi les théologiens. Cette spiritualité, nos prêtres l’attendent. Ils comptent beaucoup sur elle pour prendre une conscience chaque jour plus profonde des exigences, des grandeurs et des beautés de leur vocation. Ils sont convaincus qu’elle les aidera à vivre de l’esprit apostolique qui doit animer leur ministère. »
Parmi les réponses à l’enquête figure celle de Gustave Thils qui, un an auparavant, venait de publier un ouvrage important intitulé Nature et spiritualité du clergé diocésain. Dans la quatrième partie, il esquisse les traits fondamentaux de la spiritualité du prêtre diocésain : sa vie apostolique est une « vie mixte », il doit être in actione contemplativus, elle est distincte de celle des religieux apostoliques, par le fait qu’il assure le ministère visible et multiforme d’un groupe déterminé de fidèles.
L’ouvrage reçoit un excellent accueil dans les revues diocésaines :
« Nous souhaitons de tout cœur que les prêtres diocésains le lisent et le relisent, l’étudient et le méditent : il renouvellera leur ardeur dans la poursuite de la perfection apostolique, les fortifiera dans l’amour et l’estime de leur sainte vocation, stimulera leur zèle dans la recherche des moyens nouveaux d’apostolat, adaptés aux nécessités présentes des fidèles ; il [cet ouvrage] mérite d’avoir sa place dans les bibliothèques ecclésiastiques, car il peut fournir aux prêtres un aliment très solide pour la piété et le zèle qu’exige leur vocation, une spiritualité ferme adaptée aux nécessités actuelles. »
Même s’il ne traite pas explicitement de la spiritualité du clergé séculier, un ouvrage de Jacques Leclercq mérite d’être mentionné. Resté en contact étroit avec les séminaristes et les prêtres, l’auteur, qui est alors professeur de morale à l’Université catholique de Louvain, fait paraître en 1950 un ouvrage intitulé L’enseignement de la morale chrétienne [53]. Ce livre lui avait été commandé deux ans auparavant par Mgr Delacroix, directeur général de l’Union apostolique, qui était soucieux d’améliorer la formation des prêtres. Après avoir diagnostiqué un malaise dans l’enseignement de la morale Jacques Leclercq en repère la cause principale : les manuels de théologie utilisés pour la formation des prêtres ne sont plus adaptés. A partir du xviie siècle, l’enseignement de la doctrine catholique a perdu son allure synthétique et s’est morcelée en matières étrangères les unes aux autres : la morale s’est séparée du dogme et la spiritualité est devenue autonome. Comme il l’avait déjà fait remarquer dans ses Essais de morale catholique, il propose de réconcilier la théologie morale et la spiritualité et il invite les théologiens à refaire une synthèse de la morale où, tout en conservant les trésors accumulés depuis quatre siècles, ils s’inspireraient davantage de l’évangile et des Pères de l’Église. D’emblée cet ouvrage rencontre le succès en Belgique et à l’étranger : cinq ans après sa parution, il est traduit en trois langues : en italien et en espagnol (1952), en allemand (1953). Dressant le bilan de la théologie catholique dans la première moitié du xxe siècle, le chanoine Roger Aubert affirme que l’ouvrage, « très suggestif en de nombreux points, mais un peu cavalier parfois, a joué un rôle important dans le procès qui s’était amorcé durant l’entre-deux-guerres contre les manuels de théologie morale [54] ».
Tout ceci manifeste un réel progrès dans les mentalités. Faire du neuf s’impose. Tel est l’avis du président du grand séminaire de Tournai qui, en 1950, écrit que la spiritualité du clergé diocésain se présente comme « un vaste chantier [55] ». Après avoir noté tout le travail à fournir dans le domaine de l’histoire, de la théologie sacramentaire, notamment la conception du sacrement de l’Ordre et de la spiritualité proprement dite, l’auteur termine sa présentation en faisant remarquer :
« ... l’intérêt de notre temps pour la perfection sacerdotale a de quoi nous réjouir : autorités ecclésiastiques, théologiens, prêtres engagés dans le ministère, laïcs eux-mêmes, qui confrontent leur vie à la nôtre, beaucoup s’entendent aujourd’hui et collaborent dans une commune louange du Christ prêtre, ensemble ils acquièrent une admiration plus éclairée envers l’éminente dignité du sacerdoce dans le clergé diocésain. »
L’allusion à la dignité du sacerdoce dans le clergé diocésain laisse apparaître que l’image du prêtre diocésain a besoin d’être revalorisée aux yeux mêmes des fidèles [56].
Cette volonté de renouveau ne balaie pas automatiquement la volonté de sauvegarder l’ancien modèle. Pour preuve, en 1948, l’abbé Mahieu, vicaire général du diocèse de Bruges, publie un ouvrage, La sainteté dans la vie du prêtre, qui est approuvé et recommandé par son évêque [57]. Pour l’essentiel, il s’agit du commentaire de l’Exhortatio ad clerum catholicum de Pie x et de l’encyclique de Pie xi : Ad catholici sacerdotii fastigium.
Au terme de ce survol à haute altitude d’une histoire complexe, deux constatations peuvent être faites du point de vue de la spiritualité du clergé. D’une part, il n’y a pas de rupture, mais une série de mutations qui aboutissent au désir du clergé de posséder sa propre spiritualité. D’autre part, avoir suivi ce fil de la spiritualité permet de comprendre un peu mieux les débats de Vatican II à propos du clergé diocésain. D’une part, le Concile a tenté de concilier tradition et innovation. Dans le décret sur la formation des prêtres (Optatam totius ecclesiae renovationem) une attention particulière est accordée à la formation spirituelle des séminaristes. Comme le fait remarquer Mgr Jean Guyot, on y retrouve les valeurs traditionnelles, mais aussi le souci d’intégrer ces valeurs dans une synthèse théologique qui est celle de la constitution Lumen Gentium et du décret sur le ministère et la vie des prêtres, Presbyterorum ordinis [58]. Ce souci d’intégration se traduit encore de deux manières : la formation spirituelle doit être en relation étroite avec la formation doctrinale et pastorale, elle est inséparable d’une formation humaine qui permet au futur prêtre d’accéder à une pleine maturité. D’autre part, le Concile est resté assez fidèle à la tradition. Dans le décret sur le ministère et la vie des prêtres, les passages consacrés aux exigences particulières de la vie spirituelle sont présentés selon les trois vœux propres aux religieux (obéissance, célibat, pauvreté) et les moyens préconisés pour développer la vie spirituelle demeurent très traditionnels. Aussi n’est-ce pas par hasard que certains prêtres diocésains se sont sentis les grands oubliés du Concile. Ce constat les a stimulés à inventer leur propre spiritualité en fonction des interrogations théologiques soulevées par la nature même du ministère presbytéral. Le chantier restait ouvert.
Pierre Sauvage est professeur d’histoire contemporaine et de sciences religieuses aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur, Belgique).
[1] G. Thils, Nature et spiritualité du clergé diocésain, Bruges, Desclée de Brouwer, 1946, 295-299.
[2] J. Vieujean, « La situation religieuse en Belgique après 1830 », Revue ecclésiastique de Liège, 1932-1933, 21-25.
[3] J. Esquerda-Bifet, « Prestytérat », Dictionnaire de spiritualité, t. xii, seconde partie, 1986, col. 2091.
[4] Pierre de Bérulle (1575-1629), fondateur de l’Oratoire, saint Jean Eudes (1601-1680), fondateur des Eudistes, Jean-Jacques Olier (1608-1657), fondateur des Sulpiciens, et saint Vincent de Paul (1576-1660), fondateur des Lazaristes. Voir à ce sujet : Krumenacker Y., L’école française de spiritualité, Paris, Cerf, 1998.
[5] J. Esquerda-Bifet, « Presbytérat », Dictionnaire de spiritualité, t. xii, seconde partie, 1986, col. 2094.
[6] I. Noye, « Saint-Sulpice », Dictionnaire de spiritualité, t. xiv, 1990, col. 176-177.
[7] A. Denaux, « De priesteropleiding », dans Het bisdom Brugge (1559-1984). Bischoppen, priesters, gelovigen (algemene leiding Michel Cloet), 2. édition, Westvlaams Verbond van kringen voor heemkunde, Brugge, 1986, p. 415. Voir Prevost A, « Arvisenet (Claude) », Dictionnaire de spiritualité, t. i, 1937, col. 934-935.
[8] La pratique de la retraite annuelle avait été encouragée par Clément xi, dans son encyclique Inter gravissimas (1710) dans laquelle il exhortait chaque évêque à presser ses prêtres de faire une retraite une fois par an dans une maison religieuse désignée par lui. Voir Ruiz Jurado Manuel, « Retraites spirituelles », Dictionnaire de spiritualité, vol. xiii, 1988, col. 429.
[9] L. Bouyer, Introduction à la vie spirituelle. Précis de théologie ascétique et mystique, Paris/Tournai/Rome/New-York, Desclée, 1960, p. 22.
[10] « Le clergé de Bruxelles, aussi bien que celui de Malines, de Gand, de Bruges, d’Ostende, de Roulers, de Dixmude, revoyait avec joie le directeur qui, pendant la retraite diocésaine, lui avait rappelé la sublimité et les devoirs de sa vocation » (Laveille, E. Un semeur de joie. Adophe Petit de la Compagnie de Jésus, Bruxelles-Paris, Desclée de Brouwer, 4. édition, 1954, p.252. (coll. « Museum Lessianum ». Section ascétique et mystique, n°41).
[11] G. Guitton, Un charmeur : le Père Petit, Paris, 1950, p. 236. Les prêtres reconnaissent son dévouement. En témoignent quelques recensions du livre du Père Laveille consacré à la vie du Père Petit : « La sainteté de sa vie se résume dans la confiance d’enfant à l’égard du Père qui est dans une amitié intime avec le Bon Maître et dans un zèle dévorant pour le salut des âmes, avant tout des âmes sacerdotales » (Collationes Brugenses, t. xxx, 1930, p. 164 ; « La lecture de ce livre est spécialement recommandée aux membres de l’Union apostolique Omnia Pro Jesu, dont le Père Petit fut le grand animateur et le directeur spirituel » (Collectanea Mechliniensia, t. xxxxiv, 1949, p. 497).
[12] A. Petit, Templum spirituale sacerdotis, t. i, Bruges, 1902, 307-324.
[13] A. Brou, « Associations pour la sanctification du clergé », Dictionnaire de spiritualité, t. i b, 1937, col. 1041.
[14] R. Aubert, 150 ans de vie des Églises, Paul Legrain (coll. « Mille 1830-1980 »), Bruxelles, p. 56-57.
[15] La phrase est du bienheureux Antoine Chevrier, fondateur du Prado.
[16] Ibid., p. 58.
[17] E. Laveille, Un semeur de joie, p. 133.
[18] « Marmion, nommant le Christ “idéal du moine”, précise toutes les vertus que l’ascèse chrétienne est invitée à pratiquer, qu’on soit moine, religieux ou chrétien soucieux de perfection. La recherche était neuve de fonder systématiquement sur l’exemple même du Christ tous les traits caractéristiques de la physionomie morale du moine ou du religieux, puis du prêtre. Dans cette perspective, les trois vœux acquièrent leur grandeur » (Th. Delforge, « Marmion Columba », dans Dictionnaire de spiritualité, t. x, 1980, col.628 et M. Tierney, Dom Columba Marmion. Une biographie, Paris, Lethielleux, 2000. C’est Raymond Thibaut, moine de Maredsous, qui a mis par écrit les conférences et les sermons de Dom Marmion dans divers ouvrages : Le Christ vie de l’âme (1914) ; Le Christ dans ses mystères (1919) ; Le Christ, idéal du moine (1922) ; Le Christ, idéal du prêtre (1952). Dom Marmion a été béatifié le 3 septembre 2000.
[19] R. Boudens, « De diocesane clerus en de religieuzen », Het bisdom Gent (1559-1991) Vier eeuwengeschiedenis, (algemene leiding M. Cloet), Gent, 1991, p. 382.
[20] F. van Steeenberghen, « Le prêtre diocésain d’après le cardinal Mercier », dans Le cardinal Mercier fondateur de séminaire, recueil publié à l’occasion du centenaire de la naissance du cardinal Mercier, Séminaire Léon xiii, Louvain, 1951, 57-89.
[21] A. Simon, « Propos sur le cardinal Mercier » dans Revue Cardinal Mercier, n° 1, avril 1951, p. 24. Le Pape Piex, auquel le cardinal avait dédicacé son ouvrage, lui répond : « J’accepte avec le plus grand plaisir la dédicace des conférences que Votre Eminence a faites aux élèves du séminaire de Malines ; en l’acceptant, je veux surtout donner, si possible, plus d’autorité aux enseignements et aux exhortations qu’elles contiennent et que les bons séminaristes regarderont désormais comme leur étant spécialement adressées par le Vicaire même de Jésus Christ » (Cardinal Mercier, A mes séminaristes, A. Dewit, Bruxelles, 1908, p. 5. Il est intéressant de constater qu’à la même date, le Pape, dans Haerent animo (ASS, t. 41, 1908, p. 555-577), traite de la nature, des fonctions et des exigences spirituelles de la vie des prêtres dans le cadre de l’Église locale.
[22] Cardinal Mercier, A mes séminaristes, p. 25.
[23] Ibid.
[24] G. Michiels, « Mercier Désiré-Joseph », Dictionnaire de spiritualité, t. x, 1980, col. 1039.
[25] C’est dans cette optique qu’en 1913, le Cardinal invite à Malines Dom Gréa (1828-1917), le restaurateur des chanoines réguliers en France ; voir D. Lambert, « Mgr Georges Lemaître et les Amis de Jésus », dans Revue théologique de Louvain 1996, p. 312-314.
[26] « La Fraternité sacerdotale des Amis de Jésus, est une association pour les prêtres séculiers de chaque diocèse désireux de répondre à l’appel de l’amitié du Grand-Prêtre unique N.S.J.C. et de réaliser ces conditions d’amitié en s’appliquant à conformer leur vie personnelle et leur action pastorale à l’idéal de vie apostolique proposé par notre divin Sauveur à ses apôtres et supérieurement réalisé par eux » (« Article i des Statuts. Nature et But », dans Cardinal Mercier, Fraternité sacerdotale diocésaine des Amis de Jésus, Bruges, Desclée de Brouwer, 1927, p. 9.
[27] A. Simon, Propos sur le cardinal Mercier, p. 27.
[28] « Cette œuvre fut – et est encore – critiquée, surtout dans les milieux sacerdotaux » (Ibid., p. 103).
[29] Voir L. Picard (Mgr), Un pionnier. Le chanoine Brohée, Ed. universitaires, Bruxelles, 1950.
[30] R. Aubert, 150 ans de vie des Églises, p. 60.
[31] Pour sa biographie, voir M. Lekeux, La dure montée. Edouard Poppe, Bruges/Paris, Desclée de Brouwer, 1963.
[32] E. Poppe, La méthode eucharistique, Averbode, 1923, préface du cardinal Mercier.
[33] E. Poppe, Entretiens sacerdotaux, traduit du flamand par M. Lekeux, o.f m., Paris, Lethielleux, 1935.
[34] L’abbé Edouard Poppe a été béatifié le 3 octobre 1999. Son procès de béatification avait été ouvert à Gand en mars 1946.
[35] R. Boudens, De diocesane clerus en de religieuzen, p. 390.
[36] R. Aubert, 150 ans de vie des Églises, p. 62.
[37] Ibid., p. 37-38.
[38] J. Leclercq, « L’esprit du cardinal Mercier », dans Revue du cardinal Mercier, n° 1, avril 1951, p. 3.
[39] Dans une recension de La vie intérieure, on peut lire : « Bonne introduction, sérieuse, mais claire et sûre, que je mettrais volontiers aux mains des séminaristes ou des chrétiens désireux de se justifier, par une première réflexion, les pratiques de la vie chrétienne » (La vie spirituelle, septembre 1937, p. 22).
[40] Ph. Delhaye, « In memoriam : Jacques Leclercq et le renouveau de la théologie morale », La Revue théologique de Louvain, 1971, fasc. 4, p. 499.
[41] Le Père Damien De Veuster a été béatifié en 1994. Pour sa biographie, voir H. Eynikel, Le Père Damien, Paris/Bruxelles, Cerf/Racine, 1997.
[42] J.E. Van Roey, « Le sacerdoce », CollectaneaMechliniensia, t. xxxii, 1933, p. 14.
[43] Collationes namurcenses, t. xxvii, mai 1933, p. 177-186.
[44] Collationes namurcenses, t. xxvii, septembre 1993, p. 349-362.
[45] E. Poulat, Naissance des prêtres ouvriers, Casterman (coll. « Religions et sociétés »), Tournai, 1965, p. 180-375.
[46] Il faut savoir que, dès 1929, un prêtre belge, l’abbé Bolland, dans la foulée de la Joc, avait présenté à Rome un mémoire prévoyant explicitement l’entrée de prêtres en usine dans un but d’évangélisation, mais sa démarche est isolée. Les temps n’étaient pas mûrs (cf. J. Vinatier, « Prêtres ouvriers », Catholicisme. Hier. Aujourd’hui. Demain, t. xi, 1988, col. 900. Sur ce sujet, on lira avec intérêt Ch. Boland, Dure percée. Récit d’un premier prêtre-ouvrier (1924-1964), Bruxelles, 1968.
[47] Desclée de Brouwer (coll. Bibliotheca mechliniensia), 1942.
[48] Desclée de Brouwer, 1942.
[49] Parmi les ardents défenseurs de cette spiritualité, on trouve Mgr André-Marie Charue, évêque de Namur de 1942 à 1974. Voir à ce sujet A.M. Charue (Mgr), Le clergé diocésain, Tournai, Desclée, 1960 (4. partie) ; A. Simonet, « Prêtre dans le monde d’aujourd’hui », Au service de la Parole de Dieu, Mélanges offerts à Mgr André-Marie Charue, Gembloux, 1969, p. 339-366.
[50] Une preuve de l’existence de ce débat est l’article publié dans L’Ami du Clergé du 23 octobre 1947 qui s’intitule « Y a-t-il une spiritualité du clergé diocésain ? » dont le premier paragraphe est libellé comme suit : « Comment une telle question a-t-elle pu se poser à la génération sacerdotale actuelle, qui semble soucieuse d’apostolat plus que de spéculation, et cela au point de remuer et de passionner l’ensemble du clergé séculier et régulier de France et de Belgique ? »
[51] On note toutefois que si le père R. Carpentier, s.j. admet l’existence d’une spiritualité du clergé diocésain, pour mieux respecter l’unité du sacerdoce il s’oppose à la formule « spiritualité du sacerdoce diocésain » (R. Carpentier, « La spiritualité du clergé diocésain », Nouvelle revue théologique, t. 68, 1946, p. 192-217.
[52] Pour le clergé diocésain. Une enquête sur sa spiritualité particulière, Paris, Ed. du Vitrail (coll. « Problèmes du clergé diocésain », t. i), 1947.
[53] Ed. du Vitrail (coll. « Les livres du prêtre », n° 3), 1950.
[54] R. Aubert, « La théologie catholique durant la première moitié du xxe siècle », Bilan de la théologie du xxe siècle, t.1, dirigé par R. Vander Gucht et H. Vorgrimler, Tournai, Casterman, 1970, p. 467.
[55] L. Luypaert, « Spiritualité du clergé diocésain », Revue du diocèse de Tournai, 1950, p. 151-159.
[56] Un titre paru un peu avant la guerre est éclairant : E. Masure, (directeur du grand séminaire de Lille), De l’éminente dignité du sacerdoce diocésain, Paris, Bloud et Gay (coll. « La vie intérieure pour notre temps »), 1938.
[57] Ed. Ch. Beyaert, Bruges, 1948.
[58] « Introduction au décret sur la formation des prêtres », dans Concile æcuménique Vatican ii . Documents conciliaires n°2, Paris, Centurion, 1965, p. 123-124. Sur la spiritualité du clergé, on peut également consulter Cardinal Duval, Laïcs, prêtres, religieux dans l’Église selon Vatican ii . Paris, DDB, 1967, p. 97-146.