Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Le rétablissement de congrégations religieuses en Chine

Jeroom Heyndrickx, C.I.C.M.

N°2002-4 Juillet 2002

| P. 220-231 |

Avec ces notes de « rencontres » (qui s’échelonnent déjà sur plus de 20 ans) le Père Heyndrickx est à même de nous faire découvrir la réalité complexe et, nous le savons bien, douloureuse de la chrétienté de Chine. La situation de la vie religieuse féminine en est comme le bain révélateur faisant apparaître une image contrastée parfois, en nuances diverses souvent. On sera d’autant plus attentif à ce qui peut réunir et nous aider à chercher, comme nous y invitait Jean-Paul II dans son message aux participants du Congrès célébrant le 400 e anniversaire de la mort de Matteo Ricci : « L’amitié [qui] se nourrit de contacts, de partage dans différentes situations joyeuses ou tristes, de solidarité et d’assistance mutuelle » (in AMDG, vol. 29, déc. 2001, p. 30).

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Mes premières rencontres avec des religieuses de « l’Église du Silence »

J’ai visité l’Église en Chine du nord pour la première fois en mai 1984. Lors d’une promenade dans la ville de Ningxia, une dame relativement âgée à fait un bout de chemin avec moi. A voix basse, elle me fit rapidement le récit de sa vie. Elle était religieuse au moment de l’arrivée au pouvoir des communistes. La Révolution Culturelle a dispersé sa communauté. Toutes les religieuses sont rentrées dans leur famille et ont été incitées à se marier. « C’est ainsi que je me suis mariée, dit-elle, mais je me suis toujours sentie coupable. » Son regret s’est ensuite amplifié lorsqu’en 1980, il y eut un peu plus de liberté religieuse. Pendant qu’elle me racontait son histoire, elle regardait anxieusement autour d’elle et me quitta ensuite rapidement, car, disait-elle, « je crains que quelqu’un me voie parler avec vous et me trahisse ».

Elle semblait vivre un sérieux problème de conscience qu’elle voulait confier à un prêtre étranger (qu’elle ne connaissait d’ailleurs pas). J’ai cependant eu l’occasion de lui donner discrètement la bénédiction qu’elle demandait et de l’assurer de ma prière. Je ne l’ai jamais revue. Des centaines de religieuses de Chine sont dans son cas. Beaucoup d’entre elles se sont mariées volontairement, d’autres y ont été forcées.

Peu après, en visitant un autre diocèse de la Chine du nord, sortant d’une visite tardive à des prêtres de paroisse, lorsque la nuit était déjà tombée, en prenant ma bicyclette, j’entendis une voix de femme m’appeler. Une dame âgée coiffée d’un bonnet blanc vint me rejoindre. C’était une religieuse qui me demanda de se confesser. Debout à côté de moi, elle s’est confessée et a ensuite renouvelé ses vœux. J’en ai été profondément ému, car elle me disait qu’elle avait attendu cette occasion pendant des années, comme tous les prêtres de cette région s’étaient mariés durant la Révolution Culturelle elle ne voulait pas recevoir les sacrements d’eux. Je me préparais à parler encore un peu avec elle lorsque brusquement la porte du presbytère s’est ouverte et le curé (marié) en est sorti. C’était la fin de notre entretien. J’ai dit aimablement « au revoir » au prêtre et suis parti.

Des religieuses avec un passé dramatique

A l’arrivée au pouvoir des communistes en 1949, il y avait en Chine plus de sept mille religieuses. Un tiers d’entre elles étaient étrangères, les autres Chinoises. Les étrangères sont soit parties délibérément, soit ont été expulsées. Une petite minorité des Chinoises s’est exilée à Taïwan, Hongkong ou Macao. La grande majorité est restée en Chine. C’était pour elles le début d’un long et dramatique calvaire. A certains endroits, la fermeture des couvents avait déjà débuté dans les années cinquante. Les religieuses ont été renvoyées dans leur famille avec la consigne : « Cherchez-vous un mari et allez travailler dans la société. »

A d’autres endroits, cela n’a eu lieu qu’à la Révolution culturelle (1966-76). Beaucoup de religieuses qui voulaient rester fidèles à leur vocation ont été condamnées aux travaux forcés dans les camps ou à la prison.

Lorsqu’en 1980 j’ai commencé à visiter la Chine, j’ai rencontré bon nombre de religieuses qui vivaient seules ou à trois ou quatre, sans qu’elles aient pour autant des fonctions dans l’Église. Elles avaient toutes une longue histoire douloureuse de ce qu’elles avaient vécu les trente dernières années. Dramatique ! Ailleurs, je rencontrais un petit groupe de dames âgées qui vivaient dans l’église. J’ai assez vite compris que c’étaient des religieuses. Le redémarrage de l’Église de Chine avait alors commencé. Dans les débuts des années 1980, cette évolution s’est ensuite accélérée. En 1982, les évêques obtenaient l’autorisation de rouvrir des séminaires et, dès 1985, les noviciats pour religieuses furent aussi tolérés. Tous les évêques chinois étaient désireux de former le plus rapidement possible de jeunes prêtres et aussi de jeunes religieuses. Vers 1990 on comptait déjà plus ou moins trois cents maisons de religieuses. Peut-être était-ce trop en si peu de temps, mais les évêques, vu leur âge, savaient qu’ils n’avaient pas de temps à perdre. Certaines de ces maisons avaient obtenu l’autorisation officielle, d’autres pas (encore). Mais les évêques allaient de l’avant. Les vocations ne manquaient pas, en tous cas dans certains diocèses. Dans les villes, par contre il n’y a généralement que peu de vocations, ce qui est une évidence dans les régions économiquement plus avancées, c’est-à-dire le long de la côte et dans certains diocèses du Sud. Par contre dans le nord de la Chine et dans le centre, elles sont nombreuses. Toutefois, au fur et à mesure que le niveau de vie progresse et surtout que les jeunes des familles nombreuses deviennent adultes, la consigne d’un seul enfant produira ses effets, les vocations diminueront donc. Il en résulte que les vocations qui se présentent actuellement et pourvu qu’elles répondent aux exigences, les évêques les acceptent volontiers. Dans beaucoup de diocèses, il manque de la place pour accepter toutes les postulantes. On estime que la Chine compte actuellement deux mille religieuses. Ce sont en majorité des jeunes, car la vieille génération disparaît à vue d’œil.

Echanges de religieuses entre les diocèses chinois

Très vite les évêques se sont échangés des religieuses. Dans beaucoup de diocèses où les vocations au sacerdoce et à la vie religieuse étaient nombreuses, il manquait du personnel et des moyens pour leur formation. Des accords ont alors été conclus entre les diocèses. Sans en employer les termes, on pourrait dire qu’un fidei donum chinois s’est créé.

Lorsqu’un évêque envoie dix séminaristes et dix postulantes religieuses dans un autre diocèse pour leur formation, les deux évêques se mettent d’accord pour que, après leur formation (gratuite), la moitié puisse rester dans le diocèse ayant assuré leur formation et que les autres rentrent dans leur diocèse d’origine. C’est ainsi qu’on rencontre à travers toute la Chine des prêtres et des religieuses originaires du Nord (Mongolie intérieure) [1] . En effet, le gouvernement de la province de Mongolie intérieure (une région autonome) ne suit pas les directives officielles nationales qui, depuis 1982 permettent plus de liberté religieuse. L’Église de Mongolie intérieure n’est donc pas encore rentrée en possession de ses propriétés et les évêques de cette région ont trop peu de moyens pour assurer la formation de religieuses. La majorité des nombreuses vocations de Mongolie intérieure a rejoint des congrégations d’autres diocèses.

Les congrégations internationales et les contemplatives ne sont (pas) encore admises en Chine

Toutes les congrégations religieuses de Chine sont diocésaines et sous l’autorité de l’évêque. Les congrégations internationales ne sont officiellement pas admises. Les autorités chinoises veulent garder les rênes du pouvoir : ils veulent que l’administration de l’Église reste indépendante or, les généralats des congrégations internationales exerceraient trop d’influence. Celle-ci serait considérée comme « ingérence dans les affaires intérieures de la Chine ». Les gouvernements d’autres pays ne le voient pas de cette façon, la Chine bien. Toutes les religieuses dépendent donc de l’évêque du lieu, et c’est lui qui fait les nominations, ce qui limite déjà sérieusement l’autorité de la supérieure. De plus, il arrive que des instances civiles locales interviennent dans la nomination des (prêtres et) religieuses. Cela crée un problème supplémentaire : ou bien l’évêque accepte cette intervention, au grand regret des intéressées, ou bien il en résulte un conflit entre l’évêque et les autorités, ce qui complique davantage encore la situation. On constate cependant, qu’en général, pour la direction des congrégations, les supérieures et l’évêque essaient de s’en référer aux normes du Droit Canon. Cela demande beaucoup de temps et de patience mais aussi de la prudence vis-à-vis des autorités civiles.

Il n’existe pas encore de congrégations contemplatives, celles-ci étant toutes internationales. Les évêques chinois espèrent qu’avec le temps, elles seront admises par les autorités, fût-ce (temporairement) sous la direction et le contrôle de l’évêque local. L’Église de Chine est une Église locale en expansion. On constate que les ordres contemplatifs représentent une partie importante d’une Église locale adulte. Les évêques l’ont expliqué à maintes reprises aux autorités civiles. A certains endroits une ouverture existe dans ce domaine mais en haut lieu ce n’est pas encore le cas. En 1995, nous avons reçu, en Belgique, la visite de M. Liu Shuxiang, directeur adjoint du Bureau National pour les Religions de Pékin. Lors de sa visite à l’abbaye de Tongerloo, ses commentaires étaient plutôt positifs. Il estimait que la présence de tels ordres en Chine aurait du sens, en particulier ceux qui, comme à Tongerloo, tout en vivant en communauté, sont actifs dans les œuvres paroissiales. Les autorités chinoises savent d’ailleurs très bien que, dans le passé, il y eut deux abbayes trappistes en Chine, que les bénédictins avaient une abbaye en Chine du sud, etc. Il est dès lors évident que ces ordres internationaux n’attendent que l’ouverture et l’autorisation pour établir des abbayes en Chine. Tôt ou tard cette autorisation viendra sans doute, mais pas tant que les relations diplomatiques avec le Saint-Siège seront inexistantes. A quand cette solution ? Peut-être demain, à moins que ce soit dans x années. C’est à la Chine de décider. Ce grand pays ne manque pas de fierté et peut même imposer sa volonté à l’Amérique. La Chine n’a pas besoin du Vatican si ce n’est pour faire disparaître l’unique ambassade de Taïwan en Europe, soit celle auprès du Vatican. Cela ne se réalisera que lorsque la Chine le jugera nécessaire et utile. Nous ne pouvons qu’espérer qu’à cette occasion, beaucoup de problèmes de l’Église trouveront une solution. Entre temps, l’Église de Chine doit se débrouiller avec les moyens du bord. Donc sans ordres ou congrégations internationales et contemplatives, au moins provisoirement.

Des congrégations religieuses officielles et non-officielles

Jusque-là, il ne s’agit que de congrégations officielles reconnues. Il existe aussi des non-officielles créées par et sous l’autorité d’évêques « souterrains ». Cette notion de « souterrain » doit ici être relativisée, car souvent – mais pas toujours – celles-ci n’ont rien de clandestin. Elles existent publiquement mais ne sont pas reconnues par les autorités civiles parce que non déclarées ni enregistrées. Le terme « non-officiel » est donc plus exact. Ces congrégations sont en fait punissables et les autorités civiles insistent pour qu’elles se fassent enregistrer. Dans beaucoup de cas, cela se passe de façon bienveillante pour autant que ces « souterrains » ne causent pas de problèmes. En d’autres endroits, les autorités locales organisent des razzia. Ils arrêtent religieuses et chrétiens, démolissent parfois leurs églises et maisons de prière, maltraitent prêtres, religieuses et chrétiens. C’est ainsi que ces communautés chrétiennes souterraines sont arrivées à la conviction que ce sont eux la vraie Église chrétienne, en disant que l’Église du Christ est forcément une Église souffrante.

« Les officiels ne souffrent pas, nous bien. Cela prouve que nous sommes la vraie et eux la fausse Église. »

Nous leur répondons :

« Le Christ ne nous a jamais dit de chercher la souffrance. Lorsque les autorités chinoises ont voulu détruire l’Église, vous vous êtes défendus héroïquement. Ce fut votre grand mérite de poser des actes historiques qui ont sauvé l’Église de Chine. Toutefois ce temps appartient au passé. La Chine ne menace plus l’Église. Il y a suffisamment de liberté religieuse pour permettre à l’Église de s’épanouir. Trop de contrôle existe encoreil faudra en parler, en discutermais il n’est plus nécessaire et même pas sage de continuer ainsi à vivre en continuelle confrontation avec le régime. Vous y gagneriez en observant la loi et pourriez ainsi exiger vos droits à partir d’une position forte, au lieu de vous opposer. »

Ils n’acceptent malheureusement pas ces arguments. Nous, étrangers, et la communauté officielle de l’Église de Chine, nous ne pouvons que chercher patiemment le rapprochement et espérer que l’unité progresse.

Les exigences d’admission pour les postulantes

Les conditions d’admission se résument en général à ceci : être catholique, âgée d’au moins dix-huit ans, célibataire, avoir l’accord des parents et une recommandation du curé. La personne doit avoir bon caractère, être en bonne santé et disposée à consacrer sa vie à la gloire de Dieu et au salut des hommes. En ce qui concerne les « officielles » elles doivent prouver qu’elles soutiennent le gouvernement, c’est-à-dire aiment la patrie et l’Église et appuient la politique du gouvernement en vue de la construction d’une Église autonome : les évêques estiment que « autonomie » doit être compris dans le sens de « autosuffisant » et non pas séparé de Rome.

Les postulantes doivent passer un examen et, dans de nombreux diocèses il y a compétition pour l’admission. La majorité d’entre elles est issue de vieilles familles chrétiennes (soit chrétiennes depuis trois à quatre générations). Beaucoup sont relativement pauvres ou même très pauvres. Leurs parents chrétiens considèrent comme une grande grâce d’avoir un prêtre ou une religieuse dans leur famille. Dans certains villages, l’estime pour les prêtres et les religieuses est telle que la vocation à cet état de vie est considérée comme une promotion sociale. Cela mène au cléricalisme des prêtres. Au cours d’un récent voyage en Chine, j’ai entendu une dame âgée dire à sa fille, jeune, en me regardant : « Un prêtre surpasse l’ange » (elle ne disait mot sur la religieuse). Les jeunes ont généralement grandi dans des écoles athées. Leur connaissance de la foi leur a été transmise en famille. C’est parfois un bagage important, mais le plus souvent les jeunes entrent au couvent sans avoir de réelles notions de la foi ni de la vocation religieuse comme telle. Il faut ajouter que la congrégation qui les reçoit a été fondée récemment et que, en leur sein il y a peu de religieuses capables de les former. Il arrive même qu’une sœur n’ayant encore prononcé que des vœux temporaires soit nommée supérieure générale. Dans beaucoup de congrégations la supérieure ne peut même pas encore s’en référer à une constitution écrite. Lorsque des jeunes n’ayant encore qu’une image peu claire de leur propre vocation se trouvent dans une telle situation, les problèmes sont inévitables. Voilà la réalité concrète à laquelle doivent faire face en Chine les communautés religieuses qui se créent après un vide de plus de trente ans.

A partir d’improvisations, arriver progressivement à une formation valable

Tout cela fera sans doute sourire des religieuses en Europe, car « ces pratiques doivent créer des problèmes et elles ne sont pas conformes aux règles élémentaires de formation de religieuses ». En Europe, ces règles sont consignées dans des livres qui expliquent clairement comment concevoir cette formation et en précisent les différentes phases de réalisation. Mais là où l’Église a des documents écrits, il n’y a plus de vocations et, lorsque – comme en Chine – il y a beaucoup de vocations, les circonstances ne permettent pas d’appliquer ces beaux textes. Même pas le strict minimum des directives du Droit canon. Toute la réorganisation de l’Église en Chine se fait d’ailleurs à l’encontre de tous les livres existants. C’est en fait un modèle de ce qui ne devrait pas arriver. Mais puisqu’en Chine c’est désormais la seule voie pour y arriver, cette voie est la meilleure : la voie du livret chinois non encore écrit, avec beaucoup d’improvisations, mais – selon moi – aussi avec beaucoup de confiance dans l’Esprit.

Mgr Liu Jingshan de Ningxia avait quatre-vingts ans lorsqu’il a été sacré. Chez nous les évêques sont à cet âge déjà depuis cinq ans (obligatoirement) à la retraite. Mgr Liu a maintenant quatre-vingt-huit ans. Ses voisins ont respectivement quatre-vingt-quatre, quatre-vingt-sept, quatre-vingt-quatorze ans. Tous sont activement engagés dans la reconstruction de leur communauté ecclésiale. En plus des églises construites entre-temps, l’évêque a aussi créé une communauté religieuse. Bien que n’ayant pas encore de constitutions, deux religieuses âgées apprenaient aux jeunes à prier : prière du matin et du soir, chapelet, chemin de croix et, petit à petit aussi, la méditation, etc. Après deux ans, elles ont réussi à se procurer un bréviaire et aussi à pouvoir se référer à des constitutions d’une autre congrégation et y puiser l’inspiration pour se mettre à rédiger quelque chose pour leur propre congrégation.

Ce sont les religieuses âgées qui ont le mérite d’accueillir les jeunes postulantes et de les accompagner pour leurs premiers pas dans ce nouveau couvent. Ce n’est pas une sinécure car, au grand étonnement des religieuses âgées, les jeunes ont de toutes autres aspirations et de valeurs qu’elles. Elles ont malgré tout essayé de former les jeunes selon leur spiritualité ancienne familière. La non-réussite provoqua beaucoup de tension. En d’autres endroits, il n’y avait même plus de religieuses âgées. C’est alors l’évêque lui-même qui s’est chargé de la formation à moins qu’il n’ait demandé au curé de jouer le rôle de « supérieure ». Ce qui provoqua des problèmes encore plus sérieux. Les sœurs se sont vues obligées de chercher de l’aide urgente à l’extérieur. Durant les années 1980, les contacts avec des religieuses de Taïwan et de Hongkong étaient très rares mais depuis une dizaine d’années cela a changé. Des religieuses de l’extérieur peuvent petit à petit se rendre en Chine pour y diriger des retraites, faire des conférences spirituelles et souvent aussi aider des congrégations locales dans la rédaction de leur constitution. En relativement peu de temps plusieurs congrégations diocésaines sont ainsi sorties de la crise née très vite après leur fondation. Depuis les années 1990, beaucoup de religieuses chinoises ont également pu apprendre quelque chose sur Vatican ii. Ce fut pour beaucoup le bol d’air nécessaire à la survie.

De nouvelles évolutions

L’évolution positive se poursuit. En juillet 1999 a eu lieu au niveau national, la première réunion de supérieures religieuses. Elles n’étaient encore que vingt-six. « Les autres seront invitées plus tard », disait Monsieur Lui Bainian, un laïc qui, de Pékin, a beaucoup d’influence dans l’Église et collabore intensivement avec des instances gouvernementales. L’Association des Supérieures Religieuses n’existe pas encore, les autorités ne désirant pas trop d’organisation. Cette situation nous ennuie fort parce que les évêques locaux et les supérieures religieuses ne sont pas invités à collaborer à l’élaboration de ce planning. C’est plutôt l’Association Patriotique qui s’en charge. C’est elle qui prend la direction de l’Église. Toutefois, plusieurs religieuses ont déjà pu se rendre à Hongkong et aux Philippines pour une formation plus poussée et, en vivant dans une communauté, expérimenter la pratique de la vie religieuse communautaire.

La priorité de la Fondation Verbiest : contribuer à la formation de futurs responsables pour l’Église

En 1982, la Fondation Verbiest a commencé les recherches sur l’histoire de l’Église en Chine. Ensuite se sont ajoutés l’aide au développement et, depuis quelques années, le Collège Chinois à Leuven pour la formation spécialisée de futurs responsables pour l’Église. Mais plus important est encore le fait de contribuer à leur formation en Chine même. Les séminaires reçoivent déjà pas mal d’aide. Nous nous y rendons pour donner des cours chaque fois que nous y sommes invités et obtenons l’autorisation (celle-ci s’obtient plus difficilement ces dernières années). Nous nous concentrons aussi surtout sur la formation de religieuses et de laïcs.

Rien que dans la province de Shaanxi on compte quatre cents religieuses. Une petite moitié n’a suivi que l’école élémentaire. Des collègues du Bureau de Taïpei rendent visite aux évêques du nord de la Chine et, dans la mesure de nos moyens limités, nous offrons des bourses d’étude pour permettre à ces religieuses de poursuivre des études. Les écoles secondaires sont payantes en Chine et les évêques n’en ont pas les moyens. C’est ainsi que trente-deux diocèses bénéficient de cette aide. Investir dans la formation des personnes reste pour nous une priorité majeure, à la grande satisfaction des évêques.

Le programme de notre collègue Agnès Chang est tout aussi important. Parfois des évêques ou des supérieures nous invitent pour organiser, sur place, une session de formation pour leurs religieuses. Agnès Chang invite alors une équipe de trois religieuses de Taïwan avec qui elle élabore un programme de session de deux ou trois semaines. La session recouvre aussi une expérience de vie communautaire. Une dizaine de sessions de ce genre ont ainsi déjà pu être organisées. La matière principale abordée concerne « la vie consacrée ». Toutefois on rencontre maintenant aussi une demande pour des sessions sur la catéchèse et d’autres sujets.

Récemment j’ai eu un entretien avec des évêques et des supérieures religieuses dans la province de Hebei. Des supérieures jeunes y assument déjà des responsabilités. Neuf congrégations se sont mises d’accord pour coordonner la formation et elles invitent le Bureau de Taïpei pour les y aider. Nous avons proposé un programme quadriennal : une session annuelle d’un mois rassemble cinq religieuses de chaque congrégation. La matière abordée concerne essentiellement la vie consacrée et la spiritualité religieuse. Les participantes repartent avec un mandat à réaliser au sein de leur communauté. Au cours de l’année elles reçoivent la visite d’une religieuse de Taïpei pour assurer le suivi dans chaque congrégation. Cela devrait pouvoir se répéter durant quatre ans. Entre temps deux religieuses de chacune de ces congrégations se rendent aux Philippines pour deux ans en vue d’une formation plus approfondie en spiritualité. A leur retour les religieuses de Hebei pourront alors organiser elles-mêmes leurs sessions de formation avec tout au plus une aide occasionnelle de Taïpei. La question reste de savoir si de fait cela pourra se réaliser.

De jeunes religieuses chinoises cherchent désormais leur (propre) chemin et inventent leurs méthodes de formation pour leurs consœurs. Comme missionnaire – non pas en mais pour la Chine – nous pouvons sûrement leur donner un sérieux coup de main. Les échanges entre Églises locales sont une forme judicieuse actuelle de la mission.

Le Père Jeroom Heyndrickx est né le 26 décembre 1931 à Haasdonk (Belgique, Flandre orientale). Il entre au noviciat des Pères Missionnaires de Scheut en 1950 et, au lendemain de son ordination, part pour Taïwan (1957) y étudier le chinois. Après cinq ans d’activité pastorale à Taichung, il obtient la licence en catéchèse à l’Institut Catholique de Paris (1966) et un Master en « Education and Coun-seling » à la Loyola University de Chicago (1967). De retour en Extrême Orient, il reçoit la charge du provincialat de sa congrégation (1967-72) dans cette région et c’est durant celui-ci qu’il ouvre l’Institut Pastoral de Taïwan à Taïpei (1970) où il enseigne ainsi qu’à l’Université Fujen. En 1974, il devient vicaire général des pères scheutistes en charge principalement des missions en Asie. En 1982, il promeut la Fondation Verbiest à l’Université Catholique de Leuven et en assure la direction. En plus de deux livres spécialisés, il est l’auteur de nombreux articles dans plusieurs revues et hebdomadaires catholiques en Europe et en Asie.

[1Nous ne parlons pas ici de la République de Mongolie (= Mongolie extérieure) située au nord de la Chine, mais bien de la province à l’extrême-nord mais à l’intérieur des frontières de la Chine qu’on appelle Mongolie intérieure. La population, et donc aussi les vocations dont question ici, sont des Chinois et non pas des Mongols.

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