Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Transmettre la vie religieuse aujourd’hui

Véronique Margron, o.p.

N°2001-2 Mars 2001

| P. 90-98 |

Dans ce texte, très oral et vigoureux, aux raccourcis parfois abrupts et stimulants, l’auteur réagit, de manière critique, au thème de notre Conseil 2000 qui proposait de reprendre à nouveaux frais le « concept » de refondation mis à l’ordre du jour du 54° Conventus Semestrialis Unione Superiori Generali (U.S.G.) de septembre 1998. Les textes publiés sous le titre Pour une fidélité créatrive, refonder, Il Calamo, Rome, 1998, avaient été distribués aux intervenants pour qu’ils les commentent librement. D’où ce qui suit et sa verve passionnée...
Transcription remaniée de l’intervention de Sœur Véronique Margron au Conseil élargi de Vie Consacrée (sept. 2000).

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Tout d’abord, dire que ces concepts « fonder-refonder » ne me sont pas familiers ! Pourtant j’ai, comme chacun ici, lu Pour une fidélité créative [1], de l’UISG, mais aussi le livre, en son temps précurseur, de cette idée : La refondation de la vie religieuse de F. Martinez Diez. Et aujourd’hui, son dernier livre La frontière actuelle de la vie religieuse, bases et défis de la refondation [2]. Ouvrages au demeurant intéressants et vigoureux.

Mais cette perspective m’apparaît très centrée sur la problématique de la « spécificité de la vie religieuse » ; question qui ne me semble pas être la bonne, dans notre contexte de modernité. En effet, je crains que fonder, refonder, évoque cette question si souvent entendue : que ferait le fondateur, la fondatrice, aujourd’hui, et alors, que faire aujourd’hui pour être ainsi fidèle ? Mais le fondateur est mort. Et c’est bien ainsi. C’est donc aux membres présents de poursuivre une histoire, un récit, une transmission (traditio) liés à ce premier récit mais distincts car le temps, les personnes ne sont pas les mêmes. Il s’agit d’inventer aujourd’hui une fidélité, avec un doigté singulier, dans une manière particulière de vivre l’Évangile : Dominique, François, Ignace, Benoît, Thérèse. Se demander ce que Dominique ferait aujourd’hui n’a pas de sens car ce dernier ne se comprend qu’en son temps, dans cette interprétation, cette « incarnation » de l’Évangile qui fut la sienne, au cœur d’une histoire singulière, lui, espagnol, chanoine pieux et d’un temps - ce Moyen Âge en ébullition culturelle, religieuse, politique. Rappelons ces paroles si fortes de M. De Certeau sur la tradition : « Une tradition ne peut être que morte si elle reste intacte, si une invention ne la compromet en lui rendant la vie, si elle n’est pas changée par un acte qui la recrée. [...] Tout ce qui injecte dans la tradition le poison d’un temps nouveau est aussi ce qui la sauve de l’inertie » [3].

Cette nécessité-là passe par la reconnaissance des « ruptures instauratrices », plus que des fidélités créatives qui évoquent davantage la continuité, l’unité du temps. Mais notre temps est neuf ! C’est comme temps neuf qu’il est temps de Dieu, temps de son heure, cette heure de crise et de grâce pour se décider pour le Christ.

Alors, comment pouvoir entendre l’interrogation sur la contemporanéité de la vie religieuse : foncièrement sous la modalité de l’effacement. Effacement du Christ dans la mort sur la Croix, dans un tombeau délaissé, puis dans ce mystère de l’Ascension. La vie religieuse : cette manière de vivre la sequela Christi, d’entrer dans l’amitié avec le Maître, qui est là pour faire place. Une obligation alors : ce qui est en jeu dans le geste de la vie religieuse, ce serait d’être tout près de la Croix de son seul Seigneur. Se tenir là. « Où serait l’Église de Jésus Christ si elle n’était pas d’abord là au pied de la Croix ? Jésus meurt abandonné des siens et raillé de la foule. Je crois qu’elle meurt de ne pas être assez proche de la Croix de son Seigneur. Sa force et sa fidélité, son espérance et sa fécondité viennent de là, pas d’ailleurs ni autrement. Tout le reste n’est que poudre aux yeux, illusion mondaine. Elle se trompe elle-même et trompe le monde lorsqu’elle se situe comme une puissance parmi d’autres, comme une organisation humanitaire ou même comme un mouvement évangélique à grand spectacle ; elle peut briller, elle ne brûle pas du feu d’amour comme la mort car il s’agit bien d’amour et d’amour seul dont Jésus nous a donné le goût et tracé le chemin : Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis [4]. »

C’est sur cette parole bouleversante que j’essaierai de développer mon propos.

J’aime à penser la vie religieuse, dans le mouvement de cet effacement et cette novation que doit entreprendre chaque génération, à travers ce dessin de Matisse dans la chapelle de Vance : un Dominique dont le visage n’a pas de traits. Un visage indistinct. Deux choses alors : il prend le visage de chaque frère, chaque sœur ; mais aussi il invite chacun, chacune à s’effacer pour qu’apparaissent les seuls traits du Christ. Il incombe ainsi au disciple à la fois de parler dans sa propre langue, de rendre compte de l’Évangile dans son temps, sa culture, sa sensibilité - et non celles des origines, toujours mythiques d’ailleurs - mais ceci pour une seule perspective : la lumière sur le seul visage du Fils bien aimé, seul visage à contempler.

S’il en est ainsi, le propos de la vie religieuse, suivre le Christ dans le sillage d’une tradition particulière, c’est-à-dire d’une manière de transmettre la passion pour l’homme et pour Dieu, unique et même question, ce propos se soutient des trois dimensions familières de la vie religieuse.

Trois lieux

Ainsi le premier lieu serait l’institution de la fraternité, de la vie commune, des vœux, de ce qui retourne l’individu vers d’autres, pour d’autres. Ici de quoi s’agit-il dans cette démarche ? Le courage d’une parole vraie, qui nous engage, qui nous fait quitter, un peu, nos masques, nos double-jeu, nos replis. Une parole, en chair et en os, qui signifie notre déplacement : non seulement l’autre, le frère, la sœur, ceux et celles avec lesquels nous partageons nos joies, nos labeurs, ne sont pas nos ennemis, ceux face auxquels il faut se protéger ; mieux encore, ils rendent possible notre quête de l’Évangile. Mouvement déraisonnable : attendre d’eux de l’existence. « Pas sans eux », aurait dit M. de Certeau [5]. « Pas sans toi, pas sans vous, non comme un propriétaire mais comme un amoureux. » Nos traditions rendent possible ce courage-là. Chacune s’est située sur une fracture, une rupture, pour signifier là la décision d’annoncer l’impossible de l’Évangile comme pourtant crédible pour la vie présente.

Ainsi ne s’agit-il pas de parler de soi, que la vie religieuse parle encore d’elle-même, de sa mission, de sa spécificité, de son appel ; mais qu’elle se retourne vers ce temps et ces habitants. Vers son Seigneur. C’est là ses commencements. Sa source vive. Faire passer. Se déplacer.

Deuxième lieu, l’oraison, la prière, et l’étude. Une parole retournée, tendue vers le Père, passionnée des hommes de son temps ne viendra pas si elle ne naît du silence. Silence de l’oraison ; mais de l’étude aussi. Là où nos représentations sont remaniées, nos manières de croire, d’espérer, d’aimer, interrogées. Là où se repose à nous la question de la justesse de ce que nous vivons, disons, discutons. Étudier est cet acte de confiance qu’il est possible de chercher la Vérité. Non de l’atteindre, mais d’entrer dans sa vie, son chemin. Il s’agit que l’évangile fasse signe, qu’il pointe vers une signification de l’humain, laisse pressentir un goût de la vie, pour ceux et celles qui ne partagent pas ma foi. Ceci ne peut se faire sans le voyage de l’étude. Déroutant, à nouveau. Un voyage persévérant, dépouillé souvent, heureux foncièrement ; car il nous approche du vrai visage de Dieu. Plus que l’acquisition d’un savoir, l’étude participe, comme l’oraison, au mouvement de conversion. « Le père n’a qu’une parole, son Fils, écrivait Jean de la Croix, il la redit toujours et c’est seulement dans le silence que nous pouvons l’entendre. » « Le silence sonore » n’est pas sonore des cymbales, mais d’un murmure après une brise légère à qui prête l’oreille. Une qualité d’écoute qui renonce à tout fondamentalisme, comme au scepticisme. Pouvons-nous être de ceux et celles qui prêtent cette oreille-là ou alors sommes-nous toujours si affairés, et si soupçonneux de l’intelligence, que nous risquons bien de ne pas entendre les pas de celui qui vient...

Troisième lieu : la mission, la proclamation de l’Évangile. Vivre de la Parole de Dieu, de ce Dieu-là conduit à être travaillé, malmené, taraudé, renversé par des solidarités charnelles, existentielles. Jésus fut bouleversé au détour de ses rencontres ; par des foules, par des hommes, des femmes, des enfants, espérant et peinant. Par ceux et celles qui en quelque sorte avaient tout à gagner et rien à perdre. La vie religieuse est vivante si elle est bouleversée, non par une affectivité de spectateur, mais par chaque rencontre, chaque existence approchée.

Dans ce temps, somme toute assez soucieux de l’individu pour lui-même, que la vie religieuse se signifie d’abord dans des manières d’être touchées par d’autres, sera bon signe ! Jugement de l’Évangile, ici, pour nous ensemble.

Ces trois marques de fabrique traditionnelles étaient là pour étayer mon premier propos : comment l’unique enjeu de la vie religieuse serait de se tenir auprès de la Croix du Christ, de se retirer pour que ce soient les traits du Christ et la vie du Christ qui portent fruit.

Maintenant, dans un second temps, évoquer des dimensions ou une manière d’exister contemporaine, qui serait comme la forme plastique de la suite du Christ. Et là, je repensais à nouveau à M. de Certeau : « Concentre tes forces à la racine dans l’arbre renversé, la racine est tournée vers le ciel [6]. »

Pour cette mobilité en quelque sorte, quatre aiguillons.

Quatre aiguillons

Tout d’abord, comment ne pas suivre le cours des choses, le cours du monde sans plus même y penser ni s’en soucier. Non par dédain, mais pour s’exposer à la proximité du retour du Seigneur. Rappelons-nous ce qu’écrivait D. Bonhoeffer sur la « suivance post-pascale » : la grâce qui coûte cher face à la grâce, soldée en quelque sorte, qu’est la prétention de la grâce sans la Croix. Que serait la grâce sans le chemin de l’affrontement à la souffrance, à l’échec, à la question ? Donc s’exposer, c’est-à-dire vivre à découvert. Ceci n’est pas un propos mortifère, où il faudrait souffrir, pire aimer cela, et vivre d’une ascèse sans faille, imbue d’elle-même. Au contraire. Ce dont il s’agit, c’est la condition d’insécurité dans ce temps. La vie religieuse, pas plus que l’Église d’ailleurs, n’a les réponses au « comment vivre aujourd’hui », comment bien faire ? Pourquoi toujours la violence ? Il n’y a plus de réponses toutes prêtes aux interrogations qui sont les nôtres et celles de notre époque, il faut le courage de la quête. Mais ce courage-là est pour nous soutenu par une proximité : celle du Christ. Celle de cette foultitude de croyants avant nous, de nos traditions. Le courage est donc lié à une plasticité de nos mentalités, de nos manières de vivre. Non des vies ballottées à tous les vents de mode. Mais l’attention vive à l’Évangile, là où Jésus sera amené à assumer la croix comme ce lieu de la mort du seul juste, elle qui désignait au contraire l’infamie du maudit.

La vie religieuse, à partir de ce non lieu là, le lieu du crâne, du Golgotha, et cet autre du matin de Pâques, peut-elle rendre compte du plus humain de l’humain ? Signifier le plus humain de l’humain. Non comme sa spécificité, mais comme sa responsabilité. Que des hommes et des femmes donnent des visages, des traits donc, au plus humain : l’attente, la non-jalousie, le labeur de la paix intérieure, une douceur sans mièvrerie, le retournement de soi comme façon d’habiter en soi. Le don en fin de compte. Le plus humain de l’humain, la vie donnée.

Le second aiguillon, dans cette ligne même du plus humain, serait comment nos institutions, couvents, monastères, communautés, mais aussi institutions qui nous appartiennent encore, pointent vers cette même générosité. Des institutions, non au service de leur survie, de leur visibilité, mais au service de la générosité de Dieu. Question politique donc. Charge bien difficile, sans doute pour une part impossible car il est légitime qu’une institution se soucie de son avenir. C’est même son devoir pour ses propres membres. Alors il s’agit d’une tension, d’un paradoxe dont le secret est à nouveau dans la Parole. Non pas tenir à soi, y compris d’ailleurs à sa congrégation absolument, mais tenir à l’itinérance avec et vers le Christ ; que soit encore possible pour des hommes et des femmes de maintenant, de prendre ces chemins à la quête du Bien-Aimé.

Si la vie religieuse est mémoire évangélique, elle l’est d’abord à partir du pôle de la fraternité. Enjeu apostolique, pour tous et toutes ; bien au-delà de nos mauvaises distinctions entre vie contemplative et apostolique. La vie religieuse est toujours apostolique. Elle n’est fidèle qu’en restant contemplative. En d’autres termes, il faut peut-être accepter de quitter cette notion d’utilité de la vie religieuse. Elle n’est pas là pour être utile ; et d’ailleurs elle ne l’est plus guère, surtout en nos pays occidentaux et laïcisés ! cette caractéristique est à mon avis mortifère. La vie religieuse est là pour donner corps, à sa façon, à un goût de la vie : la fraternité, la promesse de la proximité, de la compassion. L’Évangile est-il utile pourrions-nous demander de façon à peine provocante ? J’oserai répondre que non. Il ne donne pas même la « réponse » aux questions centrales de l’existence ; pourquoi vivre, pourquoi souffrir et mourir, pourquoi les méchants gagnent-ils ? Mais il est la sève pour affronter ces questions, pour habiter notre histoire comme celle-là seule où Dieu s’annonce, pour apprendre à aimer.

Troisième aiguillon. La « foi à ciel ouvert » qui serait d’être des mendiants. Non pas d’abord des mendiants du renouveau de la vie religieuse ! mais des mendiants d’une toujours nouvelle et profonde expérience de Dieu, articulée à l’intérieur d’une nouvelle expérience du monde. Loin des dogmatismes, naissent alors les questions, telles celles de chacun. Consentir que notre foi assume cette épreuve qui est l’épreuve de nos contemporains, qu’elle soit travaillée par les mêmes interrogations, les mêmes craintes que nos contemporains. La foi à ciel ouvert c’est donner à goûter ce qui nous fait vivre, c’est recevoir de chacun. Une nouvelle expérience de monde, c’est cet étonnement, ce désir de comprendre, d’apprendre des autres. C’est écarquiller les yeux, l’intelligence, le cœur. Ceux et celles avec lesquels nous partageons d’une façon ou d’une autre la vie, entendent-ils que nous sommes aussi à leurs écoles ? C’est peut-être plus précisément, une joie de la laïcité comme belle condition pour la vie religieuse. Non la laïcité politique qui confond à plaisir le respect et le déni. Moins encore la sécularisation dont nous pouvons parfois craindre qu’elle nous ait rendus oublieux de ce paradoxe johannique « dans le monde et pas du monde », de l’importance de nos traditions liturgiques, de prière, comme autant de trésors dont nous sommes redevables pour les chercheurs de Dieu. Une laïcité donc comme exigence que la question de Dieu soit toujours solidaire de la question de l’homme. La question de l’homme est interrogation décisive après ce siècle où l’humain fut capable de dépasser le pire ; de rendre réel l’impossible de la figure du mal. Croire en l’homme, aujourd’hui, les yeux ouverts, voilà une belle charge pour l’Église du Christ, et en elle, pour la vie religieuse.

Et puis enfin, l’obstination de l’espérance. Comment est-ce que nous sommes capables d’accepter l’ambiguïté de nos vies, de la vie des gens ; il n’est pas vrai que les choses soient blanches ou noires, que les choses puissent devenir pures, et c’est tant mieux car là est la condition de la liberté. Et à regarder l’Évangile, de l’ambiguïté règne : un maître serviteur, des prostituées qui précèdent les religieux dans le Royaume, des enfants qui seuls comprennent, Et surtout cette Croix, signe de contradiction, scandale pour tous.

La vie religieuse peut-elle rendre crédible cette annonce : les enfers se sont ouverts. Le plus obscur de toute vie, de ce monde, a été visité par la lumière chaleureuse de Dieu. Rien ni personne n’est délaissé, abandonné. Et du sein de nos désespoirs, parfois bien légitimes, devant la violence du mal, sa puissance, devant l’abîme de la détresse, rien de plus, rien de moins que signifier que Dieu s’y tient car des croyants y demeurent, priants, aimants. Errants peut-être devant la difficulté à rendre réelle une brèche pour la vie.

À nouveau il s’agit bien de se tenir là, vivant, suppliant, aimant. Comme des combattants du malheur et du destin. Là même, la vie religieuse peut-elle dire qu’elle croit que le meilleur est possible, et non seulement d’éviter le pire ? Enjeu mystique. Pourquoi faut-il si souvent que nous pensions d’abord en terme de crainte, « où allons-nous ? », de soupçons sur la modernité ; pourrions-nous, comme groupe humain organisé, signifier que notre décision, éthique, spirituelle, est de faire foi au meilleur de l’humain. Oui il est possible de faire du bien, de choisir le meilleur, et non seulement de rappeler les bornes pour éviter le pire.

À travers ces quatre invitations pressantes : s’exposer, la fraternité, la foi à ciel ouvert, l’obstination de l’espérance, se dit, non le souci de la vie religieuse mais son amour. Concret, charnel.

Faut-il refonder la vie religieuse ?

Non, surtout s’il s’agit de se demander ce que feraient les fondateurs et d’encore se raconter. Et de se tenir sur cette ligne, légitime et nécessaire, mais bien insuffisante, des réformes de structures.

Oui, si la convocation est : transmettre la rencontre du Christ dans des récits mouvementés, de visages en visages, d’histoires en histoires ambivalentes, passionnées, ouvertes. Encore une fois l’utilité n’est pas son propos. Et sans doute cette demande, y compris de l’Église, l’a-t-elle embourbée un temps. La vie religieuse n’est pas là pour suppléer quelque tâche que ce soit, tant bien même les aléas du temps, la positionnent-elles ainsi. Mais même alors, sa charge, sa responsabilité, sa passion, son unique raison d’exister est de rendre toujours vivantes des manières de se dessaisir pour cet Ami. Être des femmes et des hommes de conviction, qui se réjouissent d’être compagnons d’évangile, sans autre prétention que de « faire passer ». Sa sécurité n’est pas dans son charisme, elle est dans l’expérience de Dieu qu’elle rend possible et dans le chemin de conversion qu’alors elle autorise. « Jusqu’ici j’avais entendu parler de toi par ouï-dire, maintenant mes yeux t’ont vu, et je quitte la cendre et le deuil [7] ».

Entrez dans cette joie.

Sœur Véronique Margron est entrée en 1980 chez les Dominicaines de la Présentation de Tours qui lui confièrent un ministère auprès de jeunes délinquants (jusqu’en 1985) puis, pendant 6 ou 7 ans, auprès des étudiants de l’Université de Tours. Elle fut maîtresse des novices pour la Province de France pendant 6 ans. Elle étudie la théologie morale (thèse de doctorat en cours) à l’Institut Catholique de Paris (I.C.P.) tout en professant déjà cette discipline à la faculté de théologie de l’Ouest (U.C.O.-Angers) et à l’I.C.P. Elle est membre de l’Association des Théologiens pour l’étude de la Morale (R.E.T.M.) et fait partie du Comité de rédaction du Supplément (R.E.T.M.) ainsi que de celui de La Vie Spirituelle. Tous ces engagements s’articulent autour de cette nécessité : « Faire se rencontrer la Parole de Dieu et les paroles des hommes. (...) que le “vivre à la suite du Christ” puisse faire signe dans la vie de nos contemporains, y compris non chrétiens. Entendre au plus près les questions, souffrances, attentes des contemporains, de tel ou tel milieu afin de tenter de leur faire pressentir comment la vie évangélique peut prendre sens dans leur situation... »

[1XXX, Pour une fidélité créative, refonder, Il Calamo, Roma, 1998.

[2Livres non traduits, à ma connaissance. Refundar la vida religiosa. Vida carismática y misión profética, F. Marinez Diez, Madrid, San Pablo, 1996, 3. La frontera actual de la vida religiosa. Bases y desafios de la refundación, F. Marinez Diez, Madrid, San Pablo, 2000.

[3M. de Certeau, La faiblesse de croire, Seuil, 1987, p. 69 et s.

[4P. Claverie, o.p., évêque d’Oran, homélie à Prouilhe, le 23 juin 1996. Pierre Claverie sera assassiné le 1er août 1996 en rentrant à l’évêché, après des négociations pour la paix en Algérie.

[5Cf. M. de Certeau, La faiblesse de croire, Seuil, 1987 « Autorités chrétiennes et structures sociales », p. 77-128.

[6« Concentre donc toutes tes forces à la racine, car un jour elle apparaîtra dans sa gloire, comme elle apparut d’abord glorifiée au sein même de la terre quand l’âme du Christ descendit aux enfers, elle qui est la vraie racine créée, devenue pour toutes les créatures raisonnables le fruit le plus haut dans la gloire. Cet arbre est alors retourné, de sorte que sa racine atteint le lieu le plus élevé et qu’il laisse tomber sous lui ses fruits ainsi que sa puissance depuis les hauteurs jusque dans les profondeurs » (in Mémorial, p. 88-89 et 324).

[7Jb 42, 5-6.

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