La Règle de saint Augustin et l’ecclésiologie de communion
Congrès canonial de Saint-Maurice, tenu le 7 juillet 1998
Sœur Marie-Ancilla
N°2000-3 • Mai 2000
| P. 184-200 |
Assez technique, ce texte de sœur Marie-Ancilla déploie de manière convaincante les connivences profondes entre la Règle de saint Augustin et l’ecclésiologie de communion. Qui, connaissant la pensée de l’Évêque d’Hippone sur la communauté et son fondement trinitaire, en aurait douté ? En cette année jubilaire dédiée à la Sainte Trinité, on approfondira donc ici ce qui est aussi au cœur de la doctrine de Vita consecrata. Certes, le lien avec l’exhortation post-synodale, déjà esquissé dans la Conclusion, demanderait à être développé. Mais ne serait-ce pas un autre article ?
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Introduction
La règle de saint Augustin ne parle que de charité et de communion, de la première à la dernière ligne. D’où la question : n’aurait-elle pas quelque lien avec l’ecclésiologie de communion remise en lumière par Vatican II ? Et n’y aurait-il pas dans la règle une façon originale de présenter la vie religieuse, qui découle de l’ecclésiologie de communion ?
Si oui, comment situer la règle par rapport à Vita consecrata, qui est le point d’aboutissement de la réflexion postconciliaire sur la vie consacrée ?
Un bref résumé, auparavant, des principaux points qui structurent l’ecclésiologie de saint Augustin. Les sommaires des Actes des apôtres et les écrits de saint Paul en sont les principales références scripturaires. Le salut accordé par le Christ, est donné dans son Corps. Par sa croix et le don de son Esprit qui répand la charité dans les cœurs, le Christ réconcilie les hommes avec le Père et entre eux et en fait des membres de son Corps et la demeure de Dieu. Et cette charité qui soude les membres entre eux et avec leur Tête, se déploie dans un partage des biens. Le salut n’est donc pas individuel. Il s’opère dans le Corps du Christ, en solidarité avec les autres croyants. Il est essentiellement communion. Et c’est par les sacrements de l’initiation que le croyant devient membre du Corps et le devient toujours davantage. L’eucharistie est le sacrement qui soude l’unité ; elle est le sacrement de l’unité, de la communion, puisque par elle nous avons part à l’Esprit. Le sacrement du corps et du sang du Christ est le sacrement de l’Église et du Royaume. Nous avons là toutes les harmoniques qu’Augustin entend lorsqu’il cite Ac 4, 32 : « Une seule âme et un seul cœur tendus vers Dieu. » La clé de l’ecclésiologie de saint Augustin : le Saint-Esprit, qui répand la charité dans les cœurs, est source de l’unité en Dieu et entre les hommes. C’est bien le cœur de l’ecclésiologie de communion.
Il est légitime de se demander si cette ecclésiologie augustinienne est présente dans la règle et donc si la règle est en harmonie avec l’ecclésiologie de communion de Vatican II.
Pour répondre à cette question, j’ai commencé par interroger le contenu des citations bibliques explicites et implicites de la Règle, à la lumière des commentaires qu’Augustin en donne dans ses diverses œuvres. En conclusion de cette première partie, j’ai relevé les points qui sont en consonance avec l’ecclésiologie de communion de Vatican II. Dans un second temps, j’ai cherché, à cette lumière, quelle théologie de la vie religieuse était présente dans la règle et, en conclusion, j’ai étudié l’actualité de cette approche de la vie religieuse par rapport à la présentation de la vie consacrée faite dans l’exhortation postsynodale Vita consecrata. Je parlerai de la vie monastique, mais au sens augustinien du terme, non au sens moderne.
Lecture de textes augustiniens
La vie fraternelle dans la communion est placée en tête de la Règle grâce à trois citations bibliques : Ac 4, 32-35 ; Ps 67, 7 (LXX) ; Ps 132, 1.
« La première chose pour laquelle vous êtes rassemblés en un, c’est pour vivre unanimes à la maison et pour avoir une seule âme et un seul cœur tendus vers Dieu » (Règle 1,2).
J’ai choisi quelques textes de saint Augustin qui font ressortir les différentes harmoniques de la dimension de communion de l’un ou l’autre de ces versets.
Le sang du Christ, source de partage et de communion
Dans son homélie sur le psaume 93, au paragraphe 8, Augustin cite Ac 4, 32-35. Ces versets lui sont si chers qu’il ne manque pas une occasion de les commenter à ses fidèles.
Les Juifs qui avaient persécuté le Seigneur crurent en lui et se convertirent. Pardonnés, ils ont été lavés par le baptême dans son sang, ils ont bu son sang, prix de leur rédemption et furent intégrés à son Corps :
« ...et ils étaient tous si bien habitants du même endroit, qu’il vendirent tout ce qu’ils possédaient et en déposèrent le prix aux pieds des apôtres ; et l’on distribuait à chacun ce dont il avait besoin, et ils avaient une seule âme et un seul cœur tendus vers Dieu » (En. in Ps. 93,8).
La foi au Christ obtient le pardon et la réconciliation avec Dieu, donnés par les sacrements de l’initiation qui intègrent au Corps du Christ et le sang versé donné à boire entraîne ceux qui le boivent dans le mouvement de dessaisissement de soi du Seigneur sur la croix. La conséquence immédiate de leur foi et de leur intégration au Corps du Christ est l’attitude de partage des premiers chrétiens : ils vendent ce qu’ils avaient et en déposent le prix aux pieds des apôtres. On distribuait à chacun ce dont il avait besoin et ils avaient une seule âme et un seul cœur tendus vers Dieu.
L’amour qui se donne se traduit par une mise en commun et un partage des biens, par une communion entre les membres du même Corps. L’adhésion au Christ par une foi aimante a pour conséquence directe l’unanimité et le partage des biens personnels. La vie nouvelle entraîne une conversion qui passe concrètement par les biens matériels. Cette mise en commun traduit une communion dans le Christ : ce qui est commun avant tout, c’est « une seule âme et un seul cœur ». Dans la Bible, cette expression désigne sur un plan personnel l’unité de l’être ; et sur un plan communautaire, une totale unanimité à tous les niveaux.
L’âme et le cœur uniques sont tendus vers Dieu, dit Augustin. In Deum indique le dynamisme de la tension vers la Trinité, vers la source de la communion, car « c’est la Trinité que nous cherchons quand nous cherchons Dieu » (De Trin., XV, 2, 3). En effet lorsqu’Augustin dit : Dieu, il entend les Trois qui sont un. La tension vers la Trinité fait de ceux qui sont rassemblés une communauté chrétienne soudée par une véritable communion. Cette tension est un élément fondamental de la communion ecclésiale et la différencie d’autres formes de communautés. Mais en même temps, ce dynamisme ne peut jaillir qu’au cœur de la communion ecclésiale : de l’âme et du cœur uniques (cf. S., 103, 3 ; Epist., 238, 2).
À la source de l’unité, un mouvement de don
Dans le sermon 71, Augustin indique la source de la communion, l’Esprit Saint :
« Par ce qu’ils ont en commun, le Père et le Fils ont voulu que nous ayons communion et entre nous et avec eux, et ils ont voulu nous rassembler en un [in unum] par ce Don que tous les deux possèdent dans l’unité, ce Don qu’est le Saint-Esprit, Dieu et don de Dieu » (S., 71, 12, 1 ; trad. M-F. Berrouard).
L’Église est la communauté de ceux qui, engendrés par le baptême à la vie nouvelle, « doivent être rassemblés en un (in unum) par l’Unique » (S., 195, 2). Et cette unité, cette communion qu’exprime le rassemblement en un, le Père et le Fils ont voulu qu’elle soit l’œuvre de l’Esprit. La source de la communion ecclésiale est transcendante. La communion des chrétiens est saisie dans la communion des personnes divines. Le principe de leur unité, c’est l’Esprit qui est Don. Entrer en communion avec le Père et le Fils par le don de l’Esprit du Fils, c’est être entraîné dans ce mouvement de don. Il n’y a pas de communion sans sortie de soi, ouverture à l’autre. Être rassemblés en un aura pour conséquence l’âme unique et le cœur unique, la mise en commun des biens et le partage, comme nous le voyons dans les Actes des Apôtres.
Le péché avait brisé l’unité des hommes qui existait en Adam ; Adam avait été dispersé. Il a été rassemblé en un par la communion et la concorde, fruits de l’Esprit (Tract, in Io. Ev., 10, 11 ; BA 71, p. 575).
Le sacrifice des chrétiens : un seul Temple
Dans l’homélie sur le Ps 131, § 3 à 5, Augustin fait un long développement où il éclaire le thème du temple par Ac 4,32-35.
Le Seigneur tout autant que l’Église sont « temple et maison ». L’offrande la plus agréable pour le Seigneur, c’est d’« être son temple », sa possession (§ 3), son habitation, en étant unis par la charité de façon à avoir un seul cœur (cf. Ac 4,32) : car c’est dans le cœur que le Seigneur habite (§ 4), dans un cœur tourné vers les autres.
Cette offrande exprime la dimension sacrificielle de la vie de communion. On peut l’expliciter à l’aide d’un passage de la Cité de Dieu sur le sacrifice parfait. Celui-ci « nous unit à Dieu dans une sainte société [communion] ». Or peut-on adhérer plus totalement à Dieu qu’en étant son lieu d’habitation ? Et le temple composé des cœurs devenus un seul cœur par la charité, c’est le sacrifice du Corps tout entier, c’est « le sacrifice dans sa totalité » (De civ. Dei, X, 6). En effet, tel est le sacrifice des chrétiens : « À plusieurs, n’être qu’un seul Corps dans le Christ » (ibid.), ou un seul temple, pour reprendre l’image de l’homélie sur le Ps 131. Ce sacrifice trouve son achèvement dans l’eucharistie. En effet, « ce sacrifice, l’Église ne cesse de le reproduire dans le sacrement de l’autel bien connu des fidèles, où il lui est montré que dans ce qu’elle offre, elle est elle-même offerte » (ibid ., BA 34, p. 449).
Celui qui fait ainsi une habitation pour le Seigneur est un (unum) avec ceux qui font aussi une habitation pour le Seigneur (§ 5). Soulignons que la dimension personnelle est affirmée aussi fortement que la dimension de communion. L’adhésion de chacun au Seigneur est indispensable pour qu’il y ait communion.
L’eucharistie, sacrement de l’unité
Le sermon 272, prononcé le jour de Pâques pour les néophytes de la nuit pascale, comporte une mention d’Ac 4,32. Il fait apparaître un lien très profond entre l’Église et l’eucharistie, plénitude de l’initiation baptismale. L’eucharistie est placée au cœur de la communion ecclésiale.
Le corps sacramentel du Christ est sacrement d’une réalité plus profonde. Saint Paul nous dit ce qu’est cette réalité : « Vous êtes le Corps du Christ et ses membres » (1 Co 12,27). D’où l’affirmation d’Augustin :
« Si vous êtes le Corps du Christ et ses membres, le symbole de ce que vous êtes se trouve déposé sur la table du Seigneur : vous y recevez votre propre mystère » (S., 272).
Le corps et le sang sacramentels du Christ sont des « sacrements » parce que ce que l’on voit en eux est autre chose que ce qui est compris », le Corps (Tête et membres). Comment la Tête du Christ pourrait-elle être présente sans les membres ?
Dans le sacrement de l’eucharistie, le corps du Christ et son Corps l’Église, sont intimement unis. Saint Augustin en donne la raison profonde dans l’homélie 26 sur l’évangile de Jean (§13-14). Dans l’eucharistie, le Christ communique l’Esprit à son Corps, lui faisant ainsi partager sa vie. Ce don de l’Esprit dans l’eucharistie est un prolongement de la Pentecôte où l’Esprit a été donné par la Tête pour réunir les nouveaux convertis au Corps du Christ (cf. En. in Ps. 132, 7 ; 93, 8). C’est dans l’eucharistie que l’Église puise sa vie, ce qui est sa nature profonde : une connexion.
Communier au corps et au sang du Christ, c’est recevoir le « mystère de notre paix et de notre unité » (S., 272).
Le pain déposé sur l’autel a été fait à partir de nombreux grains réduits en farine, puis imprégnés d’eau pour devenir in unum. De même pour le vin. Les éléments du sacrifice eucharistique sont ainsi un signe frappant de l’unanimité des fidèles de la première communauté de Jérusalem qui avaient une seule âme et un seul cœur (Ac 4,32). Ils sont un symbole de ce que l’intelligence découvre dans le sacrement : Le Corps de Jésus Christ et ses membres (1 Co 12,27). À travers le signe du pain et du vin, le corps et le sang du Christ sont donc le symbole de ce que nous sommes : Un seul pain et un seul Corps (1 Co 10,17).
Comment les fidèles sont-ils devenus un seul pain ? Par les sacrements de l’initiation. En effet, lors de l’initiation baptismale, les catéchumènes sont comme des grains de blé broyés sous la meule. Le baptême imprègne d’eau cette farine et le feu de l’Esprit Saint cuit cette pâte, lors de fonction. C’est le pain dont parle l’Apôtre (S., 227).
Ces sermons nous montrent aussi que la communion réalisée au terme de l’initiation chrétienne est fortifiée, actualisée à chaque eucharistie. L’insistance sur le balancement entre multiple et unique à propos des grains de froment et du pain, et à propos des grains de raisin et du vin, montre que la communion ecclésiale n’est pas une fusion : chacun garde sa personnalité. L’Église est « une en beaucoup », selon le témoignage d’Ac 4,32 (En. in Ps. 103, s. 1,4). Communion et singularité se conjuguent harmonieusement dans la communion eucharistique où la Tête est unie au Corps et où les membres sont unis entre eux.
La communion de la cité céleste
La communion, la concorde, sont l’essence de la vie chrétienne qui trouvera son épanouissement « dans la future cité de ceux qui possèdent une seule âme et un seul cœur tendus vers Dieu » (En. in Ps. 99, 8 ; cf. De bono conj., 18, 2). La Cité céleste, pas plus que l’Église, n’est une juxtaposition de baptisés reliés à Dieu, on n’y connaît pas un bonheur individuel. Elle est une « société où l’on sera occupé à savourer Dieu et à se savourer les uns les autres en Dieu » (De civ. Dei, XIX19, 17). Les citoyens de la cité céleste sont unis par la charité et jouissent d’un même bien commun, Dieu. Cet amour fait de beaucoup un seul cœur (De civ. Dei, XV, 3). Les fruits sont : la concorde, la paix, le partage. La paix goûtée dans le Royaume, qui provient de l’union des fidèles dans la charité, est une participation à la paix de la Trinité (cf. Epist., 238, 16).
Il n’y a pas de vie, pour le chrétien, en dehors du Corps du Christ. La vie chrétienne est vie dans le Corps du Christ et vie du Corps du Christ - nous vivons de son Esprit. La vie éternelle n’est pas d’une autre nature, elle n’est pas un seul à seul avec le Christ dans la vision du Père. Elle est essentiellement communion.
L’unité, visibilité de la communion trinitaire
Dans le Tractatus 39 sur l’évangile de Jean, Augustin explique que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un seul Dieu, un seul Tout-puissant. Pour mieux se faire comprendre de ses auditeurs, il évoque la première communauté de Jérusalem. Si le Saint-Esprit a pu faire une unité de tant de personnes, à combien plus forte raison, lui qui est la source de la charité, n’opère-t-il pas l’unité du Père et du Fils ? À propos des Juifs qui se sont convertis le jour de la Pentecôte, il explique :
« Si la charité de Dieu répandue dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné fait de beaucoup d’âmes une seule âme et de beaucoup de cœurs un seul cœur, combien plus le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont-ils un seul Dieu, une seule Lumière et un seul Principe ! » (Tract. in Io. Ev., 39,5 ; BA 73 A, p. 285-289).
Dans l’unité de l’Église, Augustin voit manifesté le mystère de la Trinité. C’est l’Esprit Saint, source de la charité, de l’unité du Père et du Fils, qui répand la charité dans le cœur des chrétiens et les rassemble en une seule âme et un seul cœur, le partage en découle comme spontanément. Mais de même que l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit n’altère en rien ce que chacun a en propre, l’unité des chrétiens est faite de beaucoup : chacun demeure ce qu’il est, il n’y a pas fusion.
Prière du Christ Total
Je termine par deux passages des homélies sur les Psaumes. Puisque la règle nous dit que les frères nourrissaient leur prière avec des psaumes, comment les lisaient-ils ? La lecture augustinienne des psaumes a un fondement ecclésiologique très marqué : la prière des psaumes est la prière du Christ, du Christ Total, la Tête et le Corps :
« Sa voix qui retentit dans tous les psaumes, [...] nous devons depuis longtemps savoir la reconnaître, elle doit nous être familière : au vrai, c’est la nôtre [...]. Soyons dans le Corps du Christ et ces paroles seront nos propres paroles » (En. in Ps. 42, 1).
Dans le Corps ecclésial, c’est la Pâque du Christ qui se continue : le Christ assume toutes les situations humaines, il y continue l’œuvre de son incarnation, de sa passion (En. in Ps. 54, 17).
Le Christ nous a « transfigurés en lui » : tout ce qu’il a vécu, ses membres l’ont vécu en lui. Lorsque le Christ était tenté, c’est chaque membre de son Corps qui l’était, de même lorsqu’il est mort sur la croix, lorsqu’il est ressuscité. Nous sommes aussi déjà, bien qu’en espérance seulement, là où est notre Tête (En. in Ps. 60, 2-3). De même, lorsque nous prions, c’est le Christ qui prie en nous et nous en lui. Tout ce qui fait la vie du chrétien devient la vie du Christ et vice versa.
Conclusion
Le salut accordé par le Christ, est donné dans son Corps. Par sa croix et le don de son Esprit qui répand la charité dans les cœurs, le Christ réconcilie les hommes avec le Père et entre eux et en fait des membres de son Corps et la demeure de Dieu. Et cette charité qui soude les membres entre eux et avec leur Tête, se déploie dans un partage des biens. Le salut n’est donc pas individuel. Il s’opère dans le Corps du Christ, en solidarité avec les autres croyants. Il est essentiellement communion. Et c’est par les sacrements de l’initiation que le croyant devient membre du Corps et le devient toujours davantage. L’eucharistie est donc le sacrement qui soude l’unité ; elle est ainsi le sacrement de l’unité, de la communion. Le sacrement du corps et du sang du Christ est le sacrement de l’Église et du Royaume. Nous avons là toutes les harmoniques qu’Augustin entend lorsqu’il cite Ac 4,32 : « Une seule âme et un seul cœur tendus vers Dieu. »
La règle : une théologie ecclésiale de la vie monastique
J’ai essayé de dégager, à la lumière des éléments rencontrés dans les divers textes étudiés, comment l’ecclésiologie de communion façonne, dans la règle, un type original de communauté monastique. Cela permet d’élaborer une théologie de la vie monastique augustinienne fortement ecclésiale. Ceci pose une question d’actualité : alors que la tendance romaine va dans le sens de l’uniformisation au niveau de la vie consacrée, n’y a-t-il qu’une manière d’aborder la théologie de la vie religieuse ? Les formes de la vie religieuse qui se réclament de la Règle de saint Augustin, n’ont-elles pas une autre manière de se situer ? La communauté, l’ecclésiologie de communion, sont premières, et non les trois vœux. Elles donnent leur forme à tous les autres éléments. Le plus fondamental, c’est ce qui est commun à tous les chrétiens.
J’ai retenu quatre aspects : la communion, la solidarité, l’égalité et la dimension apostolique.
La communauté augustinienne : une communion
J’ai examiné tour à tour diverses facettes de la communion qui façonne la communauté augustinienne.
Le monachisme augustinien se situe dans la ligne du monastère-Église et non dans celle du monastère-école. La vie au monastère est avant tout centrée sur la communion ecclésiale, c’est-à-dire une unité de vie qui vient de l’Esprit, en dépendance du Christ, dans le Corps du Christ. La communion qui soude les frères est communion au mystère profond de l’Église : c’est de ce mystère que vit la communauté.
Augustin pose cette toile de fond en tête de la règle en citant des versets d’Écriture qui lui permettent de résumer en quelques mots la dimension ecclésiale de la communauté : « La première chose pour laquelle vous avez été rassemblés en un, c’est pour vivre unanimes à la maison et avoir une seule âme et un seul cœur tendus vers Dieu ».
La communauté est une visibilité de l’Église. Dans la règle, la communauté est appelée « sancta societas » (Règle, 1, 5) : la communauté des frères réalise une société sainte, une communion, à l’image de celle de l’Église. Car qu’est-ce que la sainteté pour Augustin, sinon la vie nouvelle donnée par l’Esprit qui, par la charité, fait de tous les chrétiens une communauté d’amour ?
Le Christ a rassemblé tous les hommes pour en faire les membres du Corps dont il est la Tête. L’union est telle que la Tête et le Corps forment « un seul homme », un seul Christ, le Christ Total. Tous les aspects de la vie de la communauté monastique augustinienne sont vécus dans le Corps du Christ, qu’il s’agisse de la pauvreté, de la prière, du rangement des vêtements, du réfectoire, de la chasteté, du service de l’autorité, etc.
Une relation au Christ purement individuelle est absolument impensable pour Augustin. La vie nouvelle est impossible en dehors du Corps du Christ, en dehors de la vie du Corps. Entrer en communion avec le Christ, c’est entrer en communion avec le Père et le Fils et avec des frères. C’est donc être pris dans un mouvement de don, de relations. Les relations entre les frères instaurées par cet idéal d’unité tendent ainsi vers l’unanimité et la concorde. Mais cette communion n’est pas fusion. Nombreux sont ceux qui sont rassemblés en un.
La communion dans le Christ se traduit par la mise en commun des âmes et des cœurs pour faire une seule âme et un seul cœur, c’est-à-dire pour chercher une totale unanimité à tous les niveaux. Je cite un texte d’un commentaire dominicain de la Règle de saint Augustin, du XIIIe siècle, qui a parfaitement exprimé la dimension englobante de l’unanimité :
« Heureuse unanimité qui donne la même âme, qui fait croître unanimement, défendre unanimement la foi, accomplir unanimement les œuvres de la foi, être assidus unanimement à la prière, se consacrer unanimement à la Parole de Dieu, prêcher unanimement la foi, s’adonner unanimement à la contemplation, se consacrer unanimement aux œuvres de miséricorde, travailler unanimement à la doctrine sacrée. Toutes ces unanimités sont des unanimités en Dieu et de Dieu. C’est en s’efforçant d’adhérer à Dieu seul qu’on entre dans une telle unanimité » (Humbert de Romans).
Pour que cette unanimité soit vraiment chrétienne, l’adhésion de chacun au Seigneur est indispensable. Chacun doit chercher à plaire à Dieu seul, à être son temple. La dimension personnelle est la condition d’une authentique unanimité.
Le monastère augustinien diffère d’un rassemblement d’amis. L’union de tous dans le Christ n’est possible que par une réconciliation préalable, fruit du sacrifice du Seigneur. La communauté des frères est une communauté de foi, qui rassemble des hommes réconciliés par le Christ et rassemblés dans son Corps. Sans réconciliation, il ne peut y avoir d’unité. Car le péché d’Adam a brisé l’unité, et le péché reste toujours le germe de division qui menace la communion. Présents dans le cœur de chacun, les ferments de division ont toujours tendance à prendre le pas sur l’unité, à la mettre en danger, à la briser. Cette rupture est d’autant plus grave qu’il n’y a pas de salut en dehors de l’unité.
La règle mentionne un certain nombre des faiblesses qui tendent à rompre la communion : l’orgueil, la vanité, la volupté, l’adultère, la colère. La communauté est bien une communauté d’hommes en voie de réconciliation. Les disputes ont une répercussion particulièrement fâcheuse sur la concorde : s’il s’en produit, il faut donc tâcher d’y mettre fin par le pardon. C’est une nécessité pour progresser dans la réalisation de l’idéal poursuivi.
L’artisan de l’unité de la communauté, le principe intérieur de la communion des frères est le Saint-Esprit, Dieu et Don de Dieu, Charité et source de la charité (Rm 5,5). Il n’est pas une seule fois mentionné dans la règle, mais il est partout présent. Comment vivre de la charité jumelle, comment être rassemblés en un sans son action ? Car c’est l’Esprit qui répand la charité dans les cœurs. Et cette charité du Christ fait de beaucoup un seul ; elle tient unis la Tête et les membres et peut ainsi circuler dans le Corps et en faire réellement le Corps du Christ. Cette charité, Augustin la place avant tout. À elle doit se plier la tenue, le langage, etc. Cette charité ne passe pas, elle demeure pour l’éternité. Elle est donc anticipation du Royaume dans le quotidien de la vie.
L’unité est ainsi un don gratuit de Dieu, qui prend sa source en Dieu, au cœur même de la Trinité où l’Esprit unit le Père et le Fils dans l’amour.
L’eucharistie est au centre de l’ecclésiologie de communion de saint Augustin. Nourris du pain de la concorde qui fait habiter unanimes à la maison, les frères deviennent chaque jour davantage le pain du Christ, et habitent unanimes à la maison. C’est par l’eucharistie que l’Esprit vivifie la communauté, en fait le Corps du Christ. La communauté monastique ne peut être cellule d’Église que si, dans le Corps ecclésial, elle est nourrie par le corps du Christ. Elle devient ainsi un sacrifice offert au Père, elle s’offre dans le sacrifice du Christ, car dans l’eucharistie le Corps du Christ tout entier est offert en sacrifice avec la Tête. Toute la vie des frères devient ainsi sacrifice : la prière, la maîtrise du corps par le jeûne, la chasteté (cf. De civ. Dei, X, 6), etc.
Chaque eucharistie reprend, renforce, la communion des frères sans cesse menacée par les germes de division. L’unanimité est donc constamment approfondie et intensifiée par la participation à l’eucharistie.
L’unité des frères est saisie dans la communion des personnes divines, par le don de l’Esprit Saint, Amour qui unit le Père et le Fils. L’unité de la communauté est ainsi un signe de la Trinité. Et de même que les Trois sont un, sans que chacun perde ce qu’il a en propre, de même dans la communauté, chaque membre a une personnalité propre.
La Trinité est source de la communion entre les frères. Mais cette communion est aussi tension vers la Trinité. Ce mouvement dynamique en est un élément fondamental.
La vie de la communauté, étant vie dans le Corps du Christ trouvera son accomplissement, sa plénitude, dans le Royaume : la vie avec Dieu y sera une vie de parfaite concorde dans la paix où tous jouiront du même Bien commun, Dieu. L’eucharistie tend les frères vers cette vie, et la rend déjà présente sacramentellement. La communauté, comme l’Église, est en quelque sorte, le sacrement du Royaume. Nous trouvons là la dimension eschatologique de la vie religieuse. C’est d’abord la communauté, avant la chasteté, qui en est le signe.
En conclusion, on pourrait dire que la vie monastique augustinienne est par essence une vie de communion. Elle va d’une communion - la communion trinitaire - à une communion - la communion du Royaume, comme l’Église.
Égalité
La règle reconnaît une fondamentale égalité entre les frères : les anciens esclaves qui entrent au monastère deviennent les égaux de ceux qui, dans le siècle, étaient des hommes libres, riches et puissants. Cette égalité n’est pas simplement une affirmation de principe. Elle s’inscrit dans la vie quotidienne. La Règle a trouvé un moyen d’abolir les inégalités provenant des conditions sociales antérieures : au monastère tous travaillent de leurs mains pour gagner le pain commun. Mais l’égalité s’épanouit en fraternité évangélique. L’amour pousse chacun à faire de l’autre son égal, car tous sont frères du Christ, fils du Père et ont l’Église pour mère. Ils témoignent de la fraternité ecclésiale. En effet, dit la règle, les frères « ont été rassemblés », ils ne se sont pas choisis. Le principe d’intégration dans la communauté n’est pas une communauté de goûts, d’affinités, comme dans l’amitié, mais l’appel de l’Esprit, l’appel du Christ.
Augustin a su accueillir les différences qui existent entre les frères. La communion qu’il entend promouvoir dans la communauté n’a rien à voir avec l’uniformité ; elle ne nivelle pas. La règle a su allier la reconnaissance de la valeur des personnes et la communion.
On trouve au monastère, unis dans le Christ par l’Esprit, des anciens riches et des anciens pauvres, des hommes de santé robuste et des hommes plus faibles. Certains sont prêts à vivre d’emblée l’idéal de l’unanimité, d’autres n’en sont pas encore là. Augustin demande que l’on tienne compte des faiblesses et des besoins de chacun, car les différences reconnues sont des signes de l’authenticité de la communion.
Les différences sont nécessaires pour garantir la liberté et ne pas imposer un égalitarisme tyrannique sous couvert d’égalité. Sans le respect des différences, la communion s’étiole.
** Une solidarité
Une communion qui participe à la communion ecclésiale a pour première conséquence le partage. Pour celui qui adhère au Christ par la foi, c’est l’expression, en quelque sorte nécessaire de son entrée dans l’offrande pascale. La liberté par rapport aux biens matériels qu’opère l’accueil du Christ prend ainsi une dimension communautaire ; la mise en commun des biens personnels est un signe de l’intégration au Corps du Christ.
Dans la règle, la pauvreté se situe dans un dynamisme de communion, comme dans les Actes des Apôtres.
Le premier bien partagé est d’ailleurs soi-même : la communion est en effet fondée sur une désappropriation de soi radicale. Chacun appartient à ses frères pour ne plus faire avec eux qu’une seule âme et un seul cœur. La mise en commun va jusque-là.
La solidarité entre les frères se traduit par un intérêt commun. Tous, dans le monastère, doivent avoir le souci du bien commun dont chacun est responsable. Ceci est peut-être spécialement important dans notre monde où l’individualisme gagne du terrain.
L’ouverture à Dieu, source de l’ouverture aux autres, se manifeste par le renoncement à ce qui est privé et à l’amour du bien commun. Nous avons là la vérification des principes posés en tête de la règle et le critère du progrès spirituel. Sortir de soi, se tourner vers les autres, c’est devenir semblable à notre Dieu qui est relations. C’est bien le critère d’une communion vraiment ecclésiale, et c’est déjà une anticipation du Royaume où chacun sera occupé du Bien commun par excellence : Dieu lui-même.
L’entrée dans la communion, qui va de pair avec une tension personnelle et communautaire de tout l’être vers la Trinité, passe par une conversion progressive de l’amour privé à l’amour social.
Dimension apostolique
L’unité et la communion de tous les frères de la communauté, ont une dimension apostolique. Elles sont appelées à se propager pour réaliser le rassemblement de tous dans le Corps du Christ. Elles ont ainsi une dimension de témoignage : elles témoignent du Christ Total en répandant sa bonne odeur : elles sont signe de la communion ecclésiale.
Conclusion : actualité de l’ecclésiologie de la règle au regard de Vita consecrata
Vita consecrata (VC), au n° 13, présente successivement la vie consacrée sous un triple point de vue : la consécration, la communion et la mission. Un chapitre est ensuite consacré à chaque élément. Mais il est difficile de voir le lien établi entre ces chapitres. La consécration religieuse, en effet, est mise en lien uniquement avec la profession des conseils évangéliques. La communion et la mission sont juxtaposées.
• Tout d’abord le chapitre I sur la consécration.
Exprimer la nature de l’Église est attribué ici aux conseils évangéliques. Quelques lignes cependant semblent d’une autre veine à la fin du n° 21. Ce paragraphe présente les conseils évangéliques comme un reflet du mystère trinitaire, mais mentionne en finale, comme un excursus, que la vie fraternelle aussi est une confession du mystère trinitaire :
« La vie fraternelle elle-même, en vertu de laquelle les personnes consacrées s’efforcent de vivre dans le Christ avec un seul cœur et une seule âme (Ac 4, 32), se présente comme une confession trinitaire riche de sens. Elle confesse le Père, qui veut faire de tous les hommes une seule famille ; elle confesse le Fils incarné, qui rassemble les rachetés dans l’unité, indiquant le chemin par son exemple, sa prière, ses paroles et surtout sa mort, source de réconciliation pour les hommes divisés et dispersés ; elle confesse l’Esprit Saint comme principe d’unité dans l’Église où il ne cesse de susciter des familles spirituelles et des communautés fraternelles » (VC 21).
D’une façon globale, dans le chapitre I, les conseils évangéliques sont présentés comme une « configuration » au Christ. Mais cette configuration ressemble plus à une imitation individuelle du Christ qu’à la « transfiguration » augustinienne qui est vie du Christ et vie dans le Christ. La vie dans le Christ n’est mentionnée qu’en passant dans les quelques lignes sur la vie fraternelle. On peut se demander si, dans cette perspective théologique, tout l’être chrétien est pris dans une dimension de communion, à l’intérieur du Corps du Christ.
• Le chapitre II regarde la vie consacrée en général comme signe de communion dans l’Église.
Mais ce texte concerne en fait la vie religieuse, et plus particulièrement la vie religieuse de type augustinien, et non la vie consacrée en général. Même si le terme de vie fraternelle est préféré à celui de vie commune, il est question en réalité de la vie fraternelle en communauté. Comment parler de la mise en commun des biens pour les vierges consacrées ou les instituts séculiers ?
Les titres des numéros 41, 42 et 45 sont sans aucun doute, d’inspiration augustinienne : « À l’image de la Trinité », « Vie fraternelle dans l’amour », « À l’image de la communauté apostolique ». Ils décrivent les fondements mêmes de la vie monastique augustinienne, avec une différence cependant. Ces thèmes sont placés dans le deuxième chapitre et non en tête de l’exposé, comme dans la règle. Il est intéressant de noter que ces traits de la vie commune sont explicitement rattachés à l’ecclésiologie de communion.
Le n° 41 commence par une référence explicite à la première communauté de Jérusalem :
« Après l’ascension, grâce au don de l’Esprit, [le Seigneur Jésus] constitua autour des Apôtres une communauté fraternelle rassemblée dans la louange de Dieu et dans une expérience concrète de communion (cf. Ac 2,42-47 ; 4,32-35) ».
Cependant, d’une façon générale, l’expérience des Douze avant Pâques est présentée, dans Vita consecrata, comme une référence plus fondamentale. Pourtant, il faut reconnaître, avec le P. Tillard, que le Nouveau Testament ne parle jamais d’Église à propos des apôtres, avant la Pentecôte.
Le n° 41 continue en présentant la fraternité comme confession de la Trinité, prolongement de la communion trinitaire, à l’image de l’Église qui est « essentiellement mystère de communion, “peuple uni de l’unité du Père, du Fils et de l’Esprit Saint” ».
Le n° 42 réfléchit sur le vécu concret de la communion ecclésiale : l’amour mutuel à l’exemple du Christ capable de pardonner et l’unanimité qui unit les frères « en un seul cœur et une seule âme » (Ac 4,32), grâce à l’amour que l’Esprit répand dans les cœurs (cf. Rm 5,5). Une conséquence en découle : la mise en commun des biens, tant matériels que spirituels.
La fin du numéro récapitule la dimension théologale de la vie commune :
« Cela se réalise grâce à l’amour mutuel de ceux qui composent la communauté, amour nourri par la Parole et l’eucharistie, purifié par le sacrement de réconciliation, soutenu par la prière pour l’unité, don de l’Esprit à ceux qui se mettent à l’écoute obéissante de l’Évangile. C’est précisément Lui, l’Esprit, qui introduit l’âme dans la communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ (cf. 1 Jn 1,3), communion qui est source de la vie fraternelle. Par l’Esprit, les communautés de vie consacrée sont guidées dans l’accomplissement de leur mission de service de l’Église et de toute l’humanité, selon leur intuition originelle » (VC 42).
Le n° 45 reviendra sur la première communauté de Jérusalem et en déploiera les harmoniques : les fidèles sont assidus « à l’écoute de l’enseignement des apôtres, à la prière commune, à la participation à l’eucharistie, au partage des biens matériels et spirituels (cf. Ac 2,42-47) ».
Cette brève approche de Vita consecrata sous l’angle de l’ecclésiologie de communion permet de percevoir l’actualité de la règle. La règle de saint Augustin pourrait même être un point de départ pour repenser une théologie spécifiquement augustinienne de la vie religieuse.
La communion pourrait bien être le nom du salut, dans une perspective augustinienne, car elle est la santé de l’homme. L’homme en bonne santé, c’est celui qui est entré en relation avec Dieu. « Tu nous a faits orientés vers Toi », dit Augustin. Or notre Dieu est relations, il est communion.
L’homme sauvé, c’est donc celui qui vit de la communion des Trois, grâce à la charité que le Saint-Esprit a répandue dans son cœur. La charité est en quelque sorte comme le sang donné pour sauver un malade. Elle communique à l’homme malade, par une sorte de transfusion, la vie qui est en surabondance en Dieu, en le greffant sur le Corps du Christ. L’homme vit alors de la vie divine qui fait vivre tous les membres du Corps, il est un membre vivant, un membre sauvé. Il n’y a pas santé là où il n’y a pas vie. Et il ne peut y avoir vie - divinisation - pour un membre en dehors de la communion aux autres membres.
Charité, communion, unité, tels sont les signes de la bonne santé de toute communauté chrétienne : communauté paroissiale, communauté religieuse, etc. Retrouver la dimension de santé contenue dans le terme de salut, et présenter cette santé comme une communion est peut-être à remettre en valeur. Car lorsqu’on demande à des jeunes ce qu’ils entendent par salut, bien souvent ils le lient à la notion de péché.
Ceci a des conséquences importantes au niveau de la vie religieuse. Pour Augustin, celle-ci est qualifiée par la qualité de la communion. La vie religieuse a bien pour fondement une dépossession radicale, mais pour que celle-ci soit chrétienne, elle doit être le fruit de la communion et doit conduire à une communion plus profonde dont l’amour très concret du bien commun est le test et le signe.
Née en 1945, entre au monastère des Dominicaines de Lourdes en 1966 après des études en médecine. A été maîtresse des novices et a connu l’Afrique du Cameroun. Se spécialise dans l’étude des Pères et, bien sûr, de saint Augustin et de saint Dominique, à propos desquels elle publie nombre de contributions (livres et articles) et propose des enseignements en France et à l’étranger. On signalera, entre autres publications, Se consacrer à Dieu, une théologie de la vie consacrée, Paris, Téqui, 1998. Ouverture enfin, à l’âge d’internet, d’un site d’accompagnement spirituel : Quelques points de repères. Accompagner les jeunes dans leur recherche existentielle de Dieu et d’eux-mêmes.