Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Un itinéraire africain

Témoignage

Jean Cauvin, m.afr.

N°1998-3 Mai 1998

| P. 148-159 |

À travers les péripéties d’une petite biche, allégorie oblige, l’auteur nous fait parcourir un itinéraire dont les clartés et obscurités successives ne sont pas sans évoquer les étapes d’une expérience spirituelle. Car c’est une Pâque que l’existence missionnaire, dont le charisme propre lui doit d’être comme enfouie en terre, ou, à tout le moins, offerte en un réel échange, où la fécondité de ce qui naît est le secret d’un don réciproque. Quelle meilleure préparation pouvait-on demander à l’auteur avant de lui confier la coordination de la « formation de formateurs » dans le programme Mater Christi, dont il est l’actuel responsable ?

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Il est bon de connaître les initiatives diverses de formation à la vie religieuse qui se développent en bien des endroits de l’Église et plus particulièrement là où la jeunesse des communautés chrétiennes sollicite notre prière, notre attention et...qui sait, notre collaboration.

Nous publions donc volontiers ce témoignage du P. Cauvin, Missionnaire d’Afrique (8 ans en paroisse au Mali, 15 ans professeur à l’Institut Catholique d’Abidjan). Les propos y viennent au gré de la confidence comme si on était, le soir, autour du feu... au fil des cabrioles d’une biche insaisissable.

Actuellement, le P. Cauvin est responsable de formation de formateurs à la vie religieuse pour l’Afrique de l’Ouest à Mater Christi (cf. la note d’information ci-dessous communiquée lors de l’Assemblée Générale des Supérieurs Majeurs de France en 1997). Tâche délicate, car, on le verra, l’inter-congrégationnel présente des difficultés que le savoir faire pédagogique seul ne peut résoudre.

Naître à une spiritualité

La biche qui ne connaît que la forêt de sa mère croit que c’est la meilleure.

Quand je suis entré chez les Pères Blancs (Missionnaires d’Afrique), j’ai choisi et je n’ai pas choisi. Choisi : il était évident pour moi que connaître Jésus, c’était aller partager cette joie. Et plus précisément : j’avais rencontré un missionnaire du grand nord canadien, et il était tout aussi évident pour moi que je n’irais pas dans un pays où le vin de messe gèle dans le calice, où le plus gros du temps se passe avec les chiens qui tirent le traîneau de campements en campements (portrait fait par ce missionnaire oblat !). J’étais donc partant pour l’Afrique. Mais je n’ai pas choisi la congrégation : mon aumônier de lycée connaissant les Pères Blancs, c’est chez les Pères Blancs que je suis entré sans broncher.

Avec le recul, je dois dire que c’était vraiment là que je devais aller et que je n’aurais sans doute pas été aussi heureux dans un autre Institut... Mais c’est justement la question dont je vais débattre dans cet article. Car lors de mes premiers contacts avec les Pères Blancs, au début de la formation, tout me paraissait parfait, je m’y coulais bien : il n’y avait pas de meilleure solution pour moi ; et avec beaucoup de confrères de ma promotion, je pensais : il n’y a pas de meilleure solution tout court, « les Pères Blancs, c’est les meilleurs ! » On vantait la spiritualité (ignacienne), la vie commune, les méthodes d’apostolat (connaissance obligatoire de la langue, quatre ans de catéchuménat bien avant les réformes conciliaires, etc.). Je pense que tout jeune, en chemin de vocation, pense ainsi à un moment ou à un autre : on aime tant son idéal qu’on voudrait que tous le partagent !

Ah, cette biche qui ne connaît que la forêt où elle est née...

Découvrir d’autres spiritualités

Il me semble qu’il y a eu pour moi deux grandes périodes de découverte des autres chemins spirituels. Mes quinze ans à l’ICAO d’Abidjan et mes sept ans actuellement de Mater Christi. D’abord l’ICAO : contact et vie commune avec des prêtres séculiers, des laïcs, des religieux et religieuses. Découverte de méthodes missionnaires très différentes de celles que j’avais connues. Découverte d’une prodigieuse diversité dans la manière de suivre Jésus : vie laïque, vie religieuse apostolique, vie religieuse contemplative, etc. Et dans cette diversité, une conviction se fait jour : ces autres personnes suivent Jésus à leur manière, mais aussi bien que moi, et parfois beaucoup mieux !

Ceci est une évidence sur le plan intellectuel. Je savais cela depuis le début. Mais le découvrir concrètement déstabilise celui qui croit que la vérité est unique, que sa vérité (son cheminement vocationnel) doit s’imposer à tous. Il n’est pas facile d’admettre que l’autre a tout autant raison que moi, alors qu’il suit un autre chemin. Deux exemples :

- À l’ICAO, en 1975, lors de la première friction entre le Mali et la Haute-Volta de l’époque, nous étions suspendus à la radio ; et évidemment, les versions de Bamako et de Ouaga étaient contradictoires et risquaient de nous diviser. Le bon réflexe a été d’en prendre conscience : le Voltaïque qui est à côté de moi, le Malien qui mange à la même table que moi, lui et moi, nous cherchons la paix. Reconnaissons ce qui nous unit, plus que ce qui nous divise. C’est ainsi qu’est né un petit groupe d’amitié (« Malo-Voltaïque » à l’époque, « Mali-Burkina » maintenant) qui se réunissait selon les circonstances, heureuses ou non, pour parler, partager, prier, fêter...

La petite biche apprend qu’elle peut partager son pâturage avec d’autres.

- Ma connaissance de la vie religieuse était sommaire. Un peu à la manière « missionnaire », j’y voyais l’efficacité apostolique : dans cette perspective, les religieuses paraissent des agents apostoliques dont le rendement est meilleur que d’autres... Une connaissance plus approfondie, des contacts personnels, des visites dans les communautés, des confidences lors de joies ou de peines, des questionnements, m’ont amené à cette constatation : dans la vie religieuse, féminine en particulier, il se passe quelque chose de spécifique, il y a une vie, une réalité que je comprends mal. Je me rappelle la réflexion d’une sœur au sortir d’une retraite que j’avais cru avoir bien prêché : « Oui, c’était bien, mais sur la vie commune, tu étais à côté de la plaque. » Et c’est vrai que j’en avais traité les manifestations extérieures, mais pas ce qui en fait le cœur.

C’était un défi à relever, non seulement pour mieux rendre service, mais par insatisfaction psychologique et, je l’espère, par attrait spirituel : il y a ailleurs que dans mon Institut (si parfait soit-il !) des voies qui vont à Dieu sans doute « mieux » que la mienne.

La petite biche apprenait qu’il y a d’autres pâturages. Et elle s’est mise à les fréquenter.

C’est ainsi que j’ai pu suivre une année de formation à l’accompagnement et aux problèmes de vie spirituelle (IFEC) à Paris. Cette formation m’a ouvert, plus tard, la possibilité de « lancer » Mater Christi. Avant de dire comment la diversité et la communion peuvent être vécues à Mater Christi, je voudrais signaler l’un ou l’autre point où je crois avoir changé, ou du moins, je crois avoir à changer.

Je suis missionnaire. Si on m’enlève cette « note théologique », je ne suis plus Père Blanc : c’est l’essentiel du charisme. Et voilà qu’un jour, une religieuse m’affirme aussi : « Si on nous enlève la mission, je ne suis plus dominicaine ». Sur le coup, je n’étais pas d’accord du tout : « Elle ne pouvait pas être missionnaire comme moi ! » Bien sûr, je pensais à distinguer la mission tout court et la mission à l’extérieur. Et c’est vrai. Mais en dessous des deux cheminements, père blanc ou dominicain, n’y a-t-il pas la seule et unique mission du Christ qui vient du Père et rejoint les hommes ?

Toute l’herbe d’une prairie est à la petite biche. Mais elle préférera l’herbe près de la source : elle est plus nourrissante.

Et si elle fréquente l’herbe de la source, elle s’aperçoit qu’elle n’est pas la seule. Il y a d’autres biches comme elle, et beaucoup d’autres animaux qui, chacun à sa manière, viennent s’alimenter à la même source. On peut ne voir que les différences et même les oppositions : ces animaux qui viennent boire sont parfois ennemis ! Mais il faut insister davantage sur l’unité : c’est la source qui fait qu’ils se rassemblent tous là ! Si on applique l’image à cette eau vive qui vient du Père par Jésus, on peut remarquer les différences de spiritualités. Mais il faut souligner qu’elles viennent de la même source, car chaque religieux, chaque Institut entend bien reproduire, selon son charisme (d’où les différences), la manière même de vivre de Jésus, obéissant, chaste et pauvre (d’où l’unité). Et fondamentalement, c’est cette communion qui nous fait vivre.

Dans le cadre de Mater Christi

Ma manière de vivre la suite du Christ comme Père Blanc a été remise en cause par le contact avec d’autres charismes, et, je l’espère, améliorée. Je veux regarder maintenant ce que je vis dans le cadre de ma « mission » actuelle à Mater Christi. Être en contact avec plus de deux-cent cinquante congrégations, avoir participé à la formation de quatre-vingt-deux responsables de noviciat (et bientôt de trente encore), essayer de répondre à la demande de chacun, cela vous place en pleine diversité. Comment y vivre la fidélité au charisme de mon Institut, faire profiter les autres de ce qu’il y a de meilleur, et profiter des leurs, bref, comment vivre une vraie communion au Christ dans la diversité de ses représentants ?

Vivre son charisme

Fidèle au zèle missionnaire de mon Institut ? Travailler à Mater Christi ne me place pas dans un milieu qui n’a pas encore entendu l’annonce de Jésus, mais c’est tout de même une tâche de défrichage : quelque chose à lancer au service des Églises d’Afrique. Être missionnaire entraîne pour moi l’obligation de m’investir dans Mater Christi, mais aussi de me retirer dès que la phase de lancement sera dépassée... En attendant, j’essaye de partager ce que je porte.

La biche a connu ses premiers pâturages grâce à sa mère qui les lui a montrés. À son tour, si elle explore de nouvelles forêts, elle est heureuse de les montrer à ses enfants, qui à leur tour iront plus loin...

Missionnaire veut dire aussi respect de l’autre tel qu’il est, et se mettre à son service. Au moment de commencer, il fallait d’abord écouter : cela a été la grande enquête à travers l’Afrique Occidentale où chaque responsable religieux, chaque évêque, a pu dire ce qu’il attendait de notre action. Et nous en avons tenu compte. Ce scénario a recommencé quand nous avons lancé de nouvelles sessions : pour reconnaître les problèmes des jeunes profès, ceux de leurs responsables, etc. Connaître, le plus possible de l’intérieur, avant d’agir. C’est la condition du respect des personnes, comme pour le missionnaire l’obligation de parler la langue... Et cela se retrouve dans la pédagogie même. Les sessions Mater Christi ont la réputation d’utiliser les saynètes, les jeux de rôle où les personnes expriment ce qu’elles vivent. Et c’est parfois angoissant, au début d’une session ou d’une séance, de ne pas savoir ce qui va être mis sur le tapis ! Mais il faut jouer ce jeu : c’est un aspect exigeant du « tout à tous »...

Ce n’est pas spontané à la petite biche !

Père Blanc, je crois fortement à la vie de la communauté. Mais... il m’est arrivé de passer vingt jours dans ma communauté en sept mois ! Ici encore, il faut aller plus profond que la réalisation visible. À Mater Christi, il est reconnu et voulu par les supérieurs que la vie commune fasse partie de la formation elle-même. J’en suis pleinement d’accord et j’ai pu vivre une vraie vie de communauté. Certes pas avec deux ou trois autres Pères Blancs, mais avec d’autres personnes, elles aussi appelées et attachées à « vivre Jésus Christ ». À travers les modèles si différents d’une congrégation à l’autre, j’essaye de vivre ce que je connais : une vie fraternelle, franche et joyeuse. J’apporte cela aux autres ? Ce sont eux qui me l’apportent ? Je ne me pose pas ce problème. L’essentiel est de le vivre. Quand on veut vivre le « tout à tous », on n’entre pas dans cette comptabilité : deux bonnes mains se frottent l’une l’autre...

La petite biche apprend à manger la bonne herbe avec les autres...

La vie commune peut être envisagée à trois niveaux :

  • un appui humain pour le missionnaire isolé dans un milieu qui n’est pas le sien. C’est sans doute cela qu’envisageait principalement le Cardinal Lavigerie en lançant les Pères Blancs qui ne devaient jamais être moins de trois ensemble...
  • un signe spirituel pour la mission. Le « voyez comme ils s’aiment » est plus que jamais d’actualité : comment inciter les laïcs au partage en communautés de base si nous-mêmes ne vivons pas cela ? C’est sans doute un aspect auquel les Pères Blancs sont très attentifs en ce moment ;
  • une réalité théologale : l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs, c’est ce qui unit, ce qui nous fait vivre. Cette vie est celle de la Trinité même qui du Père passe au Fils et se répand sur les personnes et les communautés qui veulent vivre à l’image de Jésus dans son Esprit.

Même si la manière de vivre la vie commune diffère d’un Institut à l’autre, aucun ne peut se contenter du premier niveau ou du deuxième seulement : la source et la réalité profonde de la vie commune sont au troisième niveau.

Formé à la spiritualité ignacienne, j’en apprécie les qualités ; articulation du sensible et du spirituel, lois du progrès et du discernement, exigence de la relecture, spécialement avec un accompagnement, etc. Tant que l’on fait de l’accompagnement individuel, on peut utiliser cet outil sans problème : il est valable partout et ses intuitions recoupent d’autres méthodes de discernement. Ici encore, la vie spirituelle, la vie de l’Esprit, passe par des voies souvent diverses ; accompagner, c’est savoir discerner les fruits de l’Esprit, toujours les mêmes.

Les variétés d’herbe sont nombreuses, mais La petite biche y trouve la nourriture qui lui convient...

Aider chacun à vivre son charisme

Il n’en est pas de même quand on est chargé d’une formation inter-instituts, inter-spiritualités. Même si je suis convaincu de la valeur de la méthode ignacienne, même si je suis bien en peine d’en exposer une autre, de quel droit imposerais-je aux autres ce que je vis moi-même ?

Une première solution peut s’appliquer ponctuellement. Je me rappelle une session où se trouvaient des jeunes professes d’une congrégation plutôt conventuelle. Ce que nous disions sur le rôle du responsable de communauté les étonnait : elles ne comprenaient pas. Il a suffi de les prendre à part du groupe, de leur faire expliquer où était la difficulté et de les renvoyer à la manière de faire de leur congrégation. Là encore, la différence de conception était tout à fait légitime : il y a plusieurs manières de vivre la suite du Christ et il suffit de le reconnaître.

Mais les choix à long terme engagent plus : à qui confier la formation à l’accompagnement, au discernement ? À un ignacien, « puisque c’est cette école qui a le mieux formalisé la méthode » ? Pendant les trois ou quatre mois du stage, faut-il proposer aux responsables de noviciat en formation d’être eux-mêmes accompagnés ? Quelles méthodes de connaissance de soi et des novices proposer ? Etc. Toutes ces questions peuvent avoir pour moi des réponses « évidentes ». Mais elles ne le sont pas pour tous, et sans doute ont-ils raison ! Nous touchons là le défi que propose cette tâche.

Dans une même suite de Jésus

Je voudrais exprimer ici quelques règles plus générales :

  • Première règle : reconnaître, respecter et promouvoir la diversité. Cela peut vouloir dire, par ex., de ne pas s’entourer uniquement de personnes qui pensent comme soi-même. C’est seulement dans le cadre d’une équipe diverse qu’on peut expérimenter différentes manières de procéder et à la longue, choisir celles qui semblent le mieux adaptées aux besoins des personnes formées et des congrégations. Cela entraîne aussi que, dans les formations que nous donnons, nous n’enseignions pas au sens strict, mais que nous renvoyions les personnes en formation à leur responsabilité en leur donnant l’occasion de relire leur vie, leurs constitutions, leur charisme de fondation, et de voir si elles sont fidèles à l’idéal quelles se proposaient au début de leur vie religieuse... En écrivant cela, suis-je influencé par la seule école ignacienne, qui croit fortement à la liberté et à la relecture de vie ? D’autres écoles pratiquent cela aussi. Soyons honnêtes : l’expérience nous mène à la même évidence. Aucun formateur n’a de solution toute faite et unique, si ce n’est le retour à la question : est-ce que notre manière de vivre est une réelle configuration à Jésus ?
  • Deuxième règle : promouvoir la communion. Chacun, dans une équipe, peut avoir son opinion. Mais la confrontation fraternelle fait jaillir une vérité acceptée par tous. On peut en dire autant des sessionnistes et des stagiaires. Le meilleur de la formation qu’ils reçoivent ne vient sans doute pas de ce que nous leur « donnons », mais des échanges voulus ou informels qui existent entre eux. Il faut voir la joie de ces jeunes profès qui se sont expliqué mutuellement le charisme de leurs congrégations : ils découvrent celui des autres, l’admirent... et sortent renforcés dans le leur ! Ils ont constaté les multiples manières de suivre le même Jésus...
  • Troisième règle : accepter la dépossession de soi. Ce n’est pas toujours facile de faire attention à l’autre, de promouvoir sa liberté. Ce n’est pas facile d’accepter que l’œuvre qu’on nous a confiée soit d’abord l’œuvre de Dieu, et non la nôtre propre. Ce n’est pas agréable de voir que des personnes qu’on a eues en formation ne suivent pas les conseils reçus... etc. Concrètement, cela nécessite d’inscrire le travail fait dans le long terme (qui nous échappe toujours), dans l’obéissance aux responsables (d’où la mise en place de moyens de communion et de concertation), de marcher à la vitesse des personnes, des congrégations, des Églises locales, en union avec l’Église universelle et ses directives (sentire cum Ecclesia), d’accepter la vérification par la réalité (la « confirmation » diraient les ignaciens).

Conclusion

Nous voilà au point d’aboutissement, où s’entrecroisent le témoignage personnel et sa relecture, notre réflexion. Je crois, dans tout cela, vivre vraiment le charisme de missionnaire Père Blanc : respecter la diversité, promouvoir la communion, se déposséder pour que le Royaume avance. N’est-ce pas cela le cœur de toute expérience missionnaire ? Mais je ne suis pas seul sur ce chemin. La vie m’a appris que d’autres aussi poursuivent un idéal semblable. Chacun de nous essaye de vivre Jésus. Concrètement, chacun fait revivre un aspect de Jésus, et tous ensemble, nous rendons le Christ présent à son Église et au monde, tous ensemble nous sommes la mémoire vivante du Christ. C’est un don fait à l’Église ; c’est l’Église qui en est gardienne ; et là, il n’est plus question de juifs ou de grecs, de dominicains ou de jésuites, de Pères Blancs ou d’autres missionnaires : il y a le Christ qui est tout en tous, et chacun est un instrument de ce magnifique concert.

Et ma biche ?

L’ai-je oubliée au bord de sa source ? Oh non ! mais l’image qui lui est attachée (c’est du moins ce que j’ai cru constater) est une image assez individualiste, de liberté et de spontanéité.

Celle d’un concert conviendrait mieux à la fin de notre réflexion :

Si les musiciens et les danseurs s’entendent sur l’air à jouer, la danse sera bonne !

Formation pour la Vie Consacrée en Afrique Occidentale

La formation Mater Christi, voulue par l’URCAO (Union Régionale des Conférences de Supérieurs Majeurs d’Afrique Occidentale [1]), a commencé en 1990. Elle vise l’approfondissement de la vie consacrée à travers une meilleure formation des formateurs. Deux types de formation ont été menés de 1990 à 1997 :

- Formation des responsables de noviciat. Quatre stages en internat ont été réalisés (un tous les deux ans). Le dernier, « RN4 », s’est déroulé en Côte d’ivoire pendant cent seize jours, selon deux axes :

  • la vie commune, la vie d’équipe, l’accompagnement personnel, permettant de « raviver le don reçu » et de donner l’occasion au responsable de noviciat d’approfondir et/ou de se réapproprier son charisme de congrégation et sa démarche spirituelle personnelle ;
  • la réflexion sur la pratique et l’enseignement, permettant à un aîné (le responsable de noviciat) de transmettre ce qu’il vit à un plus jeune.

Trente stagiaires (noviciats en douze pays d’Afrique, vingt et une nationalités de naissance) ont suivi ce dernier stage. Cent treize ont été formés depuis 1990.

- Formation des jeunes profès (professes) et de leurs responsables (responsables des jeunes profès au niveau d’une congrégation, responsables de communauté). Une centaine de sessions ont été réalisées (en moyenne trente par session), toutes selon la même méthode : une semaine centrée sur un thème, où la réflexion sur le vécu, les apports théoriques (anthropologie, théologie), la vie commune et les exercices pratiques permettent aux participants d’améliorer leur manière de vivre leur vie consacrée. Trois thèmes visent les jeunes eux-mêmes et deux les responsables :

JP1 : Vie consacrée, chemin de la communion ; JP2 : Communion et configuration au Christ obéissant, chaste et pauvre ; JP3 : Communion et apostolat ; RC1 : le responsable et le service des personnes ; RC2 : le responsable et le service de la communauté.

L’animation de ces sessions a été réalisée au début par deux animateurs circulant dans chaque pays d’Afrique Occidentale. Mais très vite, des animateurs nationaux ont été formés sur le tas pour redonner ces sessions. Grâce à une pédagogie commune aux cinq sessions (qui est décrite dans des livrets propres), grâce à deux sessions didactiques, ces animateurs nationaux sont maintenant capables d’animer ces sessions eux-mêmes, selon les besoins.

Jusqu’à présent, une structure légère soutenait l’ensemble de cette formation : un « conseil à la formation Mater Christi » [2] pour les orientations pédagogiques, et une équipe d’exécution souvent itinérante constituée de deux religieux prêtres, l’un à plein temps et l’autre à mi-temps, ou une équipe de six personnes (un religieux prêtre, un frère, quatre religieuses) pour les temps des stages RN. L’Assemblée Générale de l’URCAO, en janvier 1997, a fait le point, approuvé ce qui avait été fait : des besoins urgents sont pris en compte, les réponses sont adaptées. Mais cette organisation reste très fragile : un seul responsable permanent sans lieu fixe fait que la tenue du stage de quatre mois pour les responsables de noviciat dépend de plusieurs facteurs : que les six animateurs puissent se libérer d’autres fonctions pendant ce temps et qu’un centre de sessions accepte de bloquer trente-six chambres pendant quatre mois...

Aussi, l’Assemblée Générale a-t-elle décidé de renforcer cette formation par la création d’un Institut de la Vie Consacrée : implantation dans un lieu précis, avec des bâtiments suffisants pour accueillir à terme une quarantaine de personnes, des salles de réunions, une bibliothèque ; mise en place d’une équipe permanente de trois personnes. Au-delà des formations réalisées jusqu’à présent, cela permettra d’étoffer ce qui se fait et de répondre à d’autres demandes (sessions sur l’accompagnement, sessions pour formateurs de différents niveaux, sessions didactiques pour les animateurs nationaux, travail de réflexion sur la vie consacrée en Afrique, etc.).

En vue de préparer ce Centre, le P. Cauvin a été détaché de la formation directe qu’il animait jusqu’à présent pour étudier les moyens à mettre en œuvre. Deux défis principaux sont à relever :

  • trouver du personnel à plein temps et à mi-temps, pouvant entrer dans ce type de pédagogie où le vécu de la vie consacrée est aussi important que l’enseignement théorique ;
  • trouver le financement pour les bâtiments et autant pour une fondation assurant le fonctionnement.

Pendant ce temps de préparation, les formations mises en place continueront, sans problème pour les sessions d’une semaine où les animateurs nationaux sont en place, et dans la mesure des possibilités en personnel pour le stage RN5 prévu en octobre 1998.

Les congrégations d’Afrique Occidentale ont bien participé jusqu’à présent : elles sont environ septante-cinq congrégations masculines et cent nonante féminines ; une quinzaine est de fondation locale, une douzaine de type monastique, une douzaine de type missionnaire ad extra, les autres étant des congrégations internationales (de droit diocésain ou de droit pontifical) venues en Afrique dans l’esprit de Fidei donum. À part une intervenante venue d’Europe pour les stages, ces congrégations ont fourni tout le personnel et ont approvisionné une caisse de solidarité. Mais un Institut fixe dépasse les moyens de ces seules congrégations ou du moins, des entités religieuses représentées en Afrique Occidentale : une « région » de quelques membres n’a souvent pas les moyens de collaborer autant qu’elle voudrait et autant qu’un supérieur provincial ou général (souvent en Europe) ne le pourrait.

Dans une perspective de réflexion sur la solidarité et les échanges possibles entre l’Afrique et l’Europe, le P. Cauvin, responsable de Mater Christi, est prêt à informer les supérieurs(es) majeurs(es) qui se sentent concernés(es) ainsi que toutes autres personnes et les organismes qui peuvent aider cette fondation naissante.

Mater Christi
B. P. 442
BOBO DIOULASSO 01, Burkina Faso

[1La présidence de l’URCAO est tournante. Elle est confiée de janvier 1997 à janvier 2000 au Sénégal. Présidente : Mère Marie-Catherine Kingbo, supérieure générale FSCM et Présidente de l’USMF du Sénégal. Vice-Président : P. Domenico Arena, supérieur provincial OMI et Président de l’USMIMS (Instituts masculins).

[2Président du Conseil à la formation Mater Christi : Frère Sylvain Zoungrana, frère de la Ste Famille de Belley, résidant à Ouagadougou. Le Frère Sylvain est assistant de son supérieur général pour l’Afrique et secrétaire de l’Union Burkinabè des Supérieurs Majeurs.

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