« Même les petits chiens... »
La justice du Royaume à la veille du Jubilé (Mc 7,24-30, Mt 15,21-28)
Michael Czerny, s.j.
N°1996-6 • Novembre 1996
| P. 352-367 |
À l’appel de Tertio millenio adveniente, il nous faut sérieusement réfléchir à quoi cela nous engage. Et qui dit engagement de la charité suppose une réflexion sur les devoirs de justice tels que les signes des temps nous les tracent, parfois de manière dramatique. Une très belle contemplation ignacienne nous est proposée ici. Elle est admirablement actualisée et nous conduit au « colloque » ; il ne faut pas que la Parole de Dieu reste lettre morte dans notre histoire.
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Jubilé ? [1]
À l’approche de l’an 2000, je voudrais rappeler comment Jésus de Nazareth percevait le jubilé. Retournant un jour à la synagogue de sa ville, il se leva pour faire la lecture. Ouvrant le livre du prophète Isaïe, il lut deux versets dans lesquels le Messie, parlant à la première personne, annonce la libération de son peuple :« L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi, car le Seigneur m’a donné l’onction ; il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, panser les cœurs meurtris, annoncer aux captifs la libération et aux prisonniers la délivrance, proclamer une année de grâce de la part du Seigneur » [2].
« L’année de grâce du Seigneur » est le jubilé du Nouveau Testament. Elle s’appuie sur le principe selon lequel le propriétaire véritable de la terre, et par conséquent de toute richesse, est le Seigneur Dieu. Tous les sept ans, la terre devait être en jachère et toute dette entre Hébreux, annulée. Après six ans de servage, tout esclave hébreu devait être affranchi. Tous les cinquante ans, ou à chaque jubilé, chacune des familles devait retrouver la terre et toutes les possessions perdues au cours des décennies précédentes. Ainsi, la législation relative au sabbat - et au jubilé - (Lv 25,8-55) instaura une véritable révolution sociale qui devait se produire à nouveau tous les sept ans et tous les cinquante ans.
Le pape Jean-Paul II, dans sa lettre apostolique Tertio millenio adveniente sur la préparation du Jubilé de l’an 2000, explique pourquoi la foi d’Israël en Dieu exigeait que la justice sociale fût régulièrement restaurée :
Les richesses de la création devaient être considérées comme un bien commun de l’humanité entière. Celui qui possédait ces biens en tant que propriétaire n’en était en réalité qu’un administrateur, c’est-à-dire un ministre tenu à agir au nom de Dieu, l’unique propriétaire au sens plénier du terme, car la volonté de Dieu était que les biens créés servent à tous d’une manière juste. L’année jubilaire devait servir précisément à rétablir aussi cette justice sociale.
Tout comme les relations entre le Seigneur Dieu et son peuple étaient redressées à intervalles réguliers, de même les dettes entre les Juifs, ce que le Notre Père appelle « les offenses », étaient périodiquement annulées, au lieu d’être indéfiniment accumulées. En restaurant les relations des gens les uns avec les autres, le jubilé révèle la nature même de Dieu et souligne son amour spécial pour les nécessiteux et les affligés. Le culte d’Israël envers le Dieu unique et véritable comprenait un ordre social régulièrement ramené à la justice.
À l’époque de Jésus, la plupart des prescriptions importantes de la Loi étaient tombées en désuétude et, comme le confirment les évangiles, les pauvres étaient les victimes, aux points de vue économique, social et religieux. Par contraste, le jubilé chez Isaïe a prévu de façon si efficace et tangible le règne de Dieu que Jésus l’a emprunté pratiquement mot à mot pour exprimer en quoi devait consister sa mission. Ses auditeurs devaient bien connaître Lv 25 et nombre d’entre eux devaient aspirer profondément à « l’année de grâce du Seigneur » [3].
Jean-Paul II explique comment la mission de Jésus et l’appel claironnant du jubilé se combinent parfaitement :
Le prophète [Isaïe] parlait du Messie. « Aujourd’hui, ajouta Jésus, cette Écriture est accomplie pour vous qui l’entendez » (Lc 4,21), faisant comprendre qu’il était lui-même le Messie annoncé et qu’en lui commençait le temps si attendu : le jour du salut était arrivé, la « plénitude du temps ». Tous les Jubilés se rapportent à ce temps et concernent la mission messianique du Christ, venu comme « consacré par l’onction » de l’Esprit Saint, comme « envoyé par le Père ». C’est lui qui annonce la Bonne Nouvelle aux pauvres, qui apporte la liberté à ceux qui en sont privés, qui libère les opprimés, qui rend la vue aux aveugles.
Jésus cite la déclaration utopique d’Isaïe, puis de façon frappante la fait sienne : voilà exactement ce pour quoi Dieu a envoyé le Messie, précisément à ce moment-ci, et l’oint est Jésus lui-même. Au cours des siècles, ses disciples ont donné un témoignage semblable et relevé pareils défis.
Lorsque l’Église invite un chacun à célébrer le jubilé de l’an 2000, la signification en est la même. Par exemple, la première année de la préparation immédiate, 1997, sera « consacrée à la réflexion sur le Christ, Parole de Dieu, fait homme par la puissance de l’Esprit Saint ». Parmi les thèmes christologiques, le premier qui se présente est « la redécouverte du Christ Sauveur et Évangélisateur, en se référant particulièrement au chapitre quatrième de l’Évangile de Luc, où s’entrecroisent le thème du Christ envoyé pour annoncer la Bonne Nouvelle et celui du Jubilé » (TMA 40) [4].
Le présent article observe Jésus dans une rencontre des plus extraordinaires, afin de nous aider à repenser la justice du Royaume dans notre société ; et, ce qui revient au même, à nous préparer pour le jubilé de notre temps.
À l’instar de ceux qui œuvrent de nos jours pour la justice et la paix, Jésus et les disciples étaient enclins à en faire trop et à être tendus. « Les arrivants et les partants étaient si nombreux que les apôtres n’avaient pas même le temps de manger. » Au moins en une occasion, Jésus avait proposé : « Venez vous-mêmes à l’écart, dans un lieu désert, et reposez-vous un peu » (Mc 6,31). Ce congé se transforma en une distribution de nourriture à cinq mille personnes !
Cette fois, ils prirent la décision de se retirer complètement.
Composition de lieu
Partant de là, il s’en alla au pays de Tyr [et de Sidon], Étant entré dans une maison, il ne voulait pas que personne le sût, mais il ne put rester ignoré. Car aussitôt une femme [cananéenne], dont la petite fille était possédée d’un esprit impur, entendit parler de lui et vint se jeter à ses pieds. Cette femme était païenne, syrophénicienne de naissance (Mc 7,24-26).
Composition de lieu, expression tirée des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola, signifie une manière de nous disposer à la prière contemplative. C’est un effort mental et surtout un effort d’imagination pour saisir les détails importants d’une scène biblique avant d’entrer en contemplation. Ici, une « composition de lieu et de personne » adaptée a une visée plus large, celle d’analyser une situation sociale et de saisir les conditions, circonstances et faits importants.
Ignace de Loyola conseille à quiconque désire pénétrer profondément une scène biblique, de s’arrêter d’abord et de considérer avec attention le lieu et les personnes, de voir, de pressentir, de sentir, de saisir. Ignace voudrait que nous composions la scène le plus substantiellement possible.
Les deux évangélistes introduisent leur histoire avec grand soin, fournissant les faits fondamentaux et beaucoup de détails. Profitant de l’abondante information et la complétant dans un esprit de critique biblique, nous prenons le temps de composer le lieu et les personnes du récit évangélique. Nous remarquons les diverses idées qui, prises toutes ensemble, favorisent la compréhension de la situation réelle, afin que, éventuellement, nous puissions faire la même chose à propos de situations retrouvées dans la vie des gens d’aujourd’hui.
– Le lieu, manifestement, n’est pas la Galilée : Jésus s’est mis en route, à quitté ce lieu et a gagné la région côtière de Tyr et de Sidon, sur la frontière de la Galilée, au Nord-Ouest [5]. Au temps de David et de Salomon, Tyr entretenait de bonnes relations avec le royaume uni et était impliquée dans la construction du temple de Salomon. D’autre part, en tant que cités côtières, Tyr et Sidon étaient engagées dans la traite des esclaves et vendaient aux Grecs des Israélites esclaves. Aussi l’endroit peut-il présenter quelques connotations ambiguës.
– Au temps de Jésus, la Galilée comme la région de Tyr et de Sidon faisaient partie de l’Empire romain. La Syrie était gouvernée par un légat impérial, habituellement un ancien consul ou sénateur. La Judée était une province de troisième classe, dirigée par un gouverneur de rang inférieur : un préfet ou un procurateur. L’empire unique facilitait les déplacements d’un endroit à un autre, mais quitter la Galilée pour pénétrer dans la région de Tyr et de Sidon signifiait traverser une frontière. Jésus s’est rendu en un endroit qui est clairement étranger. Ce voyage à travers un territoire nettement étranger (chez les « Gentils ») préfigure la mission de l’Église envers les « Gentils ».
– Les frontières n’empêchent pas le passage des idées et des nouvelles, les gens des environs de Tyr et de Sidon étaient de ceux qui, dans l’évangile de Marc, entendirent parler de « tout ce qu’il faisait [et] beaucoup de monde vint à lui » (3,7-8). Certains d’entre eux, en retournant chez eux, ont-ils parlé à la femme de cet enseignant et guérisseur charismatique ?
En toute hypothèse, Jésus ne rend pas aux Syro-Phéniciens leur visite. Bien plutôt, il semble être entré clandestinement dans ce qui apparaît comme un territoire ennemi, comportement mis en relief par le fait qu’il s’est pratiquement caché là, dans une maison. Même s’il était entré incognito dans la ville, il a dû être remarqué par une mère fortement angoissée qui « immédiatement entendit parler de lui ».
– Les acteurs sont Jésus, les disciples, la femme et, hors contexte, sa petite fille. La femme était Syro-Phénicienne. Cette qualification de « phénicienne » signifie que par naissance et par race elle était non juive, mais étrangère, ethniquement différente des gens du pays de Jésus. Encore que les étrangers soient souvent distingués également par leur langue, le préfixe « syro » signifie que, comme Jésus, la femme parlait araméen.
– Marc qualifie la femme de « grecque », ce qui se traduit par « gentille » et signifie païenne, donc impure. La région de Tyr et Sidon était peuplée de Gentils et la femme ne faisait pas partie de la minorité juive de l’endroit. Tant l’endroit que la personne étaient méprisés et considérés comme à éviter.
Matthieu emploie le terme de « Cananéenne », nom archaïque des Phéniciens dans la Bible, comme pour souligner le fait que la femme était non seulement étrangère, païenne et impure, mais aussi du côté ennemi dans les guerres saintes d’Israël avec les premiers habitants du pays. Ce qui ajoute en arrière-plan une autre note d’hostilité.
– La protagoniste de la scène avec Jésus est une femme, ce qui accroît les attentes de tous les personnages impliqués, y compris les premiers auditeurs chrétiens, et cela ajoute au drame un élément important. Le mari de la femme aurait dû, normalement, être le premier à se présenter et à exprimer la requête, comme fit Jaïre pour sa petite fille (Mc 5,22 ; Lc 8,41). Comme cela ne s’est pas produit, la femme avait probablement été abandonnée ou était veuve. Elle devait être alors à la fois en marge de la société et économiquement pauvre. Vu la situation souvent inférieure des femmes, tout enfant de sexe féminin était encore plus sujet à des formes de discrimination.
– Contrairement à la veuve de Naïm, qui avait perdu un fils unique et donc son seul moyen de subsistance (Lc 7,11-15), la femme ne demandait que la santé et la vie de sa fille. Si elle était veuve ou seule sans garçon, toutes les deux s’en trouvaient d’autant plus pauvres.
– La fillette a un esprit impur ou est tourmentée par un démon. Être affecté de certaines maladies comme la lèpre ou la déficience mentale, être handicapé ou vivre avec le sida, c’est subir non seulement la condition douloureuse elle-même, mais aussi le rejet social, et cela est tout aussi vrai de ceux qui ont quelque lien avec une personne de cette catégorie.
Donc, les huit caractéristiques mentionnées servent à faire la composition du lieu et des personnes. Noter chaque détail avec soin engage notre perception, nos sentiments, notre attitude, nos valeurs. Si nous revenons sur la liste, nous découvrirons qu’un grand nombre de points tombent sous l’idée de culture :
« Culture » veut dire la manière dont un groupe vit, pense, sent, s’organise lui-même, célèbre et partage la vie. Dans chaque culture, il y a des systèmes de valeurs sous-jacents, des significations et des visions du monde qui s’expriment visiblement dans le langage, les gestes, les symboles, les rites et les styles.
En essayant de comprendre les gens dans la société, les chrétiens des dernières décennies ont fait porter leur attention sur l’exploitation économique ou l’oppression politique. D’autres facteurs ont semblé présenter moins de pertinence par rapport au fait que les gens appartenaient à une classe exploitée ou à un peuple opprimé.
En fait, « le personnel », « le culturel » et « le structurel » sont reliés entre eux dans un agencement subtil et complexe. Pour composer et saisir tout cela, notre analyse a besoin de repenser le socio-économique et le socio-politique et d’intégrer les dimensions ethniques, historiques, culturelles, le niveau communautaire et autres facteurs, selon un mode multiforme.
La Syro-Phénicienne et sa fille se révèlent remarquablement « différentes » du Jésus familier et de ses disciples, des auteurs comme des lecteurs de l’Évangile, ou encore de nous-mêmes.
Des termes comme « exclu », « marginal » ou « marginalisé » résumeraient aujourd’hui les circonstances et la situation dans lesquelles se trouvaient les Syro-Phéniciennes et les gens de leur catégorie. Le Saint Père a réfléchi sur ce phénomène de l’intolérance et a déploré ses conséquences mauvaises, dans son allocution à l’occasion du 50e anniversaire des Nations-Unies :
La réalité de « la différence » et la particularité de l’« autre » peuvent parfois être ressenties comme un poids, ou même comme une menace. Amplifiée par des ressentiments d’origine historique et exacerbée par les manipulations de personnages sans scrupules, la crainte de la « différence » peut conduire à nier l’humanité même de l’« autre » ; le résultat est alors que les personnes entrent dans une spirale de violence qui n’épargne personne, pas même les enfants.... Par d’amères expériences, nous savons donc que la peur de la « différence », surtout quand elle s’exprime dans un nationalisme étroit et exclusif qui nie tout droit à l’« autre », peut conduire véritablement à l’horreur de la violence et de la terreur.
Des nuances de crainte et de menace semblent affecter les différences ou les altérités du récit évangélique. Toutes les huit catégories constituaient de réels obstacles qui séparaient de Jésus la femme syro-phénicienne. Pourtant, son besoin urgent, sa foi, son espérance contre toute espérance la poussèrent à agir. Dans un geste émouvant de supplication au nom de sa fille possédée, elle tombe aux pieds de Jésus (cf. Mc 3, 11 ; 5,22-23). Ceci pose un réel problème, pour lequel Matthieu fournit un choix de solutions.
Options
Or, voici qu’une Cananéenne, étant sortie de ce territoire, se mit à lui crier : « Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David : ma fille est fort malmenée par un démon. » Mais il ne lui répondit pas un mot. Ses disciples, s’approchant, le sollicitaient : « Fais-lui grâce, car elle nous poursuit de ses cris. » À quoi il répondit : « Je n’ai été envoyé que pour les brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15,22).
La femme, « Cananéenne » pour souligner l’inimitié religieuse historique, utilise des titres messianiques, christologiques, qui confessent Jésus comme « Seigneur » et « fils de David ». Mais la foi de cette femme ressemble plutôt à celle du centurion [6]. En tant que Gentils, les deux ne croient pas au Dieu unique ni n’attendent le Messie, mais ils espèrent que cet homme Jésus pourra leur accorder la guérison de leur serviteur ou de leur enfant et, en ce sens, le salut.
La femme crie. Jésus ne répond pas. Les cris énervent les disciples : l’agitation peut attirer l’attention et les vacances soigneusement planifiées et bien nécessaires vont sûrement tomber à l’eau. « Renvoie-la », supplient-ils. Ce conseil urgent semble ouvrir la voie au refus que Jésus est sur le point d’exprimer et paraît sans pitié. Mais « renvoie-la » signifie probablement « accorde-lui ce qu’elle demande et elle s’en ira ». La formule ressemble à une solution compatissante et directe.
Avec toute leur efficacité et tout leur pragmatisme, les disciples évitent la plus grande difficulté : celle d’écouter, de questionner et d’être questionné, de penser, de souffrir et peut-être de changer. Leurs tendances naturelles à être efficaces, à satisfaire les besoins, à assurer les résultats et à garder les distances illustrent bien certaines tentations chroniques du ministère de la justice. Comme il arrive souvent, quand nous entendons l’Évangile, beaucoup d’entre nous se reconnaissent parfaitement dans la réaction des disciples. Nous redoutons toute rencontre plus poussée.
Jésus refuse l’évidente solution de facilité : bien plutôt, il semble se rabattre sur une phrase dure à entendre : « Je n’ai été envoyé que pour les brebis perdues de la maison d’Israël. »
« Les brebis perdues de la maison d’Israël », les ‘am ha’ares, ce sont littéralement « les gens de la terre » (Ez 34,2-6, etc.). Avant l’exil à Babylone, l’expression signifiait les propriétaires terriens fidèles à l’Alliance et à la dynastie de David et opposés aux influences corruptrices venues de l’extérieur. Mais pendant l’exil à Babylone, ces gens étaient ceux qui étaient restés et occupaient la terre de ceux qui étaient partis. Aussi s’opposaient-ils au retour. « Les gens de la terre » finit par désigner les gens de l’endroit qui, demeurés sur place, ne pratiquaient pas le judaïsme des anciens exilés, ni ne reconnaissaient le rôle central de Jérusalem. Ceux qui étaient revenus ne reconnaissaient pas ces « habitants de la région » comme des Israélites authentiques et les assimilaient aux Cananéens originels, dans une sorte de seconde conquête. Les mariages avec eux étaient prohibés.
Telle que Jésus la cite ici, l’expression « les brebis perdues de la maison d’Israël » comprend tous ceux qui, en raison de leur statut inférieur ou de leur emploi peu honorable, ou encore de leur manque d’éducation, trouvaient difficile ou impossible de remplir les exigences de la Loi. Les autorités religieuses les regardaient de haut et les rejetaient. Ces gens comprenaient les pécheurs publics, les prostituées et les publicains et ils ressemblent fort aux « affligés et contrits, aux captifs et prisonniers, aux pauvres et aux aveugles » du jubilé dans Isaïe et dans Luc. Compte tenu de tout cela, les Cananéennes, mère et fille, ne devraient-elles pas faire partie des « brebis perdues » ?
Pour l’Église de la fin du XXe siècle, « les brebis perdues » sont devenues l’objet de son engagement, de sa préférence, de son option les plus importants. Le pape insiste là-dessus avec vigueur, comme sur quelque chose de central dans la célébration du Jubilé de l’an 2000 :
Nous rappelant que Jésus est venu « annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Mt 11,5 ; Lc 7,22), comment ne pas souligner plus nettement l’option préférentielle de l’Église pour les pauvres et les exclus ? On doit même dire que l’engagement pour la justice et pour la paix en un monde comme le nôtre, marqué par tant de conflits et par d’intolérables inégalités sociales et économiques, est un aspect caractéristique de la préparation et de la célébration du Jubilé. Ainsi, dans l’esprit du Livre du Lévitique (25, 8-12), les chrétiens devront se faire la voix de tous les pauvres du monde, proposant que le Jubilé soit un moment favorable pour penser, entre autres, à une réduction importante, sinon à un effacement total, de la dette internationale qui pèse sur le destin de nombreuses nations. Le Jubilé pourra aussi donner l’occasion de méditer sur d’autres défis de l’époque comme, par exemple, les difficultés du dialogue entre cultures différentes et les problèmes liés au respect des droits de la femme et à la promotion de la famille et du mariage (TMA 51).
Le Saint-Père développe le thème de l’option préférentielle, lorsqu’il commente la mission de Jésus, Lc 4,16-19, déclarée complément et accomplissement du jubilé :
L’Église, qui fait sienne la mission du Seigneur, annonce l’Évangile à tout homme et à toute femme, car elle s’engage en vue de leur salut intégral. Mais, avec une attention spéciale, une véritable « option préférentielle », elle se tourne vers ceux qui se trouvent dans une situation de plus grande faiblesse, et donc de plus grand besoin. Les « pauvres », dans les multiples dimensions de la pauvreté, ce sont les opprimés, les marginaux, les personnes âgées, les malades, les petits, toux ceux qui sont considérés et traités comme les « derniers » dans la société.
Mais, dans sa réponse aux Syro-Phéniciens, Jésus affirme la préférence en un sens restrictif : « seulement les brebis perdues de la maison d’Israël ». Il formule la règle, comme si elle était un élément de la Loi. Son point de départ est le consensus judéo-chrétien, le sens commun de ceux pour qui Matthieu a écrit son évangile. Selon ces derniers, la mission de Jésus consistait à ramener Israël à Dieu dans une nouvelle alliance [7]. Israël voulait dire Israël. Cette idée, qui rejoignait une grande partie de la pratique concrète du Jésus historique, constituait un privilège historique que les judéo-chrétiens défendaient tout naturellement.
Mais l’histoire de la Syro-Phénicienne fait voir que pratiquer une discrimination en faveur de la maison d’Israël, ou des brebis perdues qu’elle comprenait, reviendrait à empêcher la femme de dialoguer avec Jésus, la fille, d’être guérie et les Gentils, d’accéder à la foi. C’est cet effet secondaire d’exclusion que la femme conteste. Elle s’élève contre le consensus, non en argumentant contre l’élection d’Israël, mais en faisant la preuve que la Loi, poussée à son ultime application légale, engendre l’injustice plus grande de l’exclusion.
La justice humaine implique la règle de la loi, du sens commun, de l’honnêteté, de l’équilibre fondamental. Tous ces éléments sont nécessairement imparfaits et peuvent avoir des effets secondaires négatifs. La justice du Royaume est quelque chose de plus, elle se situe au-delà de la justice humaine de l’ordre social, mais jamais moins que cela ! La justice du Royaume détient une espérance pour ceux qui n’en ont pas [8].
Jésus mentionne « les brebis perdues de la maison d’Israël » et manifeste le consensus de la communauté. Matthieu recourt à cela comme point de départ pédagogique. Ce qui a débuté comme une contrariété propre à gâcher les vacances s’est transformé en une sérieuse confrontation. Jésus rend la chose encore pire, notablement pire.
Les chiens
[Elle vint se jeter à ses pieds et] lui demanda d’expulser le démon hors de sa fille [disant : « Seigneur, aide-moi »]. Il lui répondit : « Laisse d’abord les enfants se rassasier, car il ne sied pas de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens »(Mc 7,26-27).
« Laisse d’abord les enfants se rassasier » semble apporter une touche humaine, mais ces mots ne font que renforcer le choc à venir. Les enfants sont clairement les enfants d’Israël. L’expression souligne le fait que cette femme est exclue, tandis que les enfants qui mangent à la table avec joie contrastent avec sa fille, étendue sur un lit et tourmentée par un démon.
Jésus appelle la mère et la fille « des chiens ».
Dans la tradition juive, les chiens sont des animaux impurs. Le terme est une expression traditionnelle de mépris et de dénigrement et l’Ancien Testament l’utilise pour désigner les Gentils, les impurs, les étrangers et les ennemis. « Des chiens nombreux me cernent, une bande de vauriens m’assaille. Délivre... mon âme de la patte du chien » (Ps 22,17 ; 21).
Dans le Nouveau Testament, Pierre applique un dicton relatif aux chiens aux faux maîtres qui égarent les gens (2 P 2,20-22). Paul avertit les Philippiens (3,2) de se garder des Judaïsants qui voudraient imposer la circoncision ; il les appelle « des chiens ». Matthieu, précédemment, recommande « de ne pas donner aux chiens ce qui est saint » (7, 6), parce que ce qui a de la valeur sera déprécié et gaspillé, mais les animaux eux-mêmes « se retourneront contre vous pour vous déchirer ».
Jésus reprend la règle. Seuls les Juifs bénéficieront de son pouvoir de guérison. Il insulte et rejette tous les autres comme des chiens. Ce qui manifestement disqualifie la femme. L’expression « chiens » est dure, grossière, agressive, elle offense et heurte tout le monde.
Aujourd’hui les gens n’utilisent peut-être pas ouvertement un langage relatif au chien, mais rejeter et exclure « les autres » effectivement, c’est agir de même, tout en ne s’abaissant pas à utiliser un langage offensant. Aux Nations-Unies, le Saint Père a expliqué que les nations utilisent l’altérité comme une excuse pour traiter les autres de façon plus odieuse que les chiens.
Cinquante ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, il importe de rappeler que ce conflit a eu lieu à cause de violations des droits des nations. Beaucoup d’entre elles ont terriblement souffert pour la seule raison qu’elles étaient considérées comme « différentes ». Des crimes terribles furent commis au nom de doctrines néfastes qui prêchaient L’infériorité » de certaines nations ou de certaines cultures (UN 5).
La composition du lieu et des personnes nous a fait découvrir différentes notes : race, couleur, origine ethnique ; nation, État ou histoire ; langue ou religion ; sexe et sexualité ; religion et tabou. Ces traits nous rendent capables d’entrer en scène et de nous identifier avec les personnes. Mais les mêmes notes d’altérité deviennent facilement des catégories d’exclusion, des « -ismes » comme chauvinisme, racisme, ostracisme des vieux ou sexisme et tant d’autres manières dont les gens peuvent traiter les autres comme des chiens.
Dans le langage de l’analyse des structures, les gens étaient compris comme des sujets à exploiter et à opprimer, encore que ceci ne déniât pas totalement leur dignité. Le fait d’être exploité inclut l’idée d’avoir quelque chose à exploiter ; celui d’être opprimé inclut la notion de quelque menace brandie contre l’ordre établi ; mais le fait d’être exclu signifie qu’on n’a aucune valeur, aucune signification et aucune espèce d’avenir. L’expérience personnelle de l’exclusion et la dynamique ou les modèles d’exclusion dans la société s’éclairent mutuellement. Rencontrer ceux qui sont considérés comme des chiens et comprendre leur exclusion n’est pas un choix facile.
Jésus insulte impunément la femme. Il met certainement à l’épreuve sa détermination. Elle n’abandonne pas.
Les petits chiens
Mais elle de répliquer et de lui dire : « De grâce, Seigneur ! Même les petits chiens sous la table mangent les miettes des enfants [qui tombent de la table de leurs maîtres] » (Mc 7,28).
Les petits chiens présentent les mêmes qualités attachantes que les petits enfants : ils sont gentils, inoffensifs, enjoués, vulnérables et dépendants. Le diminutif paraît réduire l’opposition hostile entre « nos » enfants et « ces » animaux. Aussi la femme tourne-t-elle les chiens de Jésus à son avantage. Elle ajoute une image vétérotestamentaire de défaite et d’humiliation : celle de « ramasser les miettes sous la table du vainqueur (par ex. Jg 1,7). Sans rancune, elle ferme les yeux sur l’insulte outrageante ; avec courage, humilité et intelligence elle raisonne comme un rabbin ou un pharisien. Déplaçant le point de vue de l’extérieur vers l’intérieur, elle fait voir simplement comment il peut y avoir place pour sa fille dans le pouvoir guérisseur de Jésus, c’est-à-dire, dans le plan messianique de Dieu. Elle fait une place au « non-nous » dans le « nous ».
Avant 1989, la justice qu’un grand nombre de chrétiens tentaient de réaliser dans la société paraissait fondée sur un idéal libéral d’égalité sociale. À première vue, la justice du Jubilé ressemble à une politique sociale progressiste :
L’année jubilaire devait rétablir l’égalité entre tous les fils d’Israël, ouvrant de nouvelles possibilités aux familles qui avaient perdu leurs biens et même la liberté personnelle. Quant aux riches, l’année jubilaire leur rappelait au contraire que le temps viendrait où les esclaves israélites, redevenus égaux, pourraient revendiquer leurs propres droits (TMA 13).
En fait, le jubilé est plutôt à l’image des « petits chiens ». « On devait, au moment prévu par la Loi, proclamer une année jubilaire, et venir en aide à tous ceux qui étaient dans le besoin. Cela exigeait un gouvernement juste. La justice, selon la Loi d’Israël, consistait surtout à protéger les faibles » (TMA 13).
« Les petits chiens » sont plus faibles, et pourtant, ils jouissent d’une plus grande préférence, par exemple, dans la famille, comme le décrit le pape aux Nations-Unies :
Le concept de « famille » évoque immédiatement quelque chose qui va au delà des seuls rapports fonctionnels et de la seule convergence d’intérêts Par sa nature, la famille est une communauté fondée sur la confiance réciproque, sur le soutien mutuel, sur le respect sincère. Dans une famille authentique, il n’y a pas de domination des forts ; au contraire, les membres les plus faibles sont, précisément en raison de leur faiblesse, doublement accueillis et servis (UN 14).
La justice humaine se débat pour le traitement le plus égal avec un minimum d’effets secondaires négatifs. La politique sociale libérale, en se développant d’une manière éclairée, luttait pour une équité toujours plus grande. Mais c’était toujours une question d’équilibre et de compromis. La justice du Royaume ne repose pas sur le calcul, mais sur la foi. Tout être humain, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, détient une dignité qui dépasse de beaucoup l’égalité : « Je t’aime, tu es précieux, tu es mien » (Is 43,4 ; voir Ap 21,7).
L’expression « même les petits chiens » renverse toute idéologie d’intérêts spéciaux en préparant une place pour quelqu’un qui se trouve « en dehors » ou « autre ». Celui qui n’a pas d’espérance révèle l’attitude de défense du groupe qui est dedans, de protection des privilèges, du consensus satisfait de lui-même. « L’autre », comme la Syro-Phénicienne, met en doute des causes pour lesquelles nous travaillons dur. Ce doute ne dilue ni ne réduit la justice pour laquelle nous luttons : il nous appelle au-delà de nos défenses et de nos exclusions.
« Les brebis perdues de la maison d’Israël » représentaient et représentent encore une cause légitime, mais cela ne peut être promu, poussé jusqu’à son objectif logique, au prix d’exclure les autres comme des chiens, puisque semblable exclusion ne peut avoir été le sens de la pratique de Jésus [9]. La justice du Royaume est une bonne nouvelle pour tout le monde ; elle représente une espérance pour ceux qui n’en ont pas [10].
Mais il y a plus dans la réponse magnifique de la femme : « De grâce, Seigneur ! Même les petits chiens sous la table mangent es miettes des enfants [qui tombent de la table de leurs maîtres]. » Les miettes qui tombent de la table pour être saisies sur le plancher... font penser aux miettes qui tombent de la table du système de marché global. Selon la théorie du « suintement » en vogue aujourd’hui, les miettes sont censées avantager ceux qui ne sont pas assis à la table. Comment se débrouillent « les petits chiens » dans la famille du capitalisme mondial ? Ou, malgré la théorie, sont-ils vraiment perçus comme des chiens qui ne doivent jamais s’approcher de la maison, encore moins se rendre jusqu’à la table ?
En raison d’une brillante pédagogie, Marc et Matthieu attribuent à Jésus lui-même le consensus, équivalent d’une loi, de la communauté judéo-chrétienne. La Syro-Phénicienne l’a habilement renversé, et Jésus ratifie ce renversement en guérissant la fille.
Jubilé !
Alors, il lui dit : « Femme, grande est ta foi ! À cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille. » Elle retourna chez elle et trouva l’enfant étendue sur son lit et le démon parti (Mc 7,29-30).
Jésus est profondément ému. « Comme ta foi est grande ! » est une chose qu’il n’a jamais dite à ses disciples, « hommes de peu de foi » (Mt 14,31 ; 16,8), ni aux gens de « son propre pays » (13,58), encore moins aux chefs qui s’opposaient à lui et le rejetaient [11]. Jésus loue généreusement la femme pour une foi issue non de la tribu ni de la tradition, mais de l’angoisse et de la persévérance maternelles. Il est aussi généreux dans la guérison et la femme trouve « l’enfant étendue sur son lit et le démon parti » ». La guérison est complète.
La foi devient la seule voie pour approcher Jésus et entrer dans la communauté du salut. « Par la foi en Jésus Christ, à l’adresse de tous ceux qui croient, car il n’y a pas de distinction » (Rm 3,22) de race, de religion, de sexe, de caste, ni de statut [12]. Aucun des « -ismes » ne compte, ni pour entrer, ni pour être tenu dehors.
Le Jubilé qui approche signifie qu’il nous faut remarquer qui sont les Syro-Phéniciens de notre société d’aujourd’hui et non pas les « chasser » ni les traiter comme des « chiens ». « Au seuil du nouveau millénaire, les chrétiens doivent se mettre humblement en présence du Seigneur pour s’interroger sur les responsabilités qu’ils ont, eux aussi, dans les maux de notre temps » (TMA 36).
Peut-être l’analyse centrée sur les injustices dans les structures « qui sont à l’extérieur » a-t-elle parfois échoué dans la découverte de la responsabilité véritable « à l’intérieur » par rapport aux maux de notre temps. Le Saint-Père poursuit en demandant ceci :
Quant au témoignage de l’Église à notre époque, comment ne pas ressentir de la souffrance devant le manque de discernement, qui devient parfois un véritable consentement, de nombreux chrétiens devant la violation des droits humains fondamentaux de la part de régimes totalitaires ? Et ne faut-il pas déplorer, parmi les ombres du présent, la coresponsabilité de tant de chrétiens dans des formes graves d’injustice et de marginalisation sociale ? On peut se demander combien d’entre eux connaissent à fond et pratiquent d’une manière cohérente les directives de la doctrine sociale de l’Église (TMA 36) [13].
La mère et la fille ont mis en question le consensus judéo-chrétien. Aujourd’hui, elles affrontent d’autres défis présentés à l’Église, par exemple, le dialogue interreligieux :
La vue selon laquelle les chrétiens peuvent se mettre en relation avec des non-chrétiens moyennant dialogue présuppose un respect authentique de la part des chrétiens pour les non-chrétiens et leurs croyances. L’approche dialogale avec les non-chrétiens concorde bien avec le ton entier du concile [Vatican II] : il marque un tournant plutôt significatif dans l’histoire de la relation de l’Église à ceux qui sont hors de ses frontières. Elle promet la fin de tout dénigrement unilatéral et impatient.
N’est-ce pas là exactement ce qui s’est produit, lorsque Jésus s’en alla vers la région de Tyr et de Sidon ?
Le Jubilé n’est ni fondamentalisme, ni hystérie... ni simplement la soirée du Jour de l’An du siècle. « Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche ; repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (Mc 1,15).
Nous avons commencé avec Luc, que Marc et Matthieu nous ont fait connaître à fond. Peut-être certains se rappelleront-ils un autre passage de Luc, identifié par le pape Jean-Paul II comme la parabole de notre temps [14] :
Et un pauvre, du nom de Lazare, gisait près du portail [du riche], tout couvert d’ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche.... Bien plus, les chiens eux-mêmes venaient lécher ses ulcères (Lc 16,20-21).
Comme avec un regard nouveau, nous voyons le pauvre homme, les ulcères, les miettes qui tombent de la table, les chiens... la Syro-Phénicienne nous a enseigné quelque chose au sujet de la justice du Royaume, à la veille du Jubilé.
C.P. 6139
00195 ROME, Italie
[1] Ce texte est la traduction, légèrement remaniée, de celui qui a été présenté comme XIIIe Chancellor’s Lecture à Regis College, Toronto, le 16 novembre 1995. L’auteur est secrétaire pour la justice sociale à la Curie généralice des jésuites à Rome.
[2] Lc 4,16-30 cite Is 61,1-2a, en laissant tomber « un jour de vengeance pour notre Dieu » (2b). Jésus offre non de bonnes nouvelles pour les uns et de mauvaises nouvelles pour les autres, mais seulement de bonnes nouvelles pour tous les pauvres de partout.
[3] André Trocmé, Jesus and the Non violent Revolution [Jésus et la révolution non violente], 1973, surtout les pages 19-76 pour un traitement très intéressant de Jésus et le jubilé.
[4] Le thème du jubilé est « du Christ et par le Christ, dans l’Esprit Saint, vers le Père » (TMA 55). En 1997, l’accent sera mis sur Jésus Christ ; en 1998, sur l’Esprit Saint, en 1999, sur Dieu le Père, et en 2000 sur la Sainte Trinité.
[5] Tyr est la ville moderne de Sur, sur la côte libanaise, et à 40 km au Nord-Est se trouve la moderne Saida, autrefois Sidon. Tyr a été la ville phénicienne la plus importante durant la plus grande partie de l’âge de fer ; elle était célèbre pour son commerce et ses richesses. Sidon était également une ancienne métropole phénicienne. Ni l’une ni l’autre ne s’est jamais trouvée sous contrôle israélien ; celle-là fut détruite par Alexandre le Grand en 332 et celle-ci, par Artaxerxès III Ochus, en 343.
[6] Mt 8,5-13 ; Lc 7,1-10 ; Jn 4,46-54.
[7] Mais voir « toutes les nations » dans Mt 28,19, à quoi la présente histoire prépare de façon manifeste.
[8] Christian Duquoc, O. P., Messianisme de Jésus et discrétion de Dieu : Essai sur la limite de la Christologie, Genève, Labor et Fides, 1984, 102-103. Désormais, (Duquoc) et le numéro de la page.
[9] Duquoc, 107-8.
[10] Duquoc, 102-3.
[11] Mt 14,1-12 ; 15,1-10 ; 16,1-4.
[12] Voir Ga 3,25ss ; Ep 2,11 ss.
[13] Autres thèmes suggérés pour l’examen : l’indifférence religieuse, la perte du sens de la transcendance de l’existence humaine, l’atmosphère de sécularisme et de relativisme éthique ; l’indifférence qui affecte non seulement la vie morale, mais aussi la prière et même la rectitude théologale de la foi... la crise de l’obéissance à l’égard du magistère de l’Église ; la réception du concile Vatican II (TMA 36).
[14] Voir Redemptor Hominis, n. 16.