Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Sur l’état général de la vie religieuse

Noëlle Hausman, s.c.m.

N°1994-2 Mars 1994

| P. 102-104 |

Notes en marge du Congrès mondial des Supérieurs Majeurs (Rome, 22-27 novembre 1993)

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Le dernier Congrès des Supérieurs majeurs masculins réuni à Rome concernait la préparation immédiate du Synode général des Évêques qui se tiendra à l’automne prochain sur le thème de la vie consacrée et de sa mission dans l’Église et dans le monde. Comme on peut l’apprendre par divers journaux et revues, cette assemblée comptait quotidiennement, pendant une semaine, cinq à six cents membres, parmi lesquels, outre les cardinaux et évêques invités, une cinquantaine de membres de l’Union internationale des Supérieures générales, des responsables de la plupart des revues spécialisées en la matière, des théologiens, etc. Notre objectif n’est pas de rapporter ici le déroulement du Congrès, dont nous dirons tout de même un mot, mais de réfléchir à ce qu’il éclaire et à ce qu’il laisse en suspens, à la veille du Synode.

Remarquable à bien des égards, le Congrès bénéficiait d’une préparation soignée, qui avait duré près de deux ans. Sur le thème retenu : “La vie consacrée aujourd’hui, charisme dans l’Église pour le monde”, il proposait un programme examinant tour à tour la réalité de la vie consacrée dans le monde, sa mission, sa dimension de communion, son identité ainsi qu’une synthèse finale, élaborée au fil des jours - on aura remarqué l’inversion volontairement opérée par rapport à l’ordre suivi dans les Lineamenta. On s’en doute, c’est surtout la vie religieuse qui fut au centre des débats. L’organisation permettait en effet, pour chacun des aspects susdits, d’entendre chaque matin un long exposé d’ensemble et de courtes interventions complémentaires ; l’après-midi était consacrée aux groupes linguistiques, à petite (plus ou moins vingt personnes), puis à grande échelle (plus ou moins cent personnes) ; le soir, secrétaires, animateurs et théologiens récoltaient le fruit des travaux, au niveau des propositions théologiques aussi bien que des convictions-suggestions à transmettre au Synode. Ce travail devait aboutir, l’avant-dernier jour, à la synthèse dont nous avons parlé, mais également, après les réactions finales de l’assemblée, à une nouvelle rédaction, proposée aux supérieurs majeurs retenus à Rome au mois de décembre, par les théologiens désignés à cet effet : c’est ce document qui serait remis aux membres du Synode. On ne manquera pas de signaler enfin l’excellente audience accordée au Congrès par le Souverain Pontife [1], dans une atmosphère très détendue.

Excellent à bien des égards, répétons-le, le Congrès a cependant laissé dans l’ombre un certain nombre de questions et en a gardé en suspens beaucoup d’autres. Il est d’abord très étonnant que l’on n’ait pas considéré pour elle-même la dimension de “consécration” - remplacée, le premier jour, par une description sociologique de la situation, et peu présente lors de l’examen de l’“identité”. S’il en va bien ainsi, il faut s’attendre à ce que les Instituts séculiers, qui ont, dit-on, beaucoup travaillé cet aspect, à vrai dire essentiel, de leur vie, soient, au Synode, les principaux pourvoyeurs de la réflexion en la matière. C’est évidemment heureux, mais est-ce normal ?

Par ailleurs, et surtout dans les groupes linguistiques où les échanges, à peu près tous les éléments spécifiques de la vie religieuse (suite du Christ, profession des conseils évangéliques, vœux perpétuels, état de perfection, consécration plus intime, vie à mener en commun, témoignage public) se sont trouvés mis en cause pour leur non-pertinence eu égard aux autres vocations dans l’Église. Un malaise, plus doctrinal que pastoral, que l’on peut comprendre, étant donné la fragilité des théologies depuis une vingtaine d’années, mais qui peut préoccuper, surtout lorsqu’on propose, comme alternative, une théologie dite prophétique, voire apocalyptique. Je penserais volontiers que l’aveu des défaillances de la vie religieuse (“nous ne sommes ni assez pauvres, ni assez chastes, ni assez obéissants...”) serait préférable, spirituellement, à un discours sur la “liminalité”, où perce toujours le goût de la distance par rapport à un centre supposé établi.

Des questions fort brûlantes, comme la situation de la CLAR, l’état de guerre au Burundi, les difficultés nord-américaines en matière de mœurs sexuelles ou encore le rapport aux communautés dites nouvelles, n’ayant guère été abordées, on pensera que le Congrès a voulu s’en tenir plutôt aux racines communes. Il est probable aussi que la division de certaines unions (comme la LCWR [2] américaine) et la diversité d’observance que l’on constate, en fait sinon en droit, dans beaucoup d’instituts, ressortirait davantage à l’examen du Synode qu’à celui des protagonistes eux-mêmes.

Finalement, le Synode aura sans doute comme première tâche de rappeler à la vie consacrée, et singulièrement à la vie religieuse sous toutes ses formes [3], ce qui semble pour l’heure quelque peu effacé : son être devant Dieu.

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[1Voir, dans l’Osservatore romano du 27 novembre 1993, les discours, échangés par le Cardinal Martinez Somalo, le Père Flavio Carraro et le Pape Jean-Paul II.

[2Leadership Conference of Women Religious.

[3On sait que, contrairement à ce qui se passe du côté masculin, la vie contemplative féminine n’est pas représentée au niveau mondial dans l’Église ; c’est à l’UISG d’y pourvoir selon ses moyens.

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