Un périodique pour éclairer et accompagner des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée

Points de vue

Vies Consacrées

N°1993-1 Janvier 1993

| P. 59-62 |

La vie religieuse, exposée à la violence des événements de notre histoire, se doit de réfléchir à sa mission, avec courage et prudence, dans la prière et l’humilité du cœur. Un « courrier des lecteurs » et les « éclaircissements » qu’il suggère peuvent nous aider à ce discernement.

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Nous recevons cette lettre...

N’ayant pas vécu la situation dont il est question au début de l’article du P. Jean-Marie Van Parys, s.j., « Engagements religieux et crainte des violences », paru dans Vie Consacrée du 15 mars 1992 (101-108), notre point de vue ne peut être que nuancé. Ceci étant dit, nous sommes plusieurs moniales de Belgique et de France à avoir eu les mêmes réactions. C’est pourquoi il nous a paru important de les exprimer ici.

À la lecture de cet article il se dégage, malgré les efforts de l’auteur, une impression d’accusation ; un certain manque de mesure. L’auteur a raison de rappeler que le martyre fait partie de la vocation chrétienne dans l’Église, et a fortiori de la vocation religieuse, mais la vertu de prudence n’en doit pas moins être cultivée.

Les situations tragiques - comme celles dont il est question ici, - engendrent régulièrement un climat de panique, de confusion politique dans lequel il n’est pas facile de discerner lucidement les décisions à prendre. N’est-il pas prudent de ne pas condamner trop vite ?

On comprend très bien qu’il faille parfois, comme le Père Van Parys le rappelle, demeurer face au danger plutôt que de déserter, mais peut-on généraliser toutes les situations ? Il semble que chaque village, chaque communauté, et à la limite chaque personne avait à résoudre un cas particulier !

Mais finalement c’est la page 106 où l’auteur évoque les possibles sévices sexuels qui nous choque le plus profondément dans son ensemble, et très spécialement dans la note 2 au bas de la page. Cette note brouille tout, indispose pour tout le reste. C’est aussi la porte ouverte à toutes sortes d’abus. Elle s’en remet à la médecine moderne pour résoudre une question qui concerne le respect de la vie. Cela paraît bien téméraire, et d’autant plus qu’il n’y a pas que « l’intégrité physique », il y a aussi la sensibilité profonde de la femme qui est en jeu !

Nous ne comprenons pas comment cela a pu être écrit ainsi, sinon peut-être « à chaud » et après des événements particulièrement difficiles et confus. Mais alors, pourquoi écrire « à chaud », risquer de culpabiliser beaucoup de personnes, et, à la limite, atteindre même la liberté de conscience ?

Les exigences du témoignage et l’héroïsme qu’il demande n’excluent pas la compassion pour les faibles et l’humble patience chrétienne.

N.B. Nous sommes très attachées à la revue Vie consacrée dont les articles sont appréciés pour leur qualité profonde...

M.-G. Staquet et six consœurs

Monastère N.D. de Bon-Secours
3, Vieux chemin de Leuze
B-7600 PÉRUWELZ, Belgique

Éclaircissements

Le point de vue des moniales de Bon-Secours et d’Esquermes montre bien les interrogations devant lesquelles se sont trouvés plusieurs de nos lecteurs et nous les remercions tout d’abord pour le dialogue qu’ils instaurent si courtoisement avec nous.

L’article du P. Jean-Marie van Parys a été publié sous ma responsabilité. Je souhaite commenter la note 2 de la page 106, qui est notamment mise en cause et touche assurément une question grave. On voudra bien se souvenir, cependant, que l’objet de l’article ne visait pas ce point très particulier. L’auteur voulait attirer l’attention sur la force d’un engagement religieux que la crainte d’un péril grave ne peut entièrement remettre en cause, même si l’on peut et doit comprendre que tous ne puissent ni ne doivent suivre un tel chemin. Quoi qu’il en soit des circonstances fort légitimes qui ont amené beaucoup de missionnaires à quitter le Zaïre dans l’occasion évoquée, l’article cherchait simplement à indiquer, avec la vigueur propre à l’auteur, “ce qui est en cause dans une situation particulièrement difficile” (108).

Il est sans doute bon de citer le paragraphe du texte auquel s’attachait la note sur laquelle je désire revenir :

Il est vrai que les sévices sexuels exercés sur une femme la blessent de façon particulière ; il est vrai aussi qu’une grossesse infligée contre toute sa volonté à une femme consacrée serait particulièrement douloureuse et lourde de conséquences, notamment pour elle. Il est évident enfin qu’il faut éviter de s’exposer, que la charité autant que la prudence doivent conduire à placer les plus vulnérables aux endroits les moins dangereux. Mais faut-il pour autant abandonner tout travail apostolique au service de femmes et de jeunes filles qui risquent, elles aussi, de subir le même sort ?

Sans doute un peu laconique, la note ici appelée parlait des moyens aujourd’hui disponibles pour éviter qu’un viol « ne débouche sur une conception ». Il n’est donc pas possible d’interpréter notre texte comme une exception à l’interdiction de l’avortement, qui est toujours en soi une « pratique infâme » (Gaudium et Spes, 27, 3), à éviter absolument.

On disait ceci : « En cas de brutalités sexuelles extramatrimoniales », il est possible de prévenir la conception, par exemple par la prise antérieure de contraceptifs oraux [1]. L’argumentation visait, on l’aura remarqué, toutes les femmes : il n’est pas moralement équivalent, notait-on, de rompre le lien entre amour et procréation dans le mariage (selon l’enseignement de l’Église catholique, c’est là une voie sans issue) et d’empêcher une conception en dehors du mariage, dans des situations violentes et risquées, voire dans une vie habituellement exposée.

Les moralistes que j’ai consultés et moi-même pensons que cette position a droit de cité dans l’Église. D’autres, il est vrai, n’admettent pas ce qu’ils considèrent comme une brèche dans l’édifice de la morale sexuelle. Il reste qu’en matière de régulation de la natalité, l’enseignement magistériel s’adresse directement à ceux qui se sont engagés dans le mariage ; c’est pour eux qu’il parle en premier lieu, tout en demandant aux autres de considérer qu’un tel enseignement les concerne aussi en conscience. La note en cause porte sur des cas d’exception et suggère sans l’imposer une solution morale ; elle en appelle au jugement éclairé de chacun.

N. Hausman, s.c.m

Rue Gaston Bary, 65
B-1310 LA HULPE, Belgique

[1Il s’avère que de nombreux contraceptifs oraux sont des antinidatoires et donc des abortifs. Une information précise sur la nature exacte des contraceptifs doit être demandée au prescripteur.

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