La formation initiale à la vie religieuse apostolique
Mark Rotsaert, s.j.
N°1993-1 • Janvier 1993
| P. 7-25 |
En réfléchissant à l’initiation première à la vie religieuse, pouvions-nous mieux inaugurer l’année ? L’auteur, dont on percevra vite la compétence acquise sur le terrain, prend ici le recul nécessaire pour élaborer un projet cohérent de formation et en faire ressortir les grandes articulations. La visée est commandée par la finalité de la vie apostolique ignacienne, mais l’ensemble est, on le verra, très suggestif pour tous.
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Les jeunes entrent dans une communauté religieuse parce qu’ils se savent interpellés, d’une manière ou d’une autre, par Jésus Christ. Ils sentent que son genre de vie est celui d’un devancier, qu’il peut donner un sens et une visée à leur propre existence. Sur cette base, indispensable, une formation à la vie religieuse peut être envisagée. Dans la formation de jeunes religieux est essentielle la croissance de leur aspiration à un genre de vie évangélique, à la suite de Jésus, jusqu’à une alliance personnelle avec Jésus Christ. Le Seigneur vivant deviendra le Seigneur de leur vie. Autant dire que le processus de la formation se déroule en vérité entre le jeune candidat et la présence agissante du Christ dans sa vie. La formation que donne l’institut [1] doit créer un espace pour cet événement des profondeurs.
Un processus de conversion
Être appelé à la suite du Christ, c’est chaque fois réentendre son appel : “convertissez-vous, et croyez à la Bonne Nouvelle” (Mc 1,15). Une authentique conversion évangélique est chaque fois, en même temps, un processus de croissance. Dans la formation des jeunes religieux il importe de bien situer ce processus de croissance à trois niveaux. C’est un apprentissage en humanité : devenir un homme, une femme. C’est en même temps, comme chrétien, devenir un adulte, homme ou femme. Et tout cela s’accomplit dans une communauté concrète où il s’agit de devenir un religieux. Naturellement, le candidat ne vit pas ces trois dimensions séparées l’une de l’autre, mais le formateur doit veiller à ce qu’aucune des trois ne soit rejetée à l’arrière-plan.
Le danger n’est pas irréel que des jeunes se jettent dans le monde religieux, dans un conformisme extérieur à une règle, et développent ainsi une superstructure religieuse sans que soit assurée la base humaine suffisante, capable de l’intégrer. Nul ne devient un bon religieux s’il ne s’efforce d’être aussi un homme, un chrétien.
Pour devenir une bonne sœur de charité, un bon frère xavérien, un bon franciscain, il faut être aidé à devenir soi-même à travers ce processus de croissance. Devenir soi-même : c’est souvent un lent et long voyage de découverte et en même temps une acceptation de ce qu’on est en réalité. C’est pourquoi la formation doit aider les jeunes à se libérer des images idéales d’eux-mêmes qu’ils se sont façonnées, et le formateur doit veiller à ne pas présenter une image irréelle de l’institut. La formation se veut une aide pour que les jeunes apprennent à voir la vraie réalité : la leur propre et celle de leur institut. Il importe de s’établir dans la vérité, et d’accéder ainsi à cette liberté pour laquelle le Christ nous a libérés.
Celui qui a été saisi par le Christ trouve dans le Christ le chemin de sa libération. Accepter l’invitation du Christ et le défi de son évangile, c’est découvrir sa propre identité, sa propre destinée, ou mieux encore : la puissance du Seigneur à l’œuvre et la conversion qu’elle requiert.
La prière, dès lors, est une des pierres fondamentales de l’édifice dans la formation des jeunes religieux : la prière comme lieu de la rencontre avec le Seigneur vivant, la prière comme source d’inspiration pour une vie évangélique, la prière comme appoint pour relever la trace de Dieu dans sa vie et dans toute la création, la prière liturgique aussi, comme découverte de la gratuité de la prière de l’Église.
Intérioriser l’objectivité
Ce qui est propre à la formation durant le postulat et le noviciat, c’est la manière dont le postulant ou le novice assume les données objectives qui lui sont présentées. Postulat et noviciat présentent une certaine ordonnance, une forme définie : ordre du jour, règle de l’institut, programme de formation dans ses grandes lignes, etc. Comment réagir à ces réalités ? On peut distinguer trois phases : prise en compte, intériorisation, usage personnel et créatif de ce qui a été offert. On peut comparer le processus à celui de l’apprentissage d’une langue. La langue préexiste à l’enfant qui doit l’apprendre. On commence par imiter des sons, des vocables, de petites phrases. Ensuite interviennent la grammaire, le vocabulaire, le style et peu à peu l’enfant va dominer sa langue. Chaque adulte use de cet instrument de la langue à sa manière à lui, personnelle. Les meilleurs deviennent des poètes, des écrivains, qui mettent dans leur langue une créativité.
Au postulat et au noviciat, l’objectivité - l’institution, la règle - est assumée, non immédiatement sur la base d’un coup d’œil pénétrant, mais sur la base d’une confiance en celui qui la présente - le formateur et l’institut. Le postulant et le novice ont choisi librement d’entrer dans cette communauté, dans cet ordre de choses. Il est bien vrai qu’au début cette donnée objective peut être éprouvée comme une armure, lourde à porter et quelque peu gênante pour la liberté d’allure. La formation évolue favorablement quand les jeunes religieux intériorisent progressivement cette armure en colonne vertébrale spirituelle.
L’objectivité offerte, on peut l’accueillir de différentes manières. Le conformisme est la plus dépourvue de sens et la plus dangereuse : elle en reste à une adaptation de façade. On fait ce qui est demandé, mais le cœur n’y est pas. Le jugement du formateur est déterminant pour ce qu’il y a à faire ou à ne pas faire, à dire ou à ne pas dire. L’ identification est une autre manière de réagir à ce qui est proposé. Il y a ici acceptation intérieure des valeurs présentées, mais la motivation plus profonde de cette acceptation, c’est qu’elles renforcent encore l’image que le sujet se forme de lui-même. L’intégration, elle, est la manière adulte de réagir à ce qui est offert. Ici les valeurs deviennent peu à peu quelque chose du postulant et du novice lui-même, qui ne se laissent plus déterminer par ce que les autres pensent ni par leur propre besoin de s’affirmer. On a confiance que ces valeurs sont offertes comme des balises sur le chemin de la suite du Christ. Ceci aussi est un processus de croissance. Celui qui ne dépasserait pas le conformisme ou l’identification n’est pas apte à la vie religieuse.
Formation à la responsabilité personnelle
Le premier responsable de la formation, c’est le postulant ou le novice lui-même : qu’il en soit bien conscient. Une congrégation peut avoir un excellent maître des novices ; si le novice lui-même ne prend pas à coeur sa formation, son maître des novices est sans pouvoir. Le novice doit apprendre qu’il est lui-même responsable du progrès qu’il fera - avec la grâce de Dieu - sur le chemin de la suite du Christ. Mais il est aussi important que le formateur soit lui aussi convaincu que le premier responsable est le novice lui-même. Conviction libératrice. Un formateur ne doit pas penser qu’il doit tout faire, ni que le résultat - positif ou négatif - dépend entièrement de lui. Cela ne veut pas dire que sa tâche ne soit pas importante. Mais l’exercice pratique d’un genre de vie évangélique à la suite de Jésus, c’est l’affaire du novice lui-même. Personne ne peut le faire à sa place. Le formateur est là pour aider les novices, les assister, leur fournir ce qu’il faut pour qu’ils puissent donner à leur vocation une forme plus déterminée. Une de ses contributions spécifiques, c’est l’attention à la continuité. L’entrée en religion inaugure une vie nouvelle, où la croissance se développe sur des plans très différents : apprendre à prier, découvrir la nature de la vie spirituelle, apprendre à vivre en communauté, s’engager dans l’apostolat, étudier la spiritualité et la tradition, etc. Il importe que les novices ne vivent pas ces différents aspects du noviciat comme des éléments séparés, juxtaposés, mais qu’ils apprennent à discerner peu à peu leur cohérence organique, leur articulation au sein d’une croissance. Le formateur aura à coeur de veiller à cette cohérence et à cette continuité lors des moments d’évaluation.
Accompagnement spirituel
L’accompagnement spirituel peut être considéré comme le moteur de la formation à la vie religieuse. L’entretien régulier du novice et de son accompagnateur ou accompagnatrice - au début, chaque semaine, en seconde année deux fois par mois, plus tard tous les mois - comporte deux éléments importants, qui répondent souvent à deux phases dans l’accompagnement. D’abord et avant tout, le novice devra apprendre à s’exprimer, à se dire. Souvent cela ne va pas sans peine. On exprime plus facilement ses idées, ses pensées. Mais dans l’accompagnement il est au moins aussi important de dire ce que l’on sent. Car l’accompagnement ne porte pas sur des vérités générales, mais sur ce qui fait de quelqu’un telle personne unique, et cela n’est pas d’abord ce qu’elle pense ni ce qu’elle fait, mais ce qu’elle sent. Le novice apprendra donc à connaître ses sentiments, à les accepter, à bien vivre avec eux. Trop souvent nous affectons nos sentiments d’une qualification morale qu’ils n’ont pas. La responsabilité personnelle ne joue un rôle que lorsque les sentiments - par exemple d’antipathie - déterminent la conduite de la personne. Bien gérer ses sentiments est une tâche vitale. Seul un climat de confiance croissante permet à un être de se dire, de s’exprimer. Et pourtant cette expression de soi ne peut être proclamée comme un dogme. Tout accompagnateur sait que l’essentiel de ce qu’un homme peut atteindre au plus profond de sa substance est souvent indicible, intraduisible dans des mots. Il importe que le novice sente qu’il n’a pas besoin de dire ce qui ne peut se dire ! Dans le respect, précisément, du plus profond mystère de chacun peut naître une plus profonde solidarité.
Un deuxième élément important dans l’accompagnement, c’est la recherche de la réalité propre. C’est un lent processus de conscientisation, parfois douloureux. Être confronté à ses propres limites et défaillances, aux fautes et aux blessures que comporte toute vie d’homme, cela ne peut se faire comme il faut que si le novice fait l’expérience, dans l’accompagnement, de l’acceptation et de la compassion. Il aura le courage de se confronter avec soi-même et d’en accepter les conséquences dans la mesure où il découvrira que Dieu, depuis longtemps, l’a accepté et l’aime. L’accompagnateur peut être le signe de cette réalité, une icône de la miséricorde de Dieu.
À mesure que quelqu’un apprend à se connaître et à s’accepter, en d’autres termes : à mesure qu’il se tient dans la vérité, dans cette mesure même il lui est donné de devenir un homme libre. Il devient de plus en plus sensible à ce qui le rend non-libre, mais aussi à ce qui est source de vie. Ainsi, graduellement, il en vient à découvrir que l’Esprit de Jésus est le véritable guide spirituel. Cette découverte, le novice la fait durant ses premières années de formation, mais elle n’est pas propre à la formation initiale dans la vie religieuse.
Initiation au discernement spirituel
Au fil des moments d’évaluation, postulat et noviciat deviennent ainsi grâce à l’accompagnement une école de discernement spirituel. Ainsi, prier avec l’évangile peut devenir une prière où l’on discerne ce que cela signifie, concrètement, de marcher à la suite de Jésus. À une condition : que l’on veille à la liberté intérieure et qu’on soit prêt à se laisser déterminer non par des vues ou des sentiments seulement, mais plutôt par ce que Dieu présente comme accomplissement plus profond de la vie. Une telle prière décentre : on n’est plus soi-même au milieu de sa propre vie, c’est Dieu qui en occupe le centre. Contempler Jésus dans l’évangile, ce n’est pas seulement vouloir comprendre telle ou telle péricope, c’est se laisser toucher par le Jésus de l’évangile, c’est regarder vers lui, longuement, intensément, au point d’en être changé, au point de sentir son regard se reposer sur nous. Cette prière contemplative dégage lentement l’évidence qu’on est interpellé et attiré par l’évangile. C’est l’attrait de l’Esprit. Ainsi se trace la ligne d’une vie spirituelle personnelle.
Pour en arriver au fruit de cette prière contemplative, la relecture de la prière apporte une aide. C’est une sorte de regard critique sur la prière afin d’arriver à mieux la comprendre. Deux sortes de questions peuvent aider : Ai-je été fidèle au temps prescrit ? Ai-je pris la péricope que j’avais préparée ? Le lieu où j’ai été prier m’a-t-il aidé ? Et l’attitude de mon corps ? Comment ai-je réagi aux distractions ? Étais-je vraiment présent dans la prière, ou bien n’étais-je là qu’à la surface de moi-même ? D’autres questions portent sur le contenu de la prière : qu’est-ce qui m’a touché et comment cela m’a-t-il touché ? Ai-je obtenu une certaine compréhension de la péricope ? Un aspect particulier de ma vie en a-t-il été éclairé pendant la prière ? Vers quoi me suis-je senti attiré ? Où ai-je éprouvé des résistances ? Des angoisses ou des doutes ont-ils surgi ? Ou bien était-ce la paix, la joie, l’action de grâce, l’harmonie, l’allégresse ?
Ce bref coup d’œil rétrospectif, noté par écrit de préférence, aide à porter un regard plus profond sur la prière. Progressivement, on y découvre des constantes : telle sorte de texte suscite toujours une joie, telle autre toujours une résistance... Des lignes de force se dessinent. Quand on prie avec l’évangile, l’important n’est pas seulement le contenu, c’est aussi ce qui est en jeu au plan de l’affectivité plus profonde, d’une émotivité plus secrète. Devenir conscient des motions intérieures dans la prière est une étape importante dans le discernement de ce qui favorise une croissance.
L’examen de conscience quotidien est aussi un moment d’évaluation important, une école de discernement. De même que le retour sur la prière est un exercice pour découvrir la manière dont quelqu’un a été touché par l’Esprit durant l’oraison, de même l’examen de conscience est un retour sur le jour écoulé pour relever la trace de Dieu dans la vie concrète de chaque journée. L’examen de conscience est avant tout une prière, non une introspection moralisante. Il ne vise pas à repérer ce qui de nouveau a été de travers aujourd’hui ; il veut apprendre à voir comment les choses, les personnes, les situations ne sont pas évidentes, mais allusives : elles ne vont pas de soi, elles vont de Dieu ! Le fond de cette prière est action de grâce. C’est reconnaître que personnes et choses sont des dons. C’est apprendre à sortir de toute forme de suffisance. C’est apprendre à s’étonner de la création, de tout ce qui vit. Mais s’ouvrir à la présence de Dieu en tous et en tout, c’est encore un don. L’examen de conscience est donc aussi supplication.
Parcourir la journée, moment par moment, cela se fait sur le fond d’une double question : comment étais-tu présent, Seigneur, aujourd’hui ? Où ai-je reconnu ton invitation ? Peut-être certaines choses, telles expériences de la journée, n’accèdent-elles que maintenant à la lumière. À cette première question répond une autre question : comment ai-je réagi à ton invitation ? L’examen de conscience est une prière et non pas un exercice de comptabilité, un dénombrement de bonnes et de mauvaises choses. Il s’agit essentiellement de s’ouvrir à une relation, la relation entre Dieu et l’homme, qui fonde la vie du croyant. Double question, double réponse possible : la reconnaissance pour ces moments où la présence de Dieu a pu être vécue dans la foi, et le regret pour ces moments où l’on est passé à côté de lui. Précisément, à partir de la conscience de sa présence il est possible alors de lui demander pardon. Percevoir ses manquements, ses défaillances, c’est le résultat d’une rencontre avec Dieu. Du souvenir de la journée écoulée et de la demande de pardon peut naître le désir de rencontrer Dieu davantage encore dans l’événement concret de chaque jour, et de vivre toujours davantage en communion avec Dieu, ce Dieu qui n’est qu’amour. Ainsi l’examen de conscience devient un exercice de discernement dans la vie, à partir d’une familiarité doucement grandissante avec Dieu. C’est une prière d’alliance.
Le jour de récollection mensuel est un autre moment d’évaluation. Un jour de silence, chaque mois, est presque toujours un bienfait pour le jeune en formation. Il y trouve plus de temps pour évaluer le mois écoulé, dans la prière et la méditation, et préparer le mois suivant. Pour l’aider, on peut lui donner une série de questions qui portent sur les différents aspects de la vie du noviciat - le cadre objectif dans lequel il apprend à vivre : l’ordre du jour, la prière, les trois vœux de religion, les sacrements de l’eucharistie et de la réconciliation, la vie communautaire, les contacts avec la famille et les amis, l’étude, la santé, etc. Autant de repères que le jeune est libre de considérer, et que le mois écoulé a plus clairement mis en valeur. Si certains points, au fil des mois, ne sont jamais touchés, c’est le devoir du formateur de les aborder. À côté des questions qui concernent la vie concrète du noviciat, d’autres questions plus générales visent à découvrir les possibilités de progresser. Par exemple : Suis-je heureux dans ma vocation ? À quels indices puis-je le remarquer ? Où y a-t-il eu conversion, où dois-je encore être évangélisé ? Où ai-je pu remarquer un progrès, une croissance ? Qu’aurais-je souhaité qui fût différent, en moi-même, dans le groupe ?
L’évaluation à la fin de la première année est un autre moment important pour le développement de la responsabilité personnelle des jeunes envers leur vocation. Ici encore, à côté des questions liées au programme annuel du noviciat, d’autres questions plus fondamentales peuvent être utiles. Quel a été l’événement le plus déterminant de cette première année ? Comment cela s’exprime-t-il dans ma vie maintenant ? Quel a été le moment le plus difficile, et que m’a-t-il appris ? En quoi ai-je grandi cette année, en quoi ai-je changé ? Qu’est-ce que les autres ont représenté pour moi ? Qui en particulier ? Qu’est-ce que j’attends de la seconde année du noviciat ? En quoi suis-je décidé à grandir ?
Les différents moments d’évaluation font apparaître combien il est nécessaire, pendant ces premières années de formation, de veiller au bon usage de l’expérience spirituelle propre. C’est de cela qu’il s’agit dans le discernement des esprits : comment se comporter comme il faut dans la consolation et dans la désolation ? Dans la phase initiale de la vie spirituelle il faudra porter plus d’attention au comportement à observer dans la désolation. Car il n’est pas difficile de remarquer que des états d’âme négatifs - trouble, inquiétude, manque de confiance, découragement, tiédeur, doute, ténèbres - peuvent détourner quelqu’un de sa résolution de suivre Jésus ou d’opter pour lui.
Quelques points d’accrochage peuvent offrir une certaine prise. Celui qui est dans la désolation doit avant tout chercher à en repérer la cause. Si cette cause est dans le novice lui-même - sa négligence dans l’accomplissement de ses propres résolutions-, il peut lui-même y porter remède. Mais souvent la cause est ailleurs. Alors une période de désolation peut être vécue comme un test : de quelle générosité sera-t-il capable, celui pour qui les choses ne vont plus très bien ? Persévérer aux temps de désolation favorise la croissance. Mais le plus souvent cela ne devient clair qu’après coup : la désolation aura été une expérience purifiante, un approfondissement. En tout cas il ne faut jamais, au temps de la désolation, révoquer ni modifier une décision qu’on avait prise auparavant. Mais cela peut avoir un sens de changer quelque chose à son style de vie, à son comportement, et d’imprimer ainsi une orientation opposée à celle que donnait la désolation. Exemple : quelqu’un observe qu’au temps de la désolation il se referme complètement sur lui-même et se tarabuste de plus en plus. Le changement à apporter, ce serait de faire de petits pas vers les autres et de rendre de menus services. Tout l’art, c’est de faire les petits pas qui conviennent, car dans la désolation la force fait défaut pour le grand pas. En d’autres termes, la désolation doit être empoignée à bras-le-corps. S’y complaire, c’est s’y enfoncer !
En outre il est bon de réaliser qu’aux temps de la désolation on est plus vulnérable aux tentations. En tenir compte, c’est tâcher d’adopter une série d’attitudes qui arment contre les tentations. On s’y exerce plus facilement au temps de la consolation, car on est alors intérieurement plus vigoureux. La résistance est donc une attitude importante : il faut apprendre à ne pas céder immédiatement à chaque difficulté, à ne pas satisfaire tout de suite tous ses désirs. L’ouverture de conscience est aussi une attitude qui donne force : souvent les difficultés s’allègent quand on peut en parler à quelqu’un en toute confiance. La connaissance de soi, de plus en plus lucide, permet de ne pas se laisser surprendre par les difficultés. Apprendre à connaître ses limites, les accepter, les respecter, c’est peut-être la seule manière de les faire reculer quelque peu, avec le temps !
Celui qui a déjà opté pour Jésus et s’est engagé un peu plus loin sur le chemin de son imitation, devra accorder plus d’attention à la qualité de la consolation. Dès qu’un homme a appris à ne plus se laisser dérouter par la désolation, intervient comme un changement de tactique. Puisque la désolation n’a plus de prise, des forces négatives vont prendre le visage de la consolation. Le jeu devient ici beaucoup plus subtil. Paix, joie, confiance, fermeté, assurance, toute croissance dans la foi, l’espérance et l’amour, tout cela peut être signe d’un travail de Dieu dans un homme. Et dans une première phase il en est souvent ainsi : en vue d’un encouragement, d’une confirmation. Mais dès qu’on avance un peu plus loin sur le chemin, il faut tenir compte qu’il existe aussi une sorte de pseudo-consolation. Ici on n’apprend que par expérience. Au début, cette pseudo-consolation n’est démasquée que dans son aboutissement final : la désolation. Il faut alors apprendre petit à petit, par l’analyse du cours des motions intérieures, à démasquer plus promptement l’inauthentique. Il est clair qu’ici surtout l’aide discrète mais assurée de l’accompagnateur ou de l’accompagnatrice est précieuse.
La communauté comme lieu de discernement
L’importance de la communauté de formation concrète ne saurait être exagérée. Là, au premier chef, l’imitation du Christ est concrète. Les jeunes religieux attendent beaucoup de la vie communautaire. Parfois ils placent très haut leurs exigences. Le plus souvent, ils ont pour eux l’évangile et les constitutions ou la règle. Pourtant, grandir dans une communauté religieuse reste un devoir difficile. Celui qui n’apprend pas à voir la communauté comme le lieu où chacun est aussi confronté à lui-même, risque de devenir une charge pour les autres. Quand un homme ou une femme n’apprend pas à voir que beaucoup de problèmes ont aussi en lui ou en elle leurs racines, ou quand les causes de tous les défauts - la communauté est trop riche, on regarde trop la télévision, on ne prie pas assez, etc. - sont vues uniquement dans les autres et non en soi-même, la communauté fraternelle devient une tâche impossible. Chacun dans la communauté devra accepter que la communauté est le lieu où l’on apprend à se tenir dans la vérité. À mesure qu’on apprend à accepter ses propres défauts, manques et limites, s’ouvre un espace pour la compassion mutuelle. À partir de la compassion, une communauté peut se construire.
D’ailleurs la question n’est pas : qu’ai-je à faire avec cette communauté ? La question juste, c’est : quelle peut être ma part dans la construction de cette communauté ? Celui qui est prêt à investir dans la communauté en recevra plus qu’il ne peut donner.
Mais une communauté religieuse est plus que l’ensemble des attitudes psycho-sociales. Une communauté religieuse trouve son unité dans le mystère de Dieu même. Plus chaque membre de la communauté vit proche de Dieu, plus solide est le lien mutuel. L’oraison et la prière commune sont la source d’une communauté évangélique. Une communauté religieuse ne se rassemble pas sur la base d’affinités psychologiques, mais sur la base d’une vocation et d’une mission : “Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et je vous ai institués pour que vous alliez et que vous produisiez du fruit qui demeure” (Jn 15,16).
Depuis l’Église primitive, les communautés chrétiennes connaissent la correction fraternelle, entre frères et sœurs. C’est un art délicat de faire passer à des jeunes d’aujourd’hui, avec la richesse de son sens, cet élément si important dans une communauté évangélique. La “correction fraternelle” vise à promouvoir la croissance de chacun et ainsi celle de la communauté. Apprendre à se confirmer mutuellement est au moins aussi important que d’oser s’interroger les uns les autres. Mais c’est surtout le pardon demandé et accordé qui fait d’un groupe une communauté évangélique. Les jeunes religieux apprendront cela à longueur d’année, tous les jours que Dieu donne. Cependant il est bon aussi, de temps en temps, de détacher dans l’horaire un espace pour une “correction” constructive en communauté. Le sacrement de la réconciliation peut y recevoir sa place irremplaçable dans la vie de jeunes religieux.
Prier, célébrer ensemble l’eucharistie, échanger sur l’essentiel de la vocation de chacun, s’interpeller et se confirmer mutuellement, partager interrogations et reproches : ce sont les pierres qui construisent toute communauté évangélique. Aussi essentiel est le souci concret, matériel, du ménage et de l’entretien de la maison. L’amour mutuel passe par la planche à repasser, la lessiveuse, le percolateur, l’aspirateur et le torchon...
Forme et contenu
Le postulat et le noviciat ont un cadre : tout ce qui fait qu’un postulat est un postulat, qu’un noviciat est un noviciat. Il existe un ordre du jour. Qui veut vivre en communauté doit se tenir à certaines conventions. Pendant les premières années de formation, cet ordre du jour est rempli de tout ce que comporte un programme de noviciat. Pour les jeunes d’aujourd’hui, c’est un problème de ne plus pouvoir disposer soi-même de son temps. Comment réagissent-ils à cet ordre du jour objectif (qui laisse bien, espérons-le, un minimum d’espace libre) : passivement ou avec créativité ? En tout cas il faut un espace possible pour des fautes éventuelles !
Au début de la formation, l’ordre du jour prévoira des temps de silence et de solitude. Des temps de silence sont nécessaires pour laisser affleurer les vrais problèmes éventuels. Un programme trop chargé d’études ou d’activités apostoliques empêchera probablement qu’une saine confrontation avec soi-même se manifeste.
Mais les moments de silence sont là aussi pour permettre au novice d’assimiler tout ce qui lui arrive et qui est nouveau. C’est aussi un temps d’épreuve où la possibilité est offerte d’apprendre à voir comment on réagit à la solitude : élément essentiel en toute vie d’homme.
L’ étude n’est pas le but principal du postulat ou du noviciat. Il s’agit en premier lieu de la formation à la suite du Christ dans telle communauté concrète. Pour cela l’étude est nécessaire. Celui qui entre dans une communauté religieuse doit savoir ce qui est l’essence de la vie religieuse, ce que comportent les vœux de religion, quel est le charisme propre de la congrégation ou de l’ordre. Les novices doivent apprendre à voir le lien entre l’Écriture et leur propre vie de foi. Leur vie de foi doit être clarifiée, souvent aussi complétée. Cours, lectures, étude sont indispensables. Mais tout cela se veut avant tout une aide à la croissance personnelle dans la vie religieuse. La question que les jeunes religieux doivent se poser n’est pas : que dois-je en retenir pour pouvoir le réciter ? C’est plus correctement : puis-je en vivre ? Qu’est-ce que je reconnais, progressivement, dans ma vie, dans notre vie d’ensemble ? L’approche de la matière est donc plus existentielle qu’intellectuelle, même s’il est permis d’espérer qu’ils retiendront une série de choses qu’ils doivent savoir !
Le formateur exposera en toute clarté la vision actuelle de l’Église sur la vie religieuse, comme aussi ce qu’en dit sa propre congrégation ou son ordre. Mais il importe que ces orientations deviennent progressivement chair et sang, expérience personnelle du novice. Par exemple, si le service de la foi et la promotion de la justice constituent une donnée centrale, le novice devra apprendre comment cette option a grandi, quelle en est l’interprétation correcte, comment on la vit et comment on ne la vit pas encore. Voilà pour l’information. Mais il s’agit à la fois d’une orientation pour la recherche et la croissance personnelle. Cette vision devra donc avoir un impact réel sur la vie du novice. Y contribueront, entre autres, une meilleure connaissance de sa propre réalité de croyant et de celle de la société, une première analyse (provisoire) de cette société, mais aussi un contact réel avec cette société - par exemple durant les stages - et davantage encore une conversion au Christ pauvre et à tous les pauvres.
La conversion souhaitée pendant la première formation est une conversion du coeur. Dans la prière - avec ses temps forts comme en retraite - il importe d’atteindre le coeur et de le laisser transformer par le Jésus de l’évangile. De même aussi, progressivement, dans la communauté tout entière, la manière de vivre au concret sera marquée par l’évangile. À cela peuvent concourir efficacement les stages ou expériences de vie.
Pourquoi envoyer des novices dans un hôpital, un travail manuel, une activité de quartier, ou parmi les immigrés ou les handicapés, pour un temps déterminé ? On envoie les novices en stage, non pas pour leur faire connaître un nouveau milieu (même si la plupart entrent pendant leur stage en contact avec un milieu tout nouveau pour eux). Ils ne sont pas non plus envoyés pour réformer l’hôpital ou le quartier. Pendant le stage, le processus de conversion en cours s’incarne “des mains et des pieds”. C’est un temps fort où peut être vécue la prédilection de Jésus pour les petits et pour les pauvres, un temps aussi où les novices s’efforcent de reconnaître le visage du Seigneur pauvre et humilié dans les hommes à qui ils sont envoyés. À partir de leur vocation à la suite du Christ, les novices s’efforceront de témoigner de la bonne nouvelle, et en même temps ils peuvent apprendre à découvrir l’évangile dans le milieu où ils vivent et travaillent. Le stage est donc un temps où le novice peut grandir dans sa vocation à la vie évangélique. En même temps c’est un temps d’épreuve : le novice apprend à mieux se connaître et à mieux se faire connaître de l’institut. C’est donc aussi un temps de discernement. Même si de tels stages gardent un aspect artificiel, il n’empêche qu’ils peuvent être féconds et formatifs tout au long de cette première formation, si du moins l’on veille à la qualité de ces stages.
Les éléments suivants peuvent rendre un stage fécond et formatif pendant le noviciat. Le contact avec des situations-limites constituera un vigoureux défi : maladie prolongée ou mort, misère matérielle ou humaine, injustice sociale ou oppression. L’expérience de son impuissance à changer quoi que ce soit à ces situations peut être salutaire. Le plus souvent, le novice tombera dans un réseau de relations humaines, administratives et sociales où il devra découvrir sa place propre. Ce contact avec des situations apostoliques et des personnes rencontrées peut ouvrir déjà aux solidarités qu’elles impliquent, et qui devront faire l’objet d’un discernement apostolique futur dans la formation. Le formateur devra veiller à ce qu’on ne demande pas trop au novice, mais le contraire est aussi peu formatif. Le stage veut être une expérience de vie : impossible d’en exclure tout défi. C’est pourquoi aussi les stages auront une certaine durée. Les expériences formatrices : apprendre à recevoir plus qu’à donner, apprendre à vivre dans l’impuissance ou la révolte, dans la routine ou l’ennui, sont utiles quand la nouveauté a disparu. Finalement - et ce n’est pas le moins important - le novice doit être aidé à faire siennes les expériences du stage. Cela suppose que le stage soit préparé, accompagné, évalué. Sans cet encadrement, la chance d’une fécondité durable du stage est minime. Le stage n’est accompli qu’une fois achevée son évaluation.
Une seconde année de noviciat est le plus souvent bienvenue pour approfondir et s’approprier davantage ce qui a été vécu pendant la première année. Cela peut se faire, par exemple, en chargeant le novice de se livrer à une étude personnelle de la spiritualité de l’institut. Dans un entretien avec le formateur, le novice choisit lui-même le sujet de son étude (textes anciens ou récents de l’institut, personne du fondateur ou de la fondatrice, tel aspect de l’histoire, etc.). Pendant quelques mois, mais jamais à temps plein, on y travaillera de sorte qu’une croissance soit possible. Non seulement le novice apprend ainsi à pénétrer plus profondément et plus personnellement le charisme propre de l’institut et à s’y attacher de plus en plus, mais il peut vivre d’importants moments de reconnaissance : le novice reconnaît dans sa propre existence la dynamique de vie qu’il a identifiée en son étude. Ce sont des moments de prise de conscience et d’entrée personnelle dans la vocation propre et dans l’institut.
Le dernier stage pendant la seconde année est un autre élément important pour aider le novice à s’approprier différents aspects de la vie religieuse. Après une année et demie de noviciat, le novice doit être à même d’opérer un discernement sur le dernier stage. Ce discernement peut se dérouler en deux phases, dont la première est la plus importante. Dans la prière et les entretiens, le novice s’efforce de découvrir quel devrait être l’objectif de ce dernier stage. En quoi ai-je encore besoin de grandir ? Où le Seigneur appelle-t-il à une conversion ? Dans cette recherche le novice tiendra compte aussi de l’évaluation des étapes précédentes, de l’évaluation de la première année de noviciat, et aussi du fruit de la retraite de première année ou du début de la seconde année. Si le novice a terminé son discernement sur l’objectif de l’étape, celui-ci est discuté et - on l’espère - confirmé dans un entretien avec le formateur. Alors seulement peut commencer la seconde phase : l’exécution concrète. Où puis-je, à mon avis, réaliser cet objectif ? Quelle sorte de travail, de milieu, de situation de vie peuvent m’y aider ? Probablement, le novice ne trouvera pas le point idéal, mais si la première phase du discernement s’est bien passée, il sera fortement motivé et l’étape sera féconde.
Nécessité d’un programme de formation
Par la description des différents aspects de la première formation à la vie religieuse, on peut voir combien il est important qu’un institut établisse un bon programme de formation. Même s’il n’a pas, pour le moment, des jeunes en formation, un groupe religieux ne saurait survivre sans un programme de formation, essentiellement tourné vers une vie nouvelle.
Que des jeunes entrent au noviciat, puis le quittent parce qu’ils ont été déçus de la formation ou du manque de formation, ce serait un péché. Souvent les jeunes apportent en ce domaine de grandes exigences : il faut que cela vaille la peine ! Ne peut-on pas dire qu’un bon programme de formation a une force d’attirance et donc fait partie d’une pastorale des vocations ? Et quand un groupe de religieux élaborent ensemble un programme de formation pour leur institut, ce n’est pas sans impact sur le corps entier. Chercher ensemble les lignes de force d’un bon programme de formation, cela peut être le début d’un renouveau spirituel dans un groupe.
Un programme de formation doit porter avant tout sur le cœur de la vie religieuse : le service de Dieu et des hommes, à la suite de Jésus Christ. La vie religieuse a toujours interpellé des jeunes. Elle le fait encore aujourd’hui. Mais le programme de formation ne doit pas se perdre dans des détails ou des aspects liés à une époque. À côté de l’attention aux marques essentielles de la vie religieuse, le programme de formation formulera avec soin la traduction actuelle du charisme propre de l’institut : quel est notre regard propre sur l’évangile (notre spiritualité), quelle est notre manière propre d’agir avec le prochain (la vie apostolique), et quel est notre style de vie entre nous (notre projet communautaire) ? Surtout la formation par étapes à ce charisme doit être clairement tracée.
Ce qui rend quelqu’un apte à entrer dans tel institut, ce n’est pas sa capacité de reproduire le modèle actuel de vie religieuse qu’on y vit. La formation n’a pas pour but de fabriquer de belles reproductions ! Ce que l’on veut transmettre, c’est une certaine dynamique spirituelle. Et donc on espère que des jeunes- avec leur sensibilité, leurs qualités, leur énergie - donneront forme, de manière neuve, à cette dynamique spirituelle du fondateur, de l’institut. Telle est la visée porteuse de tout programme de formation.
Mais un bon programme de formation ne suffit pas. Il faut un formateur qui aime l’institut, en qui l’institut se reconnaisse, qui approuve le programme de formation, et qui ait le sens de ce que sont les jeunes aujourd’hui. Pour un groupe religieux il est d’importance vitale de libérer une telle personne pour la formation des jeunes, même si les candidats sont rares. En outre, on fera appel à des confrères ou des consœurs aptes à former, avec le formateur, la communauté où des jeunes pourront se sentir chez eux.
Fonctionnement d’un noviciat intercongrégationnel
En complément du programme du noviciat propre à chaque congrégation ou ordre, existe pour le pays flamand, depuis plus de vingt ans déjà, un « noviciat intercongrégationnel » pour les novices d’instituts apostoliques. Il est né du petit nombre de novices dans les noviciats respectifs, et maintenant il a grandi jusqu’à devenir une des meilleures écoles de formation de l’Église de Flandre.
Le but du “noviciat intercongrégationnel” - tel est son titre officiel -, c’est, en interaction avec la formation du noviciat qui reste propre à chaque institut, d’accompagner les novices sur le chemin de la vocation et dans l’explicitation des mobiles qui ont joué et leur prise en compte responsable. Il s’agit en même temps de contribuer à l’engagement dans l’Église vivante et dans le monde d’aujourd’hui. Le noviciat intercongrégationnel commun est tourné vers la vie même ; le témoignage de la foi, l’information scientifique et la formation liturgique font partie de son fonctionnement. La vie en commun pendant deux jours par semaine dans un groupe très différencié pourra y contribuer et sera en même temps une pierre de touche de l’aptitude de chacun à un engagement dans un groupe religieux.
Le programme consiste en cours sur l’évangile de Marc, les psaumes, la liturgie et les sacrements, la spiritualité de la vie religieuse, les vœux de religion, la prière, l’accompagnement spirituel, l’histoire de la spiritualité. À côté des cours, on fournit chaque semaine une information sur des questions ou des situations d’actualité. Pendant le premier trimestre on ouvre le regard sur le monde (tiers-monde, quart-monde, immigrés, médias, problèmes bio-éthiques, etc.), tandis qu’au deuxième trimestre l’attention se porte sur l’Église (le catholicisme populaire, les charismes et fonctions dans l’Église, le laïc dans l’Église, les petites communautés, les sectes, la mission aujourd’hui, l’œcuménisme, la vie monastique, etc.). Pendant le troisième trimestre on invite des conférenciers pour éclairer les différents aspects de la vie en commun des religieux.
À côté des cours et de l’information, la vie en commun et la prière commune de novices de différents instituts sont bénéfiques pour des jeunes qui sont souvent seuls dans leurs noviciats respectifs. Non seulement les jeunes religieux apprennent à connaître la spiritualité des uns et des autres, se préparant ainsi à une future collaboration dans l’Église de Flandre, mais cette connaissance réciproque les confirme dans le choix qu’ils ont fait, chacun, pour tel institut.
Mais si bonne que soit la formule, le noviciat intercongrégationnel ne prétend ni ne peut remplacer la formation d’un noviciat propre. La valeur du noviciat intercongrégationnel dépend pour une bonne part de la façon dont la matière proposée pour chaque noviciat local est assimilée, et de l’intégration personnelle des différents thèmes, selon la spiritualité et le charisme propres de chacun. Le noviciat intercongrégationnel ne peut fonctionner correctement que si chaque noviciat met en œuvre un bon programme de formation.
Pour conclure, une remarque encore : celui qui a vécu sa première formation de façon active et créative pourra peut-être, plus tard, mieux profiter d’une formation continuée qui en son temps sera tout aussi nécessaire.
Haachtsesteenweg, 8
B-1030BRUSSEL, Belgique
[1] Ce texte traite de la première formation (postulat et noviciat) de jeunes religieux d’instituts actifs, apostoliques. Il s’inspire de la tradition ignacienne et a été testé en maintes sessions pour responsables de formation religieuse en pays flamand.