Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Sur la vie religieuse féminine en Belgique

Appel aux Évêques et aux Communautés chrétiennes

Noëlle Hausman, s.c.m.

N°1990-6 Novembre 1990

| P. 388-397 |

Ce texte est un cri. Certains trouveront le tableau trop sombre, injuste peut-être envers certaines formes d’engagement. D’autres se demanderont si l’on peut répondre autrement que par des vœux pieux à des questions formulées en termes aussi spirituels. Ces pages définissent au moins le climat de pardon et d’espérance grâce auquel un chemin de renouveau peut être trouvé dans l’Église de Dieu.

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Situation

Gravité

Sait-on que la situation de la vie religieuse est, en Belgique, plus précaire encore que celle du clergé diocésain ? En termes de statistiques, en effet, l’âge moyen des religieuses, la proportion des jeunes en formation, le nombre des membres en activité, etc. forment un paysage si désolé – il n’y aurait même pas cinq pour cent de moins de quarante ans – qu’il est possible de voir quasiment disparaître une forme de vie sans laquelle l’Église, aux dires du dernier Concile [1], ne serait pas pleinement manifestée. Ce diagnostic atteint toutes les formes de vie consacrée, y compris les instituts séculiers, pourtant récents, et la vie religieuse masculine, même vouée au sacerdoce. C’est surtout pour la vie religieuse féminine que l’avenir paraît préoccupant, parce qu’elle est la plus nombreuse et aussi la plus touchée par cette « involution ».

Même dans la vie contemplative

Du côté de la vie contemplative et monastique, la situation n’est pas aussi brillante qu’on le croit communément. Si quelques monastères n’ont jamais cessé de se recruter, la plupart des communautés sont gravement menacées dans leur survie, sur le plan notamment des santés et des finances. La communauté chrétienne acceptera-t-elle de voir ces maisons de prière devenir des hospices ou les religieuses finir leurs jours dans les homes du voisinage ? La célébration de nombreux jubilés de profession ne devrait-elle pas nous alerter sur les urgences qu’elle pourrait masquer ? Comment l’Église de Belgique, en particulier par ses prêtres et ses laïcs engagés, va-t-elle se soucier non seulement du ministère de la louange, demandé à chacun, mais encore de celles qui y ont voué leur vie pour le salut de tous ? Et comment les religieuses elles-mêmes vont-elles s’entraider pour que justice soit rendue à leur spécificité comme à leurs besoins ?

Surtout dans la vie religieuse apostolique

Moins apparente, mais peut-être plus profonde encore, la crise atteint depuis longtemps (on parle de la première guerre mondiale), la vie religieuse dite apostolique et elle ne met pas seulement en évidence, comme le fait la vie dite contemplative, les choix familiaux (donc démographiques) et spirituels du peuple chrétien, mais encore ses carences socio-politiques. C’est que la vie religieuse apostolique manifeste moins la vie à Nazareth ou la vie glorieuse du Christ que sa vie publique, celle où il passe encore parmi nous en faisant le bien (cf. Ac 10,38), par sa parole et ses gestes de puissance. Cette visibilité du Royaume s’est concrétisée en Belgique, de manière assez caractéristique, par de très nombreuses fondations d’institutions chrétiennes, hospitalières, caritatives, scolaires, etc., qui ont assuré l’évangélisation non seulement des petits et des faibles, comme on le dit souvent, mais de l’ensemble du corps social, dès lors que le message des Béatitudes a montré sa réalité même aux yeux des non-croyants

Se concentrer sur l’essentiel

Le temps d’un agir chrétien organisé et visible est-il vraiment révolu ? L’évolution postconciliaire de la vie religieuse apostolique, en lui rendant ses racines, l’aurait-elle nécessairement dépouillée du devoir de faire signe ? Ce n’est pas le mouvement qui mène des méga-institutions vers des insertions plus petites, ni le droit au travail salarié qui sont ici en cause, mais la tendance générale vers une disparition de toute visibilité dans l’agir, l’habitat, l’être-ensemble, l’habillement. On peut se demander si les subventions allouées progressivement par les pouvoirs publics à tout engagement socialement utile n’ont pas hâté, comme l’avait prévu le Cardinal Van Roey, l’évolution vers l’anonymat, voire l’insignifiance. Comment, en effet, l’apostolat demeurerait-il commun, audacieux et généreux si la liberté évangélique s’en trouve peu à peu évacuée par les dynamismes de rentabilité économique et politique ? Quoi qu’il en soit, l’heure semble venue d’un discernement décisif. Si la vie religieuse, notamment apostolique, doit demeurer, ce sera au prix d’une concentration de toutes ses énergies spirituelles et matérielles sur l’essentiel : l’amour chaste, pauvre et obéissant qui lui donne de servir le Christ en ses membres, accomplissant ainsi la tâche que lui confie l’Église pour l’exercer en son nom [2].

Un tel apostolat suppose la communion effective avec les évêques, principes et fondements de l’unité missionnaire en leurs Églises particulières [3], et avec tout le peuple de Dieu, dans la réciprocité des vocations et des fonctions par laquelle tout le Corps grandit vers sa plénitude. On considérera donc d’abord les rapports existant entre les évêques et les religieuses, puis entre les religieuses et les autres chrétiens avant de réfléchir aux responsabilités propres aux religieuses elles-mêmes.

Évêques et religieuses

Le poids du passé

À la différence des religieux prêtres et même non prêtres, les religieuses, surtout dans les instituts de droit diocésain, ont longtemps connu la dépendance d’un gouvernement épiscopal bienveillant mais tatillon, qui n’a pas pris en compte les mutations du statut de la femme cristallisées par la seconde guerre mondiale. De leur côté, les religieuses, après une adaptation trop peu remarquée aux conditions imposées par l’occupation et la résistance, ont pratiquement repris leur rythme d’avant-guerre et cela jusqu’aux approches du Concile. Pie XII cependant et, en Belgique, le Cardinal Suenens avaient appelé au renouveau prudent et profond des observances (entre autres l’habit) et des engagements (notamment par le travail).

Un isolement qu’il faut faire cesser

Les défaillances postconciliaires sont venues, dans la vie religieuse, d’un excès plus que d’un défaut de fidélité aux directives magistérielles. Beaucoup de religieuses n’avaient guère que leur bonne volonté pour répondre aux nécessités des temps modulées d’en-haut, tandis que leurs proches pasteurs, pris par d’autres urgences, se sont souvent tus. Le manque de formation humaine, notamment philosophique, a contribué largement chez les religieuses à des erreurs que trop peu de leurs conseillers avaient prévues. Livrée à ses propres forces et intuitions, la vie religieuse a donc dû retrouver un cap que beaucoup lui reprochent aujourd’hui d’avoir suivi, parce qu’il l’a fait passer par une sécularisation de toutes ses composantes. Mais c’est bien ici qu’elle mérite respect et indulgence. Il ne serait pas juste de l’abandonner aujourd’hui devant le plus grand défi qu’elle ait jamais connu, non plus celui de sa nécessaire transformation, mais celui de son éventuelle disparition : d’après certains chiffres, la vie religieuse, surtout féminine, n’a-t-elle pas perdu, en Belgique, les deux tiers de ses effectifs au cours de ces quarante dernières années ?

Reconnaître sa vraie place

Du côté de la vie religieuse, l’intervention des ministres ordonnés et même des évêques risque pourtant d’être ressentie – car l’histoire est maîtresse de vie – comme une ingérence et un danger. On voit trop, dans la pratique, prêtres et prélats user de la vie religieuse, notamment féminine, pour parer aux besoins les plus criants, quelle que soit leur nature. La religieuse sacristine, cuisinière de l’évêque ou servante du curé ne fait plus recette, mais est-il certain que la catéchiste, la conseillère théologique ou la travailleuse pastorale soient davantage situées ? Il ne suffit pas qu’une forme de féminité en remplace une autre ou que les capacités de certaines individualités soient reconnues pour que la vie religieuse apostolique reçoive sa place dans l’Église ; il faut que son être commun, donc son agir communautaire (son « apostolat corporatif [4] ») soit attendu de la communauté chrétienne, notamment paroissiale, comme une grâce nouvelle, un don de Dieu à l’Église de ce temps, une surprenante actualité de l’œuvre du Ressuscité.

Que peuvent les évêques ?

La première tâche des évêques serait donc de prier et de faire prier pour que ce don advienne et se renouvelle quand et comme le Seigneur voudra. Mais elle est encore d’étudier et de susciter des travaux qui permettent de discerner l’importance d’une telle grâce dans le corps ecclésial. Elle est enfin d’appeler tout leur peuple à la reconnaissance et à la pénitence : les impasses présentes de la vie religieuse ne sont-elles pas, pour l’essentiel, liées à l’obscurcissement de la foi des chrétiens qui ne voient plus comment l’amour de Dieu seul suffit au bonheur de toute une vie ?

Et les religieuses ?

D’autre part, la première urgence, pour les religieuses, est de se rendre disponibles à une nouveauté qui ne ressort ni de simples calculs ni d’intuitions passagères, mais de la fidélité même de leur Dieu. Elle est aussi de reprendre conscience des liens qui unissent leur vie à toutes les vocations ecclésiales. Elle est enfin de se porter entièrement vers Celui qui la fonde et lui donne, aujourd’hui plus que jamais, de révéler son visage à ceux qui l’ignorent.

Une condition nécessaire

Pour être à la hauteur de tels devoirs, évêques et religieuses gagneraient à reconsidérer les rapports, aujourd’hui très lâches, de la vie religieuse avec le peuple chrétien dans son ensemble ; c’est ce que nous allons à présent considérer.

Religieuses et Communauté chrétienne

Le désarroi des meilleurs

La situation présente de la vie religieuse en Belgique est révélatrice de l’effondrement d’une chrétienté qui a perdu, avec le goût de la vie et de la prière, le désir d’incarner les signes du Royaume, comme nous l’avons dit au départ. Les aléas historiques des rapports entre évêques et religieuses suggèrent aussi l’infécondité du silence et de l’isolement. Quel progrès pourrait-on espérer d’un appel au peuple chrétien qui laisse de côté depuis longtemps la vie religieuse, surtout en sa forme féminine ? Où trouvera-t-on en effet une image plus négative de la vie religieuse qu’en milieu croyant et fervent ? Les apostrophes et le dénigrement de ceux du dehors ne sont rien à côté du secret mépris, de l’incompréhension grandissante et finalement de l’indifférence meurtrière où la plupart des chrétiens tiennent l’engagement des religieuses, surtout s’il tend à perdre ce qui était son identité sociale (l’enseignement, par exemple) ou ses signes de reconnaissance (la coiffure et le vêtement).

Le salut dans les communautés nouvelles ?

Dans cette conjoncture, l’émergence des communautés nouvelles, jeunes, enthousiastes, généreuses, efficaces, apparaît à certains comme l’avenir promis, d’autant que ces groupes sécrètent souvent leurs propres germes de vie consacrée à Dieu. Est-il bien inspiré de mettre en concurrence des formes d’engagement chrétien plus propres à s’enrichir mutuellement qu’à s’opposer, alors que le temps doit encore faire son œuvre ? Il n’est pas rare, en effet, que les communautés nouvelles soient redevables à la sagesse des communautés anciennes de ce qui les constitue au-delà des premiers élans (bâtiments, personnes, argent et spiritualité), tandis que les communautés religieuses gagneraient à devenir plus que jamais elles-mêmes, sous peine de ne pouvoir accueillir les vocations qui leur viendront aussi de ces milieux. Plus profondément, la vie religieuse et les communautés nouvelles ne sont-elles pas pour l’Église les dons d’un même Esprit qui tous nous envoie ? N’est-ce pas aux fruits missionnaires qu’on jugera de l’arbre et de ses surgeons ?

Une fragilité générale

La santé des nouveaux mouvements ne doit d’ailleurs pas nous cacher la fragilité de tout le tissu ecclésial. La vitalité des groupes de prière frappe d’autant plus que les corps sociaux traditionnellement liés à l’Église (partis, syndicats, associations culturelles, etc.) s’anémient dans d’interminables quêtes d’identification. Le repliement général sur la famille montre assez la privatisation de la vie chrétienne, pratiquement circonscrite aux célébrations liturgiques et détachée de tout impact professionnel. L’élan missionnaire, si caractéristique de notre Église d’autrefois, s’éteint progressivement et l’assistance financière demeure le dernier signe d’un amour généreux !

Des choix ambigus

La vie religieuse, notamment apostolique, participe à ce sommeil général qui la tue plus sûrement qu’une persécution. Elle aussi s’est protégée de toute aventure par le biais, notamment, de la sécurité sociale et des contrats d’emploi. Y a-t-elle gagné en audace apostolique, en pauvreté de cœur, en force pour aimer ? L’amour des pauvres, qui fut toujours son patrimoine et demeure le critère de ses engagements, comment l’honore-t-elle en ces lieux toujours plus nombreux où se multiplient les marginaux ? Quelle idéologie nous dispensera d’être jugés sur l’amour des plus petits auxquels appartient déjà le Royaume ? Encore une fois, ce n’est pas l’entrée dans la solidarité organisée (sécurité sociale, mutuelles, etc.) qu’il faut accuser, mais le fait de s’y reposer au point de négliger des solidarités non encore protégées, dans l’Église ou dans la société.

Pauvre et pécheresse

Ce témoignage qu’elle a choisi de rendre à la pauvreté du Christ, la vie religieuse s’y trouve cependant contrainte par son vieillissement, sa faible population active, son manque de recrutement et la considération toujours moindre où la tiennent tant de chrétiens. Sans doute se trouve-t-elle aussi responsable de la crise qu’elle n’a su ni prévoir ni éviter. Mais n’est-ce pas un don de l’Esprit que la tentation se fasse épreuve et creuset d’une nouvelle purification ? La vie religieuse serait bien inspirée d’invoquer, avec la miséricorde infinie de son Seigneur, le pardon du peuple chrétien qu’elle n’a pas suffisamment édifié, quand c’était la tâche qu’elle était par nature destinée à remplir.

Le jugement des simples

La position de la vie religieuse est aujourd’hui gravement compromise dans la communauté chrétienne qui ne reconnaît plus la beauté de son engagement. Cette mise en question implicite révèle sans doute la faiblesse des discernements religieux de ces dernières années, mais elle signifie aussi le manque de vigueur d’une chrétienté que la prédication n’a guère alertée sur son état. Le cœur des simples demeure cependant attaché aux figures religieuses où il a pu toucher un peu du cœur de Dieu. S’il n’est pas question d’envisager l’avenir sous les formes du passé, il faut néanmoins garder mémoire du témoignage déjà rendu en vérité par la vie religieuse à la gloire toujours discrète de Dieu.

Vie religieuse et mission

Menacée dans son devenir, la vie religieuse attend des évêques et du peuple chrétien comme tel d’être confortée dans sa vocation. Mais c’est d’elle-même aussi, c’est-à-dire du présent que Dieu lui fait, qu’elle doit tirer l’élan de son avenir.

Évangélisatrice par la foi et la chanté

À cet égard, la « nouvelle évangélisation » ne peut devenir pour elle une cause de trouble supplémentaire. Évangélisatrice, la vie religieuse (contemplative comme apostolique) l’a toujours été par principe, par le témoignage de tant de vies livrées pour Dieu. La vie religieuse apostolique, en particulier, s’est surtout caractérisée en Belgique par l’éducation à l’intelligence et à la vie chrétienne (rôle de l’enseignement), ainsi que par le soin et le respect de la vie corporelle (rôle du secteur hospitalier). C’est donc la foi, d’une part, les mœurs de l’autre, qu’on a ainsi promues dans leur vigueur évangélique. Le temps n’est certes pas venu – le sera-t-il jamais ? – de se dégager du devoir ecclésial d’assurer la foi et la pratique chrétienne, si du moins la pénurie des forces n’y oblige pas.

mais aussi par l’espérance

Se concentrer sur cet essentiel dont nous parlions plus haut impose aussi une présence dans les lieux les plus exposés de l’existence humaine. En jetant ses dernières énergies dans cette entreprise, la vie religieuse apostolique, comme la veuve de l’Évangile (Lc 21,4), peut donner non seulement tout ce qu’elle a pour vivre, mais toute sa vie même, en signe de l’offrande sans retour que lui fait son Seigneur. La logique évangélique ne se soucie pas, en effet, des opérations comptables par lesquelles on rationaliserait les charges et les ressources de tous les instituts. Elle demande au contraire de s’exposer d’autant plus qu’on est plus dépouillé et de gagner ainsi la seule vie qui compte.

qui respecte les rejetés

À cet égard, pourquoi ne pas se souvenir des espaces désertés par la société civile et même ecclésiale ? Quand un homme est privé de sa liberté, de sa jeunesse ou de sa vie, de quel respect ne doit-il pas encore être entouré ? Des communautés religieuses de femmes, même âgées, n’ont-elles pas ici un rôle à jouer pour que l’humanité soit honorée dans sa faiblesse même ? La place de la femme, dont on parle tant, n’est-elle pas, depuis le Calvaire au moins, d’attester que le péché et la mort ne l’emportent pas sur l’espérance ?

accompagne les déracinés

Tout aussi poignante, la solitude des migrants et autres réfugiés ne mérite-t-elle pas une présence ecclésiale que les conditions civiles rendent si difficile ? Pouvons-nous accepter que notre pays d’abondance, dans cette Europe de cocagne, se ferme à ceux qui se pressent aux portes, nous qui ne manquons ni de toit, ni de pain ? Le combat pour que soit rendu à chacun le devoir sacré de l’hospitalité peut-il trouver sans réponse des communautés où l’on professe avoir été soi-même accueilli miséricordieusement ?

ouvre ses trésors

Plus proche de nous, mais bien plus éloigné, le monde des jeunes, déjà émancipé des familles, voire des écoles, rencontre toujours moins prêtres et religieux vieillissants, sauf à trouver chez eux la sève où greffer leur désir d’absolu. Toute communauté religieuse ne peut-elle se faire à l’inattendu de telles requêtes, voire à le rechercher ? A-t-on jamais transmis la foi en faisant l’économie de tels engendrements ?

et dit le nom de Jésus

L’aide spirituelle enfin, qui a fortifié tant de mariages, de vies sacerdotales et de vies consacrées, se trouve partout en souffrance par manque de chrétiens qui veulent la donner. Comment la vie religieuse, notamment féminine, avec son énorme potentiel de formation continuée à la vie des vœux, à la prière, à l’apostolat et à la vie commune, n’accueillerait-elle pas une détresse qu’elle est à même de soulager non seulement par son exemple, mais par sa parole ? La trop grande discrétion de beaucoup de religieuses en ce domaine doit être questionnée : ce n’est pas le savoir, théologique ou non, qui sert ici de garantie première, mais la volonté de Dieu à guider les siens vers sa propre joie. La pusillanimité, et non l’audace, fut reprochée à celui qui garda enfoui son unique talent.

Se convertir à la joie

Aucun des modes d’engagement, dont on vient de parler et qui sont si classiques, n’épuise l’identité de la vie religieuse apostolique qui s’exprime pourtant dans toute illustration de l’agir rédempteur. Car l’essentiel demeure ici de sauver avec le Christ ceux qu’il désigne, dans la simplicité de l’Esprit, à l’affection du Père. C’est donc du discernement spirituel de toute l’Église, et d’abord de ses pasteurs, que peut surgir pour la vie religieuse apostolique la grâce d’une conversion nouvelle à la vie et à l’allégresse du Ressuscité.

Conclusion

L’appel de la miséricorde

Avec la sévérité propre à l’affection, ces pages disent qu’une parole adressée à la vie religieuse, ou au peuple de Dieu à son propos, devrait procéder d’un pardon demandé et reçu, de toutes parts. Après l’épreuve des dernières années et avant celle qui nous attend sans doute, il ne suffit pas de demander aux religieuses de prier davantage ou de les assurer de l’estime des chrétiens. Le langage à tenir ne peut-il se rapprocher de la correction paternelle (He 12,5-13) qui guérit les blessures en les assainissant ? Grâce à cette miséricorde (pardon, monition), la vie religieuse peut être appelée à un don plus intime, plus entier, plus manifeste aussi.

Le goût de la communion

On dit parfois que la pauvreté a disparu de l’état religieux en Belgique, et c’est souvent vrai en termes de pénurie des biens matériels élémentaires. Mais l’abandon du vouloir propre qui caractérise l’expérience spirituelle est tous les jours davantage requis. Qu’il soit aussi demandé en ces temps difficiles d’opter pour la plus grande humilité, celle d’accueillir avec joie le dépouillement des pensées amères qui naissent de la désaffection !

Un ministère spirituel

Le ministère des pasteurs est évidemment, ici comme ailleurs, celui de la consolation. Il pourrait aussi viser les conditions d’une générosité renouvelée, laquelle ne tient ni à l’âge, ni au nombre, mais à l’ardeur d’un amour qui ne semble pas partout en défaut. Il suffit de le réveiller, comme dans le Cantique, pour qu’apparaisse, sur toutes les collines, la trace de Celui qui nous appelle.

Terhulpensesteenweg 719
B-3090 OVERIJSE, Belgique.

[1Ad Gentes, 18.

[2Perfectae caritatis, 8.

[3Lumen Gentium, 23.

[4« Éléments essentiels de l’enseignement de l’Église sur la vie religieuse appliqué aux Instituts consacrés aux œuvres de l’apostolat », n° 4, in DC 80 (1983), 889.

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