Mise au point du président de PRH-International
Claude Rouyer
N°1990-6 • Novembre 1990
| P. 403-408 |
Exerçant son droit de réponse à l’article du Père C. Aldunate (Vie consacrée 1990, 195-203), le président de PRH-International restaure les citations originales des documents de l’association et il évoque un fait important : l’existence d’un dialogue, sanctionné par un rapport public, entre le Conseil permanent de l’épiscopat français et PRH.
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Dans l’article paru dans Vie consacrée 1990, 195-203, sous le titre « Questions sur une méthode », C. Aldunate, s.j. entend dénoncer les « dangers » que la méthode PRH ferait courir à « la vie spirituelle » ; dangers, selon lui, « d’autant plus redoutables qu’ils sont inhérents non pas au contenu mais à la méthode ».
L’argumentation s’appuie sur plusieurs citations de documents PRH. L’étude comparative rigoureuse des citations d’une part, et des textes originaux d’autre part, démontre que de nombreuses citations sont incomplètes, sorties de leur contexte, ou même erronées ou interprétées abusivement.
Nous nous bornerons à rectifier les faits sans répondre sur le fond. Notre objectif est d’éclairer le lecteur, pas d’entretenir une polémique.
Dans cet esprit, nous commencerons par une mise au point concernant les citations, puis nous soulignerons un fait important qui n’a pas été mentionné dans l’article.
Mise au point concernant les citations
Dans le paragraphe « De quel Dieu parle-t-on ? » (196 et 197), nous avons relevé ceci. L’auteur écrit :
L’exercice d’auto-analyse ne conduit pas à la révélation mais à la seule création....
Quelques lignes après, il poursuit :
Dès lors, le danger, c’est que Dieu créateur soit le seul à paraître « réel » et que, de cette façon, le’ « Dieu des philosophes » vienne supplanter le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de Jésus-Christ.
Pour étayer son affirmation, l’auteur s’appuie sur deux citations de documents issus de PRH. La première citation est rapportée de la manière suivante :
Je rejoins consciemment mon être pour y rencontrer Dieu me créant (Le chemin de l’être, c’est le chemin de Dieu, 1976).
Il est intéressant pour le lecteur de connaître la suite de cette citation, telle qu’elle apparaît dans le texte original (nous avons souligné le seul membre de phrase cité par l’auteur).
Il y a donc union réelle à Dieu si je rejoins consciemment mon être pour y rencontrer Dieu me créant.
Il y a vie selon Dieu si je vis mon être en fidélité aux dynamismes dont Dieu l’anime.
Lorsque je reconnais explicitement ce lien de vie avec Dieu grâce à la révélation de Jésus-Christ et l’étincelle de la foi, un nouveau mode de relation à Dieu s’établit.
Le lecteur constatera qu’il est fait une référence explicite à la révélation de Jésus-Christ, contrairement à ce qui est affirmé par l’auteur.
La seconde citation est présentée ainsi :
Dans une session aussi fondamentale que « Qui suis-je ? » la connaissance de Dieu part de l’expérience de l’être du sujet (TPA 4,14).
Voici maintenant le texte original exact du document cité :
Quand on se trouve immergé en son être et tourné vers les profondeurs de soi, on peut faire l’expérience d’un aspect « infini » de soi, d’un espace sans limite, et d’une sorte de « transcendance » comme si on était à la fois soi et ouvert sur plus que soi.
Le texte ne dit pas, ni ne laisse entendre que « la connaissance de Dieu part de l’être du sujet ». Il décrit une expérience existentielle que tout homme peut vivre, sans qu’il soit question de la « connaissance de Dieu » qui est le propre de la révélation. La session « Qui suis-je ? » ne prétend pas donner un enseignement sur Dieu, elle s’adresse aussi bien à des croyants qu’à des incroyants.
Dans le paragraphe « Diversité des effets », 197 et 198, l’auteur écrit :
C’est PRH même qui pose la question : « Comment échapper au danger du subjectivisme ? » (Le chemin de l’être, 1976). Les moyens recommandés sont, à mon avis, inadéquats, parce qu’on reste toujours centré sur l’être propre de chacun.
Il est intéressant pour le lecteur de comparer cette affirmation avec le texte original suivant :
Comment échapper au danger du subjectivisme ?
Avoir une connaissance exacte et approfondie de l’être humain et de ses fonctionnements – Pas seulement une connaissance intellectuelle et théorique mais une connaissance expérimentale à partir de l’analyse de son propre vécu. On peut alors repérer ce qui est sensibilité, imagination, raisonnement ou expérience profonde.
Garder perpétuellement un regard critique sur tout ce que l’on croit être expérience de Dieu.
Juger de l’arbre à ses fruits. Ce qui est de Dieu donne, entre autres, les fruits suivants : paix, meilleure relation aux autres, tolérance, plus grande fidélité aux obligations quotidiennes, plus grande docilité à Dieu, sobriété de l’expression, réalisme.
Ce qui est à dominante de sensibilité et d’imagination provoque : décollage du réel, surexcitation, emballement, sectarisme, fermeture sur son univers intérieur.
Confronter ses propres expériences avec la sagesse des maîtres spirituels, ceux du passé, ceux d’aujourd’hui aussi.
Le lecteur constatera que les moyens proposés ne sont pas « toujours centrés sur l’être propre de chacun ».
Dans le paragraphe « De quel homme s’agit-il ? » (198,199 et 200) l’auteur écrit :
(Cette formulation des objectifs)... nous permet aussi d’entrevoir l’idéal humain, autrement dit, le type d’homme dont on veut se rapprocher. Relevons quelques-uns de ces traits.
L’un de ces traits, qui semble, pour l’auteur, résumer assez bien tous les autres, est décrit ainsi :
Il vise l’autosuffisance. PRH nous dit : « Sois-en sûr : tu seras l’artisan de ta formation. Tu choisiras toi-même les objectifs. Tu décideras toi-même des moyens à prendre pour les atteindre. Tu avanceras à ton rythme » (FPM/1981). Ces promesses s’appuient sur une conviction que nous pourrions formuler ainsi : le résultat dépend entièrement de l’emploi que tu feras des moyens indiqués ; tu n’as besoin de rien qui ne soit en toi-même ; même si tu fais choix de quelqu’un qui accompagne ta formation, c’est toi de toute manière qui mènes ta formation, pas lui.
Voici la citation exacte du texte original (FPM/1981) :
Bien sûr vous serez le maître d’œuvre de votre formation.
Vous choisirez vous-même vos objectifs.
Vous déciderez des moyens à mettre en œuvre.
Vous progresserez à votre rythme.
Nous vous demanderons seulement de faire, chaque année, par écrit, un bilan de votre cheminement.
Le lecteur constatera que l’auteur a interprété le « bien sûr » du début en « promesses ». Ce qui est erroné. Il est important également de resituer cette citation dans son contexte global. Il s’agit de l’introduction aux « dispositions concrètes » proposées dans le Guide de formation et non de la description d’un « idéal humain ».
Cette citation trouve son explicitation confirmée à la page 19 du Guide :
Un accompagnateur de formation
Son rôle est d’être à côté de vous pour vous épauler dans le travail de formation personnelle et méthodique que vous entreprenez. C’est vous qui conduirez votre formation, et non pas lui. Lui vous aidera seulement à bien réussir ce que vous voulez entreprendre. Il pourra aussi vous conseiller dans le choix des moyens à prendre pour mener à bien cette formation.
En résumé, le lecteur comprendra que la phrase « Bien sûr, vous serez le maître d’œuvre de votre formation » ne vise nullement ni à décrire un idéal humain, ni à promettre « l’autosuffisance », mais à préciser la place et le rôle de l’accompagnateur de formation.
Note finale concernant les citations
Le texte de l’auteur est encore, en de nombreux autres endroits, étayé par des citations incomplètes ou approximatives. Quoique moins grave que les exemples qui ont été mis en évidence ci-dessus, cette manière de procéder n’en contribue pas moins, tout au long de l’article, à donner de la méthode PRH, objet de sa critique, une image faussée et déformée.
Cependant, nous n’en parlerons pas ; nous avons voulu nous en tenir à l’essentiel.
Omission d’un fait important
Dans le même esprit de n’exposer que des faits, nous devons au lecteur de souligner un fait important qui, par sa nature, concerne directement les lecteurs de la revue Vie consacrée.
À savoir : l’existence d’une Commission d’Évêques et d’experts constituée dès 1985 par le Conseil permanent de l’Épiscopat français, placée sous la responsabilité de Monseigneur Gilbert Duchêne, Évêque de Saint-Claude. Cette Commission avait pour objet de répondre, dans le cadre d’un dialogue direct avec PRH, à un certain nombre de questions fondamentales auxquelles peuvent faire écho certaines des questions posées par le Père Carlos Aldunate.
Un rapport commun, complété par un supplément, a été établi en septembre 1987 et remis à tous les Évêques de France ainsi qu’à tou(te)s les Supérieur(e)s majeur(e)s des Congrégations religieuses en France. (Ces documents publics pourraient être mis à la disposition des lecteurs qui le désireraient).
Sans rien nier du sérieux des questions qui peuvent se poser à propos de la méthode de formation PRH, comme à propos de toute méthode de formation humaine, Monseigneur Duchêne a pu déclarer ceci lors de son intervention à la fin de « l’Assemblée générale de PRH » en 1986, à laquelle il avait participé pendant toute la durée des six jours :
En résumant ce que j’ai perçu, je peux dire que j’ai découvert en vous : « des passionnés de l’homme créé à l’image de Dieu ».
Il me semble que les uns et les autres, vous voulez permettre – dans le respect le plus grand, mais dans la vérité – aux personnes que vous rencontrez de croire en leur vocation d’hommes qui ouvre sur l’infini et le transcendant.
J’ai senti combien, pour les uns et les autres, vous aviez trouvé en PRH un outil, une démarche pédagogique – et probablement un système explicatif – qui faisait le lien entre la psychologie et l’ouverture à la foi.
Comment vivre cette unité de l’homme total en moi ? Comment permettre à des hommes, des femmes, des jeunes, de découvrir et de dire : « il y a en moi plus que moi ? »
Vous m’avez fait part de cette démarche, où la grâce vient rejoindre la pédagogie humaine... Soyez certains et certaines que je ne suis pas près d’oublier vos partages et vos confidences, votre itinéraire personnel, l’itinéraire de ceux que vous accompagnez, votre vocation de Jean-Baptiste, comme vous le dites vous-mêmes.
Le dialogue continue, non seulement avec Monseigneur Duchêne, mais avec d’autres « autorités » de l’Église, chaque fois que nous le pouvons.
Ainsi, Monseigneur Pierre Claverie, o.p., Évêque d’Oran, qui a participé personnellement à une session PRH, nous écrivait ceci en octobre dernier :
L’originalité de la démarche est liée à l’approche de la personnalité selon les instances propres à PRH qui semblent refléter une expérience humaine et spirituelle universelle. Les instruments pédagogiques qui en sont déduits ne prétendent pas provoquer nécessairement la rencontre avec Dieu : ils y disposent seulement. Dans cette mesure, ils peuvent être proposés à ceux et celles qui sont en recherche du fondement transcendant de leur être. Il s’agit là d’une approche véritablement mystique.
Ces citations ne mettent pas PRH hors de portée des questions que l’on peut se poser à l’égard de sa méthode et de sa pédagogie. Elles montrent seulement que le jugement du Père Carlos Aldunate est quelque peu « sévère et sommaire » ainsi qu’il a l’honnêteté de le suggérer dans l’introduction de son article [1].
30, Rue du Jardin des Plantes
F-86000 POITIERS, France
[1] Nous rappelons à nos lecteurs que les textes du « Sommaire » précédant les articles sont établis par la direction de la revue (N.D.L.R.).