Futurs prêtres et médias
Orientations utiles à tous les consacrés
Jacques Arragain, c.j.m.
N°1989-6 • Novembre 1989
| P. 381-386 |
Ce document peu connu de la Congrégation pour l’Éducation catholique nous est brièvement présenté selon ses trois niveaux : formation des usagers, formation pastorale, formation spécialisée. Bien qu’elles concernent d’abord les futurs prêtres, ces « orientations » éclaireront chrétiens et consacrés.
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La Congrégation pour l’Éducation catholique a demandé [1] que les futurs prêtres soient formés à l’usage des instruments de communication sociale, et cela à trois niveaux : au niveau de base, qu’ils apprennent à en devenir eux-mêmes de bons usagers ; au niveau pastoral, qu’ils sachent enseigner aux autres ce bon usage et se servir eux-mêmes de ces instruments pour l’annonce de l’Évangile ; au niveau professionnel, que certains, si possible, en deviennent des spécialistes.
Cette directive concerne également les religieux, les religieuses et les membres des sociétés de vie apostolique.
Remarques préliminaires
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il n’est peut-être pas inutile de préciser des points d’ordre général concernant les moyens de communication sociale.
Par « instruments (de préférence à ‘moyens’, cf. Orientations, n° 7) de communication sociale », sont désignés ici : la presse, le cinéma, la radiotélévision et ce qu’on commence à appeler la technotronique, ou information globale, actuellement en pleine expansion et qui, par le moyen de l’informatique, de la télématique, de l’emploi des satellites, tend à donner une information instantanée et omniprésente.
Les « finalités » de ces instruments sont multiples et concernent la plupart des activités humaines : information et formation de l’opinion, éducation, divertissement, genres artistiques, etc.
Les valeurs mises en cause par les objets de ces communications sociales sont considérables, valeurs scientifiques, culturelles, philosophiques, religieuses, dogmatiques, morales, idéologiques, etc.
La place qu’il faut accorder aux instruments de communication sociale dans la formation – comme d’ailleurs dans la vie – dépend de leur nature « instrumentale ». Ces médias ne sont pas des fins en soi. Comme leur nom l’indique, ce sont des « moyens » et des « machines ». Ils ne fournissent ou ne restituent que ce que d’autres y ont mis. Et ces « autres », ce sont des hommes, qui pensent, savent, veulent, décident, agissent, aiment ou haïssent. Eux, les médias, dans leurs colonnes, leurs haut-parleurs et leurs écrans, ils vident leur mémoire. De plus en plus intelligemment d’ailleurs, en classant, triant, recherchant, retrouvant, à la demande, ce qu’on leur a fait mettre en réserve.
La tâche des futurs apôtres est de mieux connaître le Christ et son message, de mieux en vivre afin de les faire connaître et aimer par les autres. Pour cette tâche, les médias offrent d’immenses possibilités, mais, dans les informations qu’ils proposent, il faut continuellement faire un choix : certains peuvent aider à la fin visée, d’autres peuvent s’y opposer, distraire l’esprit et le cœur, « divertir » au sens pascalien du mot.
Dans l’utilisation des instruments de communication, il faudra d’ordinaire recourir à des spécialistes, à des gens de métier. Mais, à ceux-ci, les prêtres devront donner la culture religieuse nécessaire pour qu’ils soient sensibilisés au message à transmettre et respectueux de son contenu. Certains prêtres, devenus eux-mêmes spécialistes, à la fois techniciens et pasteurs, pourront développer les immenses valeurs de progrès humain et chrétien de médias utilisés correctement.
À la base : formation des usagers
En arrivant au séminaire, les futurs prêtres diocésains ont déjà reçu, sans doute, une bonne formation d’usagers des médias dans leur famille, à l’école ou même dans des cours spéciaux. Il s’agira de parfaire cette formation : de faire valoir l’enrichissement qu’apportent les médias, de mettre en garde contre leurs effets éventuellement pervers au point de vue moral ou doctrinal, de former la conscience, d’affiner le sens critique, afin de choisir les bons médias, d’éviter les mauvais, de ne pas soutenir ceux-ci de nos deniers, et donc de savoir se renseigner avant de choisir. Pendant et après l’usage, garder la maîtrise de soi et l’esprit critique.
D’un point de vue culturel, il importe de discerner les apports des médias qui concordent (ou discordent) avec les connaissances acquises par l’étude en histoire, philosophie, théologie, lettres, arts, etc., afin de porter un jugement final : à rejeter, à rectifier, à utiliser.
Le point de vue religieux et moral est plus fondamental pour ceux qui devront donner aux autres jugements et conseils. Sans a priori négatif, sans moralisme étroit, cherchant ce qui peut édifier, voyant le bien individuel mais aussi social, ils tiendront grand compte, en tout cas, des jugements des organismes ecclésiaux d’appréciation morale.
Certes, on tâchera de s’habituer aux médias avec une certaine largeur d’esprit, variable selon l’âge et le niveau culturel et intellectuel des usagers, se formant d’ailleurs à y rechercher plus l’information et la culture que le seul divertissement. Cependant, on devra tenir compte des normes d’ascèse et de prudence souvent rappelées par l’Église qui, en cette matière, n’est pas plus permissive aujourd’hui qu’hier.
Pour remédier aux inconvénients réels de l’abus des médias : perte de temps, dispersion, superficialité, vision matérialiste et consumistique de l’existence, il faudra adopter une discipline équilibrée, individuelle et communautaire, pratiquer l’étude, la lecture, le silence et la méditation ; enfin, accomplir des sacrifices personnels et pratiquer l’obéissance et la pauvreté évangélique.
Ces orientations s’appliquent parfaitement aux religieux et religieuses de vie apostolique au moment de leur formation.
Toutefois, deux remarques s’imposent, dans le sens d’une grande prudence et discrétion. Le canon 666 dit d’une façon très réaliste : « Les religieux, dans l’usage des moyens de communication sociale, garderont le discernement nécessaire (discretio) et éviteront ce qui est nuisible à leur vocation et qui est dangereux pour la chasteté d’une personne consacrée à Dieu ». Et le document romain que nous résumons, donnant en appendice des « choix de sujets » ou plans d’étude, note au n° 32, de façon un peu elliptique : « Mass-media et états de vie consacrée. Évolution socio-disciplinaire de ‘en-dehors du monde’ à ‘dans le monde, mais non pas du monde’. Présomption de danger et promotion humano-pastorale. Interdits externes de discipline personnelle. Rectifications et compensations ». D’autre part, le canon 607, § 3 parle nettement de la « séparation du monde » que comporte toujours le témoignage public à donner par les religieux. Le religieux doit montrer, même dans le monde, qu’il n’est pas du monde. Cela est vrai même pour l’usage des médias.
Second niveau : la formation pastorale
Pour les futurs prêtres diocésains, la formation pastorale poursuit deux objectifs : apprendre à utiliser les médias, avec leur langage, leurs messages propres et leur audience ; apprendre à guider les fidèles, à les éduquer dans l’usage des médias.
Quant aux moyens de favoriser cette formation, on en signale trois :
- les attitudes communicatives : silence intérieur favorisant la communication avec Dieu ; dialogue interpersonnel clair, précis, efficace ; rigueur scientifique et langage approprié des enseignants ; recherche de la communion, fin première et dernière de toute communication ;
- l’apport aux élèves des livres et documents nécessaires ; inviter des spécialistes ; célébrer la journée mondiale des communications sociales ;
- l’organisation de cours sur les médias, non optionnels, intégrés dans toute la formation.
Quant aux religieux et religieuses, la même formation leur sera donnée dans le curriculum philosophico-théologique, ou pendant le noviciat et le juniorat. Les futurs religieux enseignants sont spécialement concernés par tout ce qu’on vient de dire.
Troisième niveau : la formation spécialisée
Au cours des années de formation concernant la pastorale des médias, des étudiants pourraient manifester des dispositions particulières à ce genre de discipline. C’est pourquoi l’Instruction Communion et Progrès fait la recommandation suivante : « À ceux qui montreraient des goûts et des aptitudes spéciales à l’égard de ces techniques, on donnera une formation spécialisée » (C. et P., n° 111).
Orientations pour les futurs prêtres diocésains
C’est évidemment aux professeurs et, pour finir, au supérieur du séminaire qu’il appartient de découvrir de tels sujets et de décider de leur faire donner une formation plus poussée dans la spécialité où ils réussissent davantage. On les préparera à devenir d’excellents journalistes, cinéastes ou, en ce qui concerne la radiotélévision, soit des techniciens, soit des producteurs. De toute façon, on aura besoin d’eux aussi comme enseignants qualifiés en ces matières, ou comme membres et dirigeants des bureaux et organismes diocésains, nationaux ou internationaux des moyens de communication sociale. Ils pourront également prêter la main aux initiatives prises en la matière par des institutions d’Église ou des groupes de fidèles.
Pour la formation de ces spécialistes, il conviendra de recourir aux écoles spécialisées, dans les Universités ou autres organismes catholiques que Communion et Progrès conseille de créer à cet effet (n° 113). Mais il conviendra de recourir aussi à des écoles mêmes non catholiques ou franchement neutres, mais sérieuses, comme le conseille le Directoire œcuménique, n° 92 (de 1970).
Application
Deux remarques sont à faire à propos des futurs membres des instituts ou sociétés.
Il va sans dire que tout ce qui vient d’être dit des prêtres diocésains s’applique à eux. Le n° 111, cité plus haut, de Communion et Progrès, parle nommément des « Prêtres, religieux et religieuses ». Le directeur de scolasticat ou la maîtresse de juniorat qui découvrira le sujet apte, en parlera aux supérieur(e)s, qui veilleront à faire donner la formation spécialisée dont il est question.
De plus, Communion et Progrès, au n° 177, s’adresse formellement aux « Instituts religieux » leur demandant « d’être attentifs aux tâches multiples et primordiales de l’Église dans le domaine de la communication sociale. Ils examineront ce qu’ils peuvent faire pour apporter leur coopération et remplir certaines charges en harmonie avec leurs constitutions ».
On sait que cet appel a été entendu et que des instituts se sont spécialisés dans ces matières : la société de Saint-Paul, par exemple, les Jésuites, dont le travail à Rome et à la Cité du Vatican est bien connu. Les mêmes, et d’autres, comme les Salésiens de Don Bosco, les Déhoniens, etc. se sont acquis une réputation méritée dans leurs entreprises ou dans leurs Universités. Dans les organismes du Saint-Siège et dans les Instituts catholiques internationaux : Commission pontificale, UCIP, OCIC, UNDA, les membres des Instituts et Sociétés sont toujours prêts à apporter leur collaboration.
Conclusion
La publication par la Congrégation pour l’Éducation catholique de son fascicule Orientations, qui a servi de base à nos réflexions, est une excellente initiative. Ses auteurs en attendent une stimulation efficace de toute l’œuvre éducative des séminaires. Il est à souhaiter qu’elle se réalise également pour l’œuvre de formation des futurs membres de la vie consacrée et des sociétés de vie apostolique. Nous souhaitons donc à ces « Orientations » le plus large succès.
15, Via dei Querceti
I-00184 ROMA, Italie
[1] Orientations pour la formation des futurs prêtres concernant les instruments de communication sociale, Congrégation pour l’Éducation catholique, Rome, 1986.