La vierge consacrée, signe de l’amour de l’Église pour le Christ
Renée de Tryon-Montalembert, o.v.
N°1989-4 • Juillet 1989
| P. 226-238 |
S’appuyant sur le Rituel de la Consécration des vierges (31 mai 1970), l’auteur veut mettre en évidence la relation intime de la consécration virginale avec l’unité de l’Église. Signe de l’amour de l’Église particulière pour le Christ, la vierge consacrée, qui figure avant tout le mystère de l’Église universelle, témoigne encore de la communion qui unit les Églises entre elles, parce qu’elle exprime l’union de l’Église à son unique Époux.
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Le nouveau Rituel de la Consécration des Vierges définit ainsi la femme baptisée qui en est l’objet : « celle qui a choisi de vivre dans la virginité est constituée personne consacrée, signe transcendant de l’amour de l’Église pour le Christ, son Époux [1] ».
Cette définition appelle deux remarques.
Il s’agit, d’une part, d’un amour qui est une réponse. L’amour du Christ pour son Église précède d’une nécessaire antériorité celui de l’Église pour son Seigneur. Dieu aime toujours le premier (1 Jn 4,10) et son choix devance toujours le nôtre (Jn 15,16).
D’autre part, il va sans dire que c’est uniquement par la grâce toute puissante du Seigneur que la Vierge consacrée pourra dès lors employer toute sa vie à devenir ce qu’elle est dorénavant par une telle consécration (Jn 15,5).
Pour bien saisir, en sa nature comme en ses conséquences, la spécificité de cette consécration virginale, il importe donc d’approfondir cette vocation de signe de l’amour ecclésial, qui constitue son aspect déterminant ; et, dans ce but, d’approfondir la relation existant entre la consécration virginale et non seulement les autres « notes » qui spécifient l’Église dans l’ecclésiologie classique, unité, sainteté, catholicité, apostolicité [2], mais également la sacramentalité de l’Église [3], sa visibilité [4], son caractère sponsal [5], sa dimension mariale [6].
Nous proposons ici seulement quelques pistes de réflexion personnelle sur les relations entre la consécration virginale et l’Église en son unité [7]. L’Église est une en ce sens que le Seigneur Jésus n’en a institué qu’une seule, et que cette unité « subsiste » malgré les dissensions de ses membres entre eux [8] ; mais aussi du fait que la perfection de son mystère exige qu’en elle l’unité s’exprime dans la multiplicité, à l’image des Trois Personnes divines [9].
Église universelle et églises particulières
L’Église est une. Mais elle est à la fois universelle et incarnée dans la multiplicité des Églises particulières [10]. Une Église qui se voudrait universelle, sans insertion charnelle regroupant des hommes et des femmes en un point concret de l’espace et du temps, se désagrégerait dans l’idéologie.
Par contre, si quelque Église particulière prétendait se suffire à elle-même, oubliant l’impérieuse nécessité où elle se trouve de demeurer en situation d’entière transparence à l’égard de l’Église universelle, il adviendrait d’elle ce que le Christ avait prédit au sarment détaché du cep de vigne et que n’irrigue plus la sève nourricière : elle se dessécherait pour s’étioler et finalement mourir (Jn 15,6).
Le Nouveau Code de Droit Canonique définit ainsi le diocèse, avec lequel coïncide le plus souvent l’Église particulière : « Le diocèse est la portion du peuple de Dieu confiée à un Évêque pour qu’il en soit, avec la coopération du presbyterium, le pasteur, de sorte que dans l’adhésion à son pasteur et rassemblée par lui dans l’Esprit Saint par le moyen de l’Évangile et de l’Eucharistie, elle constitue une Église particulière dans laquelle se montre vraiment présente et agissante l’Église du Christ, une, sainte, catholique et apostolique [11] ».
C’est cette « Église du Christ, une, sainte, catholique et apostolique » qui est l’Église universelle. Il ne s’agit ni d’une sorte de super-diocèse dont le pape serait le super-évêque ; ni d’une simple communion d’Églises, à la manière de celle qui relie entre elles les Églises autocéphales de l’orthodoxie ; et pas davantage d’une addition d’Églises fédérées. Mais, comme le faisait remarquer cet étonnant précurseur de notre « ecclésiologie de communion » que fut Dom Adrien Gréa et qu’aime à citer Henri de Lubac : « l’Église universelle est tout entière dans chacune des Églises » ; car « l’unité de la hiérarchie fait de l’Église particulière une même chose avec l’Église universelle » [12].
En précisant bien toutefois que, si l’Église universelle peut ainsi transcender, de sa constante présence, l’existence de chacune des Églises particulières, c’est parce qu’elle trouve elle-même son point d’ancrage dans la personne de celui qui est le successeur de Pierre, en tant qu’évêque de Rome [13]. Autrement dit, lorsqu’on parle de l’Église universelle, il n’est jamais possible de faire abstraction du « Pontife romain », ainsi que nous le remarquons dans maints passages de Lumen Gentium, de Christus Dominus et du Nouveau Code de Droit Canonique, qui nous transmettent, jusqu’en cette aube de notre troisième millénaire chrétien, la tradition, jamais interrompue depuis les origines, de la primauté de Pierre, en sa « chaire » de l’Église de Rome, première dans l’amour [14].
Remarquons aussi que toute notre histoire comporte de fréquentes oscillations entre ces deux dimensions – universelle et particulière – de l’unique Église du Christ. L’accent peut se trouver mis plus ou moins fortement, et suivant les époques, tantôt sur le premier aspect, celui de l’universalisme « vertical », tantôt sur le second, celui d’un pluralisme empreint d’une certaine « horizontalité ». Et l’on en donne souvent pour exemple les travaux de Vatican I avec sa Constitution Pastor aeternus comportant la définition dogmatique de l’infaillibilité pontificale, tandis que nous assistons, avec Vatican II, à la mise en évidence d’une théologie de la collégialité épiscopale.
Notons bien toutefois que les choses sont, en réalité, beaucoup plus nuancées ; et que l’accent doit être mis, de façon impérative, sur la continuité des deux conciles, Vatican I n’ayant pu, faute de temps, traiter de l’épiscopat ; tandis que, d’autre part, si l’on y regarde de plus près, c’est une véritable synthèse de ces deux dimensions de l’unité ecclésiale que nous propose Vatican II, avec une indéniable cohérence entre l’enseignement de Pastor aeternus et celui de Lumen Gentium [15].
Que peut-il dès lors en résulter pour l’Ordo Virginum ? La vierge consacrée se définit, disions-nous, d’après les termes mêmes du nouveau Rituel, comme « signe transcendant de l’amour de l’Église pour le Christ, son Époux ». Si donc l’Église est à la fois universelle et particulière, universelle et diocésaine, ces deux aspects de son visage doivent se retrouver dans la Consécration des Vierges.
Autrement dit, la vierge consacrée sera signe à la fois – et de l’Église particulière à laquelle elle appartient, – et de l’Église universelle qui s’incarne dans cette Église localement déterminée.
La vierge consacrée, signe de l’amour de l’Église particulière pour le Christ
Nous avons à rechercher d’une part quels sont les fondements d’une telle vocation de signe et de figure de l’Église diocésaine ; et d’autre part, les conséquences qui en découlent pour le déroulement concret de l’existence quotidienne de la vierge consacrée à cet égard.
Fondements d’une vocation de signe et de figure de l’Église diocésaine, dans son amour nuptial pour le Christ
Ce sont, encore une fois, les textes mêmes du Rituel (Praenotanda et Rituel proprement dit) qui constituent la base de notre recherche, qu’ils orientent, en tout premier lieu, en direction de l’évêque, de son Église cathédrale et du diocèse dont il est le pasteur.
C’est l’évêque du lieu où vit la « vierge », qui choisit, qui appelle et qui consacre. On ne saurait trop insister sur son rôle au plan de l’initiative – il peut appeler qui il lui plaît – ; mais aussi sur son rôle de garant : c’est son appel qui authentifie et cautionne les demandes qui lui sont adressées.
Responsabilité importante et dont l’exercice dépasse, sans les rejeter, nos prudences humaines : c’est son charisme épiscopal qui entre en jeu. L’évêque, pour la plénitude de son sacerdoce, a reçu fonction de l’Esprit ; ce qui confère à ses décisions, notamment en ces matières, une objectivité sans commune mesure avec le caractère toujours plus ou moins relatif d’« appels » encore enclos dans les frontières de nos subjectivités.
L’évêque investi de ce pouvoir est normalement l’évêque du lieu [16] et nous sommes donc bien ici au plan de l’Église particulière.
C’est donc au cœur de l’Église dont il est le pasteur que l’évêque va consacrer la « vierge » qu’il a décidé d’appeler ; même si, pour une raison ou pour une autre, le rite devait être octroyé en un lieu différent de ce point d’enracinement privilégié que constitue normalement l’église cathédrale [17].
C’est de cette Église diocésaine dont la cathédrale est le cœur que la vierge consacrée sera dorénavant le signe : elle devra s’appliquer à exprimer aux yeux de tous, par son être, comme par son agir, de quel amour cette Église particulière aime le Christ, son Époux. Sa consécration liturgique lui en donne le droit et, qui est plus, lui en fait le plus impérieux des devoirs.
Conséquences pour la vie de la vierge consacrée
De quelle façon concrète la vierge consacrée pourra-t-elle s’acquitter des exigences d’une pareille tâche ? Ce sera par sa prière, par son mode de vie, par son action.
C’est en premier lieu, par la prière que la vierge consacrée sera fidèle à sa vocation de signe. Et, quelle que soit la souplesse du Rituel en ce domaine, avec une priorité donnée à la prière liturgique. Ce n’est pas pour rien, en effet, que le rituel prévoit la remise publique, à la vierge consacrée, du livre de la prière officielle de l’Église, qui fait partie des « insignes » officiels de la consécration, au même titre que le voile et l’anneau [18]. Et ce n’est pas pour rien que les Praenotanda insistent sur le devoir qui lui incombe désormais – même si ce n’est pas sous obligation canonique – de célébrer le matin et le soir les Laudes et les Vêpres [19].
La prière liturgique, c’est, en effet, par excellence, la voix de l’Épouse. C’est l’épithalame que la bien-aimée fait monter, la nuit comme le jour, aux oreilles du bien-aimé pour captiver son cœur.
Une telle prière, au nom de tout le diocèse, s’élevait (s’élève encore en bien des endroits) sous les voûtes de nos cathédrales. Telle était la vocation des chapitres capitulaires des chanoines dont la première obligation consistait à se trouver tous ensemble, dans leurs stalles, pour assurer la psalmodie des Heures de l’Office divin.
Certes, dans la plupart des Églises locales, existent, depuis des siècles, d’innombrables monastères d’où la psalmodie des moines et moniales se relaie pour la laus perennis, de nuit comme de jour. Mais il s’agit, dans ce cas, d’une prière que nous pourrions qualifier de « religieuse », c’est-à-dire se situant du côté de la vie régulière ; tandis que la prière « capitulaire » constitue la dimension « orante » de la structure institutionnelle, hiérarchique et sacramentelle de l’Église.
On peut alors se demander si ce ne serait pas dans ce dernier contexte que viendrait s’inscrire la prière de la vierge consacrée et si ce ne serait pas au cœur de cette prière ecclésialement structurée – la prière de la Mère Église –, ossature mystique du Corps et charpente spirituelle de la Maison de Dieu – qu’il lui serait demandé de s’insérer. La vierge consacrée serait alors appelée à célébrer, même si c’est en privé et au plus intime de son âme, ces Heures canoniales qui sont le chant nuptial de l’Église Épouse, hic et nunc, en telle Église particulière, à mesure que s’écoulent ces jours de grâce, dont Dieu lui fait le don.
Certaines vierges consacrées ont dû réagir pour éviter que leur consécration ne risque de se voir confondue avec un ministère. La possibilité d’une telle ambiguïté les a amenées à préciser que c’est au plan de l’être et non à celui du faire – autrement dit au plan ontologique et non à celui de la praxis, que s’exprime l’essence de leur consécration.
C’est un fait que, même si le rite est un rite d’institution [20], ce dernier vocable, ainsi que le fait remarquer le Père Simonet, ne saurait être pris, en ce qui concerne la consécration des vierges, dans le sens où il est employé par le Nouveau Code de Droit Canonique au sujet des ministères institués [21]. En revanche, le rite de la consécration des vierges peut être regardé, semble-t-il, comme un rite d’institution, dans la mesure où il désigne l’entrée dans un nouvel « état ». C’est alors en effet, au plan de son « être », que se trouve transformée la « vierge » candidate, désormais introduite « en état de consécration » ; ou, mieux encore, comme le souligne avec force le texte des « Praenotanda » « constituée personne sacrée », constituitur persona sacrata [22] ; et en conséquence, même si elle doit demeurer « dans le monde », mise à part pour Dieu seul, dont elle est à jamais le bien exclusif.
Il s’ensuit que, le caractère public du rite demeurant l’une de ses caractéristiques essentielles [23], la vierge consacrée en tel diocèse, du fait même de la consécration reçue, porte un vivant témoignage de cette Église particulière dont le pasteur l’a consacrée à cette fin essentielle : montrer à la face du monde que telle Église particulière aime assez son Seigneur pour qu’à travers le visage concret de certains de ses membres – ou plus exactement de certaines femmes choisies et appelées entre toutes – puisse être porté le témoignage de l’exclusivité de son amour pour le Royal Époux. Comment connaître, en effet, cet amour nuptial d’une Église diocésaine, si seulement en faisait foi la beauté d’une cathédrale, vestige des siècles médiévaux ? Et si, parmi le peuple de Dieu qui vient s’y rassembler, avec la diversité des manières dont peut être réalisée une authentique vie chrétienne, ne se trouvait aucune femme capable de s’écrier en son nom : « À la beauté de l’Époux je n’ai rien préféré ? »
Autant la consécration virginale ne saurait, en aucun cas, se confondre avec la collation d’un ministère quel qu’il soit, autant semble manifeste l’aptitude ouverte par la consécration pour une tâche au service de l’Église diocésaine. C’est ainsi que nous lisons dans le texte du Rituel : et plerumque dioeceseos operibus deserviunt [24]. et dans le Nouveau Code de Droit Canonique : Ecclesiae servitio dedicantur [25].
D’après le contexte, il est facile de comprendre que c’est de l’Église diocésaine qu’il est normalement question.
Il convient aussi de souligner que l’imprécision sans doute intentionnelle des textes sur la nature de l’action et du service pouvant être envisagés, laisse à chaque vierge consacrée une très grande marge d’initiative – pourvu que tout soit fait en plein accord avec l’évêque et le père spirituel – ; et que ces « œuvres » peuvent être accomplies de façons très diverses selon les vocations particulières et les « charismes » de chacune : pro suo quaeque statu suisque charismatibus [26].
La vierge consacrée, signe de l’amour de l’Église universelle pour le Christ
C’est là une exigence qui demeure primordiale, sur laquelle on n’insiste pas toujours de façon suffisante et qui demande à être approfondie et explicitée.
Fondements d’une vocation de signe de l’Église universelle dans son amour pour le Christ
Ces fondements sont d’ordre théologique et canonique.
D’une part, en effet, s’il est vrai que l’Église universelle ne saurait exister en dehors de son « incarnation » en des Églises particulières, il n’en demeure pas moins que c’est de l’Église universelle que dépendent les Églises particulières, et non l’inverse. Telle est la source de l’unité de ce mystère sponsal qui unit le Christ, unique Époux, à l’Église, unique Épouse : « Il n’y a qu’une Église, et il y a une multitude d’Églises ; et ce nom, comme le mystère qu’il exprime, appartient à chacune d’elles, sans cesser d’être le nom unique et incommunicable de l’unique Épouse de Jésus-Christ [27] ».
Par ailleurs il est bien évident que c’est de l’Église universelle qu’il s’agit, toutes les fois où, dans le Rituel, il n’est pas fait mention explicite de l’Église particulière, comme c’est le cas, entre autres, pour la définition de la nature du rite [28] et la remise du voile et de l’anneau [29].
Mais, d’autre part, l’étude canonique du décret concernant le renouveau de la Consécration des Vierges nous conduit à la même conclusion.
Comme nous le remarquons tout d’abord, en effet, l’autorité qui a voulu la rénovation du rite est le Concile lui-même [30]. Une longue étude sera donc menée au sein d’une commission particulière réunissant les deux dicastères du Culte divin et des Religieux. Le nouveau rite sera alors approuvé par le Pape Paul VI, « en vertu de son autorité apostolique » ; puis, promulgué par mandat spécial du Pape : ce sera l’objet du Décret de la Congrégation pour le culte divin, en date du 31 mai 1970.
Il s’agit donc bien d’ un texte émanant de l’Église universelle, et dont les diverses interprétations, en relation avec la diversité des Églises particulières (notamment à propos de tous les problèmes soulevés par l’inculturation), doivent se trouver confirmées par l’Église de Rome, grâce à l’accord de la Congrégation pour le culte divin.
Ainsi, et tout en étant signe de son Église diocésaine, la vierge consacrée est-elle d’abord, et comme par une sorte de priorité ontologique, signe de l’Église universelle ; au point que, même si son Église particulière venait à disparaître, elle n’en demeurerait pas moins investie d’une telle identité de nuptialité ecclésiale.
Conséquences sur la vie de la vierge consacrée
Il s’agit d’une prise de conscience appelée à s’exprimer aux niveaux de l’étude doctrinale et de la spiritualité, avec un élargissement des horizons de la prière, ainsi qu’aux plans de l’in formation et de l’insertion dans l’actualité de notre monde d’aujourd’hui.
C’est au cœur de l’ecclésiologie que se situe la Consécration des Vierges. Comment la vierge consacrée ne serait-elle pas interpellée au plus profond de son être par le désir de mieux connaître et d’approfondir constamment l’enseignement de l’Église sur son propre mystère ecclésial ?
Certes, la Consécration des Vierges s’accommode de toutes les spiritualités en leur inépuisable diversité. A condition toutefois que chacune d’entre elles soit vécue sous ce « mode » spécifiquement ecclésial qui découle, pour chaque vierge, du don même de sa consécration, et qui la met dorénavant, comme « en prise directe » avec l’Église Épouse, en tous les instants de sa vie.
Si aucune spiritualité authentique ne saurait faire l’économie du sentire cum Ecclesia combien davantage encore la vierge consacrée est-elle appelée avec et comme Marie, à se tenir « au cœur de l’Église, comme le disait le Cardinal Journet, pour la soutenir par le silence de sa contemplation et de son amour » ! Parce qu’elle est foncièrement ecclésiale, la spiritualité de la vierge consacrée ne peut être, en effet, que mariale.
L’amour tend, de sa nature, à être sans limites. On pourrait mettre en doute la qualité d’un amour s’accommodant des frontières d’une Église particulière, sans se laisser habiter par ce « souci de toutes les Églises » qui faisait le tourment d’un saint Paul (2 Co 11,28). Le décret fondateur de l’Ordo Virginum insiste, du reste, fortement sur ce point : « ... unissant leur voix au Christ souverain prêtre et à la Sainte Église, elles loueront sans cesse le Père du Ciel, et intercéderont pour le salut du monde entier [31] ».
Qui connaît les grands textes du Magistère ? Qui ose soutenir, avec la passion de l’amour, un enseignement qui, en ce qui concerne la transmission de la Vérité révélée comme dans tous les domaines de l’éthique, se situe le plus souvent à contre-courant des opinions du monde d’aujourd’hui ?
Il est une urgence, pour la vierge consacrée que saisit la découverte de sa vocation en plein cœur de l’Église universelle, de s’informer sur cet enseignement du Magistère pour en faire un aliment de sa prière et, suivant les modalités propres de son appel personnel, de prendre part ainsi au grand combat spirituel dont l’enjeu demeure le règne de l’Époux.
La vierge consacrée signe du lien unissant l’Église universelle et les Églises particulières ainsi que les Églises particulières entre elles
Vatican II a rappelé avec force « le caractère et la nature collégiale de l’ordre épiscopal », cette universelle communion qui existe non seulement entre chacun des évêques et l’évêque de Rome, mais entre eux, communiquant de ce fait à chacun une participation effective de responsabilité dans la charge et le gouvernement de l’Église universelle.
Il existe, en conséquence, un lien de communion unissant toutes les Églises particulières, non seulement à cette Église universelle qui leur demeure présente à l’intime de chacune d’entre elles, mais également entre les unes et les autres, parachevant cette communion dans l’unité sacramentelle et eucharistique de son Corps Mystique, que le Christ nous a léguée comme le souhait le plus ardent de son amour (Jn 17,21-26). Les vierges consacrées peuvent – et doivent – être, à leur manière, signe de cette unité, à la fois verticale et horizontale, du mystère de l’Église.
D’une part, en vivant leur consécration à la fois sur le plan local et sur le plan universel, elles expriment, chacune d’entre elles et toutes ensemble, le mystère de l’Église, unique Épouse, qui reflète l’unité de l’amour du Christ, unique Époux, à travers l’infinie variété de ses dons.
Et d’autre part, elles peuvent signifier cette réalité « communionnelle » qui doit exister entre les Églises particulières comme un reflet de la collégialité des évêques, à travers notamment leurs rencontres interdiocésaines. Leur amour mutuel peut alors, mais aussi en toute autre circonstance, être signe de l’amour dont s’aiment entre elles les diverses Églises particulières, en inviolable communion avec l’Église universelle.
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[1] Praenotanda, 1.
[2] Lumen Gentium, 26.
[3] Ibid., 1.
[4] Ibid., 18 ; Gaudium et Spes, 44.
[5] Lumen Gentium, 6 ; Presbyterorum Ordinis, 16.
[6] Lumen Gentium, 53.
[7] Une étude intéressante pourrait être faite sur les possibles conséquences œcuméniques du renouveau de l’Ordo Virginum.
[8] Unitatis Redintegratio, 4.
[9] Lumen Gentium, 4 ; Ad Gentes, 2.
[10] L’expression « Église locale » a été abandonnée par le Nouveau Code de Droit Canonique. Désormais on entend par Églises particulières avant tout les diocèses ; mais aussi les vicariats apostoliques, les préfectures apostoliques, les prélatures, etc. (Cf. canon 368).
[11] NCDC, canon 369 ; cf. Décret conciliaire sur la charge pastorale des évêques, Christus Dominus, 11.
[12] Dom Adrien Gréa, L’Église et sa divine constitution, nouv. éd. par Gaston Fontaine, Tournai, Casterman, 1965, pp. 70 et 289 ; cite par H. de Lubac, dans Églises particulières dans l’Église universelle, Aubier, 1971, p. 53 ; cf. également les précisions de J.M.R. Tillard, o.p., dans L’Évêque de Rome, Paris, Cerf, 1982, pp. 78-83, 292-297, et dans Église d’Églises, l’ecclésiologie de communion, Paris, Cerf, 1987, pp. 364-367, dont nous ne pouvons malheureusement partager toutes les conclusions.
[13] Cf. Card. Ratzinger, Église, œcuménisme et politique, Paris, Fayard, 1987, pp. 80-81.
[14] Cf. saint Ignace d’Antioche, Épître aux Romains, « salutation » ; Saint Irénée, Contra Haer., III, 3, 2 ; Saint Augustin, Epist. XLIII, III, 7.
[15] Il convient bien sûr de distinguer, en ce qui concerne le Pape, entre le diocèse de Rome, auquel s’applique, comme à tout autre diocèse, le canon 368, et tout ce qui concerne directement le munus petrinum, au service de l’Église universelle, tel qu’il se trouve défini dans le canon 331 (cf. Jean-Paul II, Discours du 10 novembre 1987, à l’Université du Latran, 6 ; et Discours aux prêtres de Rome, à l’occasion du Synode pastoral diocésain, le 18 février 1988, 3).
[16] Praenotanda, 5 et 6.
[17] Rituel, 3.
[18] Ibid., 28.
[19] Praenotanda, 2.
[20] Cf. A. Simonet, Le Seigneur t’épousera, Louvain, éd. Sintal, 1986, pp. 24-27 et 30-31.
[21] Canon 230.
[22] Praenotanda, 1.
[23] Rituel, 3, 4, 6.
[24] Ibid., 3.
[25] Canon 604, § 1.
[26] Praenotanda, 2.
[27] Dom A. Gréa, op. cit., p. 80.
[28] Praenotanda, 1.
[29] Rituel, 25.
[30] Cf. Constitution De Sacra Liturgia, 80, 1.
[31] Praenotanda, 2.