Les sociétés de vie apostolique
Michel Legrain
N°1989-2 • Mars 1989
| P. 103-110 |
Ces « sociétés » qui viennent d’apparaître dans le nouveau titre de la C.R.I.S. (Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique) ont déjà une longue histoire, que l’auteur s’attache à évoquer, non sans réfléchir aux tensions qu’elles ont connues et qui les touchent encore : sociétés de vie commune sans vœux pour le Code de 1917, sociétés de vie apostolique « juxtaposées » aux Instituts de vie consacrée pour celui de 1983, ces communautés fraternelles, qui pratiquent, en vue de la mission, les conseils évangéliques dans une institution stable reconnue par l’Église, ont certes trouvé place au soleil canonique – mais n’est-ce pas à l’ombre de l’état religieux ?
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Les mentalités collectives françaises désignent spontanément la Sœur de Saint Vincent de Paul comme le prototype accompli de la religieuse. Livres, films, pièces de théâtre et spectacles télévisés viennent renforcer cette commune persuasion. Il faut être versé dans les distinctions canoniques pour y déceler une erreur : malgré son costume légendaire, malgré un style de vie fort semblable à celui que mènent tant de religieuses relevant de congrégations dites « actives », la Fille de la Charité n’est pas une religieuse ! Elle n’appartient pas à une congrégation au sens religieux du terme, mais à une compagnie, expression qui signifie aujourd’hui une communauté ou une société de vie apostolique.
Une difficile émergence historique
Les confusions populaires ne relèvent pas toujours de la légèreté. Elles proviennent parfois de tensions historiques qu’il serait imprudent d’occulter. Et de fait, l’histoire de la vie consacrée dans l’Église latine est marquée par des oppositions persistantes entre partisans d’accentuations différentes. Cela se répercute jusque dans la législation canonique moderne.
La vie religieuse contemplative de type monastique, avec son habituelle séparation du monde, passe aux yeux de certains pour le sommet de toute vie consacrée. D’autres estiment qu’une action missionnaire, ou caritative, ou éducatrice, s’avère tout à fait conciliable avec la nature même de la vie religieuse, voire même avec une vie authentiquement contemplative. Depuis toujours cependant, des hommes et des femmes tiennent le cadre religieux, malgré la riche diversité des congrégations dites « modernes », comme inadéquat pour mener la vie évangélique et apostolique à laquelle ils se sentent appelés.
La hiérarchie catholique, sans nier la légitimité d’une vie consacrée hors de l’état religieux, lui a longtemps manifesté une certaine réserve. En partie à cause d’un certain nombre d’abus, qu’un contrôle religieux aurait peut-être évités ou atténués. Mais elle n’a jamais voulu Canaliser dans la voie unique de la vie religieuse tous les charismes personnels ou collectifs qui entendaient se mettre au service public de l’Église. Tout en recommandant aux innombrables novateurs qui voulaient bien la consulter d’y regarder de près, (avant de se lancer dans des nouveautés), pour voir s’il n’existait pas déjà quelque chose de similaire auquel on pourrait apporter de jeunes forces. A certaines époques, la dispersion devenait telle que la hiérarchie tenta d’orienter toute créativité vers les formes de vie consacrée déjà établies.
Mais les nouvelles pousses sont tenaces et regardent souvent les chemins balisés comme trop corsetés pour répondre efficacement aux exigences d’un monde en profonde transformation. Ainsi Angèle Mérici, au début du XVIe siècle, refuse la clôture, l’habit religieux et les vœux classiques de religion pour ses « ursulines » enseignantes. Celles-ci vivent en habits ordinaires, avec le seul vœu de chasteté définitive ; elles forment une « compagnie apostolique », nommée « ursulines séculières » à Brescia et « ursulines congrégées » à Milan. C’est en France que Bérulle insistera pour en faire des religieuses, et des religieuses contemplatives.
Philippe Néri, au milieu de ce même XVIe siècle, entend conserver toute la souplesse requise pour le service des besoins devenus multiformes. Il rassemble les bonnes volontés en des réunions pieuses (oratoires), sans les déraciner de leur milieu porteur. Ni la branche italienne, ni la branche française née au siècle suivant et de structure canonique différente, ne devinrent des instituts religieux. L’Oratoire est une simple association de prêtres sans vœux publics, mais avec les exigences de la vie commune. La dépendance est double : vis-à-vis du supérieur général pour ce qui regarde la vie interne de l’association, vis-à-vis de l’évêque diocésain pour tout ce qui touche à la mission apostolique.
Créée en 1625 par Monsieur Vincent, la « congrégation des prêtres de la mission », connus sous l’appellation de Lazaristes, n’est pas une congrégation religieuse, malgré la possible confusion actuelle dans les différents sens du terme « congrégation ». Les Lazaristes prononcent des vœux privés. Pour les « Filles de la charité », et en accord avec Louise de Marillac, Monsieur Vincent tient à éviter tout ce qui, canoniquement parlant, pourrait les faire assimiler à des religieuses. Ainsi, vivent-elles en maison, et non en monastère ; elles fréquentent l’église paroissiale, ne possédant pas de chapelle religieuse particulière ; elles se confessent au curé du lieu, et non pas à des prêtres « réguliers » désignés ; elle sont formées dans un séminaire, et non pas dans un noviciat ; elles prononcent habituellement des vœux privés annuels, rarement perpétuels ; leur costume sera celui des paysans pauvres de l’époque ; elles suivent un règlement, et non pas l’une des grandes règles religieuses. D’abord confrérie parisienne, cette compagnie fut reconnue en 1655 par Rome comme société féminine de vie commune. Ainsi Vincent de Paul, homme à la fois avisé et averti en droit ecclésiastique, sut éviter les déboires que connut la Visitation d’Annecy. François de Sales en effet avait fondé en 1610 une congrégation de droit diocésain, à laquelle il donna, en plein accord avec Jeanne de Chantal, un style de vie compatible avec la « visitation » des pauvres et des malades délaissés. Mais l’archevêque de Lyon, Monseigneur de Marquemont, fort des décisions papales du XIIIe siècle, rappela toutes les rigueurs d’une vie monacale cloîtrée féminine.
On ne peut évoquer ici tout l’ensemble des hommes et femmes, clercs ou laïcs, qui formèrent ce qu’aujourd’hui l’on rassemble sous le terme générique de « sociétés de vie apostolique ». Les Sulpiciens et les Eudistes. La Société des Missions Étrangères de Paris et celle des Missions Africaines de Lyon. Les Pères Blancs. Et tant d’autres !
L’idée d’une forme de vie apostolique a toujours travaillé certains baptisés qui s’estimaient appelés à vivre dans une stricte fidélité évangélique, mais ailleurs que dans l’état religieux. Une vie apostolique non pas au sens moderne de l’expression, qui la réserve volontiers pour l’activité missionnaire, mais un style de vie à la manière des premiers apôtres : prière et réflexion, en vue d’une activité commune au sein d’un monde si peu ouvert aux appels évangéliques. Parmi tant d’essais de « spirituels », seuls émergèrent les Ordres Mendiants, dits parfois Ordres Apostoliques ; ceux-ci ne revendiquent aucunement l’exclusivité de la vie apostolique. D’innombrables congrégations séculières s’adonnèrent à des tâches d’enseignement et d’hospitalisation, avant la naissance même des congrégations proprement dites. Les célèbres béguinages se situaient à mi-route entre la vie séculière et le statut religieux. Dames Anglaises et Dames de Saint Maur ne seront au départ que des filles dévotes, ouvrant ainsi peu à peu la voie à ce qui deviendra des congrégations religieuses à vœux simples.
Depuis le XIIIe siècle, le droit commun réservait le terme canonique de « religieuses » aux seuls moniales cloîtrées engagées par des vœux solennels. Les sœurs adonnées à la vie active, vivant hors clôture papale, ne pouvaient pas prononcer de vœux solennels : on les disait séculières. Ce n’est qu’à la veille du XXe siècle, en 1889, que le droit leur accordera indiscutablement le qualificatif de « religieuses ».
D’indispensables clarifications canoniques
Face aux institutions et aux lois, c’est toujours la vie qui commande et qui finit par obtenir les aménagements nécessaires. En théorie, chacun connaît l’essentiel de la fonction législative et organisatrice de l’Église : non pas l’étouffement de l’Esprit sous la lettre, mais l’aide pédagogique appropriée en vue d’un meilleur exercice de la liberté évangélique. Cependant, en pratique, les tensions et conflits entre l’autorité canoniquement établie et les surgissements prophétiques sont de toujours. Les familles religieuses eurent souvent bien du mal à se donner ecclésialement pignon sur rue, puis à se développer selon leurs charismes propres.
Pour faciliter leur mission de discernement des esprits, papes et évêques ont tendance à ramener toutes les formes de la vie religieuse à certains modèles éprouvés. Ainsi, à l’égard des sociétés de vie apostolique, à Rome comme dans l’épiscopat, on raisonnait en conservant les schémas mentaux caractéristiques de l’état religieux. Cette mentalité assimilatrice ressort clairement de la manière dont le Code de 1917 situe les sociétés d’hommes ou de femmes vivant en commun sans vœux (c. 673-681). Le livre II du Code de 1917 traite des « personnes » : des clercs (378 canons), puis des religieux (194 canons), et enfin des laïcs (43 canons). Les sociétés dites sans vœux trouvent leur place législative dans un titre particulier, à l’intérieur même de la seconde partie réservée aux religieux : elles viennent simplement à la suite du dernier titre réglant la vie religieuse : le renvoi des religieux.
Cette position en finale apparaît aux yeux de nombreux canonistes de l’entre-deux-guerres comme légitime : ces sociétés feraient le lien entre la vie religieuse, estimée meilleure, et la vie laïque. Le passage de certaines d’entre elles au statut religieux est parfois tenu pour un progrès : « Assez souvent une société, fondée d’abord sans vœux, a pris par la suite les vœux de religion pour bénéficier de ces excellents moyens de perfection et s’est fait approuver par l’Église comme Institut religieux [1]. » Quant aux sociétés qui entendent demeurer en leur état non-religieux, on estime leur faire une grâce en les rattachant au droit des religieux : « Quoique les sociétés sans vœux publics ne soient pas des instituts religieux au sens propre, la tendance actuelle de l’Église est de les assimiler de plus en plus à ces instituts », ajoute ce même auteur. Cette « assimilation » est même si bien admise par certains canonistes que le Père J. Creusen, dans son livre Religieux et religieuses d’après le droit ecclésiastique [2], ne leur accorde aucun chapitre spécial, mais se contente de signaler au fil des problèmes religieux abordés, les quelques particularités propres aux sociétés religieuses sans vœux [3].
La proche parenté entre la vie religieuse et le vécu évangélique dans les sociétés sans vœux se trouve encore nettement soulignée par la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia (2 février 1947), qui est la charte de fondation des instituts séculiers. « L’Église, si large d’esprit et de cœur, jugea bon, en un geste vraiment maternel, d’ajouter à la législation des religieux un titre succinct qui lui fût comme un complément très opportun (...) l’Église voulut assimiler assez pleinement à l’état canonique de perfection d’autres Sociétés très méritantes envers elle-même et fréquemment aussi envers la société civile, Sociétés dépourvues, il est vrai, de plusieurs propriétés juridiques nécessaires pour constituer l’état canonique complet de perfection, tels les vœux publics (...), mais qui cependant, à cause de leurs autres qualités, considérées comme appartenant à la substance de la vie de perfection, ont avec les vraies Religions des liens d’une étroite similitude et comme de parenté [4]. »
Bien des membres des sociétés de vie apostolique ne voyaient pas sans inquiétude le souci centralisateur du Code de 1917 et les applications concrètes que Rome en faisait. Ils craignaient que trop de rapprochements avec les usages et les règlements des religieux ne les alignent sur ceux-ci, gommant ainsi leur originalité séculière. Le terme même d’ assimilation était parfois reçu comme l’expression d’une volonté d’alignement, de disparition par absorption dans le grand ensemble des religieux.
Le cas de la Société des Missions Étrangères de Paris illustre parfaitement ce propos. Pendant plus de deux siècles, ce fut essentiellement un Séminaire, visant à la préparation des prêtres pour le service missionnaire de l’Asie : elle commença à se centraliser vers 1875, et se vit pressée après le Code de 1917 de se rapprocher de l’organisation canonique des instituts religieux : en 1922, elle nomme un supérieur général de la Société ; en 1950, le Règlement se transforme en Constitutions et Coutumier, avec une nette distinction entre ce qui relève de la Société et ce qui dépend de la Mission ; l’incardination à la Société elle-même devient la norme obligatoire, et il faudra attendre 1968 pour qu’une double incardination devienne possible, soulignant ainsi le désir profond d’une appartenance à la fois diocésaine et sociétaire, nettement distincte d’une incardination à un institut religieux.
Bien entendu, toutes les sociétés sans vœux publics ne vivaient pas de la même façon ces rapprochements avec la vie religieuse, pour la bonne raison qu’elles comprenaient des entités ecclésiastiques fort différentes. La Compagnie de Saint-Sulpice est organisée et divisée selon un modèle fort répandu parmi les congrégations religieuses centralisées. Les Lazaristes ou les Eudistes pratiquent une vie commune assez voisine de celle des congrégations religieuses masculines.
Le Concile Vatican II et le Code de 1983
Le Concile n’est pas né par génération spontanée : il a toute une préhistoire. Bien des catholiques avaient pris conscience, depuis la seconde guerre mondiale, de l’inadéquation de certains fonctionnements institués dans l’Église ; ils sentaient toute l’urgence d’une réflexion et d’une réforme, en vue d’un meilleur service de la mission évangélisatrice de l’Église dans le monde de notre temps.
A la suite d’une longue période où l’unité avait un peu tendance à se confondre avec l’uniformité, on découvrait, avec le pluralisme culturel et la mondialisation de tous les problèmes, l’importance d’une saine diversité. La bouffée d’oxygène frais apportée par le Décret sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse (28 octobre 1965) venait aussi au secours des sociétés de vie commune sans vœux, « compte tenu de leur caractère propre » (n° 1). Tous ceux qui font profession de suivre les conseils évangéliques, qu’ils soient religieux ou non, se trouvent être parmi les coopérateurs des évêques dans leur charge pastorale (n° 33), sans aucune discrimination, mais en tenant compte de le vocation particulière de chaque institut ou société [5]. On retrouve encore le rapprochement et cette indistinction relative lorsque le Concile traite de l’activité missionnaire de l’Église (7 décembre 1965).
Les instituts séculiers, non sans mal, ont obtenu du Concile la reconnaissance de leur originalité ecclésiale par rapport au statut canonique de la vie religieuse : « Bien qu’ils ne soient pas des instituts religieux, (ils) comportent cependant une profession véritable et complète des conseils évangéliques dans le monde, reconnue comme telle par l’Église [6]. » Et, suivant cette logique, la Congrégation pour les Religieux deviendra, lors de la réforme de la curie romaine en 1968, la Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers. Les sociétés de vie apostolique n’eurent pas alors l’honneur d’une reconnaissance aussi explicite de leur spécificité et, par la force de l’habitude, le langage courant continue à ne guère les distinguer ni des instituts religieux ni des instituts séculiers [7].
Avec la promulgation du Code de droit canonique par Jean Paul II, les Sociétés de vie apostolique reçoivent enfin un statut juridique qui les qualifie de façon positive et non plus privative comme c’était le cas dans le Code de 1917, où elles figuraient sous le titre de ‘sociétés de vie commune sans vœux’. Ceci étant, toutes n’accueillent pas avec enthousiasme cette situation. D’abord, beaucoup se demandent, à juste titre, pourquoi le canon 731, § 1, qui les définit éprouve le besoin de les référer aux Instituts de vie consacrée dont il vient d’être question. Il est dit : institutis vitae consecratae accedunt societates vitae apostolicae. On observera avec intérêt les traductions françaises du verbe accedunt, qui peut être rendu soit par ‘se rapprochent de’, ‘sont assimilés à’, ou, plus simplement, ‘se juxtaposent à’. Ceux qui ne peuvent concevoir de vie évangélique instituée que ‘religieuse’ ou ‘consacrée’, s’empresseront de traduire ‘sont assimilées à’. Les membres de ces sociétés préféreront certainement - puisqu’il faut bien traduire ce verbe dont on se serait aisément passé - la version ‘se juxtaposent à’ ou un autre verbe le plus neutre possible.
Cette « neutralité-là » est-elle respectée au niveau même de la place attribuée aux sociétés de vie apostolique dans le Code ? Le livre II, la grande nouveauté de ce Code par rapport à la distribution classique des œuvres canoniques, traite du peuple de Dieu : les fidèles en général (1e partie), la constitution hiérarchique de l’Église (2e partie) et, (en 3e partie), « les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique ». La longueur même de cet intitulé, s’il contrevient aux habitudes rédactionnelles où l’on préfère les titres brefs et englobants, devrait être un motif de satisfaction pour les membres de sociétés de vie apostolique. Ils bénéficient en effet d’une section particulière (section II, c. 731-746) à la suite de la section I, réservée aux instituts de vie consacrée, à savoir les instituts religieux et les instituts séculiers (c. 573-730). Le nombre restreint de canons réservés tant aux instituts séculiers (20 canons) qu’aux sociétés de vie apostolique (15 canons) par rapport à l’état religieux (202 canons) provient non seulement de l’importance historique et actuelle des religieux dans la vie de l’Église, mais aussi de ce que bien des normes réglementant d’une part la vie ecclésiastique commune, d’autre part la vie religieuse, sacerdotale et associative, s’appliquent directement ou analogiquement à ces deux états de vie si récemment reconnus par le droit. Il n’y a donc pas à s’en offusquer. Beaucoup se réjouissent d’ailleurs de cette place au soleil canonique, qui les reconnaît officiellement sans trop les enserrer dans le détail. Fallait-il, selon le souhait de certains, les considérer purement et simplement comme relevant des « associations de fidèles », ce droit fondamental de créer des associations reconnu désormais à tous les catholiques ? Ces associations-là, pour importantes qu’elles soient dans la vie des baptisés, laïcs ou prêtres, n’ont habituellement pas toute la prégnance que l’on reconnaît aux trois états de vie reconnus dans la troisième partie du livre consacré au peuple de Dieu.
La législation souligne quelques caractéristiques communes à ces sociétés apostoliques : une vie fraternelle en commun (cc. 731,1 ; 740), la pratique des conseils évangéliques selon les modalités définies par leurs constitutions (c. 731, 2), au sein d’une institution reconnue par l’autorité hiérarchique, qui intervient aussi pour l’installation ou la suppression des maisons de ces sociétés (c. 733). La formation des membres de ces sociétés requiert des exigences similaires à celles que le Code réclame pour les religieux et/ou les prêtres (cc. 735 ; 736,2). La stabilité de ces sociétés est reconnue, au point que le droit leur accorde la faculté d’incardiner leurs membres prêtres, lorsqu’il s’agit de sociétés cléricales (cc. 736, 1). Les relations mutuelles entre les évêques et les membres de ces sociétés sont régies par des conventions, en tenant compte de la spécificité de ces sociétés, y compris lorsque ces membres sont incardinés dans un diocèse (cc. 738, 3). Les prêtres appartenant à ces sociétés possèdent voix active et passive dans les conseils presbytéraux (c. 498, 2) ; laïcs et prêtres de ces sociétés peuvent aussi siéger aux conseils pastoraux (c. 512,).
Le gouvernement de ces sociétés (c. 734), la conduite de leurs membres (cc. 737 ; 738, 1 et 2 ; 739), éventuellement leur passage à une autre société (744, 1), à un institut religieux (744, 2) ou au clergé diocésain, relèvent de mesures fort proches de ce qui est prescrit pour les instituts religieux, particulièrement lorsqu’il s’agit de sociétés cléricales.
Ce petit ensemble législatif s’applique à toutes les formes de sociétés de vie apostolique : masculines ou féminines, laïques ou cléricales. Visiblement, il vise à éviter un foisonnement incontrôlé ou des conduites excentriques, pour canaliser ces forces nouvelles vers un authentique service évangélique et ecclésial.
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[1] Raoul Naz, Traité de droit canonique, Letouzey et Ané, 1954, 726, La rédaction du livre sur les religieux est de Jombart.
[2] Desclée de Brouwer, 7e édition (1957).
[3] L’expression curieuse de société religieuse sans vœux se trouve dans la table alphabétique (p. 366), et renvoie aux particularités canoniques des sociétés de vie commune sans vœux. L’article société religieuse du Dictionnaire de Droit Canonique de NAZ est fort bref et aiguille vers les articles instituts ecclésiastiques et instituts séculiers. C’est dans le corps de ce dernier article (signé Jombart) que l’on parle brièvement des sociétés sans vœux publics (tome V, col. 1452).
[4] Documentation Catholique, 1947, col. 580.
[5] Décret sur La charge pastorale des évêques (28 octobre 1965). Les commentaires publiés dans les gros ouvrages du Cerf (col. Unam Sanctam) à propos de deux Décrets ici cités, ne mènent à aucune réflexion sur l’originalité même des sociétés sans vœux, qu’ils se contentent d’énumérer à côté des instituts religieux et des instituts séculiers, lesquels bénéficient de longues études. Même silence dans les commentaires du chapitre 6 de la Constitution dogmatique sur l’Église (21 novembre 1964).
[6] Décret sur La rénovation et l’adaptation de la vie religieuse, n° 11.
[7] Les tables des textes conciliaires publiés par le Centurion (1967) possèdent le terme société religieuse de vie commune, et renvoient à instituts religieux. Les tables de la Documentation Catholique sont muettes sur les sociétés de vie apostolique. Cependant (N.D.L.R.) après la réforme de la Curie romaine en 1988, la Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers s’appelle désormais Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique.