Les laïcs séculiers et la vie religieuse dans l’Église
Maurice Vidal, p.s.s.
N°1987-5 • Septembre 1987
| P. 259-268 |
À la veille du Synode consacré à la vocation et à la mission des laïcs, l’étude du Père Vidal nous rappelle les débats théologiques qui ont préparé le statut conciliaire du « laïc séculier » ; ainsi apparaît l’enjeu, pour l’Église et pour le monde, d’une collaboration nouvelle entre laïcs et religieux.
Texte, revu par l’auteur, de son exposé à l’Assemblée générale des Supérieurs Majeurs de France, le 15 octobre 1986, publié avec l’aimable autorisation de la Conférence des Supérieurs Majeurs (CSM).
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La relation des laïcs avec la vie religieuse est toute naturelle dans l’Église : la vie religieuse est souvent née de laïcs, non de clercs. Cependant, cette relation a été l’objet, en ce XXe siècle, de discussions théologiques importantes, qui ont opposé de grands maîtres. Par exemple, Hans Urs von Balthasar, qui traite notre sujet dans un opuscule de 1948, et Karl Rahner. Ou encore Yves Congar et Jean Daniélou, qui critiqua précisément la manière dont Congar distinguait dans les Jalons le laïc et le moine. D’entrée de jeu, ces débats font ressortir l’enjeu : le rapport entre le Royaume, l’Église et le monde (Congar). J’ajouterais : plus radicalement, le rapport entre Royaume, Église, monde et Dieu lui-même [1]. Étant moi-même prêtre, donc non-laïc, mais néanmoins chrétien, et appartenant au clergé séculier diocésain, tout en étant membre de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, qui se reconnaît plus ou moins dans le cadre canonique des « sociétés de vie apostolique », j’espère être un peu prémuni contre le danger de se complaire dans les notions et de durcir les oppositions.
Le laïc séculier selon Vatican II (LG 31)
Beaucoup de Pères avaient demandé une description du laïc plus ample que celle des schémas de 1962 et 1963. Le nouveau texte satisfait à leur demande. La Relatio précise : « Dans la première proposition, on dit hic (« sous le nom de laïcs, on entend ici ») pour indiquer que le Concile ne veut pas donner une définition dirimant les discussions des écoles (par exemple, les religieux et, a fortiori, les membres des instituts séculiers doivent-ils être comptés parmi les laïcs et en quel sens ?). Le concile ne propose pas une définition ontologique du laïc, mais plutôt une description typologique [2] ».
Le laïc est un chrétien
La première détermination, qui se veut positive et pas seulement négative (ni clerc ni religieux), est en fait une détermination commune des chrétiens (christifideles). La prétendue « révolution copernicienne » intervenue en 1963 dans la genèse de Lumen gentium n’a pas consisté à présenter d’abord le mystère de l’Église avant de parler de la hiérarchie, car c’est l’ordre évidemment normal que l’on trouve dans le premier schéma de Vatican II et dans les deux schémas de Vatican I, mais à composer un chapitre nouveau sur le peuple de Dieu dans son ensemble, selon la vocation et la condition communes de tous les chrétiens, afin de mieux manifester par cette figure l’historicité de l’Église pérégrinante et sa fonction de salut dans l’histoire des hommes (« Peuple » est pris ici dans son sens global et non catégoriel). Dans le schéma antérieur de 1963, l’idée de « peuple de Dieu » était exploitée pour introduire le chapitre III sur les laïcs (« Peuple » flotte alors entre le sens global et le sens catégoriel). Ce qu’on voulait dire « spécialement » des laïcs a été dit de tous les chrétiens. Dans le même mouvement, le c. 204, § 1 du Code reprend, avec quelques modifications, la description des laïcs de LG 31 comme définition des christifideles.
Ce qui va sans dire et va mieux en le disant, c’est que tout laïc n’est pas d’abord un laïc, pas plus que l’évêque n’est d’abord un évêque, mais un chrétien : croyant en Jésus-Christ, rené de l’eau et de l’Esprit, membre du Christ, appelé à la sainteté par la communion avec Dieu dans la foi, l’espérance et la charité. Déjà les Évangiles, Matthieu et Jean en particulier, parlent plus volontiers des disciples que des apôtres, des prophètes et des docteurs : après Pâques, tous peuvent « suivre » le Christ en l’imitant dans la docilité à l’Esprit Saint.
Le laïc est un chrétien « séculier », « dans le monde »
La deuxième détermination est plus particularisante, sans être exclusive : le caractère séculier. On peut reconnaître ici un écho de la description de Karl Rahner, reprise ensuite par Yves Congar : le laïc est un chrétien dont la vie et les responsabilités chrétiennes sont conditionnées par son insertion native dans la vie et la trame du monde, du « siècle ». Il est saecularis, kosmikos. A partir du Ve siècle, le terme « laïc », qui marquait d’abord la différence avec le clerc, a exprimé aussi la différence avec le moine [3].
Il est plus difficile de reconnaître dans le texte de LG 31 une autre intention, également signalée par la Relatio : « Les laïcs sont dans le monde et y travaillent mais, s’opposant à la « malice du monde », ils sanctifient le monde de l’intérieur. Cette antithèse correspond à la double signification du terme « monde » dans les textes bibliques : le Christ voit le monde sous le signe du péché et la haine de Satan, mais il aime les hommes vivant dans le monde et veut que le monde soit sauvé par la foi. Les chrétiens doivent agir de même [4] ».
La finale du paragraphe met en valeur l’aspect sacerdotal de cette vocation des chrétiens laïcs dans le monde et le fondement de cette vocation dans l’unité du Créateur et du Rédempteur, attestée par le témoignage biblique et la lutte doctrinale des Pères (à commencer par saint Irénée) contre la gnose.
Selon LG 31, la sécularité distingue le laïc des membres de l’ordre sacré et des religieux, mais différemment.
Avec les clercs (ministres ordonnés), la différence tient au ministère, qui est celui de la communauté ecclésiale comme telle, où est signifiée et reçue la réconciliation entre les hommes déjà accomplie en Jésus-Christ. Ce ministère entraîne normalement et habituellement une réserve par rapport aux professions, engagements, solidarités et conflits du siècle. Cependant, cette réserve n’est pas absolue et, selon le droit actuel de l’Église latine, elle est modulée diversement pour les évêques et les prêtres, d’un côté, pour les diacres permanents de l’autre (cf. le c. 288).
Avec les religieux, la différence tient à l’état de vie, reconnu par l’Église. Cet état de vie, défini par la profession des conseils évangéliques dans une forme de vie stable socialement instituée, comporte en cela un retrait de ce monde, à cause de la proximité, vivement éprouvée en Jésus-Christ, de l’achèvement de ce monde dans le Royaume de Dieu. Mais cette institution sociale, canoniquement réglée et protégée dans l’Église elle-même, de la vie chrétienne selon les conseils évangéliques suppose et rappelle que le choix préférentiel de suivre le Christ est, à un moment ou un autre, d’une manière ou d’une autre, dans le monastère ou dans le monde, dans le célibat ou le mariage, la vocation et le charisme de tout baptisé, configuré à la mort et à la résurrection du Christ. On peut en voir un exemple dans la diversité d’interprétations du logion évangélique sur les eunuques qui le sont devenus « à cause du Royaume des cieux » (Mt 19, 10-12) : s’agit-il de Jésus lui-même ? de certains disciples appelés à vivre dans le célibat ? de tous les disciples appelés à vivre dans le mariage selon la nouveauté de l’Évangile et l’exigence de renoncement parfois radical qu’elle comporte ?
Le chrétien dans le monde et la vocation de l’Église
La conjonction de ces deux déterminations du laïc chrétien séculier selon LG 31 n’est théologiquement légitime et existentiellement praticable que si l’ordonnance de « toutes les réalités temporelles » à leur achèvement dans le Royaume de Dieu fait partie intégrante de la mission de toute l’Église et si, par conséquent, « l’Église inclut une relation spécifique à la sécularité » (Schillebeeckx). Le développement, en ce XXe siècle, d’une théologie et d’une spiritualité des chrétiens laïcs dans le monde est allé de pair avec une nouvelle compréhension du rapport entre ce monde et Dieu [5]. Elle a reçu une élaboration et une approbation officielles au concile Vatican II, spécialement dans la constitution pastorale Gaudium et spes. Selon la volonté du Pape et du concile, elle est, avec Lumen gentium, un des deux volets de l’enseignement du concile sur l’Église. Même si la perception du « monde » qui s’y trouve exposée, du fait même de la méthode employée, était relative à une situation historique modifiée depuis lors, les principes doctrinaux mis en œuvre ne sont pas pour autant disqualifiés, ainsi que l’explique la note justifiant le qualificatif « pastoral ».
Cependant une particulière attention théologique est ici requise. D’une part, une théologie et une spiritualité de laïcs chrétiens séculiers suppose que l’état religieux, même en tant qu’état, ne soit plus présenté comme étant à tous égards « la norme et l’exemplaire de la perfection chrétienne [6] ». Pour résister à un tel unilatéralisme, il y a toujours eu au moins le mariage, où l’Église reconnaît un sacrement de la Nouvelle Alliance et de son propre mystère : « Sans le sacrement de mariage, l’Église resterait désincarnée et en position extrinsèque par rapport à l’expérience historique de l’humanité, dans laquelle le mariage a conservé, quoique de façon non exclusive, la centralité de sens reçu dans l’économie de la création [7] ». D’autre part, la théologie et la spiritualité des laïcs supposent autre chose que la reconnaissance de la consistance et de la relative autonomie des réalités du monde : « Qu’au terme d’une ère totalitaire fort longue, l’Église reconnaisse le droit à l’autonomie du temporel est une chose très importante, mais elle n’apporte guère de clarté aux chrétiens qui sont nés dans le cadre de cette autonomie et cherchent à réduire le dualisme entre la création et la rédemption, le temporel et le spirituel [8] ». C’est dans sa relation de créature à Dieu créateur que le monde créé trouve sa consistance et sa dignité propres, et c’est par le salut de cette création dans la « glorieuse liberté des enfants de Dieu » que Dieu est glorifié comme Dieu. Cependant, parce que cette relation de création, révélée et sauvée par la rédemption, fait que la créature est créature, que le monde est monde, que Dieu seul est Dieu et qu’il est lui-même notre fin selon l’unité de notre vocation, il en résulte une complexité dans la réalisation de notre destinée que l’achèvement de la révélation de Dieu en Jésus-Christ a rendue encore plus aiguë. Dieu seul, écrivait Karl Rahner, est « l’avenir absolu, mais il y a cependant, de par Dieu, un ‘avenir immanent’ au monde ». La Déclaration des évêques de la République Fédérale Allemande sur les Lineamenta de préparation au Synode de 1987, récemment publiée, dit à ce propos : « La foi impose pour la formation du monde deux tâches qui n’en font qu’une : développer les potentialités de la création pour le bien de l’homme et, par là, pour la glorification du Créateur et, en même temps, la rendre prête à la venue du Royaume qui fait éclater les mesures de ce monde [9] ». C’est sans doute selon l’ampleur et la complexité de cette mission que l’on peut comprendre la diversité des vocations chrétiennes que Dieu rend et manifestera, nous l’espérons, complémentaires.
Réflexion sur les recherches actuelles d’associations renouvelées ou nouvelles entre religieux et laïcs
Je n’en retiens que deux aspects, à mon avis plus caractéristiques : la spiritualité et la vie de communauté.
Communications dans la spiritualité
En 1948, Hans Urs von Balthasar croyait pouvoir diagnostiquer une faiblesse de l’Action catholique dans une insuffisance de contemplation et de « passion » : « Avait-on suffisamment considéré que dans l’Église action et contemplation et, d’un autre point de vue, action et passion sont corrélatives ? Qu’un plus en action appelle un plus de contemplation et de passion [10] ? ». Il oubliait que la JOC des premières décennies avait été animée par la théologie et la spiritualité du Corps Mystique. L’observation est néanmoins pertinente. Récemment, le Comité central des catholiques allemands posait la question : « On peut se demander, en regardant d’un œil critique le développement depuis le concile, si, dans la même mesure où a grandi la conscience de la responsabilité et de la co-responsabilité des laïcs, a grandi aussi la conscience de l’autre face du sacerdoce de tous les croyants, à savoir la vocation de tous à la sainteté ». Et il formulait le souhait : « La compétence technique transmise par le travail de formation des associations pour les milieux respectifs et les tâches spécifiques devrait être plus fortement complétée par un accompagnement spirituel de la part des pasteurs [11] ». J’ai plusieurs fois entendu le même souhait exprimé par des laïcs en formation théologique universitaire. En 1963-64, Jacques Maritain, évoquant les Cercles thomistes de Meudon d’avant la guerre, répétait sa conviction de la nécessité d’unir profondément vie intellectuelle et vie spirituelle : une garantie, pour lui et ses amis, en avait été le vœu privé d’oraison [12]. Il arrive que des clercs et des religieux définissent tellement par rapport à eux la différence de l’état laïc qu’ils soupçonnent tout de suite d’infidélité à cet état le recours à des moyens qu’ils disent spécifiques de la vie religieuse alors qu’ils sont parfois les moyens communs de la sanctification chrétienne.
Il est opportun de se rappeler ce que tenait à souligner Jean-Claude Guy : « Tous les maîtres spirituels, de quelque école qu’ils soient, sont unanimes à reconnaître que la croissance dans la vie selon l’esprit de Jésus, la genèse d’une expérience de Dieu se fait à partir de l’intérieur de nous-mêmes, du cœur, et que peu à peu elle irradie toute notre personne jusqu’à s’exprimer en des comportements extérieurs. Il y a certes un lien entre manière d’agir et de vivre et expérience de Dieu, mais c’est celle-ci toujours qui est première, l’autre n’en étant que le fruit et la vérification. Un état social ou ecclésial de vie n’engendre pas une spiritualité, même s’il s’harmonise mieux avec telle ou telle ». Il évoquait ensuite la diversité des spiritualités chrétiennes comme divers chemins spirituels, diverses écoles où l’on apprend « à reconnaître que, par le Christ, Dieu est notre Père et que tout homme est notre frère [13] ». Tous les baptisés ont la liberté chrétienne, aujourd’hui officiellement reconnue par le droit, de suivre leur propre forme de vie spirituelle (c. 214), avec ou sans maître particulier. On a souvent fait observer que la formation de Jeanne d’Arc, sainte « dans le siècle », avait été d’abord et avant tout l’éducation chrétienne reçue dans sa famille et sa paroisse.
Une question se pose : comment va s’incarner pour les laïcs séculiers la docilité à l’école et à l’esprit d’un maître spirituel ? La participation aux œuvres spécifiques d’un institut n’y suffit pas. Le risque existe aujourd’hui, comme hier pour les Tiers Ordres, d’imiter de loin la forme de l’état religieux sans ce qui le fonde et l’unifie en profondeur. Hans Urs von Balthasar, qui s’était fait jadis l’apôtre enthousiaste des instituts séculiers, reconnaît que cette question se pose pour leurs membres et n’est pas facile à résoudre : les uns se rapprochent davantage de l’état religieux, les autres, plus séculiers, tendent à « spiritualiser » la pauvreté et l’obéissance [14]. Dans une association entre religieux et laïcs, la chance n’est-elle pas dans la franche reconnaissance d’incarnations différentes d’un même esprit pour un enrichissement spirituel réciproque ?
Communications dans la vie communautaire
Il est utile et aisé de voir les recherches en ce sens à l’intérieur du mouvement communautaire chrétien post-conciliaire, qui est lui-même à situer dans le mouvement communautaire contemporain, conditionné entre autres par la perte et la nostalgie du « village introuvable » (L. Kolakowski).
D’un point de vue théologique, il faut y reconnaître une heureuse redécouverte de la fraternité chrétienne concrète, trop longtemps et trop souvent réfugiée dans la fraternité des gens d’Église, clercs et religieux, et de la valeur propre, non instrumentale, de la communauté de l’Église. On voit aujourd’hui converger sur ce point des théologiens de traditions et de confessions différentes, tels, par exemple, L. Newbigin, L. Bouyer, J. Moltmann [15].
Cependant, le fait que ce mouvement communautaire chrétien est en relation avec un mouvement social plus large oblige à un discernement théologique et spirituel du genre de celui qu’opérait D. Bonhoeffer dans l’Allemagne des années 30 en insistant sur une communauté chrétienne reçue et vécue dans la foi et non simplement mesurée à des aspirations pieuses ou sociales [16]. Ce discernement fait partie de l’expérience de la vie religieuse, en même temps que la manière concrète de vivre, jour après jour, une fraternité reçue de Dieu, en Jésus-Christ et son Esprit, par des hommes pécheurs. La recherche communautaire contemporaine ne peut que gagner à se laisser instruire par une telle expérience ainsi que par les règles et mesures que cette expérience spirituelle (au sens chrétien de ce mot) a fait adopter.
C’est toute l’Église, en tout cas le plus grand nombre possible de chrétiens qui ont à entendre aujourd’hui l’appel, à saisir la chance, à organiser la réalisation d’une fraternité chrétienne. Deux erreurs sont donc à éviter. Il ne faut pas répéter celle des Réformateurs du XVIe siècle, reconnue par un Moltmann, qui ont rejeté la communauté religieuse pour favoriser la communauté de tous les chrétiens, mais ont perdu la première sans pour autant trouver la seconde. Il ne faut pas non plus recommencer, par résignation, à organiser une Église à deux étages, rassemblant à part les vrais chrétiens et les autres. L’Église a reconnu définitivement au IIIe siècle sa vocation authentiquement évangélique à être l’Église des uns et des autres, les uns soutenant les autres et pas toujours, comme on n’est que trop porté à l’imaginer, dans le même sens.
Terminons par une question : la mission de l’Église est-elle seulement ou principalement d’être une communauté originale, présentant une alternative sociale dont on peut espérer qu’elle inspirera et encouragera l’humanisation de la société ? On entend et on lit aujourd’hui des remises en question des idées reçues sur la mission de l’Église dans le monde qui pointent dans cette direction et orientent en ce sens certains mouvements communautaires. Par exemple, les deux ouvrages publiés en 1982 par les deux frères Norbert et Gerhard Lohfink, se référant le premier à l’Ancien, le second au Nouveau Testament [17]. Mais la comparaison entre les deux montre justement que l’Église du Nouveau Testament ne peut garder l’ampleur humaine, sociale, cosmique des promesses et de l’espérance de l’Ancien Testament qu’en acceptant la condition inconfortable d’une Église à la fois rassemblée en Jésus-Christ selon ses propres institutions, mais humainement limitée quant au « monde », et dispersée en la personne des chrétiens, qui ne sont pas que d’Église et qui tentent de vivre et d’agir dans le monde selon la vocation divine de l’humanité dont témoigne l’ensemble de la Bible. La diversité catholique des charges ainsi que des conditions et de l’organisation de la vie (LG 13) permet à l’Église de répondre à son unique vocation sans se laisser enfermer dans l’alternative de la fuite au désert et de la cité chrétienne [18].
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[1] H. U. von Balthasar, Der Laie und der Ordensstand, Coll. Christ Heute 1/2. Einsiedeln, Johannes-Verlag, 1948 (traduction française : Laïcat et plein apostolat. Coll. Études religieuses, 664-666. Liège, Pensée catholique, 1949). – K. Rahner, « Bemerkungen zur Theologie der Säkularinstitute », Orientierung, 20 (1956), 87-95 (repris dans K. Rahner, Sendung und Gnade, Innsbruck, 1959, et traduit dans ID., Mission et grâce. II. Serviteurs du Peuple de Dieu, Coll. Siècle et catholicisme, Paris, Marne, 1963, 167-210). Rahner critique la position tenue par Balthasar dans « Wesen und Tragweite der Säkularinstitute » (De l’essence et de la portée des instituts séculiers), Civitas, 11 (1956), 196-210. – Y. Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, Coll. Unam sanctam, 23, Paris, Cerf, 1953. – J. Daniélou, Recension du précédent dans Dieu vivant, n° 25 (1953), 149-152.
[2] G. Alberigo et Fr. Magistretti, Constitutionis dogmaticae « Lumen gentium » synopsis historica, Bologna, Istituto per le Scienze Religiose, 1975, 467-468.
[3] Le canon 2 du concile de Chalcédoine distingue déjà le clerc, le laïc et le moine (Dz 304). Sur l’histoire du terme, voir J. Hervada, Tres estudios sobre el uso del termino laico, Pamplona, 1973.
[4] Alberigo... (cité à la note 2), 468.
[5] Cf., par exemple, R. Bultot, « Théologie des réalités terrestres et spiritualité du laïcat », Concilium, n° 19 (1966), 37-48. L’auteur cite les témoignages, impressionnants à cet égard, de deux laïcs, Gabriel Marcel et PierreHenri Simon.
[6] L. von Hertling, Theologia ascetica, Roma, Pont. Università Gregoriana, 1944, 27, cité par Balthasar, op. cit., 47, note 1.
[7] E. Corecco, « Sacerdoce commun, sacerdoce ministériel et charisme. Pour un statut juridique des Mouvements » dans Les Mouvements dans l’Église, Coll. Le Sycomore, Chrétiens aujourd’hui, 10, Namur, Culture et Vérité ; Paris, Lethielleux, 1984, 206, note 14 (traduction de Movimenti nella Chiesa, Milano, Jaca Books, 1982 - Congrès international « Mouvements dans l’Église », Rome 1981).
[8] G. Marc, « Jeunesse ou consomption de l’Action catholique en l’an 2000 ? », Le Supplément, n° 124 (1978), 90.
[9] « Der Laie in Kirche und Welt » (Le laïc dans l’Église et dans le monde), Herder Korrespondenz, 40 (1986), 329.
[10] H. U. von Balthasar, op. cit. (note 1), 17.
[11] « Christ in Kirche und Welt » (Chrétien dans l’Église et dans le monde), Herder Korrespondenz, 40 (1986), 376 et 378.
[12] Cf. J. Maritain, « III. À propos du vœu d’oraison », Carnet de notes, Paris, Desclée De Brouwer, 1965, 235-254. Tout le passage est intéressant pour le sujet traité ici.
[13] J.-CL Guy, « Conditions pour un avenir de la vie religieuse », Vie consacrée, 54 (1982), 19-20 (texte repris dans J.-Cl. Guy, La vie religieuse, mémoire évangélique de l’Église, Paris, Le Centurion, 1987, 115-116).
[14] Cf. H. U. von Balthasar, « Wer ist ein Laie ? » (Qui est laïc 7), Internationale katholische Zeitschrift « Communio », 14 (1985), 389.
[15] L. Newbigin, L’Église, Peuple de croyants, Corps du Christ, Temple de l’Esprit. Coll. de Taizé, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1958, 194-196. – L. Bouyer, L’Église de Dieu, Corps du Christ et Temple de l’Esprit, Paris, Cerf, 1970, en particulier les ch. IV et VIII de la Deuxième Partie (Essai de synthèse doctrinale). – J. Moltmann, L’Église dans la force de l’Esprit. Une contribution à l’ecclésiologie messianique, Coll. Cogitatio fidei, 102, Paris, Cerf, 1980, en particulier 407-633.
[16] D. Bonhoeffer, De la vie communautaire, Coll. Foi vivante, 83, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1968, ch. I.
[17] N. Lohfink, Kirchenträume. Reden gegen den Trend (Rêves d’Église. Discours à contre-courant), Freiburg, Herder, 1982. – G. Lohfink, L’Église que voulait Jésus. Coll. Théologies. Apologique, Paris, Cerf, 1985.
[18] Cf. la contribution du Père G. Florovsky à la préparation de la Première Assemblée générale du Conseil Œcuménique des Églises à Amsterdam (1948) : « L’Église, sa nature et sa tâche », dans L’Église universelle dans le dessein de Dieu, Coll. Désordre de l’homme et dessein de Dieu, I, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1949, 59-81. Il y montre comment l’antinomie « société séparée - empire chrétien » est insoluble dans l’histoire mais « constitue une référence constante à ce qui est à venir ».