Discernement de la vocation et expérience « fondatrice »
Joâo Batista Libânio, s.j.
N°1987-4 • Juillet 1987
| P. 195-211 |
C’est dans le contexte de la vie religieuse en Amérique latine que ces pages ont été écrites. Le Père Libânio, théologien brésilien, veut aider les formatrices et formateurs à percevoir les conditions et les enjeux d’une authentique croissance spirituelle ; il donne en même temps un critère fondamental pour le discernement de la maturation vraie d’une vocation : son enracinement progressif dans l’expérience fondatrice. Sans prétendre ici à une réflexion sur la théologie de la vie religieuse apostolique, l’auteur se situe au niveau pédagogique ; il a le mérite de mettre en valeur la réalité profondément théologale de toute vie religieuse.
Article traduit du Bulletin de la CLAR, 23 (1985), n° 9 (septembre), avec l’aimable autorisation de l’auteur et de la revue.
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Voici des faits qui méritent de retenir notre attention. Certains instituts religieux semblent tentés de s’identifier à leurs œuvres traditionnelles. Aux yeux de leurs membres et des personnes du dehors, leur être même apparaît comme lié, par exemple, aux tâches de l’éducation, aux œuvres d’assistance charitable, à divers travaux dans les paroisses. Or voici que ces services perdent leur actualité. Du coup les instituts dont ils constituent comme la raison d’être entrent en crise. Un autre fait : une jeune fille, un jeune homme, se sent appelé à vouer son existence au bien du prochain ; la structure d’une congrégation religieuse lui semble offrir les conditions d’une meilleure réalisation de ses désirs. Entré en religion, il rencontre après quelque temps des limitations qui contrarient son action ou ses projets apostoliques. C’est lui qui entre en crise.
Ces données nous obligent à pousser notre réflexion plus profondément, jusqu’à la racine de la vocation religieuse. Pour trouver un peu de lumière, je recours à l’instrument théorique des « modèles ». J’en sais les limites et les risques ; j’estime pourtant que les modèles peuvent nous aider, pourvu que nous les utilisions comme un procédé méthodologique en vue d’éclairer la réalité. Nous n’allons pas les appliquer mécaniquement à celle-ci, mais leur demander des repères pour nous y situer.
La vie religieuse et l’expérience « fondatrice »
Description du modèle
Il y a une vocation religieuse qui naît, en première instance, d’une expérience spirituelle profonde – nous dirions mystique – où Dieu se fait saisir comme l’absolu, référence ultime de notre être tout entier. Nous ne parlons pas ici de connaissance théorique, mais d’un vécu dans lequel est éprouvé d’abord l’attrait profond, radical et comme irrésistible exercé par Dieu – une totalité qui comble l’affectivité en relation avec Dieu. Dans l’obscurité même de la foi, voire au sein du doute, on perçoit une certitude ineffable : Dieu est tout. Cette expérience est à l’origine de la vie religieuse. Elle pousse le sujet à s’engager dans cet état de vie.
Expérience de paix, de joie croissante. Cette exubérance mystique donne à la vie religieuse son sens et confère à l’appelé la force de mener allègrement cette existence. C’est une source de dynamisme. Elle accompagne le sujet toujours et partout. Elle n’est liée à aucune situation ou mission déterminée.
Expérience que nous disons fondatrice ou fondamentale, à laquelle, aux heures de doute, d’anxiété, de crise affective ou autre, le religieux recourra comme au roc inébranlable, à la pierre de fondation. Lors d’une phase de relâchement, de découragement, de déviation, cette expérience demeure comme un appel à la conversion, au renouveau de la ferveur première – encore et toujours, tant que la négligence n’aura pas entraîné une extinction totale. Quand se fait plus sensible la solitude du cœur, c’est l’expérience d’aimer (Dieu) et d’être aimé (de Dieu) qui maintient la paix des profondeurs.
Expérience révélatrice, à la lumière de laquelle s’apprécie la véritable allure de notre marche dans la vie religieuse. Cette allure ne se mesure pas à l’efficacité des travaux, aux succès, au développement des talents personnels ou à l’utilisation plus ou moins rationnelle et productive de ceux-ci.
Expérience qui est à l’origine du charisme des fondateurs, du moins au niveau personnel de ces derniers. Il se peut qu’on ne la remarque guère, que l’attention se porte plutôt sur les besoins de l’apostolat, l’institution qui est venue y répondre, l’œuvre qui a la prédilection du fondateur. Cependant la réalisation entreprise n’est : qu’une conséquence de l’expérience fondamentale, qui est pur don de Dieu ; jamais elle n’en est la cause, jamais elle ne la remplace ; elle en présente la médiation concrète.
Pour le religieux, les missions, les tâches, l’engagement au service du prochain résultent de son expérience faite personnellement et qui soutient son effort. Il ne l’identifie à aucune de ces médiations, de sorte qu’il n’aboutira jamais à l’impasse où il n’aurait plus qu’à quitter la vie religieuse parce qu’à son estime ses propres virtualités ne sont pas mises en valeur et qu’il espère trouver ailleurs plus d’efficience « apostolique ». Cette expérience explique l’attitude d’un Pierre Canisius, éminent théologien de l’époque tridentine, tout disposé à devenir cuisinier ou portier de collège. Ou d’un Teilhard de Chardin poursuivant son travail sans voir paraître ses écrits. Elle explique comment des hommes qui étaient en pleine activité apostolique, chercheurs ou professeurs par exemple, se voyant interdire les publications ou l’enseignement, ont continué de se dépenser, en toute paix et assurance, quoique non sans lutte, dans le silence de l’exil ou d’un emploi obscur. Pourquoi ? « Dieu seul suffit ! »
C’est une expérience gratuite, un don, qui réclame d’être cultivé et soutenu par les structures de la vie religieuse. Et si nous considérons les débuts de la vie religieuse dans l’Église, nous verrons qu’elle est née pour soutenir pareille expérience. La « fuite du monde » des ermites, c’est une recherche de Dieu dans la solitude. Les cénobites formèrent des communautés dont les membres s’entraidaient à vivre la primauté incontestable de l’absolu divin. La pauvreté, sous l’aspect du dépouillement et de la désappropriation, créait les conditions favorables à un tel engagement. On pratiquait l’obéissance au « père spirituel » afin d’être formé à vivre ce don de Dieu. C’était une obéissance « pédagogique » mettant le novice inexpérimenté à l’école d’un ancien depuis longtemps familier des pistes qui mènent à l’intimité divine, lui assurant en permanence la possibilité de vérifier l’authenticité de son cheminement spirituel. Par « vie spirituelle », on entend surtout la relation intime et personnelle avec Dieu, expression de l’expérience fondatrice. C’est encore dans ce contexte qu’on saisit le sens et l’importance de la chasteté. Autre chose qu’une expérience purement ascétique ou qu’un refoulement qui exclurait toute expression de notre affectivité en relation avec Dieu. Chasteté paisible et heureuse. Non qu’elle ignore les combats ou se dispense de la garde du cœur et du contrôle des sentiments. Elle n’est pourtant pas le fruit de cette vigilance et de ce contrôle. Elle naît de l’expérience fondamentale. Il faut parler de priorité existentielle de la présence de Dieu par rapport aux efforts ascétiques. C’est une irruption mystique qui se prolonge dans la discipline personnelle, au moins de façon embryonnaire.
Cette expérience fondatrice est donc bien, en dernière analyse, la source et l’origine même de la vie religieuse. Cela vaut aussi pour le célibat choisi à cause du Royaume de Dieu. Il n’a pas pour raison d’être les aspects fonctionnels du ministère sacerdotal ou les avantages d’une plus grande mobilité, etc. : ce sont là des éléments bien secondaires et qui, au fond, ne justifient pas un célibat vécu dans la liberté et le bonheur. C’est pourquoi, à défaut de l’expérience fondamentale, le célibat pâtit du caractère ambigu de certaines convenances éventuelles. Qui peut assurer que tel ministère déterminé, telle activité apostolique, sont assumés de façon plus adéquate par un célibataire que par un chrétien marié ? Parfois c’est en faveur de ce dernier que la balance penchera. Voilà la raison pour laquelle ni la vie religieuse ni le célibat consacré ne possèdent leur garantie de stabilité, la force qui permet d’y persévérer, sans cette expérience fondatrice.
En parlant du célibat on emploie couramment le terme de « vocation ». La formule prêterait à équivoque, si ce à quoi le sujet est appelé de façon directe était une tâche définie, un ministère comme tel. La vocation destine le chrétien à une vie rapportée exclusivement à Dieu ; du centre même de cette expérience naîtra le désir de se vouer à des formes concrètes de service des frères : ministère sacerdotal, engagement en vue de changements de la société, etc. La vocation, elle, se manifeste sans équivoque chez cette jeune Sœur, entrée au noviciat avec la candeur de son âme pure – après s’être soustraite aux enchantements de l’existence que sa fortune lui eût permis de mener – et qui demande à la Mère maîtresse : « Parlez-moi de Dieu ». Si beau que soit le travail de l’éducation, si séduisante qu’apparaisse l’expérience d’une insertion apostolique dans la société, telle n’est pas la racine de la vie religieuse. Il faut que ce soit le désir d’« écouter Dieu » et de vivre intérieurement de lui, de lui laisser emplir l’espace de notre affectivité. De là découle tout le reste.
Aussi est-il permis de dire que chez les différents fondateurs d’instituts religieux l’expérience fondamentale présente un aspect commun. Leurs charismes particuliers coïncident d’une certaine manière puisqu’ils se déploient tous à partir d’une saisie essentiellement identique. Les formes diverses par lesquelles les uns et les autres l’expriment ne constituent pas le charisme fondamental. Celui-ci nous ramène à l’expérience évangélique de Jésus dans sa relation au Père ; nous sommes appelés à la vivre par la présence de l’Esprit. Cette expérience est antérieure aux missions qui, en général, lui sont associées. Antériorité à bien entendre. Avec la philosophie scolastique, nous distinguons l’antériorité ontologique de l’antériorité logique. Cette dernière s’inscrit dans l’ordre de notre connaissance. Sur ce plan, il se peut que dans la vocation la priorité appartienne à telle mission, à telle activité concrète : celle-ci se présente à notre conscience claire avant l’engagement à Dieu dans la vie consacrée. Mais il faut, en vertu de la nature des choses, que sur le plan de la réalité – l’ordre ontologique – soit première, originelle, l’expérience de l’exclusivité de Dieu, qui fonde vraiment l’engagement du religieux. Cette antériorité-là, cette primauté, il est possible qu’elle ne se découvre qu’en un second temps ; on se rendra compte alors que le zèle apostolique ne puise son inspiration authentique et sa vigueur inconfusible que dans l’attachement à Dieu.
Parlant de l’attitude d’« indifférence » que saint Ignace réclame du retraitant désireux de discerner sa vocation, Karl Rahner la définit comme un sens aigu de l’absolu de Dieu, en vertu de quoi tout le reste – y compris les choses sacrées, les actions de l’apostolat – est relatif. C’est à partir de l’expérience de cette valeur absolue de Dieu que toute chose est relativisée : sans valeur aucune hors de son rapport à Dieu, acquérant un prix sans égal dans la mesure où on la réfère à Dieu. Telle est l’expérience fondamentale de toute vie religieuse.
Avec l’apparition des ordres religieux de prêtres s’est peut-être obscurcie la différence qui distingue l’aspect strictement ministériel de l’expérience fondamentale de la vie religieuse. Notre Père Instructeur du Troisième an, à Paray-le-Monial, nous disait que le frère laïc représente l’expression la plus claire de la vie religieuse. Car dans la personne du religieux prêtre on confond aisément le charisme central avec l’exercice des ministères, lesquels peuvent être assurés par des chrétiens mariés, comme aux origines du christianisme et dans les Églises d’Orient. A cause du lien pratiquement établi, dans l’Église latine, entre l’exercice du sacerdoce ministériel et l’obligation du célibat, on saisit difficilement la différence radicale qui distingue ces deux réalités. L’observation vaut également, et encore davantage, de certaines tâches apostoliques remplies par les congrégations religieuses et qui sont susceptibles d’être assumées tout aussi bien, voire mieux, par des chrétiens non religieux.
Au fond, l’expérience fondatrice est une grâce. C’est l’expérience de la valeur totale et exclusive du divin dans notre vie. Elle est traduite par sainte Thérèse dans ces vers admirables en leur simplicité :
Que rien ne te trouble,
rien ne t’épouvante ;
tout passe,
Dieu ne change pas.
La patience
obtient tout ;
à qui possède Dieu
rien ne manque ;
Dieu seul suffit.
Si elle est grâce, elle est aussi collaboration du sujet humain. Elle demande à être cultivée, parce que le don que Dieu fait à un être libre, raisonnable, responsable, est toujours dialogal. Il ne fructifie que dans un dialogue responsable. C’est pourquoi il existe des structures d’appui.
Structures qui assurent à l’expérience fondatrice possibilité et soutien
Ici s’applique l’axiome classique de la théologie scolastique : « La grâce suppose la nature ». La vocation mystique ne germe pas, normalement, dans n’importe quelle structure psychique et ne se maintient pas sans entretien approprié.
Avant tout, bien sûr, intervient la grâce divine. Il n’y a expérience mystique que si Dieu nous attire. « Dieu seul suffit », parce qu’il se fait percevoir de cette façon. Il ne s’agit pas d’une connaissance rationnelle, théorique, mais d’une expérience qui suppose, bien sûr, qu’on soit attentif à la présence de Dieu. Ainsi toute vocation religieuse trouve dans la grâce divine sa racine la plus profonde : Dieu se présente comme l’unique, celui qui est absolument nécessaire et suffisant. Ici intervient à plein la tradition mystique. Nous avons affaire au donné primordial. L’attrait radical exercé par Dieu séduit le mystique, le religieux, en tout son être. C’est ainsi qu’Amos comprend sa vocation : « Le lion rugit, qui ne tremblerait ? Le Seigneur Jahvé parle, qui ne prophétiserait ? » (Am 3,8). Comme le rugissement du lion provoque un frémissement incoercible, ainsi l’appel de Dieu est irrésistible.
L’expérience mystique s’enracine là où le sujet prend conscience que Dieu est la référence dernière, la valeur suprême, souverainement digne d’intérêt. Par conséquent, plus la culture religieuse ambiante fait de place à Dieu comme centre de référence, plus une telle expérience sera facilitée du point de vue social. Le milieu où l’on vit lui est favorable dans la mesure où il parle de Dieu. On ne vit, on n’expérimente que ce dont on entend parler, ce dont on s’entretient, ce dont on perçoit des témoignages. Dans une société où la culture est imprégnée du sens de Dieu, la vocation religieuse fleurira plus spontanément, plus facilement, puisqu’elle trouvera des sujets habitués à voir Dieu dans sa position d’absolu, dans sa transcendance.
A mesure que la culture se sécularise, il est à prévoir – et c’est effectivement le cas maintenant – que ces vocations vont se raréfier et que la vie religieuse comme telle subira un déclin. Il est possible que ce phénomène trouve une « compensation » dans un autre type de don de soi, mais celui-ci se définira par la tâche ou la mission assumée plutôt que par l’expérience mystique.
Ce fait socio-culturel affecte les structures psycho-sociologiques de la personne. Ainsi une affectivité qui se développe dans une atmosphère où les rapports avec Dieu sont empreints de sentiments affectueux sera plus capable d’éprouver l’exigence radicale du don à Dieu. En termes techniques, une « socialisation primaire » de piété, d’amour et de respect profond à l’égard de Dieu permettra de vivre, à l’âge adulte, uniquement pour lui. « Dieu seul suffit », parce qu’en fait, dès la première enfance, à travers les attitudes et la conduite des parents, cette expérience a été vécue au niveau subliminal, sur le plan des structures émotionnelles. Pour l’expérience en question, l’influence de cette période de l’enfance est capitale, sans être jamais déterminante. Car il y a, si l’on peut ainsi parler, des « miracles de la grâce ».
De plus il est requis que l’expérience religieuse se développe dans une relation saine avec les parents. Autrement dit, que l’enfant grandisse entouré d’affection, de manière que pour le reste de son existence il n’ait pas à souffrir d’une carence irrémédiable. Un manque affectif, avec l’angoisse qui l’accompagne, peut devenir un obstacle psychologique qui entrave l’expérience mystique. Pour sentir par expérience que « Dieu seul suffit », il faut que notre liberté ne soit pas bloquée par l’insécurité affective, mais solidement appuyée sur des expériences infantiles de tranquillité affective. La personne dont l’enfance a connu assez d’amour pourra plus facilement se livrer à Dieu de façon radicale, sans avoir essentiellement besoin d’une autre source pour soutenir son affectivité.
Naturellement, cette expérience mystique n’exclut pas l’affectivité humaine au sens du don de soi ou de l’accueil. Mais elle permet au sujet de saisir qu’en dernière analyse, en dernière instance, au plus profond de lui-même, règne une « suffisance de Dieu » où s’originent les mouvements de son affectivité envers autrui et qui se renforce des affections dont il est l’objet. Ce sentiment que Dieu suffit ne se construit que sur une psychologie affectivement « satisfaite » par les expériences antérieures d’amour paisible et sûr, celles surtout qui ont été faites par l’enfant. Ce sentiment n’est pas un substitut qui viendrait compenser des frustrations éprouvées durant l’enfance, ni une forme de répression – effet de la peur devant l’amour humain. A cette expérience mystique ne s’applique pas le mot sarcastique du penseur français : « Ils prétendent aimer Dieu parce qu’ils sont incapables d’aimer les hommes ». Bien au contraire, les bénéficiaires de cette expérience aiment Dieu parce qu’ils ont été élevés dans un climat d’amour – d’amour réciproque. Le cas peut se présenter aussi où l’on perçoit les carences qui, consciemment confrontées à l’expérience de Dieu et décelées en toute évidence dans les différentes médiations humaines, sont susceptibles d’être surmontées ou du moins contenues à un degré suffisamment tolérable.
Toute cette réflexion est assurément affectée d’une coefficient de relativité. D’abord la grâce de Dieu est assez puissante pour faire irruption dans une âme à n’importe quel moment de la vie et de façon si absolue qu’elle transforme son affectivité. Jeanne de Chantal, veuve avec des enfants en bas âge, n’hésita pas à les quitter en un geste dramatique, passant par-dessus leurs corps, sur le seuil de sa maison où ils s’étaient étendus pour lui barrer la route ; elle alla s’enfermer dans un couvent pour s’y livrer à la vie mystique.
Et puis notre affectivité est susceptible d’évolution. A certains niveaux on peut traiter les carences éprouvées et les dépasser. Une des tâches importantes à réaliser dans la formation des jeunes religieux, c’est l’éducation de l’affectivité. Mais cette œuvre suppose, en plus de l’expérience fondatrice, un minimum de conditions psychologiques.
Nous venons de le dire : l’expérience dont il s’agit, et qui est une grâce, postule d’ordinaire certaines conditions psychologiques. A quoi il faut ajouter que toute expérience donnée dans l’histoire a plus ou moins de chances de durée selon qu’elle est cultivée ou non. Nous vivons dans le temps et l’espace, c’est pourquoi sans culture la foi et l’amour défaillent. Si réellement mystique que soit l’expérience, elle a pour sujet un être composé de matière, engagé dans l’espace et le temps. Faute d’être continuellement alimentée, elle s’évanouit.
C’est là d’ailleurs un thème connu. A titre d’exemple, je signale quelques-unes des principales façons de nourrir l’expérience fondatrice : les exercices spirituels, ignatiens ou autres, l’oraison et les médiations concrètes qui aident à vivre l’engagement religieux avec un sens éveillé de la dimension théologale. Dans toutes ces pratiques l’essentiel est la référence constante et explicite à l’élément « théologal » de la réalité, c’est-à-dire à l’aspect de présence de Dieu dans chacun des faits rencontrés. C’est en ce point que se situe le défi pour les religieux engagés dans un combat pour la libération des hommes. S’ils se comprennent comme « religieux » dans le sens de l’expérience fondatrice, tout leur engagement se rapporte à elle et procède d’elle. C’est donc elle qu’il faudrait vouloir alimenter par les différentes pratiques. Ce qui n’est possible que moyennant une attention spéciale réservée à l’aspect théologal des actions, qu’elles soient de caractère directement spirituel ou non. On ne peut se contenter de la dimension de charité qui est intrinsèque à toute action déployée en faveur d’autrui. Il est nécessaire d’entretenir la vue explicite de la présence divine. C’est seulement de la sorte qu’on alimente l’expérience de Dieu. Car cette expérience requiert qu’on soit attentif à la réalité ; il ne suffit pas de vivre les choses dans leur matérialité.
Bien entendu, ce n’est pas de la même façon que cette attention théologale se maintiendra au sein des activités extérieures ou dans l’intériorité de la célébration liturgique ou du culte exercé dans un cadre monacal. Toutefois les formes plus nouvelles de la vie religieuse ne la rendent pas superflue ; d’où la nécessité d’ orienter explicitement l’intention dans l’axe de la présence de Dieu. A cette fin on a besoin, selon la philosophie classique, d’une « réflexion complète » où le sujet prend conscience non seulement de ce qu’il pense, mais de l’exercice même de sa pensée. Transposons la formule pour l’adapter à notre thème : pour le religieux, il s’agit, grâce à un acte de liberté, d’amour et de donation de soi, de savoir et d’éprouver qu’il est envahi par Dieu dans son action libératrice ; et cela passe forcément par la connaissance. La pratique du discernement spirituel imprégnant les différentes pratiques concrètes et prenant toujours comme paramètre l’exemple du Christ permettra de garder vivante cette expérience. Et celle-ci à son tour répandra son énergie spirituelle dans les activités concrètes.
La vie religieuse et l’expérience du ministère
Jusqu’ici nous nous sommes occupés du premier modèle de vie religieuse : la vocation née de l’expérience fondamentale de l’absolu de l’amour que Dieu nous porte et qui nous attire à lui. Les faits nous montrent que c’est suivant une autre perpective que certains chrétiens entrent dans la vie religieuse et y demeurent. C’est cette orientation que nous allons considérer à présent.
Description du modèle
Ici le service de l’apostolat constitue la source première et fondamentale de la vie religieuse. On s’engage dans celle-ci parce qu’on veut exercer dans l’Église un ministère déterminé, accomplir une tâche concrète : enseignement, éducation de la jeunesse, insertion dans les milieux pauvres, fonctions paroissiales, etc.
Dans ce modèle, l’essentiel est l’action pastorale. La vie religieuse, les exigences du célibat sont considérées comme structures d’appui, aides pour l’accomplissement de la mission. La vie communautaire, elle aussi, contribuera à entretenir la flamme de l’enthousiasme dans le service. Elle nous libère de nombreux soucis qui entraveraient un engagement plus total. Le soutien affectif trouvé chez les frères ou sœurs en religion concourra à l’équilibre émotionnel au bénéfice de l’efficacité apostolique.
Dans ce modèle de vie religieuse, les vœux sont situés dans la visée de la mission. Dévouement, générosité, activité, disponibilité au travail, telles sont les vertus mises au premier plan. Le perfectionnement des qualités humaines, la mise en valeur des talents, le choix des emplois en fonction du rendement le plus élevé, sont des composantes essentielles du modèle.
La virginité consacrée est comprise également dans cette perspective de service. On la justifie comme favorisant plus de disponibilité en vue des changements de situation et d’activités, etc. On estime que le mariage et la famille mettent des entraves à un engagement apostolique plus radical et plénier. On prend au sérieux la formule classique : « Le mariage est le tombeau des révolutionnaires ». Cela en ce sens que le célibat ménage plus de liberté pour la construction du Royaume. On insiste d’ailleurs sur cet aspect de construction du Royaume.
L’idée qu’on se fait des structures de la vie religieuse est dominée par le souci de sauvegarder l’option pour l’apostolat et de garantir la persévérance, la continuité et l’efficacité de cette action. Avec une certaine exagération nous dirions : la vie religieuse est une « entreprise apostolique » : tout y est pensé par rapport à celle-ci et aux structures qui s’y articulent.
Cela laisse de moins en moins de place, par exemple, à la vocation d’un frère laïc analphabète. On cherche des frères dûment qualifiés, capables de rendement dans l’action apostolique. Pour des travaux non spécialisés, on prendra des salariés. Occuper un religieux à des tâches dépourvues d’utilité pour l’entreprise apostolique, cela n’a pas de sens. Et de fait, les vocations de ce genre se font de plus en plus rares.
Une analyse superficielle donnerait à penser que les ordres mendiants, et peut-être encore plus nettement la Compagnie de Jésus, ont instauré ce modèle de vie religieuse, en contraste avec le type antérieur vécu par les grands ordres contemplatifs. En fait, la Compagnie de Jésus – pour ne parler que d’elle – n’est pas née à partir d’un service concret comme tel, mais d’une expérience mystique de saint Ignace. Expérience qu’il désire communiquer à ses disciples par le moyen des Exercices spirituels. Ignace propose ceux-ci comme la première grande « expérience », test de la vocation du candidat. De l’enthousiasme suscité par cette expérience procédait à ses yeux le zèle pour le salut des âmes.
Problème inhérent à ce modèle
Quand effectivement les sujets individuels ou les groupes religieux eux-mêmes conçoivent la vie religieuse à partir de l’action apostolique comme sa source première, ils rencontrent des crises et des problèmes. Ils s’acheminent vers de véritables impasses.
La solution définitive, ce modèle-ci n’y arrive qu’en s’intégrant à l’autre. Du coup il cesse de constituer un modèle rigide, autonome. Autrement dit, les chrétiens entrés dans la vie religieuse en vertu de motivations apostoliques découvrent au noviciat ou au cours de leur existence que pour eux la vie religieuse se justifie par une raison plus profonde : la donation radicale à Dieu qu’elle fait réaliser. Venant de l’expérience apostolique on arrive à l’expérience « fondatrice ». A partir de celle-ci, une saine relativisation affectera les activités de l’apostolat. Revoici alors le premier modèle, où apparaît la véritable vie religieuse dans son originalité.
Il peut d’ailleurs se faire que le second modèle fonctionne sans accroc jusqu’au terme de la vie à la faveur de certaines conjonctures et soutienne des groupes pendant assez longtemps. Cela se produit lorsque l’activité apostolique correspond aux besoins psychologiques, spirituels et humains du religieux. L’action est alors éprouvée comme réalisation affective. Dans un climat de sérénité affective, les mises en question et les problèmes ne surgissent pas facilement. Le sujet va tranquillement de l’avant. Telle prestation pastorale, apostolique, donne le sentiment d’un secours réellement apporté à une situation de besoin. Pareille expérience alimente et soutient l’efficacité. Et sur le plan affectif, elle vient compenser le manque d’autres expériences, surtout celui qui est lié au célibat. Cette satisfaction trouvée dans l’apostolat est bien connue comme voie d’intégration de l’affectivité. Il s’agit là d’une sorte de sublimation des poussées de l’affectivité par le moyen de l’action. Et ainsi la vie religieuse se déroule sans crise, tant que les œuvres gardent ou semblent garder leur signification apostolique. C’est pourquoi les religieux en question éprouvent maintes fois, de manière quasiment inconsciente, une sorte de peur devant les critiques, devant les essais de changement ou la perspective de suppression dont ces œuvres sont l’objet. Peut-être ne le saisissent-ils pas clairement : la vocation à la vie religieuse emprunte effectivement comme support les œuvres avec leur efficience et leur portée apostolique. Alors, toucher à ce point, c’est blesser au cœur la vocation du religieux.
Le problème surgit lorsque telle ou telle activité perd elle-même son sens apostolique ou cesse de donner son sens à la vie du religieux ou de la religieuse. Il se manifeste immédiatement au niveau de l’affectivité. Les développements de cette situation peuvent s’enchaîner de plusieurs manières différentes.
Il arrivera à un religieux de s’apercevoir à un moment donné que son effort apostolique pourrait être plus productif hors du cadre de la vie religieuse. L’expérience nous l’a montré : certains chrétiens mariés réussissent un engagement et une insertion apostolique plus radicaux que ceux des religieux. Cela justement grâce à l’aide affective que les époux s’apportent mutuellement. Combien de laïcs ne remplissent-ils pas la mission éducatrice, même dans le domaine de la formation religieuse, aussi bien ou mieux que des religieux ? Sur le simple plan de la prestation apostolique, comment percevoir une différence entre les uns et les autres ? Alors la jeune sœur, le jeune religieux se demandent : pourquoi demeurer dans la vie religieuse, si je puis en faire autant et même davantage en sortant et en me mariant ? L’enrichissement matériel et l’embourgeoisement qui, sous mille prétextes de meilleur service, ont gagné tant de structures de la vie religieuse, ont finalement engendré le sentiment d’un rétrécissement et non pas d’une aide pour le service de l’apostolat. Les personnes qui sont entrées dans la vie religieuse en vue d’un engagement apostolique ne voient plus pourquoi y rester. Elles se sentiraient plus authentiquement apôtres dans l’état de laïcs mariés.
On connaît des situations plus étonnantes. Certains anciens religieux exécutent maintenant, dans les organisations appartenant à l’institut dont ils se sont séparés, un travail de caractère plus immédiatement apostolique et plus efficace que les tâches dont ils s’acquittaient autrefois et qui occupent beaucoup de leurs confrères d’hier, davantage absorbés, sans rayonnement pastoral, par des offices d’ordre administratif ou économique. Il se produit des contrastes choquants : des laïcs chargés de la formation religieuse des élèves, des religieux affectés à la gestion d’un établissement, d’une exploitation agricole. C’est une pression énorme qui détourne les religieux idéalistes de persévérer, s’ils ne sont entrés dans la vie religieuse qu’en vue de l’action apostolique.
L’aboutissement normal de la crise, c’est la sortie. En effet, ceux qu’un certain genre d’expérience et de réflexion amène à se rendre compte qu’ils pourraient, hors de la vie religieuse, accomplir un service apostolique équivalent ou plus large, se trouvent peu motivés et se désistent. Renoncer au mariage, c’est payer trop cher l’accomplissement d’un travail qui, du point de vue de l’efficacité apostolique, sera de qualité égale ou moindre. Dans cette vue des choses, la vie religieuse ne semble plus se justifier.
Pareille crise a été funeste pour beaucoup de religieux. Et les instituts qui s’étaient structurés dans la perspective correspondant à notre second modèle sont frappés d’un épuisement rapide et inévitable. On éprouve le sentiment que ceux-là se maintiendront qui, pour des raisons psychologiques ou pour d’autres motifs, n’ont pas voulu courir le risque du changement et gardent le rythme routinier où ils étaient installés – la loi de l’inertie jouant plus que l’élan apostolique – ou aussi ceux pour lesquels la raison d’être de la vie religieuse se situait au-delà de la médiation des activités apostoliques.
Le modèle que nous critiquons souffre également du conflit qui surgit inévitablement entre les structures apostoliques, parfois très lourdes et rigides, et la créativité toute naturelle des jeunes générations. Puisque, en l’occurrence, le fondement dernier de la vie religieuse a été situé dans l’apostolat, le poids de ces structures vieillies finit par causer des crises et puis le départ, parfois en masse, des religieux et religieuses moins âgés. On ne réussit pas à les retenir par des invitations à la patience. Inutile d’invoquer devant eux des autorités qui répètent l’éloge des œuvres traditionnelles ou prêchent la confiance à garder aux institutions sans s’arrêter aux résultats tangibles, etc. Pareil type d’argumentation vient renforcer le modèle d’une vie religieuse conçue exclusivement en fonction de l’efficacité et par là il révèle son caractère profondément vulnérable.
Pour s’adapter à la conjoncture, certains instituts se sont lancés dans une course à l’innovation. Ils subsistent en changeant d’activités. C’est la nouveauté même qui va soutenir l’entrain. Pour combien de temps ? Ainsi l’on en a vu qui avaient des collèges et les ont abandonnés pour prendre des paroisses. Ce fut un moment d’enthousiasme. Une fois lassés des paroisses, ils ont choisi l’insertion au cœur des masses. Avec une reprise d’enthousiasme. Quand ils en auront assez de cette forme d’apostolat, où iront-ils ?
Quant aux religieux eux-mêmes, il en est qui persévèrent alors qu’ils ne croient plus à ce qui fut la raison ultime et décisive de leur entrée : l’efficacité apostolique. Ils persévèrent sous l’emprise et la censure d’un sur-moi, sous la pression des conditionnements socioculturels. Sortir signifierait pour eux un dépaysement total. Toujours dans ce modèle, il arrive souvent que, la virginité consacrée ayant perdu le soutien de l’élan apostolique, il faille chercher sa défense dans l’ascèse, voire le refoulement – une ascèse plus proche de la discipline que de l’amour.
D’aucuns adoptent comme solution personnelle une sorte de conformisme sceptique. Il est trop tard pour s’en aller. On continue de vivre – ou de se laisser vivre – avec une espèce de fatalisme. Tout en éprouvant une angoisse secrète à constater la faillite d’une vocation qui eut un jour tout son sens et qui l’a perdu. Mais il en est aussi qui demeurent parce que l’institution religieuse leur assure une existence confortable, bourgeoise autant que médiocre. La communauté continue de constituer une « pension pour célibataires » qui n’ont plus foi dans le genre de vie qu’ils mènent ou, dans des cas moins tragiques, prennent leur parti de la modicité de leur efficacité apostolique, sachant qu’ailleurs ils pourraient faire beaucoup plus, mais n’ont plus le courage de changer.
Conclusion
Le problème fondamental n’est pas de savoir quelle fut la première expérience qui nous a acheminés vers la vie religieuse. Si ce fut l’expérience fondatrice, nous y trouvons, à condition de l’entretenir, une garantie d’authenticité de notre vie religieuse. Si ce fut une motivation de caractère apostolique, il faut nous demander si nous en sommes restés là. Si l’expérience d’une telle motivation n’évolue pas dans le sens de l’expérience fondatrice, les garanties de persévérance et de bonheur dans la vie religieuse sont faibles.
La conclusion la plus importante, c’est que tous nous devons cultiver l’expérience fondatrice, qu’elle se soit déclarée dès le début ou qu’elle ait apparu au cours de notre vie religieuse. L’engagement au service du prochain, l’enthousiasme apostolique peuvent constituer des médiations valables pour découvrir la dimension « fondatrice » du « Dieu seul suffit ». L’effort à fournir en ce sens est essentiel au temps de la formation. Si durant cette période on n’entretient pas l’expérience fondamentale ou qu’on ne conduise pas le jeune religieux à la découvrir dans les médiations qui l’ont attiré de prime abord, on prépare pour l’avenir des crises et des défections.
Pour un institut spécialement orienté vers des services apostoliques, il importe de garder dans ses réflexions la référence à cette expérience et d’attendre d’elle lumière, force et enthousiasme pour ses activités. C’est en cela que consistera le retour véritable à la source première de sa vie et de son charisme. À défaut d’un tel ressourcement, toute espèce de réalisation manquera de profondeur et de sérieux.
En somme il n’y a pas deux modèles de vie religieuse. Il n’y en a qu’un seul, qui s’enracine dans l’expérience fondatrice. Mais il y a deux manières d’arriver à celle-ci : on la fait d’emblée ou bien l’on s’en approche lentement à partir des motivations de l’apostolat. Il ne faut pas prendre les médiations pastorales pour le constitutif ultime de la vie religieuse, mais pour des expressions de l’expérience fondatrice.
Puisque nous vivons dans un monde sécularisé où l’on apprécie avant tout les activités, l’efficience, le travail, il est normal que les vocations se manifestent à partir de l’intérêt pour l’action. Il serait funeste d’en rester à cette motivation. La formation devra introduire au noyau de la vie religieuse : c’est la disponibilité radicale à l’égard de Dieu dans une remise de soi qui engage profondément l’affectivité. Les Exercices spirituels de saint Ignace offrent une aide précieuse pour découvrir pareille expérience spirituelle profonde. Celle-ci se nourrira de l’oraison assidûment pratiquée. Ce sont là les moyens traditionnels et qui ne seront jamais dépassés. Ils se révèlent toujours plus nécessaires, surtout pour des jeunes gens dont l’enfance aura été moins habitée par l’élément religieux.
Le seul fait de l’expérience fondamentale n’est pas une garantie absolue de persévérance. Il faut d’abord éprouver et vérifier son authenticité. En langage de spiritualité : la soumettre à un discernement. Comme toute expérience humaine, elle comporte certainement des composantes ambiguës, des faiblesses psychologiques, d’autres impuretés. C’est seulement par l’effort, le soin de l’entretenir et la purification qu’elle s’approfondira et prendra toute sa consistance. Sans nul doute, l’option en faveur des pauvres apparaît aujourd’hui comme une médiation privilégiée pour un tel approfondissement.
« Dieu seul suffit », là gît la racine. Les rameaux pourront être multiples ; ils seront vivants dans la mesure où ils participeront de la sève qui monte de la racine. Si celle-ci ne se développe pas et ne produit pas tige et rameaux, elle est exposée à mourir. La richesse de la vie religieuse consiste précisément à garder en sa clarté l’expérience fondatrice et à déployer à partir d’elle les différentes formes du service des frères humains. Cela se fera, de façon explicite, dans la réflexion, l’étude et l’oraison.
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