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Le sens du célibat consacré dans l’Église (II)

Nicole Echivard

N°1987-2 Mars 1987

| P. 113-122 |

Voici la suite de cette méditation de théologie spirituelle. Dans le numéro précédent, l’auteur marquait d’abord la différence entre le mystère de la virginité spirituelle et l’état de vie du célibat consacré, puis elle évoquait le sens nuptial et marial de celui-ci ainsi que sa dimension christique. Poursuivant sa réflexion, Nicole Echivard aborde maintenant un aspect du célibat consacré rarement mis en lumière : cette vie appartient aussi à la dimension pneumatique de l’Église, au monde de l’Esprit, monde du surcroît et du gratuit.

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Le célibat consacré, manifestation de l’Esprit Saint et de la victoire de la rédemption

Par la radicalité de la foi qu’implique cet état de vie

Il y a plus. Le fait qu’une telle réponse d’amour soit possible, le fait qu’un tel choix d’amour soit possible aux hommes, même après la « disparition » de Jésus, montre que le célibat consacré est la manifestation prophétique d’un autre mystère : celui de la victoire totale de la rédemption, celui de notre « adoption filiale » (Ga 4,4-6), celui du « don de l’Esprit » (Jn 7,39 ; Ac 2), dont nous avons reçu « les prémices » (Rm 8,23) et les « arrhes » (2 Co 5,5) si réellement que, par le baptême, nous commençons à devenir « participants de la nature divine » (2 P 1,4).

Et d’abord le célibat consacré rend visible le don de l’Esprit qui rend « participant de la nature divine » dans la mesure où il permet aux hommes de sonder vraiment le mystère du Verbe incarné. Car, comme le dit Jean dans le passage de son Épître cité plus haut, ce « Verbe de vie » « entendu », « vu », « contemplé » et « touché » par certains, n’a pu faire rayonner le visage humain et les paroles audibles de Dieu dans le cœur des hommes après son Ascension qu’en étant « annoncé » par ses premiers témoins, de sorte que toutes les générations puissent entrer dans la communion d’« amour » et de « joie » de la révélation divine. Mais de quelle nature est cette communion ? Qui rend possible cette communion et qui rend possible et crédible le témoignage des premiers témoins ? Qui permet de « croire sans avoir vu », et qui permet de croire en ayant vu ? Qui permet la béatitude des uns et des autres (Jn 20,29) ? Sinon l’Esprit. Car, sur quoi porte le témoignage des témoins ? Si Jean a été brûlé d’amour par la personne de Jésus jusqu’au don total de lui-même dans le célibat virginal, c’est dans la mesure où le regard de la foi, par l’Esprit, relayait ses yeux de chair pour « voir » l’invisible divinité dans l’icône humaine et visible de Dieu. L’humanité de Jésus a manifesté l’irrésistible attrait du Dieu d’amour, mais c’est à l’irrésistible attrait du Dieu d’amour perçu dans la foi, par l’Esprit, à travers le mystère de cette « chair », que Jean a répondu par son célibat virginal. Ce n’est point « charnellement » que l’on contemple le Verbe incarné et que l’on choisit de se laisser épouser par lui, mais dans la foi, « spirituellement ». « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie » (Jn 6,63). C’est l’Esprit, par la foi, qui rend possible et crédible le témoignage des premiers témoins aux générations suivantes, et renouvelle pour ces dernières la contemplation véritable, amoureuse et vivifiante, sanctifiante et attirante du Verbe incarné, mort pour nous et ressuscité, le visible redevenu invisible. Et c’est l’Esprit qui fait discerner dans la foi que le Corps et le Sang eucharistiques de Jésus sont le don d’amour extrême de la sage folie divine. Comme le dit Jean : « C’est l’Esprit qui rend témoignage » (1 Jn 5,6) ; c’est l’Esprit qui est le premier et l’unique témoin du Verbe et qui enseigne son mystère par la foi qui surélève l’intelligence :

Je vous ai dit ces choses alors que je demeurais avec vous. Mais le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit (Jn 14,26-27).

Et encore :

Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira vers la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même ; mais tout ce qu’il entendra, il le dira, et il vous annoncera les choses à venir (Jn 16,13).

Et c’est parce que cet Esprit, témoin du Verbe, est par la grâce de la rédemption au-dedans de nous, que le croyant à son tour, et en lui, témoigne :

L’Esprit de vérité (...) vous, vous le connaissez parce qu’il demeure avec vous et qu’il est en vous (Jn 14,17).
Quand viendra le Paraclet, que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui provient du Père, il me rendra témoignage. Et vous aussi, vous témoignerez (Jn 15,26-27).

Ainsi l’on peut dire que le célibat consacré, par la radicalité de foi qu’il implique, manifeste de façon prophétique cet Esprit qui seul peut témoigner en nous du Verbe incarné et rédempteur. Comme et autrement que le martyr, le consacré apparaît comme le témoin privilégié du grand témoin qui l’illumine, l’Esprit Saint ; et il en est le témoin non pas en paroles ni en actes, mais par son état de vie permanent, don total à celui que la foi seule atteint.

Par la radicalité de charité que ce choix de vie implique

Mais l’Esprit qui rend « participant de la nature divine » ne fait pas qu’illuminer aux yeux de notre foi le mystère de l’amour divin. Il nous fait aussi vivre et aimer selon les modalités de l’amour divin telles que les a manifestées Jésus-Christ. Comme l’écrit Paul, par l’Esprit : « si je vis, ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20). C’est l’Esprit, par la foi, mais aussi et surtout par la charité qu’il communique, qui appelle de génération en génération certaines personnes à remettre à l’unique Époux toutes les forces vives de leur être. « L’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! Que celui qui écoute dise : Viens ! » (Ap 22,17). Sans l’Esprit, il serait impossible à une personne humaine, quand l’heure de se déterminer, d’accomplir sa vocation fondamentale et personnelle à l’amour, est venue, non seulement de « voir » mais d’accueillir le mystère personnel de Dieu comme son bien propre, unique et suffisant, comme sa plénitude et sa joie propres, et de se donner à lui, corps et âme, comme il l’a fait lui-même, du même amour dont il l’a fait lui-même, du même amour divin, total, spirituel dont il aime le Père et est aimé de lui, et du même amour total et spirituel dont il nous a aimés :

Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour. Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite (Jn 15,9-11).

Or, c’est dans l’Esprit que le Fils demeure uni au Père ; et c’est par l’Esprit que l’homme peut vivre et aimer de l’amour même du Fils ; un amour tout obéissant, tout filial pour le Père ; un amour tout spirituel, tout miséricordieux pour les hommes, prodigué à tous les hommes, et tout intimement et virginalement à chacun.

Aussi peut-on dire maintenant que le célibat consacré, par la radicalité de charité que ce choix de vie implique, manifeste et glorifie sous un nouvel angle, et autrement toujours que le martyre, de façon charismatique, la victoire du Rédempteur, en même temps que la puissance et la réalité de l’Esprit, puisque l’Esprit, qui, seul, rend possible le célibat consacré, qui rend fils avec et par le Fils, et qui fait aimer comme et dans le Fils, est précisément cet « héritage », cette « libération », cette « joie parfaite », cette « vie nouvelle » et « éternelle » et ce commencement de glorification, que le Fils unique est venu conquérir pour nous par le mystère de la Rédemption (Rm 8,14-27). Comme le dit Jésus :

L’Esprit me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il prendra pour vous en faire part (Jn 16, 24).

Et le consacré, comme nous avons vu qu’il était, dans l’ordre de la foi, le témoin privilégié de l’unique témoin (l’Esprit), en même temps que du Verbe incarné et rédempteur dont témoigne l’Esprit, est de même, dans l’ordre de la charité, le « glorificateur » privilégié de celui qui est la gloire d’amour unique du Père et du Fils (l’Esprit), en même temps qu’il glorifie aussi, dans l’Esprit, l’Agneau rédempteur et le Père au dessein bienveillant et miséricordieux.

De fait, le célibat consacré rend visible l’action rédemptrice et transfigurante de l’Esprit d’amour, qui dès maintenant peut assumer la réalité naturelle, biologique, psychique et sexuelle de la personne humaine, donnant à celle-ci d’aimer « comme le Seigneur ». Le célibat consacré montre que, désormais, depuis l’Incarnation rédemptrice et le don de l’Esprit, la mesure de l’amour humain, c’est l’amour divin ; que le mariage n’est plus l’état de perfection de l’amour dans un être humain ; et que l’obéissance à la loi et l’adoration religieuse de Dieu selon l’Ancienne Alliance ne sont plus la perfection de l’amour pour Dieu. Le célibat consacré manifeste que l’Esprit saisit et transfigure les capacité d’amour de l’homme au point de l’emporter comme exclusivement dans l’élan d’amour filial du Fils unique pour le Père qu’il a révélé. Par deux fois, Paul le souligne :

Vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : Abba, Père ! L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu (Rm 8,15-16).
Et la preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils, qui crie : Abba, Père ! Aussi n’es-tu plus esclave mais fils (Ga 4,6-7).

En même temps, le célibat consacré manifeste que l’Esprit saisit et transfigure les capacités d’amour de l’homme au point de l’emporter comme exclusivement dans un élan de communion au Fils, à l’Agneau, au Sauveur, si intime que Jésus lui-même, on l’a vu, (Mt 22,1-14 ; 25,1-3 ; Lc 5,34-35), Jean-Baptiste (Jn 3,29) et Paul (2 Co 11,2 ; Ep 5,25-31) l’ont dit « nuptial » : « L’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! Que celui qui écoute dise : Viens ! » (Ap 22,17). C’est cet amour quasi nuptial, dans l’Esprit, ce désir virginal et nuptial de « suivre l’Agneau partout où il va » (Ap 14,4) qui a suscité dès les premiers siècles de l’Église l’existence de la virginité consacrée des femmes, jusqu’au martyre bien souvent. En revanche, les hommes qui se sont sentis appelés à consacrer au Christ dans le célibat toutes les forces vives de leur être et de leur cœur, ont souvent préféré employer, dans les premiers siècles du moins, des images de « combat » : ces « compagnons de l’Agneau » se nommaient des « athlètes du Christ », qui luttaient spirituellement pour lui et pour les hommes, contre leurs péchés, leurs passions et le démon. Plus tard, même de la part des hommes, c’est plutôt le langage de l’amour spirituel, de l’amitié et de la communion spirituelle, qui a prévalu. Il est évident que cette « nuptialité » si particulière entre le Christ et tel être humain transcende la sexualité naturelle, même si elle a souvent dans la vie spirituelle masculine un aspect de conversion plus ascétique et combatif que chez la femme qui, par charisme naturel, se laisse plus facilement aimer et épouser. La femme, en effet, par son état charismatique naturel manifeste le même mystère que le consacré (homme ou femme) par son état charismatique surnaturel : c’est Dieu qui a l’initiative des « noces », qui les conduit, qui épouse en transformant, en sanctifiant. Et à ces « noces » tout être humain est appelé.

En même temps, le célibat consacré manifeste que l’Esprit Saint saisit et transfigure les capacités d’amour de l’homme au point de lui faire préférer à l’amour conjugal et à la paternité ou à la maternité naturelles un amour du prochain, quel qu’il soit, tout imprégné de la gratuité, de la spiritualité, de la virginité, de la miséricorde, de l’universalité, de l’intimité, de la fidélité, de la totalité jusqu’à la mort, qui sont les caractéristiques de l’amour divin de l’Agneau pour chacun d’entre nous. En ceci, le célibat consacré est évidemment l’état de vie qui correspond parfaitement, grâce à l’Esprit et en lui, au « commandement nouveau », cet unique « commandement nouveau », ce commandement « chrétien » par excellence que Jésus nous donne avec insistance et comme étant le sien propre :

Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Oui, comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les autres (Jn 13,34-35).
Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Jn 15,12-13).

Il faut évidemment relire Mt 5,38-48, ou 18,5 et 18,15-22.

En même temps, et enfin, le célibat consacré manifeste que l’Esprit saisit et transfigure les capacités d’amour de l’homme à l’égard de lui-même au point de lui faire vouloir et rechercher pour lui-même, dans la foi et la charité, non pas les meilleurs biens naturels, mais « ce centuple dès maintenant » dont parle Jésus dans Mt 19,28-29 et dans Mc 10,29-31, ou ce « bien davantage en ce temps-ci » qui est « la vie éternelle dans les temps à venir » déjà commencée :

En vérité, je vous le dis, nul n’aura quitté maison, frères, soeurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et de la Bonne Nouvelle, qu’il ne reçoive le centuple dès maintenant, au temps présent, en maisons, frères, soeurs, mères, enfants et champs, avec des persécutions, et, dans le temps à venir, la vie éternelle (Mc 10,29-31).

Ce « centuple dès maintenant » et cette « vie éternelle » qui sont, peut-on dire, la « simplicité », la « pauvreté », la « douceur », la « paix », la « joie parfaite », la suavité et la fécondité de l’Esprit dans l’âme humaine. Avec une radicalité de foi et de charité manifestée, le consacré demande pour lui-même à Dieu l’Esprit Saint ; et comme Jésus l’a assuré, Dieu le lui donne. Citons seulement la fin de Luc 11,9-13 :

Si donc vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient !

Or cet Esprit est le « Paraclet », le grand intercesseur et le grand consolateur, le « père des pauvres » et le « donateur de vie », le rayonnement de la lumière et de la vérité divines, la plénitude et la gloire de l’amour éternel, « en ce temps-ci » et « dans le temps à venir », le béatifiant de toutes les Béatitudes.

Par la radicalité d’espérance que cet état de vie implique

Enfin, le célibat consacré est l’état de vie qui rend visible la hâte de l’Esprit que se réalise en plénitude la promesse de rédemption totale, de résurrection et de renouvellement de la création, de glorification des âmes et des corps, dans la communion sans écran et le face à face limpide avec celui qui est le Verbe incarné, ressuscité et glorieux, au cœur de la communion trinitaire. Comme le dit Jean :

Bien-aimés, dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est (1 Jn 3,2).

Le célibat consacré dévoile partiellement que la fusion sans confusion avec l’amour divin, que le face à face transformant, par l’Esprit, avec le Père et le Fils, est déjà commencé, que la « vie éternelle » est déjà commencée (« La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et ton envoyé Jésus-Christ » Jn 17,3). En effet, le consacré anticipe dans la charité de l’Esprit, et réalise déjà l’état de vie et d’amour qui sera celui de tout homme dans le Royaume achevé, comme l’enseigne Jésus :

Lorsqu’on ressuscite des morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux (Mc 12,25).

Comme Marie, par son dessein virginal, a hâté l’heure de l’Incarnation rédemptrice, et anticipé sa grâce et son fruit de salut, comme elle a hâté par sa vigilance, sa miséricorde et sa prière, l’heure de la manifestation divine de Jésus à Cana, de même le consacré, s’il anticipe partiellement l’état de gloire éternelle de l’amour et de la vie de l’humanité, hâte aussi sa pleine réalisation, cette pleine réalisation qu’il ne peut qu’attendre et espérer ardemment, justement parce qu’il est à la fois tout pauvre des biens terrestres et insuffisamment comblé et recréé par la vie divine qu’il goûte cependant. Aussi sa pauvreté et son attente virginale sont-elles une intercession puissante auprès du Père. C’est au consacré que s’applique particulièrement ce texte de Pierre :

Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ : dans sa grande miséricorde, il nous a régénérés, par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour une vivante espérance, pour un héritage exempt de corruption, de souillure, de flétrissure, et qui vous est réservé dans les cieux, à vous que, par la foi, la puissance de Dieu garde pour le salut prêt à se révéler au dernier moment. Vous en tressaillez de joie, bien qu’il vous faille encore quelque temps être affligés par diverses épreuves, afin que la valeur de votre foi, plus précieuse que l’or périssable que l’on vérifie par le feu, devienne un sujet de louange, de gloire et d’honneur, lors de la révélation de Jésus-Christ. Sans l’avoir vu, vous l’aimez ; sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d’une joie indicible et pleine de gloire, sûrs d’obtenir l’objet de votre foi (1 P 1,3-8).

Comme le montre Matthieu (25, 1-13), c’est Jésus lui-même, dans la parabole des dix vierges, qui invite à cette sagesse joyeuse d’une attente et d’une hâte toute virginale et « nuptiale ». C’est une invitation à l’espérance du désir à laquelle le célibat consacré répond très radicalement.

Comme le montre Paul, le célibataire consacré est, de façon privilégiée, à la fois le porte-parole de l’aspiration consciente et inconsciente de toute la création tendue vers son renouvellement glorieux, et le prophète encore balbutiant de la hâte et de la sagesse de l’Esprit qui est en lui, et qui en lui réalise déjà, non sans douleur ni sans obscurité, l’œuvre divine et le vœu de la création :

Nous le savons, en effet, toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement. Et non pas elle seule : nous-mêmes qui possédons les prémices de l’Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans l’attente de la rédemption de notre corps. Car notre salut est objet d’espérance ; et voir ce qu’on espère, ce n’est plus l’espérance (...) Pareillement l’Esprit vient au secours de notre faiblesse ; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables, et celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de l’Esprit, et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu (Rm 8,22-27).
L’Esprit et l’Épouse disent : Viens ! Que celui qui écoute dise : Viens ! Que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie, gratuitement (Ap 22,17).

De ce cri de l’Esprit, de cette espérance dans et par l’Esprit, de cette soif et de cette indigence, prémices de l’eau vive et du rassasiement, de cette attente virginale qui vit déjà, dans l’Esprit, des noces promises, le célibat consacré est la manifestation la plus radicale.

Conclusion

L’état de vie du célibat consacré glorifie l’Agneau rédempteur, chante le triomphe de l’amour divin, manifeste de façon charismatique la réalité nouvelle de notre adoption filiale, annonce notre résurrection, notre sanctification et notre glorification, « les cieux nouveaux », « la terre nouvelle » et « la Jérusalem céleste ». Il manifeste cet Esprit que l’Agneau a obtenu de nous communiquer, pour nous relever en nous faisant participer à sa nature, à son être, à son amour, à sa vie, à sa gloire de Fils bien-aimé du Père, pour la gloire du Père. Dans la ligne de notre vocation baptismale, le célibat consacré est un état de vie charismatique, un don très particulier de l’Esprit, destiné à manifester la puissance transfigurante de cet Esprit et des trois vertus théologales.

Cependant, s’il anticipe l’état définitif des êtres humains, s’il anticipe leur état de perfection, cet état de vie, dans la mesure où il est d’ordre charismatique (tous n’y sont pas appelés...), ne désigne nullement par lui-même ni la sainteté personnelle, ni la virginité spirituelle, ni la fidélité de celui qui a reçu la grâce du célibat consacré. Et il y a aussi des saints, des « vierges », des mères et des pères spirituels dans les autres états de vie, à commencer par la très sainte Vierge Marie, et par Joseph, son époux. Le célibat consacré est un signe qui dit le don ultime de Dieu, le cœur de Dieu, et non pas si le cœur du consacré est fidèle au mystère dont son état de vie est le signe, contrairement au martyre, où ne font qu’un le mystère de sainteté vécu par le martyr et le signe qu’il en donne. Or, il est cependant évident que recevoir la grâce du célibat consacré, c’est entendre le plus prenant et le plus tendre appel de notre Seigneur à la sainteté, et à « le suivre partout où il va ». C’est un excessif cri d’amour de notre Dieu, à écouter dans les larmes de l’action de grâces, d’une humilité sans fond et du repentir. Et c’est pourquoi la vocation consacrée est si belle et si exigeante : c’est elle qui, en elle-même, chante de la façon la plus limpide les dons, les merveilles, la victoire et la promesse de Dieu. Mais l’orgueil, la tiédeur ou les infidélités, visibles ou invisibles, des consacrés sont aussi les blessures les plus graves qui déchirent le cœur de l’Agneau. D’ailleurs, c’est cette exigence de vivre dans la cohérence intérieure et l’actualisation le mystère de sanctification dont ils sont gratuitement les signes qui pousse tant de consacrés à unir concrètement leur être, leur vouloir et leur vie quotidienne à Jésus rédempteur en se liant par les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.

Les célibataires consacrés sont chargés de guérir la désespérance de hommes et d’allumer dans les âmes le grand feu de l’Esprit.

Foyer Marie Jean
55 Montée du Chemin Neuf
F-69005 LYON, France

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