Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Éditorial

Vies Consacrées

N°1986-1 Janvier 1986

| P. 5-6 |

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Dans la situation de postchrétienté où se trouvent l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural, et toute la civilisation occidentale, que peut « faire » la vie religieuse et consacrée ? L’actualité ecclésiale ne nous indique-t-elle pas les chemins de cet engagement, situés que nous sommes entre le Synode extraordinaire de 1985, vingt ans après le Concile, et le Synode de 1987, sur « la vocation et la mission des laïcs dans l’Église et dans le monde » ?

Lors de sa visite en Belgique (16-21 mai 1985), le Pape Jean-Paul II a demandé aux Évêques de se préoccuper de la « seconde évangélisation » de nos régions. La Conférence épiscopale française a elle aussi réfléchi, durant deux années, à la place des « Religieux et religieuses dans l’Église en mission ». Bref, c’est bien la perspective missionnaire et évangélisatrice qui est proposée, de manière pressante, par les pasteurs de l’Église, à tous les membres de la vie consacrée.

Mais qu’est-ce à dire ? Le thème de la « seconde évangélisation », en passe de devenir une orientation pour toutes les anciennes chrétientés [1], signifie en tout cas qu’il ne s’agit plus de passer du paganisme à la foi, mais de l’athéisme postchrétien, voire de l’indifférence, à une foi articulée, célébrée, vécue [2].

Les membres des instituts de vie consacrée ont ici une responsabilité particulière et, à bien des égards, cruciale. Tout d’abord, comment ne pas entendre la parole de Jean-Paul II au Symposium des Évêques d’Europe : « Pour évangéliser aujourd’hui, il faut de nouveaux saints. Les grands évangélisateurs de l’Europe ont été des saints [3] » ? De plus, la profession des conseils évangéliques représente par elle-même un témoignage, parce que la chasteté, la pauvreté et l’obéissance sont les lieux d’un combat spirituel où le soupçon freudien, la réduction marxiste, la spontanéité nietzschéenne, peuvent être guéris par la bienveillance de Dieu [4]. La fraternité vécue, si fortement attestée dans la vie contemplative et monastique par exemple, constitue une bénédiction dans un monde souvent structuré par le narcissisme. Et l’action apostolique de l’Église, lorsqu’elle origine dans la générosité paternelle de Dieu, discerne les lacunes des entreprises humaines quand elles s’édifient sur les lois du profit.

Ainsi, la vie religieuse apostolique (la plus moderne, la plus répandue et la plus féminine aussi des formes de la vie religieuse), doit-elle réfléchir plus que d’autres à ses formes d’engagement. N’est-ce pas elle qui a donné, depuis ses lointaines origines dans l’hospitalité des pauvres et des pèlerins, jusqu’à son développement dans l’enseignement et les missions, le tissu d’institutions chrétiennes qui a soutenu la prédication des pasteurs ? Comment en effet l’enseignement moral de l’Église sur la famille, la société et la conscience humaine serait-il crédible, si aucun corps n’était donné à ce langage, qui le rende accessible à l’espérance de l’homme ? L’engagement des laïcs chrétiens dans les réalités terrestres, en politique spécialement, est sans doute aujourd’hui plus que jamais requis. Mais la vie religieuse, active et apostolique surtout, ne peut manquer à sa tâche de mettre au jour, par ses œuvres propres notamment, et en collaboration intime avec tous les chrétiens, les moyens de vivre les exigences et la beauté de la foi dans le Christ.

Sur la lancée de ce que nous évoquions déjà en notre éditorial de 1985, Vie Consacrée souhaite accompagner ses lectrices et lecteurs dans une mise en œuvre de ces chemins et de ces lieux de grâce.

[1Cf. Cardinal G. Danneels, « Évangéliser l’Europe sécularisée », DC 82 (1985), 1069.

[2Cf. Lettre pastorale des Évêques de Belgique au sujet d’une nouvelle évangélisation (octobre 1985), Coll. Déclarations des Évêques de Belgique, nouvelle série, 14, Bruxelles, Licap, 1985.

[3DC 82 (1985), 1086.

[4Cf. S. Decloux, s.j., « Vie religieuse et maîtres du soupçon », Vie consacrée, 1978, 195-225.

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