Éditorial
Vies Consacrées
N°1985-1 • Janvier 1985
| P. 5-6 |
La lecture en ligne de l’article est en accès libre.
Pour pouvoir télécharger les fichiers pdf et ePub, merci de vous inscrire gratuitement en tant qu’utilisateur de notre site ou de vous connecter à votre profil.
C’est un fait, la vie religieuse apostolique paraît en plein essor dans de nombreux pays de l’hémisphère Sud et de l’Est, tandis qu’en Occident le regard humain semble assister à son déclin. Contraste entre ces deux situations, toutes deux pourtant événement de grâce, puisque c’est ce qui nous est donné à vivre. Mais quelle lecture sommes-nous invités à en faire ? Quelle parole Dieu nous dit-il là ?
Ne pouvons-nous pas y lire une loi fondamentale de toute vie religieuse apostolique : son essor va de pair avec la difficulté des situations économiques, sociales, politiques, religieuses ? Là où il n’y a plus ou pas encore d’espoir humain, là religieuses et religieux rendent visible socialement, institutionnellement, la mission de l’Église : Dieu intervient pour son peuple, sauve ce qui était perdu, recrée sans cesse du neuf. Dans le Tiers Monde, l’action des religieux révèle cette puissance créatrice de la miséricorde avec une évidence qui saute aux yeux et attire de jeunes forces.
Mais qu’en est-il de nos pays de l’Ouest et du Nord ? Là aussi quelque chose se passe, mais discrètement, sans phrases, en profondeur, à la manière dont Dieu est entré dans notre monde, une nuit, à Bethléem.
Alors que tant d’indices sont négatifs – manque d’effectifs, vieillissement, lassitude, prise en charge d’institutions par l’État, etc. – et que les projets se heurtent aux limites humaines, des germes nouveaux naissent, timides, fragiles, cachés, mais au cœur de la vocation de la vie religieuse dans la mission de l’Église. Impossible, par exemple, de lire les rapports des régions apostoliques des religieuses de France préparant l’assemblée générale de novembre 1984 sans en être frappé. C’est dans le déclin apparent que naît le germe nouveau.
Qu’il nous soit donné d’aller jusqu’au bout de ce chemin d’enfouissement pascal ! Nous y sommes conduits malgré nous et retrouvons ainsi nos sources, rappelées avec force par Vatican II : manifester la mission propre de l’Église en notre monde. Une théologie de la vie religieuse apostolique soucieuse du réel et des faits est appelée à puiser là son inspiration et son déploiement. Depuis quelques années, Vie consacrée tente de donner des éléments pour une telle réflexion. Vous trouverez en fin de ce numéro, p. 68, une liste d’articles publiés dans ce sens.
Mais il y a plus. Comme nous le suggérions dans l’éditorial de 1984, une nouvelle étape s’ouvre pour la vie religieuse. Nous avons reçu un Droit rénové, de nouvelles constitutions. Un certain renouveau institutionnel nous est donné. Qu’allons-nous en faire ? Entendrons-nous la parole que Dieu nous dit dans les faits que nous évoquions ? Jusqu’à présent, en Occident, les germes fragiles décelés un peu partout paraissent encore disséminés çà et là, frêles et sans vigueur. Il leur manque d’être intégrés dans un grand courant d’Esprit capable de faire vivre ces ossements encore desséchés (cf. Ez 37,12).
L’heure n’est-elle pas venue de fonder et de déployer le corps tout entier de la vie religieuse apostolique sur cette parole que Dieu nous dit sur elle ? Ne s’agit-il pas maintenant de mettre en place – ou mieux d’accepter de Dieu – des communautés théologales, une action quelque peu commune, des œuvres qui soient vraiment propres, etc. ? Toute une tâche, et plus encore une grâce, s’offrent ici à nous, rudes sans doute, mais combien fécondes : mettre en œuvre le renouveau spirituel du renouveau institutionnel. Cela continuera à poser des questions radicales à nos vies personnelles d’abord, mais plus encore à nos communautés et à nos institutions. Nous n’en sommes qu’aux premiers pas. Vie consacrée désire vous accompagner sur ce chemin de grâce.