Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Vivre l’Eucharistie dans le monde aujourd’hui

Vincent de Couesnongle, o.p.

N°1985-1 Janvier 1985

| P. 45-52 |

Voici le texte d’une lettre que le Père de Couesnongle a écrite à l’intention des membres d’un institut séculier. La perspective qu’il met en lumière invite à mieux intégrer célébration de l’Eucharistie et engagement dans le monde.

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Le Christ et le monde aujourd’hui

Hier, aujourd’hui, demain : le Christ est toujours le même. Ce qui est vrai du Christ l’est également de l’Eucharistie. Toutefois, cela ne veut pas dire que le regard qu’on porte sur lui soit toujours et en tout le même. Son être de Verbe incarné, son visage sont trop riches pour que nous puissions vivre au même moment tous ses traits. Ainsi une mère de famille, une catéchiste, une carmélite, un prêtre, un ingénieur ne le considèrent pas sous les mêmes aspects. De même, aux divers moments de la vie de chacun, on insiste sur tel ou tel point. Tout chrétien en fait l’expérience.

C’est également vrai des différentes époques de l’histoire du monde. L’histoire de la spiritualité, de la peinture ou de l’Église le montrent assez. Alors qu’au siècle dernier on représentait habituellement le Christ sous les traits du Sacré-Cœur, Pie XI a institué, quelques années après la guerre de 1914-1918, la fête du Christ-Roi, voulant ainsi souligner le rôle du Verbe incarné dans la société moderne en crise. Marqué par une nouvelle vision du monde, Vatican II devait, plus récemment, élargir ce point de vue, comme nous le verrons plus loin.

De ces exemples tirons au moins ceci : les diverses manières de présenter et de vivre le mystère du Christ ne sont pas étrangères aux conditions de vie, à la mentalité des personnes et à la situation du monde.

Un institut séculier ne saurait échapper à cette norme quasi universelle. D’où la question : quel rapport y a-t-il entre votre vocation et le monde tel qu’il est aujourd’hui ?

Dans un discours adressé le 28 août 1980 aux instituts séculiers, Jean-Paul II répond à cette demande. Le Pape commence par rappeler la vocation et la mission spécifique des instituts séculiers : « Manifester l’Évangile dans leur vie et l’insérer ainsi comme un levain dans la réalité du monde où ils vivent et travaillent ».

Sur quoi porte immédiatement cette mission ? « Les grandes forces qui régissent le monde – politique, mass-media, science, technologie, culture, éducation, industrie et travail – sont précisément les domaines où les laïcs ont spécifiquement compétence pour y exercer leur mission » : autant de mots qui désignent ce qui caractérise le plus notre temps.

Dernière question : « De quel type d’action s’agit-il ? Si les forces, continue le Pape, sont dirigées par des personnes qui sont de véritables disciples du Christ et qui, en même temps, par leurs connaissances et leurs talents, sont compétentes dans leur domaine spécifique, alors le monde sera vraiment changé du dedans par la puissance rédemptrice du Christ [1] ».

Ce texte fort et précis nous suffit. Après avoir défini les instituts séculiers en général, il va nous aider à préciser le rapport qu’il y a entre le Christ et le monde présent.

On sait comment, avec Jean XXIII et Vatican II, l’Église a assumé certains aspects de la pensée du Père Teilhard de Chardin. La mentalité ambiante des chrétiens est aujourd’hui assez loin d’une vie chrétienne presque uniquement centrée sur le rapport intime de l’âme avec Dieu et le salut de chacun. Ce qui intéresse avant tout les chrétiens à l’heure actuelle, c’est – sans renier les vues du passé – le salut de l’humanité tout entière marchant vers le royaume éternel et la mise en œuvre, par l’homme et pour l’homme, des richesses du monde, tout cela devant tourner à la gloire de Dieu.

Les découvertes scientifiques et l’évolution du monde nous ont invités à revoir certaines choses. De ce fait, des textes scripturaires comme les Épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens – pour ne parler que de ces documents – sur la primauté et le pouvoir universel du Christ prennent aujourd’hui un sens plus large et plus plein. Le Fils de Dieu, Verbe incarné, y apparaît de manière beaucoup plus forte comme « le Seigneur et le Sauveur de l’univers en sa totalité ». Seigneur : parce qu’il est le premier-né de toute créature, en qui sont créées toutes choses (cf. Col 1,15-16) ; Sauveur : parce que, rachetées par son sang, toutes choses – les êtres célestes et les terrestres – doivent, de par la volonté de Dieu, être ramenées sous un seul chef, le Christ (cf. Ep 1,7.10).

Rappelons-nous ici les « grandes forces » dont parlait le Pape : politique, mass-media, science, etc. Nous pouvons les découvrir derrière les textes que nous venons de citer. Elles nous apparaissent comme le développement de germes mis par le Créateur dans l’univers et confiés au génie de l’homme. L’évolution du monde et les inventions nous permettent, ici comme en d’autres cas, de mettre au jour les richesses de la création et de la révélation. Ainsi les forces qui régissent le monde et dont l’Église vous confie d’une manière spéciale l’évangélisation sont également sous la puissance du Christ, Seigneur et Sauveur de l’univers. D’où l’intérêt de ce titre qui, plus que ceux du Sacré-Cœur ou du Christ-Roi, désigne cette emprise du Christ sur le monde entier dans son développement actuel.

Une lettre du philosophe Maurice Blondel au Père Auguste Valensin, qui date des dernières années du XIXe siècle ou du tout début du XXe, résume bien ce qui précède : « On voit assez que le Christ n’est pas un accident historique, isolé, dans le cosmos, un intrus ou un dépaysé dans l’écrasante et hostile immensité de l’univers. Il est bien le contraire ». En effet, il est dans la totalité de ce qui existe et qui avance vers le royaume éternel. C’est dans cette ligne qu’il nous faut maintenant considérer l’Eucharistie.

L’Eucharistie doit nous ouvrir au monde d’aujourd’hui

Deux remarques pour commencer.

Quand je parle de l’Eucharistie, c’est à la célébration que je pense. Comme le disait un jour un évêque missionnaire en Amérique latine : « Les chrétiens de mon diocèse peuvent communier au moins une fois l’an. Mais, par manque de prêtres, ils ne participent pratiquement jamais à une célébration eucharistique. D’où le risque de ne plus savoir ce qu’est la messe, représentation du sacrifice de la croix, et tout le sens qu’elle doit avoir dans la vie chrétienne ».

Vivre l’Eucharistie avec le Christ Seigneur et Sauveur de l’univers, c’est élargir la vision que nous avons des membres de l’humanité : c’est vivre davantage en solidarité avec eux ; c’est s’unir et collaborer à la présence agissante du Christ ; c’est enfin prier d’une autre manière.

Élargir notre vision de l’humanité

C’est tout d’abord être invité à dilater son regard sur l’univers entier que le Seigneur et Sauveur de tout conduit. Nous sommes ainsi appelés à avoir une vision cosmique, historique, universelle du monde. L’humanité peut nous apparaître comme le défilé d’une immense armée qui traverse tous les siècles. Du moins, c’est à cela que nous visons dans toute la mesure du possible.

Mais, si le Christ voit et dirige tout du haut de l’éternité, il est aussi, comme on l’a dit, le plus contemporain de tous les hommes. Cela veut dire que, quant à nous, il est le plus proche de nos contemporains, celui qui les connaît le mieux et qui a sur eux la plus grande influence. Parmi nos contemporains, il est celui qui communie le plus aux événements de l’actualité. Regarder le soir les nouvelles à la télévision, c’est communier au regard de celui qui est le plus contemporain de tout ce qu’on nous montre.

Le Christ nous dépasse encore d’autres manières. En tout ce qui se passe, il découvre des relations que nous sommes incapables de voir. Par-dessus tout, il connaît la signification de tous les faits et gestes dans leur rapport au Royaume.

Vivre l’Eucharistie avec Jésus Seigneur et Sauveur, c’est donc élargir notre vision aux dimensions de l’humanité et même de l’éternité, en communiant avec nos yeux d’homme, mais aussi et surtout dans la foi, à la vision du Christ.

Vivre davantage en solidarité

L’Eucharistie est le sacrement de l’union des hommes dans la charité. Les nouvelles prières eucharistiques y insistent : Dieu rassemble les fidèles et nous le lui demandons en célébrant l’Eucharistie. Ces prières rappellent aussi que la réception du sacrement nous communique l’Esprit Saint, qui nous donne la grâce de devenir tous un seul esprit dans le Christ.

Cela est toujours vrai. Mais le monde moderne multiplie les exigences en ce domaine. Et notre perspective du Christ maître de l’univers nous en rend plus conscients.

S’unir à la présence agissante du Christ

Grâce aux techniques des communications sociales, nous savons ainsi à chaque instant ce qui se passe et se prépare. Rien ne nous échappe et, chaque matin, la radio doit réveiller notre cœur. La solidarité qui doit unir de plus en plus les hommes lance de nouveaux appels. La charité chrétienne y est intéressée au premier chef.

C’est ce même monde qui nous pousse à jeter les yeux vers le Seigneur et Sauveur. Auprès de celui « qui est en agonie jusqu’à la fin des siècles » et qui voit dans tous ceux qui souffrent ses privilégiés, nous trouvons une raison de plus pour ouvrir notre cour et nouer de nouveaux liens avec ceux qui crient vers nous, et vers lui sans trop le savoir parfois.

Le Christ se soucie de chaque cheveu de notre tête. Voilà jusqu’où va son attention aux autres. Communier à cette attention, jusqu’où cela ne va-t-il pas quand il s’agit de tant d’injustices, de tant d’émigrés, de tant de chômeurs, de tant d’opprimés, de tant de drogués, de tant de « naufragés du monde moderne » ? Chaque jour, le Christ nous appelle à être ses collaborateurs dans son œuvre de charité et de justice ; chaque jour, la célébration eucharistique nous remet dans ces exigences et nous permet d’affronter ces problèmes avec amour et efficacité.

Le « Mon Père et moi, nous agissons sans cesse » de l’Évangile ne s’arrête pas à la transformation du cœur et de ses motivations – encore que nous touchions là le « point focal » de notre vie. Le Seigneur nous donne lumière et force pour agir selon le plan divin. « Sans moi vous ne pouvez rien faire » : cela veut dire aussi – et les théologiens le confirment – que sans la grâce nous ne sommes pas capables de suivre les ordres du Créateur concernant notre vie chrétienne, mais aussi notre simple vie d’homme.

Ici encore, l’Eucharistie nous invite à voir plus grand et plus haut. La célébration eucharistique, qui nous rappelle la présence agissante du Christ dans le monde, nous invite à situer notre activité, si modeste soit-elle, dans l’ensemble du dessein de Dieu. Par mon travail professionnel, je collabore à l’œuvre divine et, dans le lieu qui m’est confié, je fais en sorte que « les grandes forces qui régissent le monde » ne s’écartent pas de la ligne tracée par le Créateur. Et ne pas pouvoir faire autre chose qu’une simple protestation devant l’impossibilité de faire plus, c’est déjà coopérer à l’œuvre divine.

Prier d’une autre manière

Mais notre acte le plus décisif et le plus riche, c’est la prière. Cette prière n’est pas seulement parole et supplication demandant au Christ son intervention auprès du Père, elle est avant tout identification à la prière du Christ.

Qui n’a répété, inlassablement à certains jours, la demande des apôtres : « Seigneur, apprends-nous à prier » ? Nous avons en effet tellement l’impression que nous ne savons pas prier et que, décidément, nous n’y arriverons jamais. La « prière parfaite » existe pourtant. Et elle est nôtre. C’est la prière du Christ, de « celui qui est toujours vivant pour intercéder en notre faveur » (cf. He 7,25).

La prière du Christ nous est donnée en plénitude dans l’Eucharistie, avec toutes ses richesses, ses mérites, sa croix, sa miséricorde, sa puissance de résurrection, sa divinité. Nous tenons la prière parfaite dans nos mains. Puisse-t-elle être davantage dans nos cœurs ! La prière est alors beaucoup plus élévation du Corps et du Sang du Christ qu’élévation de notre âme. Ou plutôt elle n’est celle-ci que si nous savons offrir au Père le Seigneur et Sauveur.

La confiance doit d’ailleurs l’emporter sur tout le reste. Prier le Christ en s’identifiant avec le Seigneur du monde, c’est la prière la plus actuelle que nous puissions faire. Elle est en effet à la mesure de notre identification à celui qui, étant notre contemporain, traverse les temps et les espaces. Pourquoi aurions-nous peur ? Comme Bernanos le disait de Thérèse de Lisieux : « Nous ne pouvons tomber qu’en Dieu ».

Présence agissante du Christ dans le monde et célébration quotidienne de l’Eucharistie

Nous savons que la célébration eucharistique, mémorial de la mort et de la résurrection du Christ, nous unit à son sacrifice et nous insère dans son avancée de Seigneur et Sauveur de l’univers en marche vers la Jérusalem céleste. Vivre cette célébration, ce n’est pas être simplement spectateur d’un événement historique – la croix, Pâques – représenté dans le sacrement. La célébration est beaucoup plus une participation qu’une assistance, à l’encontre de ce qu’on dit trop souvent. On fait sien alors le drame de mort et de vie et, reprenant conscience de la grâce et de la marche en avant du Christ vers la Jérusalem céleste, on se laisse prendre par lui pour collaborer avec lui dans cette avancée.

Un exemple très simple peut nous aider. Pensons à un événement quelconque – match de football, accident, hold up... Autre chose est de lire le compte rendu du journal, autre chose d’avoir été présent à ces événements, d’y avoir participé. De même pour l’Eucharistie. Aucune lecture, sinon d’une certaine manière la Parole de Dieu, ne peut nous y faire participer de l’intérieur et au plus profond de nous-mêmes. Sans doute cette participation se vit-elle dans la foi. Mais c’est sous le signe sacramentel que nous la vivons.

On nous parle de célébration quotidienne. Les raisons qui appuient une telle demande sont classiques et nombreuses. Ce qui me frappe le plus, c’est le parallèle que notre perspective permet de mettre entre le quotidien de notre présence au monde et la permanence de la présence agissante du Christ dans le monde. Chaque jour, nous devons reprendre notre marche, rejoindre le Christ et lui demander la grâce de l’accompagner, ce qu’il a fait lui-même avec les disciples d’Emmaüs. Il faut rejoindre sa marche qui est notre marche, recommencer notre marche qui doit être la sienne.

N’avons-nous pas là une raison de plus de participer chaque jour à la célébration eucharistique ? Ce sera une grâce de lumière et de force qui nous fera avancer avec lui. Aucune lecture, aucune méditation, aucune prière ne peut, autant que l’Eucharistie, nous insérer dans l’action du Christ, la faire nôtre, nous permettre de jouer notre propre rôle. Et puis, Dieu a voulu faire de l’Eucharistie notre chemin habituel. On comprend mieux, je pense, l’insistance de l’Église : une vie chrétienne intense se doit de participer chaque jour à la célébration de ce sacrement.

D’ailleurs, ici comme souvent, les discours et les discussions n’arrivent pas à convaincre. Surtout aujourd’hui. Rien ne vaut l’expérience concrète, quotidienne. Combien d’exemples pourrait-on avancer en ce qui regarde l’Eucharistie !

Une autre réflexion me vient à l’esprit. Il est sûr qu’à l’heure actuelle la célébration eucharistique et la vie profane (profession, famille, engagement social, etc.) sont beaucoup plus unies que jadis, quand on acceptait si facilement de faire deux parts dans sa vie. Aujourd’hui le travail, les engagements de toute sorte, les relations avec autrui sont comme une partie intégrante de notre Eucharistie – précisément à cause de notre regard sur le Christ. Et l’on peut parfois, à ce sujet, penser à la phrase connue : « Travailler, c’est prier ». S’agissant de l’Eucharistie, on dira alors : « Travailler, c’est célébrer ». Ce n’est pas inexact. Cela doit même nous aider, en particulier quand il ne nous est pas possible de participer directement à l’Eucharistie.

Mais n’oublions pas que le travail dont nous parlons ici n’a valeur de prière et, qui plus est, d’Eucharistie que dans la mesure où il est vécu en relation vivante avec Dieu, autant que possible. Mais quelle peut être, dans un cas semblable, la relation à l’Eucharistie elle-même ? A chacun de le voir soi-même. Et l’on peut penser que cette relation sera d’autant plus vivante que, sauf exception majeure, la participation à l’Eucharistie sera la grâce habituelle de nos journées.

Sauf exception majeure... Je pense à l’éloignement d’une église, à un travail urgent, à un devoir de charité pressant, etc. Quelles que soient ces raisons, si l’on ne peut participer extérieurement à l’Eucharistie, il ne faut pas se croire trop facilement dispensé d’une participation intérieure. Le regret senti et profond de ne pouvoir participer directement à l’Eucharistie témoigne déjà en faveur de l’objectivité de son impossibilité. Ce regret doit aller plus loin, il doit être comme un appel constant et impérieux à faire tout le possible pour vivre autrement l’Eucharistie.

Que faisons-nous ?

La perspective que nous avons prise est une invitation pressante à vivre ce que l’on peut de la célébration eucharistique – compte tenu du temps dont on dispose. Il y a donc une union profonde entre l’offrande des occupations de la journée et l’offrande intérieure du Christ Seigneur et Sauveur de l’univers. En dehors de la lecture de la messe du jour, tel ou tel texte de celle-ci peut nous aider sans prendre autant de temps. Si on a raison, par exemple, de ne pas réciter son chapelet durant l’Eucharistie, je pense que prendre son chapelet dans ces circonstances n’est sans doute pas la meilleure solution. À chacun de s’ingénier à découvrir ce qui, dans ces circonstances, peut véritablement l’aider à vivre le plus et le mieux possible l’Eucharistie durant cette journée.

Puisque j’ai touché ce problème, je tiens à signaler que la messe à la télévision et à la radio – mais dans une moindre mesure –, nous mettant en relation avec une célébration eucharistique donnée, peut éventuellement aider ceux qui ne peuvent aller à l’église. Des malades confessent que cela leur est d’un grand secours.

Il est vrai que la routine est l’ennemi toujours présent, qui risque de tout envahir, même quand l’Eucharistie est en cause. Elle peut prendre quelquefois un visage rigide et tuer le minimum de souplesse sans laquelle la vie personnelle et sociale peuvent souffrir. À voir les choses de l’extérieur, il n’est pas toujours facile de juger et l’on risque de confondre bonne habitude et routine. À chacun de juger. Dans la meilleure habitude, il y a toujours danger de routine. Le moyen le plus indiqué pour y échapper, c’est de sonder les motivations qui sont nôtres et de les rendre plus conscientes et plus priantes. Quand il s’agit de valeurs spirituelles, je ne pense pas qu’un changement de rythme soit le moyen le plus indiqué. Mais, ici encore, il faut voir chaque cas.

Une dernière question. Nos Eucharisties quotidiennes dans les paroisses ou les oratoires ne sont-elles pas trop rapides pour être vécues profondément ? Comment pouvoir reprendre conscience, d’une part, de nos engagements personnels, de la marche du monde et des intentions du jour et, d’autre part, de tout ce qui, dans le mystère du Seigneur et Sauveur de l’univers, peut être confronté avec ce qui marque notre journée ? Je pense qu’il faudrait, de temps à autre, des Eucharisties plus longues – trois quarts d’heure, une heure et plus – comme cela se fait dans certaines associations. On pourrait alors faire revivre profondément notre sens de l’Eucharistie. Les perspectives que j’ai ouvertes semblent souhaiter quelque chose de cet ordre, soit entre vous durant la retraite ou une récollection, soit en vous associant, si possible, avec d’autres groupes.

En terminant, je veux rassurer ceux qui, parmi vous, penseraient que ces pages mettent en cause leur manière de vivre l’Eucharistie, même dans le monde d’aujourd’hui. Je n’ai jamais voulu cela. Je vous invite plutôt, tous et chacun, à réfléchir à la perspective que j’ai essayé de mettre en lumière. Je souhaite que chacun puisse profiter de tel ou tel des aspects rappelés : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende... ».

2 Place Gailleton
F-769002 LYON, France

[1Discours de Castelgandolfo ; cf. La Documentation Catholique, 77 (1980), 869, ou éd. CMIS, 1981, p. 105 et sv., n° 9.

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