Vie religieuse en Quart Monde
Joseph Wresinski
N°1985-1 • Janvier 1985
| P. 19-27 |
Le Père Joseph terminait son livre Les pauvres sont l’Église par un chapitre intitulé « La vie consacrée ». Ce sont les réflexions esquissées là qu’il développe dans les pages qui suivent. Une pensée hante l’auteur et elle est au coeur de la mission de la vie religieuse apostolique : pour être fidèles à leur vocation, religieux et religieuses sont appelés à se porter là où la misère sous toutes ses formes est la plus criante, là où l’espoir humain est sans réponse, pour y manifester la puissance de Dieu dans la faiblesse humaine. L’invitation qu’il nous adresse n’est-elle pas une manière, parmi d’autres, de répondre aujourd’hui à cette vocation ecclésiale et missionnaire ?
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Ce que je dirai dans ces pages, ce sont les religieux, les religieuses, les prêtres qui me l’ont appris par leur vie et leur engagement depuis de longues années, auprès des pauvres, dans le Mouvement ATD-Quart Monde (ATD : aide à toute détresse). Ce m’est aussi une précieuse occasion de redire toute mon estime pour la vie contemplative si liée au mouvement, depuis les débuts, quand il était encore souterrain, comme la population qu’il a mise à jour.
Si la vie consacrée est une vie à la suite de Jésus, elle doit conduire les religieux à poursuivre, comme lui, la rencontre de Dieu avec l’humanité là où justement cette humanité est le plus blessée, défigurée. Là où elle est aussi, le plus intensément, un cri vers la justice, la miséricorde, la fraternité. Elle doit mener les consacrés à opérer avec le Christ le renversement : des petits, des exploités, des déchus, des exclus, de tous ces derniers, il a fait les premiers. Il les associe à la construction du Royaume. Il en fait comme les pierres d’angle de son Église.
Si tout chrétien est invité à mettre le pauvre au cœur de sa vie, le religieux, lui, n’a pas le choix. Homme de pauvreté, d’obéissance, d’un amour unique et universel, homme de prière, il est l’homme du combat spirituel contre toutes les formes d’égoïsme, de lâcheté, de mensonge, d’injustice qui accablent les plus abandonnés dans les sociétés de tous les temps. Il ne peut pas ne pas entendre résonner en lui la redoutable question posée à Caïn : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » Le pauvre et le religieux ne peuvent pas ne pas se rencontrer. L’un n’a rien de par sa condition même, l’autre s’est « fait rien » par amour du Christ et des pauvres.
Risquer sa vie pour le Christ, dans la pauvreté, qu’est-ce à dire aujourd’hui ?
C’est une question lancinante, angoissante pour les religieux de cette génération car, dans l’élaboration de leur règle de vie, dans leurs différents chapitres, des questions décapantes ont surgi. La pauvreté évangélique n’est-elle que spirituelle ? Comment ne pas se laisser submerger par le besoin de sécurité, d’assurances pour l’avenir ? Quand le standing de vie tendrait à montrer qu’on a suppléé à la Providence pour sa propre existence, peut-on continuer à « parler » de l’option pour les pauvres, sans en ressentir un profond malaise ? Ces questions, beaucoup de religieux, de religieuses me les ont partagées, ces dernières décennies.
Il nous faut, je crois, aller au vif de l’Évangile pour découvrir que l’option de Dieu pour le pauvre a été si totale, en Jésus, que dans sa naissance, ses fréquentations, sa mort sur la Croix, il est le Dieu fait pauvre pour que le pauvre soit fait Dieu. Il s’est fait le « prochain » de tous ceux qui, sur les chemins de Palestine, offraient à ses regards, à sa compassion, leurs souffrances physiques et morales. Et par sa proximité, il a mis à jour les espoirs, la foi, l’espérance, la prière de tous les pauvres de tous les temps.
Toute fondation d’Ordre a commencé ainsi par une plongée dans l’épaisseur de la misère du temps. Puis, les siècles passant, les convictions sont devenues moins fortes, il est devenu moins clair de savoir pour qui, en priorité, le religieux a fait l’abandon de ses biens. L’abandon de ses biens pour les pauvres, qu’est-ce à dire ? L’Église a toujours été d’une extrême prudence pour les Ordres qui ont voulu, au cours de l’histoire, faire des tentatives audacieuses de vie dans la pauvreté. Soyons clairs, il ne s’agit pas de béatifier la misère et d’épouser les modes de vie des misérables, mais aujourd’hui, le lien entre la vie à la suite du Christ dans la pauvreté et la persistance d’une extrême pauvreté dans tous les pays industrialisés, d’une pauvreté généralisée dans les pays en voie de développement, ne laisse plus en repos beaucoup de religieux et de religieuses. Malgré tous les engagements des uns et des autres pour la justice, il est patent aujourd’hui que la misère a persisté et peut-être s’est-elle aggravée ?
Quelles réponses les religieux donnent-ils aujourd’hui à cette situation ? Quand les Congrégations délèguent certains des leurs dans les quartiers les plus délabrés, les plus mal considérés, quand ces religieux cherchent obstinément à détecter, dans ces quartiers, les familles les plus « souterraines » pour les mettre au cœur de leur vie, de leur souci, de leur prière, pour partager avec elles la paix, l’espérance, l’amour que donne l’Évangile, ces religieux ne se posent plus « intellectuellement » des questions sur la pauvreté. Ils assument ces pauvres dans leur pauvre vie, faite d’écrasement quotidien, d’incohérences, mais ils sont aussi les témoins de l’endurance de ces familles, de leurs luttes incessantes pour que leurs enfants ne vivent pas les mêmes situations ; ils mettent à jour les espoirs de ce peuple, ses aspirations à être respecté, reconnu, à se mettre debout. Le pauvre de par son destin et le pauvre par amour du Christ se bâtissent ensemble ; ils deviennent ensemble des compagnons de lutte, sans doute, mais aussi de prière, pour que de plus pauvres encore prennent conscience de leur dignité de fils d’homme et de fils de Dieu.
Risquer sa vie pour le Christ, dans l’obéissance, qu’est-ce à dire aujourd’hui ?
Il faut là encore se laisser « décaper » par l’exemple du Christ. On sait où l’obéissance à son Père l’a conduit :
Le Christ s’est fait obéissant
jusqu’à la mort et la mort de la croix (Ph 2,8).
Serviteur souffrant annoncé par Isaïe, innocent bafoué, tourné en dérision, rebut de l’humanité, le berger se fait agneau et meurt sur la croix, supplice ignominieux réservé aux esclaves et aux révoltés. Ce violent rejet que le Christ a vécu dans sa passion et dans sa croix vient de ce qu’il s’est proclamé Fils de Dieu, mais n’a-t-il pas sa source aussi dans l’amour passionné qui lui a fait franchir tous les jugements des grands, des savants, des purs, des sans-péché, pour se compromettre avec les pécheurs et les publicains, les pauvres d’argent et de considération, les riches de biens mais pauvres de Dieu ? Car ce qui intéresse Jésus, c’est le blessé de la vie et de l’injustice, celui dont les prêtres et les lévites se détournent parce qu’absorbés par leurs obligations religieuses, par leurs obligations sociales. En Jésus, Dieu se fait pauvre, le plus petit des petits, le plus méprisé des méprisés, et désormais tous les pleurs de ce monde, toute la détresse des pauvres broyés par le péché du monde sont repris dans le mystère du Fils humilié et crucifié.
L’Église ne peut pas prendre un autre chemin que le chemin du serviteur souffrant. Elle connaîtra aussi des nuits de passion et d’agonie parce qu’humiliée en ce monde qu’elle conteste, elle est acculée à vivre l’infinie faiblesse de son Seigneur. Ce n’est que dans la communion à l’anéantissement de son Sauveur qu’elle pourra rayonner sur le monde les grâces de résurrection, de miséricorde, de paix, qu’elle reçoit de son Seigneur. Au cœur de l’Église, à la « pointe » de la mission pour le salut de tous les frères, de quoi l’obéissance du religieux peut-elle témoigner aujourd’hui ? Dans un monde sûr de lui, orgueilleux, où ne comptent que la réussite, l’efficacité, les religieux auraient peut-être à réentendre ce que François d’Assise disait à ses religieux : « Ils doivent se réjouir quand ils vivent parmi les personnes viles et méprisées, parmi de pauvres infirmes, des malades, des lépreux et ceux qui mendient, le long du chemin ».
La vie religieuse, après le Concile, a sans doute retrouvé une souplesse d’adaptation, elle a rendu plus légères ses structures communautaires pour rejoindre les quartiers populaires ou les luttes ouvrières. Mais il ne semble pas qu’elle se soit beaucoup compromise, du moins en Europe, avec les inefficaces pour leur dévoiler que leur vie n’est pas vaine, inutile, comme nous le leur avons tant fait croire, mais qu’elle est source de grâce et d’amour pour l’Église, pour le monde. Qui plus que le religieux, pourrait accueillir le cri des hommes et des femmes accablés par le mépris qui pèse sur eux et trouver dans ces cris la force d’abandonner les pauvres quand ils sont organisés, capables de promotion, de créer des solidarités, pour aller aux misérables ? Aller au plus bas de l’échelle sociale, aller dans les chemins creux d’aujourd’hui, dans les quartiers de taudis, là où désespèrent des familles, où les enfants souffrent par manque de pain parfois, d’instruction toujours, mais surtout par manque de connaître Dieu. Il me semble que ce serait éminemment entrer dans l’obéissance filiale du Christ à son Père. Si, dans sa mort sur la croix, le Christ a accompli, une fois pour toutes, la libération des pauvres, il nous a montré aussi le chemin à suivre et ce qu’il fallait faire pour devenir à notre tour libérateurs de nos frères : la vérité de notre vie avec les pauvres doit proclamer que le Christ s’est fait obéissant jusqu’à la mort pour anéantir la misère qui défigure l’homme et l’enrichir de toute la gloire du Père.
Il ne manquera pas de bons conseillers pour rappeler la prudence, le raisonnable, mais qui plus que le religieux est armé pour vivre la foi dans le risque ? Il possède en lui un centre de gravité qui lui permet de tenter l’aventure d’une mission exposée pour dire aux hommes, aux femmes, aux enfants dont l’existence est si dévastée, que leur malheur n’est pas un terme, mais que, dans le Christ Jésus, toutes les forces de mort sont devenues puissances de vie et de résurrection et pour dire à l’Église que, dans le cœur des pauvres, Dieu doit être adoré en esprit et en vérité.
Si le religieux est l’homme d’un unique amour, risquer sa vie pour le Christ dans un amour unique et universel, qu’est-ce à dire aujourd’hui ?
La consécration que l’Église offre aux religieux les met au cœur même de la tendresse du Christ pour les malheureux. Cela, les Ordres religieux l’ont toujours compris. Ils n’ont cessé à travers l’histoire de laisser retentir en eux, à travers la faim, la solitude, la misère des hommes, le cri du Christ : « J’ai eu faim, j’étais nu, malade, prisonnier... » et, pour y répondre, ils se sont engagés envers les pauvres, à travers des tâches d’éducation, de santé, d’alphabétisation, etc. Beaucoup de relais ont été pris, dans ces domaines, par des organismes publics, même s’il demeure nécessaire que des religieux, des religieuses continuent à y être présents pour veiller à l’accueil des pauvres dans ces organismes.
« Têtes chercheuses » de l’Église, les religieux sont appelés aujourd’hui à entrer plus profondément dans le mystère du lavement des pieds, testament par lequel le Christ nous montre jusqu’où doit aller notre amour du prochain. Dans cet épisode évangélique, Jean fait bien autre chose que d’évoquer un souvenir, c’est sa propre contemplation du Seigneur qu’il veut nous faire partager : regarder le Christ, au pied de ses apôtres, dans un service qui était réservé aux esclaves non juifs... Quand Jésus guérissait, ressuscitait des morts, quel émerveillement chez les disciples ; ici c’est le scandale de tous, l’indignation de Pierre devant un geste inouï. Dans cette scène évangélique où Jésus épouse la condition d’esclave, il nous révèle un Dieu qui se met au rang du dernier des derniers. Mais du même coup, il fait voler en éclats notre suffisance, le rapport de force, de domination qui est au cœur de notre péché et il nous ouvre à une vie d’humble rencontre et d’humble service. De plus, l’institution de l’Eucharistie dans les trois synoptiques et le lavement des pieds, dans saint Jean, se terminent par la même injonction de Jésus : « Ce que je viens de faire, faites-le ». Contemplant l’exemple du Christ, écoutant son enseignement, le religieux est en même temps à la source qui lui permet d’en vivre dans sa vie quotidienne.
Le consacré qui s’abreuve à cette source, comment ne se sentirait-il pas mandaté pour rencontrer de préférence les plus abandonnés, pour aller au-devant du mépris, du rejet que subissent les plus pauvres, pour leur annoncer le pardon qu’ils mendient à l’Église, eux qui se croient pécheurs sans pardon, sans miséricorde parce qu’ils ne trouvent plus souvent un prêtre à qui parler, une religieuse qui soit près d’eux, présence, attente, porteuse de la bonne nouvelle qui délivre, remet debout, et envoie vers plus pauvre que soi ?
Pierre de touche de sa pauvreté, de son obéissance, l’engagement envers le plus pauvre est aussi, pour le religieux, vérification de l’universalité de son amour. L’histoire de l’Église et des instituts religieux démontre que toute action pour le développement, pour la promotion humaine et spirituelle des hommes, risque d’abandonner les plus faibles en cours de route. La communauté des hommes s’est refermée sur les quatre-vingt-dix-neuf brebis qui ont suivi la marche. Mais Jésus prescrit de laisser là le troupeau et de s’avancer dans le désert, sur les « marges », pour retrouver la brebis perdue et tout « réinventer » à partir d’elle. Bâtir l’Église à partir des derniers, c’est mettre le plus démuni, l’exclu, au centre ; le « trésor de l’Église » est là, comme le proclamait déjà saint Laurent dans les premiers temps de l’Église. Et tout le monde peut alors y entrer, les pauvres parce qu’ils y sont de droit, les riches parce que, depuis la croix, avec le pardon du Christ, ils ont aussi reçu le pardon des pauvres, mais aussi la responsabilité de leur promotion humaine et spirituelle.
La mission des religieux n’est pas seulement, en effet, de rassembler les hommes dans un combat pour la justice. La justice, c’est le zéro de l’amour. Livrée à elle-même, elle peut devenir oppression. L’histoire nous apprend que des groupes humains qui ont combattu au nom de la justice, d’opprimés sont devenus oppresseurs à leur tour. En tout cas, en ce qui concerne la population sous-prolétarienne, la seule justice l’enfermerait pour toujours dans la culpabilité des malheurs qui lui arrivent et elle continuerait à être parquée dans des lieux écartés, ensevelie sous les jugements négatifs séculaires, dans le rejet et dans la honte. Les plus pauvres sont une provocation à aller vers un au-delà de la justice pour entrer dans une profondeur d’amour et de réconciliation, à la suite de Jésus, qui est venu tuer la haine à sa racine et ouvrir à tout homme, même dans la pire détresse, une dignité et un avenir.
L’heure n’est-elle pas venue pour les religieux de se faire plus totalement protestation de toutes les violations faites par la société aux plus défavorisés des siens, à tous ceux qui sont maintenus à l’écart de la culture, des progrès économiques, sociaux, spirituels ? L’heure n’est-elle pas venue pour les religieux de s’engager pour que les plus pauvres puissent se rassembler pour faire entendre leur voix, leur choix, leurs espoirs, leur permettre de retrouver une identité personnelle, collective, historique et d’organiser leurs solidarités ? L’heure n’est-elle pas venue pour les religieux d’être les garants que, dans l’Église, jamais plus les pauvres ne seront exclus du droit à la spiritualité, du droit inaliénable de connaître et d’aimer Dieu ?
Dans l’universalité de son amour, la compassion du religieux embrasse aussi les riches, non seulement ceux qui ont mesuré leurs responsabilités à l’égard des pauvres, mais aussi ceux qui, dans la dureté de leur cœur, se font indifférents, oppresseurs. Le religieux, partout où il se trouve, est écartelé entre cette protestation des blessures faites aux plus abandonnés et cette proposition de réconciliation entre tous les hommes. Tant d’orgueil peut entrer dans les plus nobles combats quand on en exclut un seul homme !
Risquer sa vie à la suite du Christ, dans la prière et l’adoration, qu’est-ce à dire aujourd’hui ?
J’ai toujours pensé, comme je le dis dans mon livre Les pauvres sont l’Église, qu’il était essentiel d’introduire, dans l’univers perturbé des familles du Quart Monde, l’élément de stabilité, de paix, de pérennité que serait la venue d’hommes et de femmes dont l’unique préoccupation est de prier, d’adorer, de contempler, d’intercéder...
Aux premiers siècles de l’Église, après les grandes persécutions, les moines gagnaient le désert, parce qu’il était le lieu du combat spirituel le plus âpre, face à un monde qui était déjà celui de la compromission. Où sont les déserts de notre temps ? Les lieux où les forces de mort livrent un combat sans merci à tout germe de vie, ne sont-ils pas aujourd’hui les quartiers mal famés de nos villes et tous les slums et bidonvilles à travers le monde ? Être dans ces terres de mort pour accueillir le cri des pauvres vers leurs frères et vers Dieu, se laisser « envahir » par ces cris, puis s’agenouiller pour déposer ces appels dans le cœur du Crucifié et recevoir de lui le don de la foi, de l’espérance et de l’amour pour ces hommes, ces femmes, ces enfants dont l’existence est si morcelée, si rétrécie que seule la croix peut l’éclairer et lui donner sens. Le pauvre conduirait le religieux au Christ avec le moins d’illusions possible, car « il en est le sacrement » (Paul VI) et la vie religieuse serait une épiphanie de lumière et de salut en terre de misère.
Pour les religieux et les religieuses de vie apostolique, leur engagement avec les pauvres leur ferait découvrir l’humilité et la pauvreté de Dieu en Jésus-Christ, lui qui, sur les chemins de Palestine, se faisait toujours amener le plus misérable dans la foule des pauvres qui l’entouraient. Ils apprendraient qu’ils sont de l’Église des pauvres et pourront s’enfoncer dans la contemplation du Christ crucifié qui porte les stigmates de toute la souffrance humaine. Ils entreront ainsi dans la compassion du Christ pour l’humanité souffrante. Us seront conduits, certes, à travailler pour que le partage du pain se fasse, parce qu’il est vrai que le manque de pain mène à l’aliénation de l’âme et du cœur, mais à apprendre aussi que le partage du pain n’a pas toujours pour effet d’ouvrir les cœurs à la prière et à l’amour. Quand le Christ a nourri les affamés, il a fait du pain le signe du don de Dieu ; les pauvres mendient le don de Dieu : « Même si on est dans la misère, on n’est pas des chiens ! » Il ne faut pas trop vite s’abriter derrière l’adage : la prière vient après le pain ou « faisons d’abord des hommes debout, après on leur parlera de Dieu ». Priver les pauvres de la possibilité d’aimer Dieu, c’est l’injustice absolue : « Que le monde comprenne enfin que les pauvres ne sont pas des déchets qu’on jette aux balayures, car nous sommes tous enfants de Dieu et lui ne fait pas de différence », s’écriait une femme du Quart Monde. Entrer dans cette égalité fondamentale, ce sera ensemble entrer dans une humanité nouvelle née de la croix, qui ne nous sera donnée que dans la prière.
Sur le chemin qui conduit le consacré à la rencontre du Christ, les pauvres sont devant ; ce sont eux qui lui permettent de faire la preuve que son amour est allé jusqu’au bout, en réponse à celui que le Christ lui a offert.
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