Personnes mariées et instituts séculiers
François Morlot
N°1984-4 • Juillet 1984
| P. 240-249 |
Par quels moyens tendre à la perfection de la charité lorsqu’on est engagé dans les liens du mariage ? Est-il possible de le faire dans le cadre d’un institut séculier ? Dans une information officieuse peu connue, la S.C.R.I.S. donne une réponse nuancée. Elle écarte la possibilité, pour ces personnes, de devenir membres à part entière de ces instituts, le célibat pour le Royaume étant un élément constitutif de la vocation et de l’engagement dans les instituts séculiers. Mais elle admet que l’on recherche d’autres voies : appartenance au sens large ou associations de personnes mariées. La présentation de ce texte amène l’auteur à réexaminer les notions de perfection évangélique, de conseils (spécialement celui du célibat) et de radicalisme évangélique. Par là, sa recherche est éclairante pour tous.
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- Il ne semble pas qu’on ait suffisamment remarqué un texte publié en 1976 par le bulletin de la Congrégation romaine pour les religieux et instituts séculiers sur « les personnes mariées et les instituts séculiers [1] ».
Un document ignoré
Rappelons brièvement l’occasion et la nature de ce document. Autrefois des laïcs en plein monde avaient souhaité participer à la vie de certains Ordres religieux en formant selon leur esprit un troisième ordre (le premier étant l’Ordre masculin, le second l’Ordre féminin, les Franciscains et les Clarisses, par exemple) ou, pour employer le langage canonique, un tiers ordre. De même maintenant des personnes mariées désirent participer et participent à leur manière aux instituts séculiers réservés aux célibataires. On en citerait maint exemple.
La question a évolué lorsqu’un institut canadien a présenté vers 1971 de nouvelles constitutions où les personnes mariées étaient insérées à part entière dans la vie du groupe, y compris dans le gouvernement : à la limite, une femme mariée pouvait devenir responsable générale d’un institut séculier comprenant des prêtres, des hommes laïcs célibataires et des couples.
Pressentant que cette aspiration n’était pas unique, la Congrégation, avant de donner un avis sur ces constitutions, a jugé opportun de procéder en 1973 à un recensement général de la situation en s’informant auprès des divers instituts séculiers de la place qu’ils faisaient aux personnes mariées. Inutile de dire que les situations se sont révélées extraordinairement diverses et en pleine évolution, que ce soit pour le mode d’intégration ou pour le type d’engagement demandé à chacun.
La Congrégation a alors soumis le dossier aux neuf consulteurs de la section pour les instituts séculiers. Leurs réponses ont été étudiées par deux experts en théologie et en droit. Enfin le Congresso – composé du Cardinal préfet, du secrétaire, du sous-secrétaire et des officiers de la section – a examiné l’ensemble des documents et adopté quelques conclusions. L’essentiel en est résumé dans le texte rendu public par le bulletin Informationes SCRIS.
La nature de ce texte est d’ailleurs difficile à préciser. Ce n’est pas un document officiel du Saint-Siège, puisqu’il n’est pas signé et n’a pas paru aux Acta Apostolicae Sedis. Ce n’est pas non plus un simple document interne de travail puisque le Congresso en a décidé la publication. C’est une sorte d’information officieuse qui, sans engager formellement la Congrégation, indique cependant l’esprit dans lequel elle veut travailler et les orientations qu’elle veut suivre.
Les conclusions des consulteurs, des experts et du Congresso se rejoignent dans une triple affirmation :
- La chasteté dans le célibat est un élément constitutif de la vocation et de l’engagement dans les instituts séculiers.
- Les personnes mariées peuvent être membres au sens large de tels instituts moyennant certaines mesures de prudence.
- Il serait souhaitable d’envisager la constitution d’associations de personnes mariées désirant s’engager communautairement à la suite du Christ dans l’esprit des béatitudes et des conseils évangéliques.
Ces conclusions sont prudentes. Il ne revient pas au Saint-Siège de modifier la doctrine reçue ni de changer la législation tant que la nécessité ne l’impose pas : c’est le sens des deux premières conclusions ; elles n’interdisent pas la recherche ultérieure. Plus intéressante est l’ouverture, assez inattendue, de la troisième : même si elle n’a pas encore reçu de réponse concrète, elle permet une intéressante perspective qui, à l’examen, se révèle considérable.
Associations de personnes mariées
Commençons donc par l’examiner et pour cela relisons les textes. Un consulteur posait la question : « Des personnes mariées sont attirées par la perfection évangélique, comment les y aider ? ». Et un autre, suggérant l’éclosion d’associations ad hoc, écrivait : « On répondrait ainsi au désir de tant de personnes mariées de voir pleinement reconnus par l’Église et la valeur sanctifiante du mariage et l’égalité substantielle de tous les membres du Peuple de Dieu face au précepte de tendre à la perfection de la charité ».
D’où ce résumé de la consultation : « Il convient de promouvoir des associations de personnes mariées. Les motifs allégués se résument ainsi : répondre au besoin ressenti par ces personnes de s’unir pour mieux vivre leur foi ; répondre à leur désir de voir pleinement reconnues par l’Église et la valeur sanctifiante du mariage et, substantiellement, la possibilité pour tous les membres du Peuple de Dieu de tendre à la perfection de la charité ; offrir à ces mêmes personnes la possibilité effective d’un certain radicalisme de vie évangélique dans le mariage » (art. cité, 56-57).
Les experts à leur tour estiment que « les associations de personnes mariées ou avec des personnes mariées correspondent à un mouvement d’actualité, dans le contexte de l’appel universel à la sainteté dont parle le Concile ». Aussi soulignent-ils l’opportunité « d’affronter concrètement cette réalité, parce que là aussi, le souffle de l’Esprit pousse ou appelle à la perfection de la charité, en choisissant les moyens que lui-même juge adaptés à notre temps ».
C’est pourquoi le Congresso a « considéré le problème avec la plus grande attention, afin de tenir compte des aspirations profondes et légitimes qui voudraient donner naissance à de tels groupements. Il a reconnu la nécessité d’aider, soutenir, guider éventuellement ce nouveau genre d’associations » (ibid., 60).
Il ne faut pas se cacher l’importance d’une telle perspective. Pendant des siècles, les époux ont été écartés de la recherche de la « perfection évangélique ». Même si des voix aussi autorisées que saint François de Sales avaient proclamé que la sainteté était possible dans le mariage, les modèles présentés par l’hagiographie étaient à peu près toujours des célibataires, mis à part quelques saints époux vivant dans la continence absolue : la seule exception notable est la Bienheureuse Anne-Marie Taïgi (1769-1837). Et personne n’avait semblé penser jusqu’ici que des couples puissent se réunir dans des groupes dont le but serait de faciliter la pratique du radicalisme évangélique.
Provida Mater (2 février 1947) avait ouvert une brèche considérable dans la clôture qui semblait réserver la perfection aux religieux : les séculiers eux aussi pouvaient pratiquer les conseils évangéliques. Mais cela restait l’affaire des célibataires. Maintenant aucune catégorie, aucune personne n’est exclue à cause de son statut social. Et c’est là une avancée d’une portée considérable.
...pour tendre au radicalisme évangélique
Très sagement, la Section des instituts séculiers se garde de proposer des modalités pratiques à la réalisation de cette proposition. Seule l’expérience peut permettre de discerner les voies et les moyens qu’elle prendra.
L’objectif cependant est clair. Il s’agit d’inventer une expression (ou des expressions) du radicalisme évangélique dans la vie d’un couple de notre époque. Disons au préalable qu’il faut à tout prix écarter une sorte de démarquage de la vie religieuse. Lorsqu’on a créé les instituts séculiers, on a défini leur voie de perfection en se référant au modèle des religieux. On a essayé de le formuler en termes applicables à une vie séculière (cf. Provida Mater, art. III), mais ces exigences ont demandé mille adaptations concrètes bien souvent réductrices, ce qui a fait parfois penser que les instituts séculiers étaient une forme moins exigeante, une sorte de vie religieuse au rabais. Il a fallu – et il faut encore – un effort considérable pour inventer une voie séculière propre, qui parte non d’un modèle à adapter, mais de l’expérience concrète d’un séculier qui veut vivre de l’Évangile.
Il en sera de même pour les associations d’époux. Bien que la trilogie des conseils évangéliques soit une expression fort valable du radicalisme évangélique, il n’est pas certain que ce soit de là qu’il faille partir. En cela comme en toutes choses, l’unique modèle c’est Jésus. Et la question fondamentale reste bien : lorsque des époux chrétiens contemplent Jésus dans l’absolu de sa donation au Père et aux hommes et décident de le suivre, que voient-ils ? qu’entendent-ils ?
Car la question du radicalisme évangélique est fort complexe, comme T. Matura l’a bien montré [2] : images littéraires ou exigences littérales, destinataires universels ou spécialisés, utopie ou loi sont des questions qui ne font pas encore l’unanimité. Et surtout, il faut noter avec l’auteur que les exigences radicales de l’Évangile n’en sont pas l’essentiel. L’essentiel c’est la charité, c’est l’exigence de conversion, c’est la primauté de Jésus. « Les exigences radicales replacées dans l’ensemble du message de Jésus n’en forment pas un élément surajouté, un surcroît facultatif destiné à une élite ; elles révèlent plutôt le noyau dur, intransigeant de ce message. Arêtes vives, tranchantes, elles n’ont pas d’existence séparée : qui s’y heurte est poussé, par ce choc même, vers l’insondable exigence, dévorante comme le feu, de la parole de Jésus [3] »
Le radicalisme évangélique n’est pas l’objet d’un choix optionnel, il n’est pas réservé à une élite : il s’impose à tous. Il est encore moins un éventail d’exigences parmi lesquelles choisir ce qui plaît : il ne fait qu’expliciter les ultimes conséquences concrètes de l’amour de Dieu et de la tendresse envers le prochain. Je l’ai dit ailleurs [4], ce dont il s’agit ici, c’est la décision de donner un nouveau sens à sa vie, de faire de l’Évangile, de l’adhésion inconditionnelle à Jésus, le principe d’organisation et de choix de sa propre existence.
C’est sur cette piste que doivent chercher les époux chrétiens, sur ce que peut en particulier signifier pour eux pardonner, se réconcilier, aimer efficacement son ennemi, se situer sans cesse en état de service, se compromettre avec les marginalisés, se reconnaître pauvre et petit enfant, partager ses richesses, se renoncer et renoncer à tout ce qui fait obstacle au règne de Dieu.
Célibat et radicalisme
Dans cette perspective, qu’en est-il du célibat ? C’est évidemment la question posée par beaucoup quand il est question d’offrir le radicalisme évangélique aux époux : comment pratiqueront-ils, diton, le vœu de chasteté ?
Dire qu’ils le pratiqueront selon leur état en observant les « lois du mariage chrétien », c’est ne pas dire grand-chose. Et vouloir obliger des époux à la continence totale et perpétuelle ne semble pas tenir compte de la nature du mariage, même si les expressions charnelles n’y doivent pas occuper la place principale.
Pour y voir clair, il importe de distinguer continence, célibat et chasteté [5]. La continence est l’abstention de la recherche volontaire du plaisir génital ou, d’une façon plus générale, la régulation de cette recherche selon l’état de chacun ; elle est subordonnée aux règles éthiques des sixième et neuvième commandements. Il n’est pas question là de radicalisme évangélique, mais de morale naturelle, même si l’Église peut et doit donner à ce sujet un enseignement.
Le célibat à finalité religieuse est, par contre, un phénomène qui, pour ne pas être inconnu en d’autres milieux (moines bouddhistes, esséniens), n’est devenu important que dans le christianisme. A-t-il un fondement évangélique ? L’étude des textes du Nouveau Testament montre qu’il est présenté comme une alternative au mariage pour le chrétien (cf. en particulier Mt 19,10-12 ; 1 Co 7,25-35) : le mariage n’est plus une valeur absolue comme dans le judaïsme orthodoxe du premier siècle ; dans une perspective eschatologique, le célibat apparaît même supérieur puisque l’immortalité des saints montre que le mariage n’est pas une réalité définitive : c’est cette perspective et non une crainte ou un mépris de la sexualité qui fonde l’appel au célibat.
Mais, à la différence des exigences du Royaume, cet appel est présenté comme un don que seuls certains reçoivent (Mt 19, 11) ; en ce sens il est un « conseil [6] ». Ceci permet de dire, semble-t-il, que les personnes mariées sont appelées elles aussi au radicalisme chrétien, mais dans une autre situation que les célibataires.
Elles auront d’ailleurs à vivre toutes les exigences évangéliques sur la sexualité qui s’expriment dans la chasteté. Celle-ci en effet consiste à user de la sexualité en gérant humainement et pour une plus grande liberté l’expérience du manque, de la différence et du désir. Est chaste celui qui se reconnaît limité, dépendant, qui accueille le désir qui l’oriente vers l’autre et qui accepte que cet autre soit différent, qu’il soit et qu’il ait ce que lui-même n’a pas et n’est pas ; qui se réjouit que l’autre soit autre ; qui respecte tellement sa différence qu’il l’aide à la vivre, qu’il aide l’autre à être autre, c’est-à-dire soi-même. Il est facile de voir combien une telle requête peut être exigeante pour un couple. Aussi est-il permis de dire que, si l’on ne peut normalement envisager que des personnes mariées s’engagent à la continence totale (ce que la tradition appelle : la chasteté parfaite) ou au célibat, il est évident que la radicalité de la charité comprend la chasteté au sens défini plus haut.
Époux et instituts séculiers
Il ne fait pas de doute par conséquent que des époux puissent être appelés au radicalisme évangélique. Cependant consulteurs, experts et Congrégation se sont trouvés d’accord pour réserver aux célibataires la capacité d’être membres des instituts séculiers au sens strict. Examinons-en les motifs.
Le premier que l’on apporte est la loi même des instituts séculiers qui prescrit aux membres la profession du célibat par vœu, serment ou consécration obligeant en conscience (Provida Mater, art. III, § 2, 1°) et l’affirmation répétée par le Concile et les papes que l’entrée dans les instituts séculiers comporte entre autres le vœu traditionnel de chasteté [7].
Tous les autres motifs sont tirés de ce qu’un expert appelle la « nature même » des instituts séculiers. Essayons de reconstituer le raisonnement sous-jacent à l’ensemble du document. Un institut séculier est un institut de perfection, c’est-à-dire qu’il constitue un état (une situation stable et juridiquement définie) organisé en vue de l’acquisition de la perfection de la charité chrétienne. Or, un état organisé dans ce but comporte comme élément essentiel et constitutif la profession des trois conseils évangéliques. Et, parmi ces conseils, le Concile met en honneur spécial celui de chasteté, c’est-à-dire l’engagement au célibat perpétuel qui comporte par nature l’engagement à la continence totale. Comme la profession dans un institut séculier « confère une consécration » à ses membres, il résulte de tout ceci que l’engagement au célibat est « l’élément essentiel et constitutif de la réalité qui consacre à Dieu dans institut de perfection [8] ».
Il est clair cependant qu’un tel raisonnement exclut les personnes mariées des instituts séculiers à titre de membres au sens strict. De sorte que le document aboutit à dire que les personnes mariées sont appelées au radicalisme évangélique et à la perfection de la charité, mais pas à un état organisé en vue de l’acquisition de la perfection de la charité. La difficulté est d’ailleurs ressentie par l’auteur du résumé des réponses des consulteurs qui parle de « la possibilité effective d’un certain radicalisme de vie évangélique dans le mariage » (57).
Voyons donc ce qu’on peut penser de ces affirmations du document. Il ne fait aucun doute que le célibat fut vécu par Jésus, encore qu’il ne semble en avoir donné ni les implications ni les motivations ; il a invité certains de ses disciples à suivre le même chemin (Mt 19,10-12) ; et saint Paul considère que c’est un état plus conforme à la condition chrétienne sans pour cela que soit déprécié le mariage : l’opposition entre mariage et célibat est présentée non par la catégorie de bon et mauvais, mais par celle de bon et meilleur (cf. 1 Co 7,38). On voit combien la position est différente par rapport aux autres exigences du radicalisme évangélique : celles-ci n’admettent pas de contraire valable, le célibat par contre est une option meilleure mais sans caractère d’obligation ; « c’est le seul ’conseil’ s’il est permis d’utiliser ici ce mot grevé de tant d’ambiguïtés [9] ».
Cette observation permet de poser une question sur le bien-fondé de la position qui fait du célibat un élément essentiel, voire l’élément majeur de tout état de vie chrétienne organisé en vue d’acquérir la perfection de la charité. Elle met en effet en question l’égalité de traitement fait aux trois « conseils » : en effet jamais l’Évangile ne présente l’option entre richesse et pauvreté, entre désobéissance et obéissance comme un choix entre un bien et un mieux ; l’Évangile exige la pauvreté et l’obéissance pour suivre Jésus, il n’exige pas le célibat. Il est donc difficile de traiter les trois « conseils » de la même manière : les deux premiers sont des éléments nécessaires du radicalisme évangélique ; peut-on dire que le troisième le soit ?
Ceci ne veut pas dire que le « célibat pour le Royaume » ne soit pas une voie de perfection : au contraire il l’est et, d’une certaine manière, c’est une voie meilleure que le mariage ; mais celui-ci ne doit pas être exclu des états de perfection. La condition, dans un cas comme dans l’autre, c’est qu’on s’y engage au radicalisme évangélique. Car, pas plus que le mariage, le célibat n’est en soi le tout de l’exigence évangélique.
Deux questions
Il faudrait poser deux questions pour terminer. D’une part peut-on imaginer des associations ecclésiales où coexisteraient des célibataires et des personnes mariées s’engageant au radicalisme évangélique ? En soi il n’y a pas d’objection décisive. On peut seulement se demander si ce serait opportun. Il est en effet possible qu’on introduise ainsi un risque de confusion ou de dévalorisation du célibat. Mais l’expérience de différents groupes où cela est pratiqué montre qu’au contraire les deux vocations peuvent se renforcer l’une l’autre : les échanges entre célibataires et couples ayant les uns et les autres pris l’engagement au radicalisme évangélique sont d’une grande richesse, source d’une interpellation mutuelle et d’une aide réciproque.
L’autre question est de savoir s’il faut définitivement fermer les instituts séculiers aux personnes mariées (au titre de membres au sens strict). Le document étudié ici le fait, et cela peut se comprendre pour deux raisons. D’une part le Saint-Siège ne modifie pas ses positions avant qu’une certitude ait été obtenue de la validité de la nouvelle attitude. D’autre part la question a été étudiée dans le cadre de la doctrine des trois « conseils » où la chasteté parfaite dans le célibat est considérée comme un élément essentiel des instituts de perfection.
Ce qui a été dit plus haut conduit à se demander s’il ne faudrait pas étudier une révision de cette position. Mais plutôt que par des réflexions abstraites il faut d’abord donner la parole à l’expérience. Il devrait être possible que des instituts séculiers s’associent des personnes mariées et leur proposent un engagement au radicalisme évangélique sous des formes à trouver ; on ferait dans quelques années un bilan de cette expérience originale. Mais peut-être est-elle déjà commencée...
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[1] Cf. Informationes SCRIS, 2(1976), 49-61 (texte original en français). Le document est aussi publié dans la seconde édition de Les instituts séculiers, Documents, Rome, Conférence mondiale des instituts séculiers, 1981. Voir aussi La Documentation catholique, 73 (1976), 1046-1047.
[2] Th. Matura, o.f.m. Le radicalisme évangélique. Aux sources de la vie chrétienne, Coll. Lectio divina, 97, Paris, Ed. du Cerf, 1978. Cf. surtout la troisième partie, 177-202. – Id., « Références bibliques de la vie religieuse », Nouvelle Revue Théologique, 105 (1983), 47-68.
[3] Op. cit., 199-200.
[4] Cf. Fr. Morlot, « Vie consacrée ? », Vie consacrée, 1983, 108-117.
[5] Cf. X. Thévenot, Repères éthiques pour un monde nouveau, Mulhouse, Ed. Salvator, 1982, 44-54.
[6] Cf. l’étude très documentée de Th. Matura, o.f.m., « Le célibat dans le Nouveau Testament d’après l’exégèse récente », Nouvelle Revue Théologique, 97(1975), 481-500 et 593-604.
[7] Le nouveau code sanctionne cette position dans le Titre consacré aux instituts séculiers : « Ne peut validement être admise à la probation initiale... une personne mariée, tant que dure l’état de mariage » (c. 721, § 1, 3°) ; « Un institut peut s’associer, par un lien déterminé dans les constitutions, d’autres chrétiens qui tendent à la perfection évangélique selon l’esprit de l’institut et participent à sa mission » (c. 725).
[8] Informationes SCRIS, art. cité, 58. Suit une formule ambiguë : « Alors que pauvreté et obéissance – spécialement dans les instituts séculiers – peuvent être nuancées..., la chasteté parfaite s’impose comme élément indispensable d’appartenance totale au Seigneur ». Qu’entend-on par « nuancer pauvreté et obéissance » et par rapport à quoi ? Si c’est dire que pauvreté et obéissance trouvent leur expression parfaite chez les religieux mais doivent être mitigées dans les instituts séculiers, c’est proprement inadmissible : les membres des instituts séculiers ne sont pas des religieux au rabais. Si c’est dire que pauvreté et obéissance sont vécues de manière séculière, selon des modalités propres à la vie en plein monde, dans les instituts séculiers, alors que les religieux les vivent de manière communautaire et en distance du monde, il faut dire aussi qu’il y a une manière séculière de vivre le célibat, la continence et la chasteté.
[9] Th. Matura, Le radicalisme..., 181.