Mes convictions et mes questions sur la vie religieuse
Joseph Duval
N°1984-4 • Juillet 1984
| P. 203-213 |
C’est à la dernière assemblée générale des Supérieurs majeurs de France (1983) que l’Archevêque de Rouen a livré ses convictions et ses questions d’évêque au sujet de la vie religieuse. Nous pensons que ce texte incisif pourra éclairer les religieux « de vie contemplative » et ceux « de vie apostolique » et les aider à établir de meilleures « relations mutuelles » avec leurs pasteurs.
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Parce que je suis un chrétien désireux de vivre selon l’Évangile, la vie religieuse trouve en moi de multiples complicités : attirance pour la vie contemplative, besoin d’une vie fraternelle, estime pour la pauvreté.
Parce qu’évêque, responsable d’une Église, responsable de la mission de cette Église, je sais que cette Église a besoin, pour exister et exercer sa mission d’évangélisation, de communautés religieuses diverses et significatives. Je sais par expérience, pour reprendre les termes de Lumen gentium, que « l’état de vie constitué par la profession des conseils évangéliques, s’il ne concerne pas la structure hiérarchique de l’Église, appartient cependant inséparablement à sa vie et à sa sainteté » (LG 44).
Conscient de l’urgence de la mission dans nos vieilles Églises essoufflées, mais désarmé à cause de la pauvreté de nos moyens, il m’arrive de rêver, surtout quand je relis Mutuae relationes (19), où il est dit : « La nature charismatique de la vie religieuse s’accorde parfaitement avec une activité féconde d’invention et de réalisation ». C’est à bon droit que le Souverain Pontife Paul VI a affirmé : « Grâce à leur consécration religieuse, les religieux sont par excellence volontaires et libres pour tout quitter et aller annoncer l’Évangile jusqu’aux confins du monde. Ils sont entreprenants et leur apostolat est souvent marqué par une originalité, un génie qui font l’admiration ». Nous aurions tellement besoin d’être aidés par des communautés entreprenantes, inventives ! Mais les instituts religieux ont connu les mêmes problèmes ou difficultés que les diocèses. Eux aussi, bien souvent, gèrent leur pauvreté et ferment plus de maisons qu’ils n’innovent.
Parce qu’évêque, je ne puis me dérober à un aspect de ma responsabilité. Je suis au service de la vie religieuse. Parmi toutes mes tâches, j’ai, comme « office spécifique, à défendre la vie consacrée, à promouvoir et animer la fidélité et l’authenticité des religieux, à les aider à s’insérer selon leur charisme propre, dans la communion et l’action évangélisatrice de l’Église » (MR 52).
Cet aspect de ma mission m’oblige à affirmer mes convictions pour le cas où elles viendraient à défaillir. Mais les convictions théoriques sont aussi sources de questions quand il s’agit d’entrer dans les modalités pratiques de la collaboration avec les religieux.
En effet, la vie religieuse n’existe pas en tant que telle. Elle n’existe que réalisée concrètement par des hommes ou des femmes engagés dans des instituts qui portent les marques de leur âge, qui n’ont pas toujours les moyens de réaliser leurs nobles ambitions. Alors je me trouve en face de la vie religieuse dans les mêmes sentiments qu’à l’égard du diocèse : la réalité ne correspond pas aux rêves. Mais dans l’Église, depuis les origines, aucune institution ne correspond à l’idéal.
Comme beaucoup d’évêques, voire de prêtres, je suis tenté, et je m’en confesse, de ne mesurer l’intérêt d’un institut religieux que par les services concrets qu’il peut rendre, en particulier à l’action pastorale présente. Je suis tenté d’oublier que la vie religieuse a, en elle-même, sa propre valeur, qu’elle sert l’Église dans sa mission, indépendamment de l’action pastorale réalisée par les religieux ou les religieuses. Mais la vie religieuse existe aussi pour faire quelque chose, pour exercer une mission au nom de l’Église. Alors parfois, je rêve et je me demande pourquoi je ne suis pas fondateur d’un institut (ou de plusieurs) plus lié à l’évêque et au diocèse. Je ne suis pas le seul. Il y a déjà eu des précédents, tant pour des congrégations cléricales que laïques. J’envie saint Augustin entouré d’une communauté cléricale aussi ardente pour l’action pastorale que pour la prière commune. Oui, en fait, pourquoi ne suis-je pas fondateur ? Par paresse ? Par prudence ? Par manque de foi ? Ou peut-être par manque de confiance en l’évolution de cette création qui ressemblerait bien vite à celles qui existent déjà. Et puis, les fondateurs ne sont pas toujours les mieux aimés dans leur congrégation. Résigné, je suis donc condamné à mendier des religieux ou des religieuses, à négocier avec des supérieurs assaillis par d’autres demandes et que j’imagine en train de soupeser les offres les plus alléchantes en s’abritant derrière les remparts d’une administration insensible qui n’a en vue que le bien de son groupe. Je ne leur reproche pas de penser au bien de leur groupe, d’autant plus que la pauvreté ne donne pas beaucoup de liberté.
Avant d’aller plus loin, je veux prendre une ultime précaution : la vie religieuse est si diverse que j’ai toujours l’impression d’oublier certaines de ses réalisations. Mais comment penser à tout et à tous ? Comment englober sous la même appellation des instituts si différents et des manières de vivre si contrastées ? Bienheureux êtes-vous si vous arrivez toujours à retrouver entre vous quelques points communs.
Cela dit, je voudrais vous dire comment je me situe par rapport aux communautés contemplatives et aux religieux de vie apostolique. J’aimerais aussi vous faire part de quelques-unes de mes questions.
Ce que j’attends des communautés contemplatives
Une Église particulière a besoin qu’en son sein, des communautés contemplatives existent pour exprimer un aspect de sa vie. Quel que soit son statut, sa légitime autonomie, une communauté contemplative fait partie d’une Église particulière. Elle n’est pas seulement implantée sur le territoire d’une Église particulière. Une Église a aussi besoin que des communautés contemplatives existent pour lui rappeler, en le rappelant aux chrétiens, que la prière fait partie de la vie chrétienne. Comme le Christ, l’Église, par ses membres, a besoin de se recueillir dans une prière de contemplation, de louange, d’accueil et d’interpellation, prière pratiquée par tous, mais aussi plus spécialement par certains. Les communautés contemplatives aident une Église à vivre pleinement comme Corps du Christ. Membre d’une Église particulière, une communauté contemplative prie au nom de cette Église, pour cette Église, mais aide aussi cette Église à prier. Elle existe pour permettre à ses membres de réaliser une vocation personnelle ; mais cette vocation comporte aussi la découverte d’une solidarité accrue avec une Église et par là avec l’Église universelle. Je ne suis pas sûr que cette appartenance nécessaire à une Église particulière soit parfaitement intégrée par les religieux et religieuses habitués à être exempts de l’autorité épiscopale, ce qui ne veut pas dire en dehors de l’Église dont cet évêque est responsable. Il y a aussi ceux qui entrent, ils choisissent une maison, non un diocèse...
Par sa prière, une communauté contemplative réalise sa vocation missionnaire (voir le Document « Religieux et Promotion Humaine », p. 37). Mais elle doit aussi porter dans sa prière les chrétiens, prêtres ou laïcs qui, autour d’elle, vivent, parfois au prix de beaucoup de peine, les exigences de la mission. Les missionnaires pour lesquels il faut prier et faire prier ne sont pas forcément au loin, ils sont aux portes même du couvent. Une communauté de prière ne peut se désintéresser de l’effort missionnaire qui se réalise autour d’elle et avec lequel elle doit être en harmonie. Il ne peut pas exister côte à côte deux types d’Église si différents, si opposés, que l’un contredise ce que fait l’autre. Il n’y a pas de mission s’il n’y a pas parfaite charité entre les membres d’une même Église. L’Église du dehors ne peut ignorer le monastère, mais l’inverse est vrai aussi.
Une communauté contemplative qui vit parfaitement sa vie de communauté, même sans le crier sur les toits, témoigne de ce que peut faire l’Amour de Dieu avec des hommes et des femmes bien disposés. Dans un monde de violence où les hommes ont peine à croire à la possibilité d’une entente vraie, une communauté peut manifester que l’amour des autres est possible. Rendre un tel témoignage, n’est-ce pas un grand service à rendre à notre monde ? Ceci est vrai de toute communauté religieuse, mais aussi des contemplatifs.
Chaque communauté a son caractère propre, son charisme propre. La fidélité à ce charisme propre est indispensable pour que la mission de la communauté soit remplie. Le service à rendre par des bénédictins n’est pas le même que celui que doivent rendre des trappistes ou des carmes. Les bénédictines n’ont pas le même service à rendre à l’Église que les carmélites. En tant qu’évêque, je dois même veiller au respect de leur charisme par les religieux eux-mêmes...
Sans vouloir majorer cet aspect, je constate que bien des personnes qui fréquentent les monastères sont souvent des chrétiens qui ont du mal à s’insérer dans l’Église d’aujourd’hui, dans une paroisse ou dans un groupe. Il est bien que ces personnes puissent vivre avec l’aide d’un monastère. Mais il serait dommageable qu’à l’intérieur des murs d’un couvent, ces mêmes personnes aient l’impression de trouver une autre Église. Au contact d’une communauté contemplative, on doit toujours pouvoir découvrir une communauté qui vit l’Amour du Christ pour son Église. Les communautés contemplatives (et les autres également) doivent être des lieux où l’on apprend à aimer l’Église, mais l’Église telle qu’elle est maintenant avec ses richesses et ses pauvretés. Je sais bien qu’il y a toujours eu un peu de rivalité entre diocèses et communautés religieuses, entre paroisses et communautés, mais nous devons tous tendre à dépasser ces rivalités.
En étant pour certains des oasis de paix et de prière, les communautés contemplatives aident les chrétiens et même des non-chrétiens à faire l’expérience de la paix, du silence et de la prière. Ce rôle est important. Mais pour le réaliser il ne faut pas se laisser envahir par le bruit et l’agitation. Ce n’est pas facile, j’en conviens, d’accueillir sans être envahi, surtout lorsque ceux qui viennent ne connaissent presque rien à la foi, à l’Eucharistie, à la vie religieuse et à ses exigences.
Questions
Il semble que le goût de la prière est assez répandu. Mais prier c’est autre chose que d’écouter chanter une communauté de moines ou de moniales. Les monastères sont-ils assez de vraies écoles de prière pour ceux qui viennent, prière sous tous ses aspects ? Sont-ils des écoles de vie spirituelle vraie ?
Par ailleurs, je sais bien que les contemplatifs doivent aussi travailler pour gagner leur pain et ce n’est pas toujours facile dans les petites communautés de femmes. Comment accompagner tous ceux qui voudraient apprendre à prier et, en même temps, travailler pour que la communauté puisse vivre ?
Nos églises de ville ou de campagne ne sont ouvertes que pour un laps de temps de plus en plus restreint. Et pourtant, nous aurions besoin que quelques-unes de ces églises soient ouvertes pour la prière et que celle-ci y soit animée par un groupe de priants capables d’associer d’autres personnes à leur démarche. Des réalisations existent déjà çà et là. Ce n’est pas une mode. Je crois qu’il y a encore tout un champ à explorer, un réel besoin à satisfaire. Des communautés anciennes ne pourraient-elles pas imaginer un mode de soutien pour ces petits groupes vivant sans clôture. Il fut un temps où les monastères d’hommes avaient des prieurés (ces lieux de prière peuvent aussi être animés par des femmes, c’est évident).
Religieux de vie apostolique
J’ai bien conscience de l’extrême diversité des instituts qui entrent dans cette catégorie.
Je me garderai bien de vouloir niveler les différences. Qu’y-a-t-il de commun entre des Frères enseignants et des Religieuses hospitalières ? Entre un institut clérical et un institut laïc ? Et pourtant, si on ne s’arrête pas au seul travail réalisé, la parenté est évidente.
« Ce qui caractérise l’institut religieux... consiste en ceci :
- ils s’engagent à la profession des conseils évangéliques uniquement par des voeux publics ;
- ils mènent une vie fraternelle en communauté ;
- leur témoignage public comporte une séparation du monde appropriée au caractère et au but de chaque institut ».
J’ajouterais volontiers :
– ils s’engagent à servir collectivement la mission de l’Église (d’une Église particulière), de la manière qui leur est propre.
« A tous les religieux incombe le devoir de travailler de toutes leurs forces et avec zèle à l’édification et à la croissance de tout le Corps mystique du Christ et au bien des Églises particulières » (Christus Dominus, § 33).
Ce que j’attends des communautés religieuses
Dans une situation de pénurie au plan pastoral, notre tentation est de mesurer l’utilité des religieux et des religieuses au nombre des services pastoraux qu’ils assurent. Sans minimiser cet aspect, surtout lorsque l’urgence se fait sentir, je ne peux oublier ce passage d’un discours de Jean-Paul II : « Ce n’est pas pour être utile à la pastorale que la vie religieuse occupe une place définie dans l’Église et revêt une valeur incontestable. C’est le contraire qui est vrai : la vie religieuse rend un service efficace à la pastorale dans la mesure où elle se maintient inébranlablement fidèle à la place qu’elle occupe dans l’Église et aux charismes qui définissent cette place [1] »
« L’immense contribution que les religieux apportent à l’Église... est bien plus une contribution de ce qu’ils sont que de ce qu’ils ont fait et de ce qu’ils font. Quand nous parlons des religieux, nous devons spécifier que leur plus grande dignité est qu’ils sont des personnes que Dieu a appelées individuellement, que Dieu a consacrées par l’intermédiaire de son Église [2] ».
Le témoignage de vie religieuse passe par la pratique des trois voeux, par la charité et la vie de prière. Mais la suite va expliciter la manière de réaliser ce témoignage.
Les religieux ou religieuses sont entrés dans un institut pour vivre une vie fraternelle ou communautaire. Il est donc important que chaque religieux ou religieuse appartienne à une communauté. Il faut que la communauté ait une présence signifiante là où elle est insérée, qu’elle soit repérable. Il faut que la communauté ait une consistance qui lui permette d’être un signe. La communauté n’est pas qu’un lieu de ressourcement pour ses membres ou un moyen de vivre une relation avec un supérieur. Elle doit signifier à l’extérieur quelque chose de l’Évangile du Christ. Il y aura toujours des exceptions. Tous les instituts n’ont pas une tradition de vie communautaire. Mais je constate que c’est un point sur lequel vous insistez de plus en plus et je m’en réjouis.
C’est le témoignage que rend la communauté, mais c’est aussi le service que doivent rendre et la communauté, et chacun de ses membres.
« Les religieux, communauté ecclésiale, sont donc appelés à être dans l’Église et dans le monde des « experts de communion » témoins et artisans de ce « projet de communion » qui se trouve au sommet de l’histoire de l’homme selon Dieu » (« Religieux et Promotion Humaine »).
Être au service de la communion entre Dieu et les hommes, entre les hommes eux-mêmes, être au service de la réconciliation dans l’Église et dans le monde. Tout cela fait partie du programme de vie d’une communauté religieuse. Si la vie religieuse a un aspect eschatologique, elle ne peut l’avoir que si elle est au service de l’unité, de l’amour. Tout passe, sauf l’amour et la charité.
Pour être au service de la communion dans une Église diocésaine, il faut être bien inséré dans cette Église. Cela demande un effort de part et d’autre, de la part des religieux, de la part du diocèse, donc de la part de l’évêque. Je suis bien conscient de ma responsabilité sur ce point, même si je ne m’en acquitte qu’imparfaitement. Quand je réfléchis sur mes relations avec les religieux, je constate que nous parlons, avec les supérieurs, des services pastoraux des religieux, mais rarement de la vie de la communauté en tant que telle.
Par sa consécration, un religieux exprime qu’il ne veut rien faire que par Dieu et pour Dieu. Avec sa communauté, il témoigne du primat de Dieu. Cette consécration s’exprime par toute sa vie. Elle s’exprime aussi et se renouvelle par la prière.
Un religieux ou une religieuse doit pouvoir aider ceux qui sont à la recherche de liens plus étroits avec Dieu, de même ceux qui sont à la recherche d’une vie de prière plus consistante.
Etre religieux n’est pas un label pour être guide spirituel ; mais il n’est pas inconvenant de penser que des religieux, voire des religieuses, puissent jouer ce rôle de préférence à d’autres – même si je regrette que, pour de multiples raisons, les prêtres n’exercent guère cette fonction. Quand je parle d’être guide spirituel, je ne pense pas spécialement au ministère de la confession.
Quand je parle des plus défavorisés, j’entends les défavorisés socialement, économiquement, scolairement, spirituellement. Je sais bien que ce souci, toutes les congrégations le partagent. Mais les reconversions sont souvent difficiles. Il y a aussi les défavorisés au plan de la foi ; ceux que l’Église rejoint mal par ses institutions, ses mouvements. Mais pour être apôtres auprès des plus éloignés de l’Église, il faut une préparation particulière, un charisme spécial [3].
Questions
La pauvreté du diocèse en personnel qualifié nous fait regarder du côté des instituts religieux. Mais nous rencontrons de leur côté une égale pauvreté. Plus que d’une simple bonne entente entre diocèses et congrégations, nous aurions besoin de pouvoir ensemble faire des projets à long terme pour que puissent être préparés des prêtres ou des permanents en pastorale plus spécialisés.
Est-ce une utopie ? Est-ce possible ?
Si j’étais économiste, en considérant nos besoins pour l’Église, je dirais volontiers que nous aurions à revoir notre politique du personnel. La multiplicité des instituts qui se recrutent peu fait qu’une bonne partie du personnel risque d’être occupée à faire vivre des organismes pour eux-mêmes. Est-ce rentable ? Utile ? Nous fonctionnons avec les mêmes appareils conçus en période d’abondance. Tous les instituts existants doivent-ils chercher à survivre en attendant des jours meilleurs ? Mes propos sont sans doute un peu inconvenants. Je m’en excuse. Mais quand je pense à toutes les énergies dépensées pour faire vivre des instituts... Je sais bien que tout sert au Royaume de Dieu. Mais nous sommes entrés dans un temps de bouleversements à tous points de vue.
Je ne suis pas sûr que les nouvelles fondations ont en vue la prise en charge de l’activité pastorale et véritablement missionnaire de l’Église. Je peux me tromper. Je me trompe certainement. Je comprends qu’en une période où les chrétiens s’interrogent sur leur identité, des jeunes soient attirés par des fondations où l’accent est fortement mis sur l’affirmation de cette identité. Mais cette recherche ne pourrait-elle pas aller avec un élan missionnaire plus audacieux, qui n’est pas incompatible avec l’affirmation de l’importance de la vie de prière et de la vie de communauté ? Même si la vie religieuse, en elle-même, est missionnaire, une volonté d’aller vers les plus éloignés n’est pas sans intérêt.
Mais, je ne voudrais pas être injuste ; des communautés du Renouveau ont une réelle volonté missionnaire.
Et l’avenir ?
L’avenir de nos Églises diocésaines nous préoccupe.
L’avenir de vos instituts vous préoccupe et nous préoccupe tous. Comment peuvent-ils se recréer sans renoncer à leur charisme ? Mais en même temps, des instituts nouveaux naissent – de nouvelles formes de vie religieuse se cherchent. Il me semble qu’il y a plus de création en ces temps qu’il y a quarante ou cinquante ans. Que signifient ces multiples créations ? Une recherche insatisfaite ? Un temps de renouveau qui s’annonce ?
Toute fondation nouvelle dérange – irrite même – ; cela a toujours existé dans l’histoire de la vie religieuse, et aussi dans l’histoire des Églises locales, souvent bousculées par les nouvelles fondations.
Mais si des fondations nouvelles voient le jour, c’est probablement qu’elles correspondent à des besoins non satisfaits, à des besoins nouveaux. Quelle attitude prendre individuellement et collectivement ? Il faut toujours envisager l’avenir avec audace et prudence. Il ne faut pas limiter les élans de l’Esprit. Il faut aussi savoir faire preuve de discernement. Mais le nouveau fait obligatoirement un peu d’ombre sur ce qui existe déjà, même sur les séminaires.
Le nombre des vocations n’est pas indéfiniment extensible (même en période favorable). Il le sera de moins en moins avec les familles d’un ou deux enfants.
Vaut-il mieux courir le risque du nouveau ou s’appuyer sur ce qui existe déjà, sur ce qui a fait ses preuves et qui peut s’adapter ? Le nouveau n’a-t-il pas plus de chance de répondre aux attentes des jeunes et de notre monde ? Ces questions, vous vous les posez. Je me les pose en tant qu’évêque. Comment pouvons-nous nous éclairer mutuellement, en n’ayant en vue que le bien de l’Église ?
2 rue des Bonnetiers
F-76043 ROUEN CEDEX, France
[1] Jean-Paul II aux religieux du Brésil (Sâo Paulo), le 3 juillet 1980 ; cf. La Documentation catholique 77 (1980), 765.
[2] Jean-Paul II à des évêques des États-Unis, le 19 septembre 1983 ; texte anglais original dans L’Osservatore Romano, n° 216 (19-20 septembre 1983), 4.
[3] Au sujet du charisme propre : l’évêque doit veiller à la fidélité d’un institut à son charisme propre. Qu’est-ce que le charisme propre ? L’esprit ? La spiritualité ? Mais une congrégation a aussi été fondée pour une action, un service.