Sans mise à part...
Françoise Vincent
N°1984-2 • Mars 1984
| P. 127-128 |
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J’ai bien peu de choses à dire au nom des Instituts Séculiers sur le thème du conseil 1983 : « La symbolique du vêtement ».
Les motifs pour lesquels nous ne voulons ni vêtement, ni signe distinctif de notre appartenance, sont faciles à comprendre et ne suscitent aucun problème parmi nous.
Nous restons des laïcs ou – si l’on préfère – puisque laïc s’oppose à « clerc », au sein du peuple de Dieu, des « chrétiens ordinaires ».
Je crois pouvoir dire, sans risque de me tromper, que les membres d’Instituts Séculiers – à moins qu’ils n’en fassent partie par une erreur d’aiguillage non réparée ! – n’ont jamais éprouvé ni regret ni peine de cette absence de tout signe distinctif. Je me souviens, en écrivant ceci, que, dans un Institut Séculier français très proche des Ordres religieux (vie commune pour certains membres, maison de formation etc.) on mettait une grande cape pour les offices à la chapelle. On a abandonné assez vite cette coutume, et peut-être d’autres, au fur et à mesure que se dessinait la vraie figure des Instituts Séculiers.
Notre appel est autre, en effet, et laisse place entière, puisque différent, à celui des congrégations religieuses, avec ou sans habit. Vocation d’enfouissement dans la pâte humaine, comme dit le Père Beyer. En tous cas, vocation d’insertion complète – et je dirais volontiers, enthousiaste – dans ce monde sorti des mains de Dieu, marqué, certes, par le péché, le mal et la souffrance mais en même temps entraîné, à la suite de Jésus, vers le Père dont il nous a révélé l’amour. Appel à une vie évangélique avec les autres membres du peuple de Dieu, par notre consécration baptismale.
Ne doivent-ils pas, eux aussi, à leur manière, suivre le Christ pauvre, chaste et obéissant ? Le célibat que nous vouons et un style de disponibilité, de partage et de désappropriation que ne peuvent adopter des gens mariés, ayant charge de famille, nous distinguent seuls parmi eux, et c’est par ces « signes » que nous espérons porter témoignage. Sans mise à part d’aucune sorte, s’exprimant pour les religieux par des vœux connus du public, une clôture, une vie commune demandant mise en commun plus ou moins grande des biens, une maison ou un appartement de style particulier, un vêtement distinctif, des œuvres propres ayant pignon religieux sur rue. Sans privilèges d’aucune sorte.
Dans cette optique d’insertion, nous reprendrions volontiers à notre compte les célèbres paroles de saint Vincent de Paul : « Notre chapelle est l’église paroissiale, notre cloître, la rue, etc. ».
Que notre vêtement soit modeste, sans recherche particulière dans la vie de tous les jours, cela va de soi. Qu’il revête un caractère plus soigné ou plus mondain dans certaines professions ou quand des circonstances l’exigent, qu’importe ? Nous y voyons une adaptation, une obéissance aux événements, non une recherche de luxe. En général, nous voudrions passer « inaperçues », c’est-à-dire ne nous singulariser en rien dans ce domaine, que ce soit par manque ou par excès. Être « une parmi les autres », ne se remarquant que par une disponibilité plus grande, un cœur paisible et miséricordieux, désireux de justice, un détachement qui soit signe d’amour plus que d’ascèse (encore que celle-ci soit nécessaire dans tous les domaines de l’affectivité, de l’argent ou de la « puissance »).
Peut-être avons-nous à dire simplement, par notre vie, à ceux qui nous rencontrent, que le Seigneur veut la miséricorde et non le sacrifice ?
Le peuple de Dieu et le monde des hommes, s’ils ont besoin de repères visibles que sont les religieux contemplatifs et apostoliques, ne demandent-t-il pas aussi, à une époque d’incroyance comme la nôtre, des témoins discrets qui, dans la confiance et l’abandon au Père, mus par le souffle de l’Esprit, laissent peu à peu, au gré de sa volonté, reproduire en eux « l’image de son Fils » ?