L’habit : un signe
Marc Piret-Gérard
N°1984-2 • Mars 1984
| P. 129-131 |
La contribution que nous publions pour clôturer notre dossier n’a pas été rédigée pour éclairer les travaux de notre Conseil de rédaction. Il s’agit d’un document par lequel un jeune responsable d’une nouvelle fraternité ecclésiale cherche à rendre raison du vêtement porté dans son groupe. Nous avons pensé que la réflexion sur notre thème pourrait s’enrichir de la simplicité de ce témoignage.
La lecture en ligne de l’article est en accès libre.
Pour pouvoir télécharger les fichiers pdf et ePub, merci de vous inscrire gratuitement en tant qu’utilisateur de notre site ou de vous connecter à votre profil.
À la sortie de la messe, un petit enfant demanda à sa maman : « Dis, maman, le monsieur, pourquoi il porte une robe bleue ? » La maman, ne sachant que répondre, me demanda en toute simplicité de l’expliquer à son petit. Moi-même, pendant quelques instants, je fus bouleversé, puis je dis au petit : « Tu vois, quand on va à un mariage, à des noces, c’est une fête. Eh bien, l’habit que je porte, c’est une robe de fête. Pour des noces qui durent toujours. J’aime ainsi danser avec l’Église, mon épouse. »
Notre habit n’est pas un habit de tristesse, nostalgique d’un passé ecclésial, même pas un habit de pénitence, même s’il peut l’être à certains moments. C’est un habit de banquet.
Chaque matin, quand je m’en revêts, c’est pour moi un rappel de l’alliance conclue pour toujours : je me revêts du Christ. Bien sûr, c’est en nos cœurs d’abord qu’il nous faut être revêtus du Christ, mais l’habit me le rappelle et me le signifie. Souvent je me sens comme un pharisien, car je me trouve menteur face à cet habit, signe du royaume de l’amour. Aussi mon habit m’appelle-t-il quotidiennement à la conversion intérieure.
Devenir ce que nous croyons, mangeons, portons. Devenir des christophores.
Que de jugements mutuels au sujet de l’habit religieux ! Seigneur, apprends-nous à ne pas mettre des étiquettes, donne-nous par l’amour de ne pas juger, apprends-nous à respecter chacun et à lui donner d’être lui-même selon Dieu.
Oh Seigneur, que ton Église souffre de divisions intérieures ! Quand aurons-nous fini de nous taxer de conservateurs ou de progressistes : des caricatures qui blessent le visage de ton Église et ton propre visage... ! Pourquoi taxons-nous celui qui se dit progressiste d’homme qui ne prie plus, ou le conservateur d’homme de sacristie sans audace ?
Il s’agit de n’être ni l’un ni l’autre. Il s’agit d’être évangélique et amoureux de l’Église. Le malin en a des ruses pour casser notre désir d’unité ! N’excluons jamais, ne rétrécissons pas l’Église. Ainsi nous ne contristerons pas l’Esprit Saint.
J’aime voir dans les rues la diversité des visages, des couleurs. La liberté vestimentaire crie parfois au secours (je songe aux puncks, à la liberté des hippies).
Bien souvent, dans la rue, les pauvres se réjouissent de voir, de reconnaître une croix ou un habit religieux et ils s’approchent volontiers de nous. Même des athées nous accostent. Les intellectuels, l’élite, souvent d’Église, suspectent.
Loin d’être un obstacle pour la rencontre des petits, le signe de l’habit en est le moyen. Que de rencontres dans les trains, dans la rue ! Des gens viennent à nous pour parler de Jésus, de l’Église, ou pour chercher écoute et consolation.
Il y a des chrétiens qui doivent se tenir cachés, qui ne peuvent vivre autrement ; il y a aujourd’hui des martyrs en certains pays. Dans notre pays, nous avons encore la liberté et nous nous cachons parfois, comme gênés d’être à Jésus et à son Église.
Sur leurs voitures, les médecins ont une croix. Dans la rue, des malades sont en recherche d’une médecine tout intérieure. Leur dire le Nom de Jésus ou que Jésus les aime, vaut parfois plus que deux heures chez un psychiatre.
Notre habit, notre bure, est prophétique, elle dit Jésus. C’est un moyen d’évangélisation, « l’air de rien ». C’est un petit moyen pauvre, pour des pauvres, de visibiliser le Royaume. Tibériade, notre petite fondation, a opté pour ce signe.
C’est vrai que l’habit peut en éloigner d’autres. Mais faut-il vouloir toucher tout le monde ? L’Église a besoin de signes visibles renouvelés, en même temps que de signes très discrets ou cachés, enfouis dans la pâte. C’est vrai aussi qu’il y avait une vieille Église qui tenait de manière ridicule à l’extérieur, mais aujourd’hui un nouveau contexte naît : l’humanité a besoin de signes visibles qui incarnent une vérité profonde que le verbiage ne peut remplacer.
Faisons la distinction entre le traditionnel folklorique et la vraie tradition maintenue par l’Esprit Saint. La beauté porte le mystère. Le geste, le langage, le vêtement, la poésie sont des moyens très humains qui peuvent nous aider à nous tourner vers le tout proche : Jésus, la beauté, la lumière du royaume des cieux, qui transfigure déjà notre bonne terre...
Tibériade
Bois du Charnet
B-5435 LAVAUX-SAINTE-ANNE, Belgique