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L’enfouissement apostolique

Éva Génos, f.c.m.

N°1984-2 Mars 1984

| P. 124-126 |

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Fille du Cœur de Marie, je n’ai constitutionnellement ni costume, ni signe distinctif ; je ne suis pas soumise ni appelée à une vie communautaire, sous le même toit, je ne chante pas l’Office. Notre forme de vie si particulière de congrégation religieuse s’est réalisée sous la Révolution française, à la suppression des Ordres religieux. Pierre de Clorivière, profès de la Compagnie de Jésus dissoute, a repris des intuitions antérieures quant à la vie apostolique et spécialement celles de saint Vincent de Paul : « elles auront pour cloître les rues, pour chambre une chambre de louage, pour église, l’église paroissiale ».

Le Pape n’a approuvé cela que parce que la Révolution avait, en France, tout balayé. De 1791 au Concordat, la Société des Filles du Cœur de Marie a assuré institutionnellement la vie religieuse en France.

Curieusement, à l’origine de ma vocation et de mon acte conscient de consécration à Dieu, j’étais éprise de costume.

Je ne suis pas entrée dans la Société des Filles du Cœur de Marie parce que ses membres n’avaient pas de signe distinctif. Je me suis consacrée là parce que les signes que Dieu me donnait étaient pour moi incontestables.

Il n’est pas facile de vivre insérée dans la masse sans aucun signe. Il faut vivre l’incognito et l’anonymat dans l’humilité du comme tout le monde, garder vive en soi la conscience de sa consécration sans aucune barrière ni structure. Ce n’est pas une facilité.

Cet enfouissement n’a qu’une raison : elle est apostolique. Il permet la présence dans tous les milieux et à tous les niveaux. Comme les premiers chrétiens qui étaient maîtres ou esclaves, citoyens de l’Empire ou étrangers, filles de pauvres ou filles de rois. Il convient d’accepter toutes les conséquences de cette discrétion.

La façon d’apparaître pour nous et donc de nous vêtir est modulée par le besoin apostolique et les convenances des pays.

En ce qui me concerne, çà va du jean à la robe de cocktail, en passant par toutes sortes de tenues de ville ou de sport selon les circonstances. Je porte aussi le pantalon depuis l’époque des minijupes, et aussi parce que je suis amenée à rester assise de longues heures en réunion.

Depuis notre fondation, notre histoire a été marquée par des tendances et des tentations. Celles de sécularité excessive ou de conventualité. Cela se comprend aisément et, à chaque fois, la manière de nous vêtir s’en ressent.

Pour chaque Fille du Cœur de Marie comme pour tout être, homme ou femme, l’extérieur et en particulier la manière de se vêtir et de se tenir passe par une relation plus ou moins heureuse et épanouie avec son propre corps. Nous n’existons pas en dehors de notre corps et la manière dont nous le nourrissons, le soignons, le parons est révélatrice du respect que nous nous portons et du respect que nous portons aux autres. Cela traduit aussi notre classicisme ou notre fantaisie. Pour nous, Filles du Cœur de Marie, à travers tout cela, le souci apostolique demeure. Notre fondateur a écrit : « Que leur seule vue rappelle à Dieu ». Cela ne peut se faire par un signe extérieur évident et distinctif, mais par une habitation heureuse de soi-même.

Depuis quelques années, Rome nous a demandé de recevoir dans nos rangs des congrégations religieuses trop réduites. Nous avons ainsi retrouvé à Blois des Sœurs qui avaient été fondées vers 1820 par une Fille du Cœur de Marie à qui l’évêque avait demandé et la stabilité et le costume. Les plus âgées de ces sœurs ont gardé leur costume : car en effet il fallait s’adapter aux circonstances et il n’était pas possible de faire quitter le costume à des femmes qui, depuis 50 ans, n’avaient pas été vêtues autrement !

En ce qui concerne le problème de costume religieux, de l’habit religieux des Congrégations qui originellement en ont un, je suggérerais les réflexions suivantes :

  • C’est plus qu’un vêtement : un habit.
  • Il n’est pas souhaitable qu’il enlaidisse.
  • Il peut être pluriel pour les nécessités du travail, du sport, de la prière.
  • De toute manière, il faut qu’il soit porté avec aisance et avec amour pour Celui dont on veut témoigner.

En guise de conclusion, je dirai qu’avec ou sans costume distinctif, une femme consacrée doit être une femme aimable mais non coquette, soignée mais non obnubilée par ses vêtements ou son habit.

Tout cela n’est que moyens à relativiser et à moduler selon les nécessités apostoliques.

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