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Les nouvelles dispositions du code concernant la vie religieuse

Premier inventaire

Michel Dortel-Claudot, s.j.

N°1983-3-4 Mai 1983

| P. 186-200 |

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Les lecteurs de Vie consacrée attendent sans doute avec impatience la traduction du nouveau Code de droit canonique. Un bon nombre d’entre eux ont déjà entre les mains le texte latin édité par la Librairie Vaticane. Au cours des prochains mois, ils pourront participer à des sessions présentant l’ensemble du nouveau droit des religieux [1]. Ils pourront également lire les études destinées à paraître dans cette revue. En attendant, Vie consacrée veut dresser ici un rapide et premier inventaire des principales modifications introduites par le nouveau Code par rapport à la législation antérieure, qui cessera d’avoir force de loi le 27 novembre 1983. Par « législation antérieure », nous entendons non seulement le Code de 1917, mais aussi les documents normatifs venus le modifier sur de nombreux points depuis le Concile Vatican II. Nous ne brossons donc pas un tableau complet du nouveau droit des religieux [2]. Nous laissons de côté les Sociétés de vie apostolique et les Instituts séculiers [3]. Pour des raisons pédagogiques, nous ne suivrons pas exactement l’ordre du Code, mais plutôt celui qu’on trouve habituellement dans les nouvelles Constitutions des Instituts religieux.

La profession des conseils évangéliques

Le NC [4] ne fait plus mention de la distinction entre vœux solennels et vœux simples, entre Ordres et Congrégations. Il n’y a plus qu’une seule espèce de familles religieuses, toutes appelées Instituts religieux. Depuis le Concile, on savait que la réforme irait dans ce sens ; elle devient effective avec le NC qui met ainsi un point final à une discrimination vieille de plusieurs siècles. Ceci n’a pas les mêmes conséquences en ce qui concerne les vœux de chasteté et de pauvreté. Désormais tout vœu perpétuel de chasteté prononcé dans un Institut religieux rend le mariage invalide (NC 1088), alors que, selon l’AC [5], seul le vœu solennel produisait cet effet. En matière de pauvreté toutefois, les Instituts gardent leur législation propre en ce qui concerne les biens patrimoniaux : NC 668 § 4 et 5 distingue les Instituts où l’on doit « en raison de leur nature » renoncer pleinement à ses biens (les anciens Instituts à vœux solennels notamment) et ceux où la renonciation n’est pas imposée. Les uns et les autres garderont leur manière de faire, mais ce sera désormais en vertu de leur législation propre.

L’AC ne donnait aucune définition de l’objet des trois vœux. Cet objet se trouvait défini dans les Constitutions, d’une manière d’ailleurs plus ou moins heureuse. S’inspirant de Perfectae caritatis, n. 12, 13 et 14, les canons 599, 600 et 601 du NC définissent la matière des conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance. Comme de nombreux canons du NC, ils le font en unissant harmonieusement affirmations d’ordre spirituel et normes juridiques. Ils sont construits de la même manière : un principe spirituel reprenant les termes du Concile est suivi de l’objet même du vœu.

NC 598 § 1 déclare : « Chaque Institut... doit définir dans ses Constitutions la manière dont les conseils évangéliques... doivent être vécus, en conformité avec son genre de vie ». Le NC renvoie les Instituts à leur droit propre (Constitutions et autres codes complémentaires) beaucoup plus souvent que la législation antérieure. Ceci, consciemment voulu par le législateur, sera accueilli avec satisfaction par l’ensemble des Instituts. Laisser à ceux-ci le soin de définir dans leur droit la manière de vivre les conseils ne prive cependant pas l’Église du droit de les interpréter et d’en régler la pratique par des lois appropriées : c’est ce que rappelle NC 576. Concernant la chasteté et l’obéissance, NC tire deux conséquences pratiques bien d’actualité. Il faut user avec discernement des mass-media, demande NC 666, et éviter ce qui pourrait nuire à la vocation et porter atteinte au célibat consacré. NC 671 interdit aux religieux d’assumer des tâches ou d’exercer des fonctions en dehors de leur Institut, sans autorisation de leurs supérieurs : voilà une prescription bien utile à l’heure où les religieux entrent de plus en plus nombreux dans le salariat, ou sont amenés à « prendre des engagements extérieurs ». Rien de tout cela n’échappe à l’obéissance.

Au sujet des biens patrimoniaux, NC 668 § 1, 2 et 3 introduit quelques minimes changements, mais ce n’est pas le lieu d’en parler ici.

La vie spirituelle et sacramentelle

NC 663 § 1 pose d’abord l’affirmation suivante qui n’avait pas son équivalent dans l’AC : « La contemplation des mystères divins et l’union assidue avec Dieu dans la prière doivent être le premier et principal devoir de tous les religieux ». La chose n’est pas nouvelle, ce qui est nouveau est la vigueur avec laquelle cela est affirmé.

L’AC demandait au religieux, chaque jour et sauf empêchement : de participer à l’Eucharistie, de faire oraison, d’examiner sa conscience, de visiter le Saint-Sacrement (AC 125 et 595). Il lui demandait, en outre, de faire chaque année une retraite spirituelle. Le NC maintient toutes ces exigences (NC 663 et 664).

AC 125, 2° faisait une obligation de dire quotidiennement le chapelet, et ceci n’avait pas été révoqué par la suite. Le NC se montre plus large, préférant insister sur la place de la Vierge Marie dans toute vie religieuse : « Que les religieux, dit NC 663 § 4, honorent d’un culte spécial la Vierge, Mère de Dieu, modèle et protectrice de toute vie consacrée, y compris au moyen du chapelet ».

L’AC ne faisait mention de la liturgie des heures qu’à propos des religieux clercs et de ceux tenus à l’office choral (AC 135 et 610) ; les autres religieux n’étaient pas tenus à l’office divin. Le NC fait à tous les religieux une obligation de célébrer la liturgie des heures « selon les prescriptions de leur droit propre » (NC 663 § 3).

Que les religieux s’approchent fréquemment du Sacrement de pénitence, demande NC 664. Ceci remplace la confession de quinzaine de la législation post-conciliaire, laquelle remplaçait la confession de semaine de l’AC.

Au lendemain de Vatican II, les normes de l’AC concernant les confesseurs des religieux et religieuses avaient été profondément modifiées. Le NC entérine ces modifications, tout en maintenant la nécessité de « confesseurs ordinaires » dans les monastères de moniales, les maisons de formation et les grandes communautés de Frères et de Soeurs. Ces confesseurs seront désignés par l’Évêque du lieu, après consultation de la communauté ; on n’est pas tenu de se présenter à eux (NC 630 § 3).

Concernant la nomination des aumôniers des maisons religieuses, NC 567 § 1 introduit une innovation très positive. Que l’Évêque, est-il dit, ne procède pas à une telle nomination sans avoir entendu le point de vue du supérieur [6]. Celui-ci a le droit, après consultation de la communauté, de proposer à cette fonction un prêtre déterminé.

Enfin, NC 608 demande à toute communauté religieuse d’avoir un oratoire avec la présence sacramentelle et où la Messe puisse être célébrée ; ceci « pour que l’Eucharistie soit vraiment le centre de la communauté [7] ».

La vie communautaire

Avec force et sans ambiguïté possible, NC 607 § 2 réaffirme que « la vie en commun est essentielle à la vie religieuse » ; et il s’agit évidemment d’une vie en commun comportant la cohabitation quotidienne, et pas seulement au week-end...

NC 665 § 1 concerne la permission de demeurer temporairement en dehors d’une maison de l’Institut. Pas d’innovation majeure en ce délicat domaine. Deux changements cependant : les supérieurs majeurs des Instituts de droit diocésain n’auront plus besoin de recourir à l’Évêque pour certaines absences, leurs pouvoirs seront identiques à ceux actuellement détenus par les supérieurs des Instituts de droit pontifical ; les Constitutions pourront reconnaître au supérieur provincial le pouvoir « ordinaire », et non plus seulement « délégué », de donner l’autorisation de vivre hors communauté.

« La communauté, prescrit NC 608, doit habiter dans une maison légitimement constituée, sous l’autorité d’un supérieur désigné selon le droit ». Là encore, pas d’innovation, mais le besoin de réaffirmer un principe parfois oublié... Ici, le mot « maison » ne désigne nullement un édifice à part, avec ses quatre murs indépendants et son propre toit ; un appartement est une maison, au sens canonique traditionnel du terme. Pour être « légitimement constituée », une communauté religieuse – qu’elle soit installée dans un grand couvent, une villa, un chalet, un appartement ou une cabane en planches – doit être érigée avec la permission du supérieur majeur compétent, selon les Constitutions, et l’autorisation écrite de l’Évêque du lieu (NC 609 § 1). Pas de « communautés sauvages », même de deux personnes, à l’insu de l’Évêque ! La finale de NC 608 (« sous l’autorité d’un supérieur ») est manifestement dirigée contre les « communautés sans supérieur » : toute communauté doit dépendre d’un supérieur, que celui-ci réside sur place ou dans une communauté voisine.

Le NC ne reprend plus la distinction de l’AC (c. 488, 5°), entre les maisons formées et les maisons non formées [8].

Selon NC 607 § 3, le témoignage public, essentiel à toute vie religieuse, « comporte une séparation d’avec le monde, conforme à la nature et à la fin de chaque Institut ». Cette séparation résulte d’abord de ces ruptures fondamentales que sont la chasteté, la pauvreté et l’obéissance. Mais elle appelle aussi dans la vie religieuse une dimension physique et tangible, quoique variable selon les Instituts : fortement accusée dans la vie purement contemplative, cette séparation physique d’avec le monde l’est normalement moins dans la vie apostolique. Très soulignée ou peu apparente, elle doit cependant exister en toute forme de vie religieuse. NC 667 traite de ce point ; comme il concerne tous les Instituts, des plus érémitiques aux plus insérés dans le monde, il utilise le terme traditionnel de clôture. S’insurger contre cette manière de parler serait faire preuve de peu d’intelligence, d’autant plus que les nouvelles Constitutions ne sont nullement tenues de reprendre à leur compte le mot clôture et de l’introduire dans leurs articles. « En toute communauté religieuse, est-il dit, une clôture adaptée au caractère et à la mission de l’Institut doit être observée, d’après les déterminations du droit propre, en réservant toujours aux seuls religieux une certaine partie de la maison ». Dès qu’il fut connu, ce passage du NC a provoqué étonnement et protestation là où beaucoup de religieux vivent en appartement. Ces réactions sont injustifiées et attribuent au canon une portée qu’il n’a pas. Comme le faisait remarquer la Congrégation pour les Religieux, dans une lettre récente à une supérieure générale : « En parlant de lieux réservés aux sœurs, on veut simplement indiquer que les étrangers ne peuvent pénétrer, sans raison sérieuse et en tous temps, dans les lieux où vivent les sœurs ». Ainsi compris, NC 667 § 1 peut être observé sans dommage pour la vie apostolique et est parfaitement légitime.

Après cette affirmation du principe général de « lieux réservés aux religieux », NC 667 présente une série de dispositions, de plus en plus exigeantes, pour diverses catégories de monastères. D’abord les monastères de vie contemplative doivent observer une clôture plus stricte que les communautés de vie active (§ 2). Puis le § 3 concerne plus directement les monastères de moniales, à leur tour divisés en deux catégories : ceux qui sont « intégralement ordonnés à la vie contemplative » et les autres. Les premiers doivent observer la clôture dite papale – le terme est maintenu – selon les normes données par le Siège Apostolique [9]. Les seconds auront une clôture adaptée à leur caractère et précisée dans leurs Constitutions approuvées, donc éventuellement différente d’un Institut à l’autre.

La manière dont les religieux sont habillés n’est pas neutre et indifférente : elle a quelque chose à voir avec le témoignage public, même si ce dernier ne saurait se réduire à une question de costume. Le NC se devait donc d’en parler, ce qu’il fait en ces termes au c. 669 : « Que les religieux, en signe de leur consécration et en témoignage de pauvreté, portent l’habit de leur Institut, tel que le prévoit leur droit propre (ad norman iuris proprii confection). Les religieux clercs d’un Institut qui n’a pas d’habit particulier doivent adopter un vêtement clérical, conformément au canon 284 [10] ». AC 596 disait : « Tous les religieux porteront l’habit propre de leur Institut... à moins qu’une raison grave n’en excuse, au jugement du supérieur majeur ou, s’il y a urgence, du supérieur local ». Le NC ne reprend plus cette ultime précision, mais il va de soi que la possibilité de dispenser temporairement du port de l’habit propre de l’Institut demeure dans la nouvelle législation. En outre, les circonstances font qu’on peut y recourir beaucoup plus largement que l’AC ne le prévoyait ; en ce domaine, que nous savons délicat, l’importante lettre de la Congrégation des Religieux du 25 février 1972 garde, à notre avis, toute sa valeur [11].

Dépendance des Instituts par rapport à l’Église hiérarchique

NC 586 commence par poser l’important principe suivant : « À tout Institut, est reconnue une juste autonomie de vie, particulièrement de gouvernement... Il revient aux Évêques de protéger et favoriser cette autonomie ». Déjà, au plan législatif, le NC respecte le plus possible l’autonomie des Instituts ; il le fait en renvoyant souvent les Instituts à leur droit propre et en limitant les cas de recours à l’autorité hiérarchique.

NC 589 maintient la distinction entre Instituts de droit diocésain et Instituts de droit pontifical. NC 591 confirme le principe de l’exemption, mais les conséquences pratiques deviennent minimes du fait que, sur de nombreux points, la discipline des autres Instituts de droit pontifical est alignée sur l’actuelle discipline des exempts ; en matière d’apostolat, rappelons-le, ceux-ci sont depuis longtemps tout autant soumis aux Évêques que les autres religieux.

L’équivalent de la « relation quinquennale » d’autrefois est rétabli ; celle-ci, au lendemain du Concile, avait été seulement « suspendue » durant le temps dit d’expérimentation. NC 592 § 1 prescrit ceci : « Pour favoriser davantage la communion des Instituts avec le Siège Apostolique, selon le mode et au moment fixé par celui-ci, chaque supérieur général doit envoyer au Siège Apostolique un bref compte rendu sur la vie et l’état de son Institut ». Ceci vaut également des Instituts de droit diocésain.

NC 590 § 2 rappelle que tous les religieux sont tenus d’obéir au Pape, comme à leur premier Supérieur, également en raison du voeu d’obéissance. Ceci n’est pas une innovation : AC 499 § 1 disait la même chose et n’avait jamais été abrogé, ni par le Concile, ni depuis lors.

Concernant les relations entre les évêques et les Instituts de droit pontifical, relevons un important assouplissement : le NC ne fait plus mention de la visite canonique que l’évêque ou son délégué avaient le droit de faire tous les cinq ans dans les communautés des Instituts de droit pontifical de Frères ou de Sœurs (AC 512). Cette visite canonique était tombée en désuétude en divers diocèses, mais la législation post-conciliaire ne l’avait en rien abrogée : c’est maintenant chose faite. La visite des communautés, en tant que communautés, est supprimée, mais est confirmé le droit qu’a l’évêque de visiter les églises et oratoires des religieux, ainsi que les écoles ou autres œuvres de religion ou de charité, soit spirituelles, soit temporelles, qui leur sont confiées ou leur appartiennent (NC E83 § 1).

Concernant les relations entre les évêques et les Instituts de droit diocésain, on constate quelques changements. Le consentement de l’évêque de la maison généralice, pour toute première fondation dans un autre diocèse (AC 495 § 1), n’est plus nécessaire. La visite canonique de l’évêque dans les communautés de droit diocésain de son territoire, est maintenue par NC 628 § 2, 2° ; il n’est plus exigé qu’elle ait lieu tous les cinq ans. Le NC reconnaît à l’évêque du lieu le pouvoir de dispenser des Constitutions dans un cas particulier. On semble reconnaître à l’évêque de la maison généralice d’un Institut de droit diocésain une responsabilité plus vaste qu’auparavant sur tout l’Institut ; ceci, afin de sauvegarder l’unité d’un Institut de droit diocésain répandu en plusieurs diocèses. Ainsi, il lui revient maintenant d’approuver les nouvelles Constitutions et leurs modifications ultérieures, après avoir simplement consulté les évêques des autres diocèses où l’Institut est implanté (NC 595 § 1). Relevons à ce sujet un passage de ce même canon 595, dont la rédaction générale et imprécise réclamera sans doute des clarifications ultérieures : « Il revient à l’évêque du siège principal (d’un Institut de droit diocésain)... de traiter les affaires majeures regardant l’ensemble de l’Institut, qui dépassent le pouvoir de l’autorité interne, après avoir toutefois consulté les autres évêques ».

L’apostolat des religieux

Le NC, comme l’on sait, ne reprend pas la « typologie » du premier schéma de 1977, et même ne consacre aucune section particulière aux moines et aux moniales : chacun de ses canons concerne l’ensemble des formes de vie religieuse, des Chartreux aux Instituts les plus actifs. Il convenait donc d’introduire dans le chapitre sur l’apostolat des religieux une distinction entre les Instituts totalement voués à la contemplation et les autres. C’est ce que fait NC 674, entièrement consacré aux Instituts purement contemplatifs et dont le texte est particulièrement riche en doctrine spirituelle.

NC 672 à 683 ne modifient en rien la législation antérieure. Mais celle-ci, ne l’oublions pas, était déjà le fruit des décisions conciliaires et des orientations post-conciliaires. Relevons seulement quelques points particuliers.

Le NC attire l’attention sur un point laissé dans l’ombre ces dernières années : « Que les Instituts auxquels sont rattachés des associations de fidèles aident celles-ci d’une manière toute particulière, de sorte qu’elles soient imprégnées de leur esprit authentique » (NC 677 § 2).

NC 283 § 3, auquel renvoie NC 672, rappelle la règle suivante, souvent violée depuis le Concile : « Il est interdit aux religieux (comme aux clercs) d’assumer des offices publics comportant une participation à l’exercice du pouvoir civil ». Dans la même ligne, NC 287, auquel renvoie NC 672, demande ceci : « Les religieux (comme les clercs) doivent toujours encourager le plus qu’ils peuvent la paix entre les hommes et la concorde conforme à la justice. Ils ne doivent militer dans les partis politiques et avoir part à la direction des syndicats que si cela est indispensable, au jugement de l’autorité ecclésiale compétente, pour garantir les droits de l’Église ou promouvoir le bien commun [12] ».

Admission et formation

Première innovation d’importance : le postulat n’est plus requis comme étape obligatoire de formation dans les Instituts de Frères et de Soeurs. Le droit propre pourra évidemment le maintenir. Les conditions à l’admission au noviciat sont simplifiées (NC 643).

Les normes concernant le noviciat sont, pour la plupart, empruntées à Renovationis causam, mais avec d’utiles clarifications et quelques simplifications. Les clarifications concernant essentiellement le temps à passer dans la communauté même du noviciat. En ce domaine, les normes de Renovationis causam n’étaient pas claires, spécialement dans le cas des Instituts ayant un noviciat de deux ans. Si l’on tient compte à la fois de NC 647 § 3, 648 § 1 et 649 § 1, voilà comment, nous semble-t-il, il faut dorénavant comprendre cette question : pour que son noviciat soit valide, le novice doit passer effectivement une année continue dans la maison du noviciat (que l’étape du noviciat soit de deux ans, d’un an, ou de 15, 18, 22 mois) ; les absences de la maison du noviciat qui, durant cette année continue, dépassent trois mois, en une ou plusieurs fois, rendent le noviciat invalide et le novice devra recommencer son année continue ; les absences ne dépassant pas trois mois, mais supérieures à quinze jours, en une ou plusieurs fois, doivent être compensées en prolongeant d’autant l’année continue ; les « stages apostoliques » accomplis durant l’année continue, comptent comme des « absences ». Le supérieur majeur peut autoriser la communauté du noviciat à se transporter pendant certaines périodes dans une autre communauté de l’Institut ; ces périodes comptent comme temps passé au noviciat.

La possibilité de « stages apostoliques » est évidemment maintenue durant le noviciat, mais les conditions imposées par Renovationis causam 24, II, ne sont plus reprises [13].

Le maître des novices doit être profès perpétuel, mais on n’exige plus d’âge minimum, ni des temps de profession perpétuelle (NC 651 § 1).

La suppression des promesses en tant que forme d’engagement temporaire dans la vie religieuse est évidemment un important changement par rapport à Renovationis causam. C’est pourquoi, a-t-on fait remarquer, un Institut ayant de très graves raisons de maintenir les promesses durant quelques années encore peut toujours recourir au Saint-Siège [14]. Certes, demander un induit exceptionnel au Siège Apostolique demeure possible, mais l’obtenir et sous quelle forme est une autre question ! En ce domaine, on ne peut strictement rien dire pour le moment [15].

Concernant la durée totale du temps de profession temporaire, Renovationis causam 37, I se trouve modifié par NC 655 : le « plafond » des neuf ans est ramené à six ans. NC 657 § 2 prévoit cependant une clause de souplesse dans des cas particuliers : « Si cela paraît opportun, la période de profession temporaire peut être prolongée... de manière toutefois que le temps total ne dépasse jamais neuf ans ».

La manière dont le Conseil du supérieur majeur intervient pour l’admission au noviciat et à la profession perpétuelle est modifiée par le NC.

Le gouvernement des Instituts

Pour diviser un Institut en provinces, l’autorisation du Siège Apostolique n’est plus nécessaire (NC 581), ni non plus pour supprimer une ou des provinces de celui-ci (NC 585). Pour ériger une nouvelle communauté, NC 609 § 1 demande que l’autorisation de l’évêque du lieu soit donnée par écrit. Pour la suppression d’une communauté existante, l’autorisation de l’évêque du lieu n’est plus requise, mais il faut l’avoir consulté auparavant ; en outre, la suppression est nécessairement du ressort du supérieur général (NC 616 § 1).

NC 623 assouplit les conditions requises pour être supérieur : « Pour que les religieux soient validement nommés ou élus à la fonction de supérieur, ils doivent avoir passé dans l’Institut, après la profession perpétuelle, un temps convenable à déterminer dans le droit propre ou, s’il s’agit des supérieurs majeurs, dans les Constitutions ». Donc, aucun âge minimum n’est plus requis ; le droit propre peut en exiger un.

Il y a des changements également en ce qui concerne la durée des mandats (NC 624-625).

Le supérieur général et le supérieur d’une maison sui juris peuvent être élus à vie, si les Constitutions en décident ainsi. Selon la législation antérieure, une supérieure générale ne pouvait être élue plus de deux fois de suite ; un troisième mandat n’était possible qu’avec une « postulation ». Cette limite n’est plus retenue : les Constitutions peuvent donc envisager qu’une supérieure générale puisse être élue trois, quatre fois de suite, etc.

Selon la législation antérieure, les supérieurs locaux étaient nommés ou élus pour trois ans, renouvelables seulement deux fois de suite dans la même maison, ce qui faisait un total de neuf ans à ne jamais dépasser. Le NC autorise les Constitutions à prévoir un mandat supérieur ou inférieur à trois ans et renouvelable plus de deux fois. Comme les Instituts peuvent abuser de la souplesse que leur reconnaît le NC, et laisser en place une personne trop longtemps, NC 624 demande ceci : « Le droit propre doit pourvoir par des règles appropriées à ce que les supérieurs établis pour un temps déterminé ne restent pas trop longtemps sans interruption dans les charges de gouvernement ».

Le NC supprime la norme selon laquelle l’élection des supérieures générales des Instituts de droit pontifical doit être présidée par l’évêque du lieu. L’évêque ne préside l’élection que dans les monastères pleinement autonomes et les Instituts de droit diocésain (NC 625 § 2) ; il n’a cependant plus à ratifier cette élection ni le droit de la casser. NC 625 § 3 concerne la façon dont les supérieurs provinciaux et locaux sont désignés ; s’ils sont élus, l’élection doit être confirmée par le supérieur majeur compétent ; s’ils sont nommés, une consultation appropriée des religieux est préalablement requise.

L’AC ne faisait que mentionner les chapitres généraux ; le NC leur consacre un long canon (NC 631), où cette particularité est à relever au § 3 : « En conformité avec les normes du droit propre, non seulement les provinces et les communautés locales, mais aussi tout religieux peut librement adresser au chapitre général ses vœux et suggestions ». Ceci est voulu pour une plus large participation.

Séparation d’avec l’Institut

On peut relever en ce délicat domaine d’assez nombreux changements inspirés par deux principes : le respect des personnes et la décentralisation ; d’où suppression dans plusieurs cas du recours à l’autorité hiérarchique. Voici donc les principales innovations.

Le passage direct d’un Institut religieux à un autre est rendu plus facile : l’induit du Siège Apostolique n’est plus nécessaire ; l’affaire est traitée entre les supérieurs généraux respectifs et leur conseil (NC 684 § 1).

Le supérieur général peut désormais, avec le consentement de son conseil, accorder à un profès perpétuel un indult d’exclaustration de trois ans maximum, moyennant l’accord préalable de l’Ordinaire du lieu où le profès doit résider, s’il s’agit d’un clerc (NC 686 § 1). Proroger cet induit au-delà de trois ans continue de relever de l’autorité hiérarchique compétente. L’exclaustré demeure sous l’autorité de l’évêque du lieu, mais également de ses supérieurs ; il peut garder l’habit propre de l’Institut, à moins de disposition contraire de l’indult ; ces deux derniers points sont nouveaux (NC 687).

Ne pas admettre au renouvellement des vœux temporaires ou à la profession perpétuelle pour des raisons de santé d’ordre physique ou psychique, est rendu plus difficile (NC 689 § 2). Par contre, réadmettre dans l’Institut un ex-profès perpétuel est rendu plus aisé (NC 690). De même, incardiner à un diocèse un ex-religieux diacre ou prêtre devrait être plus facile (NC 693).

Les causes de renvoi d’un profès perpétuel ou temporaire sont décrites de façon plus précise (NC 696). Relevons celle-ci qui, dans le contexte d’aujourd’hui, pourrait jouer dans bien des cas : le religieux volontairement mais illégitimement absent plus de six mois de sa communauté ou de celle que l’obéissance lui a assignée est passible de renvoi, si le fait peut être juridiquement prouvé.

La procédure de renvoi demeure substantiellement celle en vigueur depuis quelques années. Au terme de cette procédure, la décision de renvoyer doit être prise par le supérieur général et son conseil, au moyen d’un vote collégial et secret ; en outre, pour la validité de cette grave mesure, le conseil doit compter au moins quatre membres, ce qui fait cinq personnes avec le supérieur général (NC 699 § 1). Sont requises de même pour la validité la mention, au moins sommaire, des motifs du renvoi (NC 699 § 1) et celle du droit de recours de l’intéressé (NC 700) ainsi que la confirmation par l’autorité hiérarchique compétente du décret de renvoi du supérieur général et de son conseil, qui a été finalement maintenue en ce domaine ; le souci de défendre les personnes contre d’éventuels abus de pouvoir a prévalu sur le principe de la décentralisation (NC 700).

La procédure à suivre pour le renvoi d’un profès temporaire avant expiration de ses vœux est identique à celle prévue pour le renvoi d’un profès perpétuel. Ceci est nouveau et peut apparaître une complication inutile. En fait, l’incidence pratique sera minime : si un profès temporaire est à renvoyer, le plus simple demeure de ne pas l’admettre à la profession perpétuelle ou au renouvellement des vœux temporaires.

En guise de conclusion

Terminer par la procédure du renvoi est sans doute conforme à l’ordre du Code, mais il ne faudrait pas que ceci nous fasse oublier ce que nous disions au début de cet article : la partie du nouveau Code concernant les Instituts de vie consacrée est particulièrement riche en doctrine et celle-ci, on a pu le voir en lisant ces pages, s’est traduite de façon très positive dans plus d’une des dispositions juridiques que nous venons de parcourir.

20 rue Sala
F-69002 LYON, France

[1Personnellement, nous donnerons les sessions suivantes : 12-13-14 novembre 1983, à la Maison Saint-Hugues de Biviers (Grenoble) ; 12-13-14 décembre 1983, au Cénacle de Nice ; 20-21-22 décembre 1983, aux « Fontainestaines » à Chantilly ; 4-5 février 1984, au Centre « La Retraite », à Rhode-Saint-Genèse (Bruxelles) ; 11-12-13 février 1984, au Cénacle de Laxou (Nancy).

[2En outre, nous nous limitons aux aspects purement juridiques. La partie du nouveau Code concernant les Instituts de vie consacrée est particulièrement riche en doctrine : ses canons ne se contentent pas d’édicter des règles, ils énoncent également des principes théologiques et spirituels. Cela est une nouveauté plus importante encore que les changements strictement disciplinaires. Mais, faute de place, nous n’en parlerons pas.

[3Ceux-ci font d’ailleurs l’objet d’articles particuliers dans le présent numéro de Vie Consacrée.

[4Nous utilisons le signe NC pour désigner le nouveau Code de droit canonique.

[5Nous utilisons le sigle AC pour désigner le Code promulgué en 1917 pas Benoît XV.

[6De quel supérieur s’agit-il ? Du supérieur local ou du supérieur majeur ? Le canon ne le précise pas. Il reviendra donc au droit particulier de l’Institut de le faire. Nous soulevons la question, car elle nous a déjà été posée lors de sessions de présentation du nouveau Code.

[7On n’ignore pas que des petites communautés seront embarrassées pour observer ce canon. Que leurs supérieurs majeurs s’adressent alors à l’évêque du lieu qui pourra les libérer de cette obligation en vertu du pouvoir général de dispense que NC 87 lui reconnaît.

[8Ceci est fort heureux, car plusieurs Instituts s’autorisaient de cette distinction pour prétendre que les petites communautés n’avaient pas à avoir de supérieur. Rien de tel n’était dit par l’AC, quand il parlait de « maisons non formées » ; mais on était trop content de le lui faire dire, car on y trouvait son avantage.

[9Contrairement à l’AC. le NC ne rentre pas dans les détails de cette clôture papale. Celle-ci sera régie par un document à venir. En attendant, l’Instruction Venite seorsum du 15 août 1969 garde sa valeur ; contrairement à d’autres textes, elle ne sera pas abrogée du fait de l’entrée en vigueur du NC. NC 6 § 1, 4° déclare, en effet : « Les lois disciplinaires universelles concernant une question que le NC reprend entièrement, se trouvent abrogées par celui-ci ». Or, le NC ne fait que mentionner l’existence de la clôture papale ; il ne dit rien des normes qui la régissent, et ne reprend donc pas entièrement cette question.

[10NC 284 : « Que les clercs portent un habit ecclésiastique décent, conforme aux règles données par la Conférence épiscopale et aux légitimes coutumes de l’endroit ». Tous les Instituts masculins fondés jusqu’au début du XVIe siècle ont eu un habit particulier dont ils font toujours mention dans leurs Constitutions. À partir de 1542, année de la fondation des Clercs Réguliers Théatins, un important changement s’opère : la plupart des nouveaux Instituts masculins de vie apostolique renoncent à avoir un habit religieux particulier, et demandent simplement à leurs membres d’être vêtus comme les prêtres du lieu, en conformité avec les règles édictées par l’évêque pour son propre clergé. C’est pourquoi la majeure partie des Instituts cléricaux fondés après 1524 ne décrivent pas de costume particulier dans leurs Constitutions ; avec l’accord des Papes, ils n’ont jamais eu d’autre habit que celui du clergé diocésain.

[11La Documentation Catholique, 69 (1972), 720.

[12L’autorité ecclésiale compétente est soit l’évêque du lieu, soit la conférence épiscopale du pays, soit même le Siège Apostolique ; ceci dépendra du contexte et des instructions que le Pape aurait pu donner aux évêques. Le canon cité ne semble pas interdire à un religieux d’adhérer à un syndicat, du moment qu’il ne prend pas part à sa direction. Concernant la simple appartenance d’un religieux à un syndicat, il faut se reporter au document de la Congrégation pour les Religieux et Instituts Séculiers, du 12 août 1980, Religieux et promotion humaine, n. 10 (cf. la présentation que nous avons faite de ce document à l’ultime « Session de droit canonique », Paris, Avril 1982, qui paraîtra dans le prochain numéro de L’Année canonique). Il va de soi qu’un religieux ne peut adhérer à un syndicat sans l’autorisation de ses supérieurs ; cela a été souvent et clairement affirmé dans le droit propre des Instituts, à l’occasion de leurs récents chapitres généraux, célébrés en 1981 et 1982.

[13En quoi les normes de Renovationis causam sur le noviciat se trouvent-elles modifiées par le NC ? À cette question nous croyons pouvoir répondre ainsi :– Gardent toute leur valeur : 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 30, 21, 32, 33.– Sont abrogées : 22, II ; 24, II et III.– Font l’objet de précisions ou de modifications : 16, I ; 16, II ; 29.– Sont à comprendre et interpréter selon le NC : 21 ; 24, I.

[14Cf. Jean Beyer, s.j., « Le deuxième projet de droit pour la vie consacrée », Studia Canonica, 15 (1981), 102.

[15Pour l’admission au noviciat, le vote du conseil, qu’il soit délibératif ou consultatif, n’est pas requis par le NC (NC 641). Par contre, le vote délibératif est exigé pour l’admission à la profession perpétuelle (NC 658 qui renvoie à NC 656, 3°). En ce qui concerne l’admission au renouvellement des voeux temporaires, le NC n’est pas clair. NC 689 § 1 semble demander que le supérieur majeur compétent ait entendu l’avis de son conseil, avant de refuser le renouvellement des voeux temporaires, mais doit-il obtenir le consentement de son conseil pour admettre au renouvellement ?

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