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L’ordre des Vierges

Renée de Tryon-Montalembert, o.v., Annie Guerbet, o.v.

N°1983-3-4 Mai 1983

| P. 227-229 |

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Parmi les innovations du Code de droit canonique qui vient d’être promulgué, figurent la reconnaissance ecclésiale de l’état érémitique (c. 603) et celle de l’ordre des vierges (c. 604).

Certains redoutaient qu’une telle reconnaissance risque de brider les initiatives de l’Esprit en des vocations dont l’une des richesses est constituée par le libre déploiement de ses dons. Mais une telle reconnaissance juridique ne réalise-t-elle pas, au contraire, la meilleure des garanties de tout statut personnel ? Sans compter la valeur éminemment spirituelle conférée par un tel enracinement ecclésial. En ce domaine, comme en tous les autres, le Code va d’ailleurs subir l’épreuve de la vie.

En ce qui concerne le renouveau de la virginité consacrée (seul point dont nous parlerons ici), c’est un décret du 31 mars 1970 émanant de la Congrégation pour le culte divin qui, procédant à la réforme du Pontifical, a rendu aux femmes vivant dans le monde la possibilité de recevoir cette consécration [1] ; on renouait ainsi avec la tradition des tout premiers siècles de l’Église. Elles sont aujourd’hui, en France, plus d’une centaine, sans compter leurs sœurs de Belgique, du Canada et de bien d’autres pays. Et nombreuses sont celles qui s’y préparent, notamment parmi les jeunes.

On ne peut donc que se réjouir d’une si réelle prise au sérieux par l’Église d’une vocation qui, bien loin de concurrencer la vie religieuse, ne fait que lui apporter une fructueuse complémentarité. Il va être d’autant plus intéressant de cerner les questions qui, tout au moins à une première lecture, se dégagent du canon 604.

Pas de récupération par l’institution religieuse

Il ne faudrait pas que, comme cela est arrivé à plusieurs reprises dans l’histoire de l’Église, la consécration des vierges coure le risque d’une récupération possible par l’institution religieuse. Un tel risque pourrait émaner, en effet, de la faculté de s’associer octroyée par le nouveau Code aux vierges consacrées (c. 604 § 2). Certes, il n’y a aucune raison de limiter leur liberté sur ce point, surtout à une époque où la vie communautaire se trouve remise en valeur selon le plus pur esprit de l’Évangile. Toutefois, la possibilité de réaliser de telles associations ne découle nullement du caractère spécifique de la virginité consacrée. En tout état de cause, elle ne devrait en aucun cas devenir prétexte à une consécration qui ne pourrait s’épanouir qu’en milieu communautaire. Par ailleurs, c’est indépendamment des structures religieuses et de leur médiation communautaire que se situe normalement le statut de la vierge consacrée, appelée à être figure de l’Église Peuple de Dieu, dans un lien direct et liturgique avec l’évêque de son Église locale (c. 604 § 1).

Pas de confusion entre consécration et ministère

Il ne faudrait pas non plus qu’une interprétation trop rigoureuse de leur service d’Église (c. 604 § 1) puisse entraîner une confusion quelconque entre la consécration et le ministère, entre l’être et le faire. La vierge consacrée est appelée à devenir le signe de l’amour nuptial de l’Église pour le Christ par son être même et cela de façon radicale, comme en deçà de toutes les modalités de son agir [2]. C’est la fidélité à l’expression de ce signe qui constitue la première et essentielle réalisation de son « service » ecclésial, d’où le primat de la prière dans sa vie. Ce peut même être là son appel unique, pour celles dont la vocation est exclusivement contemplative ; tandis qu’en revanche, pour d’autres, c’est dans une ligne plus apostolique que se réalisera leur don d’elles-mêmes, qu’il s’agisse d’apostolat individuel ou organisé, ou encore du témoignage porté dans leur milieu de vie [3].

La distinction entre « religieux » et laïcs

Le canon 604 se trouve situé dans la section des « Instituts de vie consacrée ». Il y est ajouté, en lien avec les diverses formes de la vie érémitique. C’est en fait toute la question de la distinction entre religieux et laïcs que les canonistes sont invités à creuser de nouveau dans son ensemble, avec la mise en exergue d’une définition beaucoup plus générale de la vie consacrée (cf. c. 588), englobant certes toutes les formes de la vie religieuse au sens strict, mais aussi toutes celles qui, se référant à d’anciennes traditions ou surgissant dans la nouveauté de l’Esprit, sont l’expression, authentifiée par l’Église, d’un don libre et plénier au Seigneur.

Un « ordre » des vierges et peut-être d’autres « ordres »...

Enfin, et c’est peut-être le plus important du point de vue de l’ecclésiologie, l’emploi de l’expression Ordo virginum – l’ordre des vierges – ne peut-il nous donner à penser que le Code ouvrirait par là, de nouveau, une porte à ce mode de structuration du tissu ecclésial qui donna tant de fruits aux premiers siècles ? Ne pourrait-on envisager une reconnaissance d’« ordres » analogues, comme par exemple celui des veuves, pour lesquelles une recherche du plus grand intérêt commence aujourd’hui à se trouver amorcée ?

C’est ainsi qu’à une heure où se font des recherches sur la situation de la femme dans l’Église le Code de 1983 nous encourage et nous stimule avec cette prise en compte toute nouvelle d’un rite liturgique aussi riche en possibilités pour l’Église d’aujourd’hui et de demain, rite qui se montre capable d’exprimer avec une telle plénitude la vocation de la femme chrétienne [4].

[1Présentation de ce décret dans La Documentation catholique, 67 (1970), 872-875.

[2Cf. Praenotanda, I, 1.

[3Cf. ibid., I, 2.

[4Ces réflexions sont celles de deux consacrées de Paris à une première lecture rapide du Code et n’engagent que leurs signataires.

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