Éditorial
Vies Consacrées
N°1983-1 • Janvier 1983
| P. 5-6 |
La lecture en ligne de l’article est en accès libre.
Pour pouvoir télécharger les fichiers pdf et ePub, merci de vous inscrire gratuitement en tant qu’utilisateur de notre site ou de vous connecter à votre profil.
Jean-Paul II a annoncé pour 1983 une Année Sainte. Il n’y a pas encore, à notre connaissance, de texte officiel pour en expliquer plus largement le sens. Qu’il soit permis cependant de tenter un essai de compréhension de cet événement et d’éclairer à cette lumière la mission de la vie religieuse aujourd’hui. L’actualité du thème de notre Conseil de rédaction de septembre dernier, « Vie religieuse et institutions chrétiennes », s’y trouvera largement confirmée.
Pour d’aucuns, la fin de ce second millénaire voit s’achever le temps d’une première évangélisation, celle qui répandit la Bonne Nouvelle jusqu’aux extrémités de la terre. Et nous nous trouvons maintenant au seuil d’une dimension nouvelle de l’évangélisation, laquelle ne doit plus seulement s’étendre dans l’espace, mais en profondeur. Ainsi, le temps approche d’une fécondité chrétienne renouvelée, que nous soupçonnons à peine.
Cet effort d’évangélisation en profondeur est appelé à s’accomplir dans un monde où les hommes ont engendré comme instrument de progrès la dialectique et le conflit, c’est-à-dire l’inverse de ce qui est au cœur du dynamisme chrétien : le pardon, la miséricorde, la réconciliation. Enfoui dans ce monde de dureté et de mort, le chrétien ne peut que mettre en œuvre la force d’amour et de réconciliation reçue du Christ, semence tombée en notre terre depuis l’Incarnation et puissance de résurrection victorieuse de toute mort. N’est-ce pas pour cela que Jean-Paul II a proposé comme thème du Synode des Évêques et de cette Année Sainte celui de la réconciliation ?
Or, le propre de la vie religieuse est de manifester visiblement, socialement, institutionnellement, la miséricorde faite à ce monde en Jésus-Christ. Les études du Père A. Chapelle sur la vie religieuse apostolique (Vie consacrée, 1979 et 1980) l’ont amplement montré, à la lumière des textes de Vatican II. Mais bien des institutions où nos divers charismes ont pris corps se trouvent aujourd’hui tenues de se transformer ou de disparaître, ne fût-ce qu’en raison de contraintes extérieures à leur dynamisme. Pour réfléchir à cette situation, le Conseil de rédaction de notre revue a voulu poser la question dans toute son ampleur, écoutant pour cela les témoignages de l’Écriture et de l’histoire, de la doctrine et de la pastorale, pour un monde dont la sécularisation a profondément changé le visage. Car si les institutions de l’Ancien Testament s’achèvent en se subordonnant aux ministères de la nouvelle alliance, et si l’engendrement de la société civile et politique se produit au travers d’institutions porteuses de valeurs conformes aux fins de l’État, comment les œuvres de la vie religieuse rendront-elles visibles la restauration de ce monde par la seule puissance de l’amour livré, comment l’Église discernera-t-elle aux chemins de l’histoire les lieux anciens et nouveaux où l’humanité blessée attend sa guérison, où et comment enfin (et donc dans quelles institutions) ferons-nous entendre cette parole qui évangélise et voir ces gestes qui délivrent ?
Inscrite dans la mission de sainteté de l’Église et communautairement instituée, la vie religieuse est elle-même une structure d’engendrement à la vie divine : c’est à ce fruit que se jugeront ses œuvres. Puissent ces quelques traits nous aider à l’audace de la fidélité.
