L’ecclésiologie de « Mutuae relationes »
Ghislain Lafont, o.s.b.
N°1982-6 • Novembre 1982
| P. 323-339 |
Deux pôles sont fortement marqués dans la partie doctrinale de Mutuae relationes : le caractère fondamental du ministère épiscopal, l’originalité et la cohérence interne de la vie religieuse. A partir de ces deux principes, la seconde partie du même document essaie de dégager un modus vivendi entre l’autorité épiscopale et la vie religieuse. Il a semblé intéressant à l’auteur de pousser l’investigation sur le fondement théologique du rapport (mutua relatio) qui les unit. Il le fait dans deux domaines : par un approfondissement doctrinal du thème de l’Église locale ; en apportant des précisions théologiques sur la nature et la compétence de l’autorité, chez l’évêque et chez le supérieur religieux. Par manière de conclusion, Gh. Lafont indique deux pistes de recherches : mettre mieux en lumière la place de l’Église locale comme mystère de sacrement et de communion ; approfondir une théologie de l’Esprit, en qui nous avons du mal à voir le principe initiateur et fondateur d’institutions effectives.
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Analyse de la première partie de « Mutuae relationes » [1]
Nous commencerons par une analyse de ce texte, avec un essai pour dégager les pôles fortement marqués par le document. Dans la première partie de celui-ci, nous trouvons successivement :
- une ecclésiologie pneumatique de l’Église, nouveau Peuple de Dieu orienté à une double finalité corrélative : sainteté et mission. L’Esprit Saint est lui-même le principe originel de l’unité organique du peuple, en suscitant la diversité des dons, tant hiérarchiques que charismatiques, lesquels ne suppriment pas l’égale dignité de tous les membres du peuple. L’Esprit suscite donc le corps, dont il est inséparable et qui ne vit pas sans lui, devenant ainsi sacrement du salut ;
- une hiérarchologie christocentrique, insistant sur la place fondamentale des évêques – du corps épiscopal uni au Pontife romain – dans la dynamique du Peuple de Dieu. Ce chapitre relève, à partir de la doctrine, établie de manière si nette à Vatican II, de l’unité des fonctions de l’évêque, la responsabilité du corps épiscopal en matière de sainteté et de vie religieuse. Dans un document relatif à la relation des évêques et des religieux, on a là le fondement de l’action épiscopale ;
- une théologie de la vie religieuse et plus spécialement de l’institut religieux, qui constitue, sur la base d’un charisme et d’une tradition reconnus et érigés dans l’Église, unordre interne, doué d’une réelle autonomie ;
- une première mise en place théologique et pratique du rapport évêques-religieux dans le champ de la mission de l’Église. On insiste d’abord sur le primat de l’enracinement contemplatif, puis sur le rapport délicat Église locale / Église universelle, avec les tensions qui peuvent naître des diversités culturelles ; ces tensions peuvent se concrétiser, dans le champ de la vie religieuse, du fait de l’aspect supra-local des Instituts religieux, difficile parfois à concilier concrètement avec le caractère local de l’autorité épiscopale et les requêtes de l’Église particulière.
À lire et à relire l’ensemble de ces quatre chapitres, à méditer aussi les conséquences que l’on en tire dans la seconde partie, lesquelles ne vont pas sans éclairer les principes, on a l’impression d’une double et forte insistance : sur le caractère fondamental du ministère épiscopal, sur l’originalité et la forte cohérence interne de la vie religieuse.
Le caractère fondamental du ministère épiscopal
Le mot de fondement apparaît dès qu’il est question des évêques :
Le ministère de l’épiscopat est le fondement de tous les autres... nul autre, en dehors de l’évêque n’exerce dans l’Église une fonction organique de fécondité, d’unité et de pouvoir spirituel aussi fondamentale, qui influe sur toute l’activité ecclésiale (n. 6).
C’est redit, dans un alinéa synthétique, au début du ch. 6 :
Le ministère épiscopal est réellement le principe directeur du dynamisme pastoral de tout le Peuple de Dieu.
Sans doute, il était clair depuis longtemps, avant et depuis le Concile Vatican II, que, en ce qui concerne la pratique pastorale, tout le monde, y compris et surtout les religieux, est soumis aux évêques, et le document le redit, après bien d’autres textes (cf. n. 44 et 53). Mais je ne sais pas si on avait jamais autant affirmé auparavant la responsabilité des évêques en ce qui concerne la vie religieuse en elle-même. Les principaux textes de Vatican II relatifs à cette question sont cités dès le n. 8 de Mutuae relationes, avant même que le document n’ait traité de la vie religieuse ! Mais, plus loin, d’autres formules assez fortes se rencontrent :
Il revient aux évêques, comme maîtres authentiques et guides de perfection pour tous les membres de leur diocèse, d’être aussi gardiens de la fidélité à la vocation religieuse, dans l’esprit de chaque Institut (n. 28).
C’est l’office spécifique de l’évêque de défendre la vie consacrée, de promouvoir et d’animer la fidélité et l’authenticité des religieux, de les aider à s’insérer selon leur charisme propre dans la communion et l’action évangélisatrice de l’Église... Les religieux le considéreront comme... le garant de la fidélité à leur vocation dans l’accomplissement de leur service pour le bien de l’Église locale (n. 52).
On parle aussi (au n. 28) des évêques comme « tuteurs valables du caractère propre de chaque famille spirituelle, aux plans spirituel et apostolique ». Bien sûr, cela suppose (ibid.) que les évêques soient « des partisans convaincus de la vie consacrée, des défenseurs des communautés religieuses, des éducateurs de vocation ». On se demande tout de même un peu, à lire ces textes, comment une responsabilité aussi étendue et aussi pénétrante peut s’exercer concrètement, compte tenu non seulement de ce qui est dit sur l’exemption mais encore, et peut-être surtout, de l’autorité des supérieurs religieux et de ce que le texte, au chapitre 3, appelle « l’ordre interne » des Instituts.
L’originalité et la cohérence interne de la vie religieuse
En effet, s’il y a peu de textes officiels qui aient autant, à ma connaissance, souligné la responsabilité des évêques en matière de vie religieuse, il n’y en a pas beaucoup non plus qui aient souligné avec autant de force cet ordre interne des instituts et son fondement dans un charisme et une tradition. Je voudrais essayer de le mettre en valeur en commentant le chapitre 3 et en tenant compte aussi de ce qui est dit au n. 51 sur les critères pour la fondation de nouveaux instituts religieux.
Le charisme est un « don suscité par l’Esprit », fondé sur une « expérience de l’Esprit » et qui va se manifester dans « l’action et l’organisation » d’un « style particulier de sanctification et d’apostolat ». Ce charisme vit dans une « tradition », à l’élaboration de laquelle participent, au cours des temps, les membres de l’Institut, dans une « vérification continuelle de la fidélité au Seigneur ». C’est ce charisme traduit sans cesse dans une institution vivante et des structures adaptées qui est « reconnu authentiquement » par la hiérarchie. L’autorité elle-même des supérieurs religieux est reliée à ce charisme : dans une formule à laquelle je ne connais pas d’équivalent dans le passé des documents officiels, on dit que cette « autorité procède de l’Esprit du Seigneur » et on ajoute « en lien avec la hiérarchie qui a érigé canoniquement l’Institut et approuvé authentiquement sa mission spéciale ». Cette clausule « en lien avec » (in connexione cum) est assez neuve et indique, pour le moins, que l’autorité religieuse ne dérive pas d’un mandat hiérarchique. Ce point pourrait d’ailleurs être illustré par le procédé utilisé pour décrire l’autorité religieuse : on la compare avec l’autorité de l’évêque et on montre qu’elle soutient la comparaison au niveau des trois ministères : enseignement, sanctification et gouvernement. Bien sûr, cela ne veut pas dire que les supérieurs religieux forment comme une hiérarchie parallèle, pour leurs Instituts, à celle des évêques, mais cela leur reconnaît tout au moins une consistance et une autonomie reliée au charisme de l’Institut qui avaient rarement été aussi vigoureusement mises en lumière.
Un chapitre comme celui-ci dépasse d’une manière radicale et parfaitement juste l’opposition ruineuse et pourtant presque classique entre charisme et institution. Contrairement à tout ce qui a pu parfois se dire en ce domaine, il apparaît clair que le charisme a en propre de susciter une institution, et que l’institution suscitée vit de l’expérience spirituelle spécifique. Le charisme est à la fois esprit et corps, et c’est d’ailleurs pourquoi des problèmes concrets de vie se rencontrent : parce que les charismes religieux suscitent des corps religieux, comment ceux-ci vont-ils se comporter dans le corps de l’Église ?
La question est d’autant plus pressante que, si on excepte certains Instituts exclusivement contemplatifs, la plupart des charismes de vie religieuse ont suscité des Instituts où l’évangélisation et la mission font intrinsèquement partie de la vie religieuse et de la sanctification des membres. Les corps religieux ne sont pas inertes, et c’est dans le champ de l’Église gouvernée par l’évêque qu’ils vont déployer leur dynamisme. Tout cela est encore peu marqué dans le chapitre 3, mais est nettement affirmé au chapitre suivant, qui traite de la mission de l’Église.
Tels seraient, si la lecture que je propose est correcte, les deux points d’insistance de la première partie de Mutuae relationes. Autorité unifiée de l’évêque sur l’ensemble du Peuple de Dieu, dans sa marche vers la sainteté et la mission, et extension de ce ministère épiscopal à la vie religieuse elle-même et, pourrait-on dire, en elle-même. Cohérence interne des Instituts religieux et autorité propre de leurs supérieurs, dans la ligne et la tradition définies par le charisme de l’Esprit qui débordent largement dans la vie et l’action de l’Église.
Une question peut alors se poser : y a-t-il des éléments théologiques qui nous permettraient de définir de manière plus précise le rapport (mutua relatio) entre le ministère des évêques et le charisme des religieux si fortement campés dans le document ? Ou bien faut-il se contenter d’affirmer successivement la nature et la pertinence de chacun d’eux, pour définir ensuite une ligne de conduite pratique, faite d’information, de coordination, de collaboration etc., par où on peut espérer que, moyennant la bonne volonté de tous, la spécificité de chacun sera respectée et promue ? J’ai l’impression que le document a choisi la seconde partie de l’alternative. Il n’y a pas, dans la première partie, de chapitre formellement consacré à la mutua relatio sous son aspect théologique ; celle-ci, certes, est présente partout mais elle n’est pas tellement élaborée pour elle-même ; elle ressort peut-être de ce qui a été dit de chacune des « parties », mais elle ne fait pas l’objet d’une investigation spécifique. On redit avec force une doctrine qui, de fait, rappelle aux religieux et à leurs supérieurs que les évêques ont, par institution du Christ, la responsabilité dernière de l’Église et que la vie religieuse comme telle relève aussi de cette responsabilité ; cette doctrine rappelle aussi de fait aux évêques que les religieux existent en eux-mêmes et qu’ils ont une autonomie dont on ne peut faire bon marché. Et, à partir de ces deux principes, on essaie d’indiquer un modus vivendi.
Tentative d’évaluation théologique
Il me semble qu’il pourrait être intéressant de pousser un peu l’investigation théologique, et c’est ce que je voudrais proposer maintenant, en restant d’ailleurs très près du texte de Mutuae relationes. A mieux voir, s’il est possible, la mutua relatio, on se donne peut-être le moyen de mutuae relationes plus aisées.
Vers un approfondissement doctrinal du thème de l’Église locale
On pourrait partir de la constatation suivante : s’il est question des évêques dans les deux parties du document, on les considère davantage dans la partie doctrinale sous leur aspect collectif, au pluriel : le collège des évêques unis au Pape et sa responsabilité dans la vie religieuse. Dans la partie pratique, au contraire, il est davantage question en fait de l’évêque dans son champ d’activité précis : on en parle au singulier. Bien sûr, cela doit être pris avec nuances, mais il y a une différence d’accent qui est peut-être significative. Qui dit en effet « collège des évêques unis au Pape » se place davantage dans la perspective de l’Église universelle. Qui parle de l’évêque, au singulier, pense davantage à l’Église locale. A cet égard, on aurait aimé que la partie doctrinale approfondît le thème de l’Église locale puisque, d’ailleurs, c’est à ce niveau que se jouent de fait les mutuae relationes.
Cet approfondissement doctrinal était d’ailleurs en quelque sorte appelé par le document. Au n. 24, parlant de la formation de l’ensemble de la population diocésaine, on invite évêques et supérieurs à développer « une vive conscience et l’expérience du mystère et de la structure de l’Église » ; plus loin, au n. 29 du même chapitre sur la formation, on invite à faire connaître « la doctrine du Concile et les documents pontificaux sur l’épiscopat, la vie religieuse et l’Église particulière, ainsi que sur leurs rapports mutuels ». Or on peut remarquer que « l’expérience du mystère et de la structure de l’Église » correspond au chapitre I de la partie doctrinale, « l’épiscopat » correspond au chapitre II, « la vie religieuse » au chapitre III, et les « rapports mutuels » au chapitre IV. Pourquoi a-t-il manqué, dans la partie doctrinale, un chapitre sur l’Église particulière, son mystère, ses structures ?
Plusieurs fois, toujours dans la partie des Directives et Normes, on invite tant les religieux que les prêtres ou le peuple chrétien à vivifier soit leur conscience de l’Église locale, soit leur appréciation de la vie religieuse. C’est particulièrement clair au n. 30 où d’une part on dit que « dès le noviciat, les religieux et religieuses seront formés à une conscience et à une sollicitude plus marquée pour l’Église particulière » tandis que de l’autre on souligne que « les évêques veilleront à ce que le clergé diocésain comprenne les problèmes actuels de la vie religieuse et l’urgente nécessité missionnaire » (cf. aussi n. 37 & 47). Il y a ici une sorte de parallélisme antithétique : les religieux ont des devoirs vis-à-vis de l’Église locale, les prêtres vis-à-vis de la vie religieuse. Il y a parallélisme entre Église locale et Institut religieux ; or, si la première partie du document parle de l’Institut religieux, elle ne dit rien de l’Église locale : il n’y a plus parallélisme.
Enfin, une théologie de l’Église locale était appelée également pour situer certaines affirmations du n. 36 (cf. aussi n. 18 b), qui reprennent d’ailleurs des textes du décret conciliaire Christus Dominus, sur « l’appartenance des religieux, à un titre particulier, à la famille diocésaine » et sur « l’appartenance à un certain titre véridique des religieux prêtres au clergé du diocèse ». Il est bien évident que cette appartenance « à un titre particulier, à un certain titre véridique », ne peut être définie théologiquement et donc, dans une certaine mesure, pratiquement, en dehors d’une évaluation théologique de l’Église locale.
Sans doute est-il question de l’Église locale, dans la partie doctrinale, au n. 18 du chapitre sur évêques et religieux par rapport à la mission de l’Église. Mais l’Église locale y est présentée sous l’aspect de sa particularité culturelle et de ce que ceci requiert pour sa pastorale, tandis qu’on insiste aussi sur le devoir qu’a l’Église particulière de ne pas se cantonner dans sa particularité, mais au contraire de s’ouvrir sur l’universel. L’approche est donc ici anthropologique ou géographique. Mais il est bien évident que le « mystère » de l’Église locale ne peut être ramené exclusivement à une spécificité culturelle ; le texte le dit d’ailleurs, mais comme en passant.
Je viens de souligner ce qui, dans le document lui-même, appelait un exposé sur le mystère de l’Église locale. Me référant aux textes explicites de Vatican II sur ce point, je voudrais maintenant montrer ce que cet exposé aurait apporté à l’équilibre et à l’efficacité de Mutuae relationes.
L’Église du Christ est vraiment présente en tous les légitimes groupements locaux de fidèles qui, unis à leurs pasteurs, reçoivent eux aussi, dans le Nouveau Testament, le nom d’Églises. Elles sont en effet, chacune dans leur territoire, le peuple nouveau appelé par Dieu dans l’Esprit Saint et dans une grande assurance (cf. 1 Th 1,5). En elles, les fidèles sont rassemblés par la prédication de l’Évangile du Christ, le mystère de la Cène du Seigneur est célébré pour que, par le moyen de la chair et du sang du Seigneur, se resserre, en un seul corps, toute fraternité. Chaque fois que la communauté de l’autel se réalise en dépendance du ministère sacré de l’évêque, se manifeste le symbole de cette charité et de cette unité du Corps mystique sans laquelle le salut n’est pas possible (L.G. n. 26 ; cf. C.D. n. 11 ; O.E. n. 2).
Ce texte, choisi entre bien d’autres, donne l’éclairage mystérique sur l’Église locale dont nous avons besoin. Il y a Église locale là où l’Évangile est annoncé, le Peuple de Dieu rassemblé par cette annonce, l’Eucharistie célébrée, qui constitue et transfigure ce peuple : au centre de l’Église locale, il y a la chair et le sang du Christ. De l’Eucharistie ainsi célébrée jaillissent sans cesse, dans la communauté, les dons de l’Esprit confiés au discernement du pasteur et à sa modération attentive ; celle-ci s’exprime en de multiples formes qui vont de l’ordination sacramentelle de ceux que Dieu appelle à l’assister dans sa fonction à la confirmation des divers charismes et à leur institution dans l’Église, à la coordination enfin de toutes les forces vives du peuple de Dieu en vue de la sainteté et de la mission. A son tour, la mise en œuvre de ces forces vives forme le sacrifice spirituel de l’Église locale, à nouveau offert à Dieu par l’évêque ou ses assistants dans l’Eucharistie (P.O. n. 2).
S’il faut prendre garde aux spécificités culturelles de l’Église locale, c’est précisément parce que son sacrifice spirituel, qui sera offert dans l’Eucharistie, est celui d’hommes réels, concrètement insérés dans le temps et l’espace, tandis que l’Esprit, découlant du Cœur ouvert du Christ rendu présent dans cette communauté, tombe, lui aussi, sur des hommes réels. Ainsi l’attention culturelle est tout entière reliée au Mystère qui s’accomplit dans l’Eucharistie de la communauté.
Cette doctrine contient d’elle-même, par ailleurs, la vision juste du rapport de l’Église particulière à l’Église universelle. Un autre texte de Lumen gentium met ce rapport en valeur : « les Églises particulières sont formées à l’image de l’Église universelle, c’est en elles et à partir d’elles qu’existe l’Église catholique une et unique » (n. 23). Ce texte, très intéressant, introduit un rapport d’exemplarité des Églises particulières à l’Église universelle : elles sont « à l’image », comme si l’idée intégrale de l’Église universelle présidait à la réalisation de toute Église particulière, tandis que l’Église universelle, de son côté, a un rapport existentiel aux Églises particulières, n’existant de fait qu’en elles. Ce double rapport est d’ailleurs mystérieux, car il implique une présence totale de l’universel dans le particulier, et simultanément une aspiration du particulier à se transcender lui-même dans l’universel. Ce mystère n’est pas autre que le mystère même de l’Eucharistie : en elle, en effet, toute Église locale à la fois réalise la plénitude du mystère du Christ et se trouve en communion avec toute autre qui célèbre ce même mystère, spécialement avec l’Église de Rome, centre de toute la catholicité. Et les pasteurs, responsables de ces Églises et de leur Eucharistie, sont en communion les uns avec les autres et avec l’évêque de Rome.
Ces quelques notations, prises du Concile, nous permettent peut-être de mieux situer l’une par rapport à l’autre l’Église locale et l’institution religieuse. En un sens, l’Église locale (et, en elle et par elle, l’Église universelle) est première et dernière, englobante, du fait que tout, sans exception, de ce qui se vit en elle se réfère à son Eucharistie comme à sa source et à sa fin. Quelle que soit la cohérence que « l’ordre interne » des instituts doit à son charisme et à sa tradition, aux institutions aussi qui en découlent, cet « ordre » n’est pas achevé en lui-même : il ne s’accomplit que dans l’Eucharistie, laquelle dépend toujours de l’évêque. La visée religieuse de sanctification et de mission, rejoignant celle de toutes les autres forces vives de l’Église locale, ne devient pleinement sacrifice spirituel que dans l’offrande eucharistique où l’évêque réunit tout en Christ et appelle l’Esprit sur l’Église. Il est donc absolument exclu que rien puisse s’accomplir (au sens profond de ce terme) dans l’Église, sinon par l’Eucharistie de la communauté locale, lieu mystérieux de la communion avec l’Église universelle. Ici l’évêque est toujours immédiatement impliqué et responsable, même si l’Eucharistie est célébrée par un prêtre religieux. Or je crois que nous tenons là le motif, et que nous précisons le lieu exact de la responsabilité de l’évêque par rapport à l’Institut religieux. L’évêque ne peut rien présenter à Dieu dans l’Eucharistie qui ne puisse être un sacrifice spirituel authentique ; réciproquement l’Esprit de grâce et de pardon qui vient de l’Eucharistie est ainsi répandu par son ministère sur les Instituts religieux. Il a donc un devoir de vérification et de promotion, pour la vie religieuse elle-même, lié à son ministère épiscopal qui structure l’Église, à partir de l’Eucharistie.
Mais ce devoir ne constitue, d’autre part, que ce qu’on pourrait appeler une autorité indirecte. Il y a, dans la vie religieuse, un charisme, une tradition, une institution, dont l’évêque n’est pas le principe, mais qu’il reçoit comme un don de Dieu à son Église, et auquel lui-même, n’étant pas religieux, ne participe pas totalement. Ce don relève de la dimension prophétique de l’Église, de son Église locale ; l’évêque doit lui donner un espace et vérifier sans cesse, non seulement que ceux qui ont reçu ce don lui sont fidèles, mais que lui-même ne l’entrave pas par des règlements ou des interventions qui en contrarient la dynamique. Je pense d’ailleurs que cette attitude de vigilance, de promotion et de respect tout à la fois définit le sain exercice de l’autorité épiscopale sur tout ce qui jaillit de l’Esprit dans son Église, la vie religieuse étant l’un seulement des lieux de cette dynamique.
Cette dimension prophétique de la vie religieuse, avec ce que cela peut et doit comporter, ainsi que le texte du document le répète plusieurs fois, de dynamisme et d’initiatives (cf. n. 19,23 f, 41), ne s’arrête pas, d’autre part, aux limites territoriales ou culturelles d’une Église locale ; il est normal que l’Institut religieux déborde ces frontières et que sa présence en de multiples lieux influe aussi, même dans la communauté locale, sur son esprit et ses structures. Par elle-même la vie religieuse a une dimension universelle faite non seulement du mystère de la présence de l’Église universelle en toute Église particulière ou de la communion concrète et de l’intérêt mutuel que se portent les Églises locales entre elles, mais encore de présence effective et active en bien des régions diverses. Or la reconnaissance du charisme religieux dans l’Église locale, par son évêque et son peuple fidèle, implique aussi l’acceptation de cette dimension, voire de certaines contraintes qui en résultent.
En d’autres termes : aucun prophétisme religieux ne se réalise, sinon dans une Église locale, et ceci fonde pour les religieux la nécessité d’une conscience très vive et très concrète d’appartenance à cette Église et à son sacrifice spirituel, sans préjudice, pour ceux des religieux qui sont prêtres, d’un sentiment fort et fondé de participation au presbyterium de l’évêque. Mais réciproquement, aucune Église locale ne peut vivre le don évangélique qui lui est fait pour la sainteté et la mission, sans la présence effective d’un certain prophétisme religieux : d’où la nécessité d’une ouverture aux charismes religieux chez tout le peuple chrétien, mais plus spécialement chez l’évêque et les prêtres. Une mainmise autoritaire sur la vie religieuse de la part de l’évêque représenterait un manque à gagner peut-être considérable pour l’Église locale elle-même, que cet évêque offre à Dieu dans l’Eucharistie du Christ, et donc pour l’Église universelle avec qui cette Eucharistie met toute Église locale en communion.
Ces remarques, que je viens de présenter, sur le rapport entre évêque et institut religieux au niveau de l’Église locale, peuvent peut-être contribuer à mieux comprendre la mutua relatio entre les deux, qui se joue peut-être dans une situation de mutuelle dépendance et d’obéissance. Le religieux sait que rien n’a de sens chrétien, de ce qu’il fait, sinon dans la mouvance d’une Eucharistie dont l’évêque est responsable, parce qu’il est responsable d’une Église. L’évêque sait que, dans son Église, les religieux (et pas seulement eux) vivent un charisme et une tradition qu’il ne peut modifier à son gré et dont il doit d’ailleurs respecter le dynamisme qui déborde les limites territoriales de son Église.
Nature et compétence de l’autorité de l’évêque et du supérieur religieux
Pour compléter ces remarques, le texte nous amène à en faire d’autres sur la mutua relatio entre évêque et supérieur religieux. Le Concile – et c’est là un apport doctrinal qui lui est propre et est de toute première importance – a insisté sur l’unité foncière des trois services de la charge épiscopale : prophétique, sacerdotal, royal (parole, sacrement, gouvernement). Cette unité foncière provient de la configuration sacramentale de l’évêque au Christ Pasteur ; le rapport de l’évêque à l’Église est à l’image du rapport du Christ à son Corps. Notre document rappelle cette unité foncière dans son n. 7. Il faut cependant noter ici que cette unité n’est pas exclusive d’un certain ordre entre les différents services. Parmi ceux-ci, la célébration de l’Eucharistie comme rassemblement et constitution du Peuple de Dieu est certainement le plus élevé ; la présence du Christ Pasteur à l’évêque y atteint une intensité inégalée. Seuls l’évêque et les prêtres qui l’assistent peuvent poser cet acte, et ils le font dans une relation unique et immédiate tant au Christ qu’à l’Église. Pour les autres services relatifs à sa mission (prophétique, royal) – services qui sont intrinsèquement ordonnés à la célébration eucharistique –, l’évêque est, pourrait-on dire, moins seul. Même s’il a le dernier mot, il doit se réjouir des charismes divers dont vit son Église, les discerner, les promouvoir, leur donner un espace ; il y a là un certain prophétisme de l’évêque, lié à sa mission et à la présence du Christ en lui, et qui permet à l’œuvre de construction et de sanctification sacramentelles dont il est seul dispensateur de se déployer en sanctification réelle des personnes et des groupes.
De cette remarque sur l’ordre des fonctions de l’évêque découlent, en ce qui concerne notre texte, deux conséquences :
Il ne faudrait pas donner à la fonction de discernement de l’évêque par rapport à la vie religieuse, ou à sa responsabilité par rapport aux diverses formes de la sainteté de l’Église, la même immédiateté qui revient à sa fonction dans l’ordre sacramentel. On courrait alors le danger de majorer cette responsabilité et de faire de l’évêque plus qu’un supérieur religieux dans l’ordre même de la vie religieuse. C’est l’écueil qui pourrait se présenter de fait, si on donnait une interprétation trop rigide au n. 8 de M. R., où on décrit abondamment le rôle des évêques par rapport à la vie religieuse, avant même d’avoir parlé de celle-ci comme vocation et comme institution et avant d’avoir précisé la nature de l’autorité des supérieurs religieux. Alors, tout ce qui se développe à l’intérieur de l’Institut religieux risquerait d’être en fait lettre morte. Le don hiérarchique fait à l’évêque lui est donné pour promouvoir le don charismatique fait à l’institut religieux, mais non pas pour intervenir dans ce don de manière autoritaire, sans tenir compte d’un droit constitutionnel authentique et approuvé et d’une autorité religieuse confirmée.
Cependant, si l’autorité de l’évêque sur la vie religieuse à partir de l’unité des fonctions épiscopales risque d’être majorée, il y a une manière de présenter la fonction du supérieur religieux qui ne me semble pas tout à fait heureuse et risque de provoquer plutôt que de réduire les conflits d’autorité. Au n. 13 de notre document, on compare les fonctions du supérieur religieux et de l’évêque sur la base, précisément, de la considération des trois services ou ministères de ce dernier. On cherche donc des facteurs de similitude, alors qu’il aurait fallu plutôt souligner les facteurs de distinction, qui seuls permettent une articulation et une mutua relatio. Pour permettre cette comparaison, on fait, me semble-t-il une certaine équivoque à propos du « ministère de sanctification ». Ce ministère, proprement sacerdotal, est d’abord et avant tout, dans la tradition de l’Église, et dans la description qu’en font les textes de Vatican II, un ministère sacramentel, et il vise finalement la célébration de l’Eucharistie, source et sommet de toute la sainteté dans l’Église. Par analogie, on peut dire que ce ministère de sanctification non sacramentelle, c’est de lui donner une « parole » qui le construise (cf. le rêma des Pères du Désert), un exemple qui l’assure etc. Tout cela relève plus de la parole et de l’enseignement, du ministère prophétique par conséquent, que du ministère sacerdotal. Le point que je veux souligner, en faisant cette remarque, c’est que, si on considère les trois ministères de l’évêque, la première chose à dire est que le supérieur religieux, en tant que religieux, n’a pas de part au ministère de sanctification sacramentelle ; en ce domaine, passivement (pour lui-même) et activement (pour les autres, s’il est prêtre), il dépend totalement de l’évêque. Inversement, dans le domaine prophétique, celui de la parole et de l’exemple portés de toutes manières possibles, le supérieur religieux a, de par son charisme religieux, une autorité constitutionnelle pour ses sujets et morale pour tout homme, qui peut aller plus loin que celle de l’évêque pour les membres de son Église.
Conclusion
Les réflexions proposées ci-dessus avaient en vue de mettre davantage en lumière la relation mutuelle entre Église locale et Institut religieux, d’une part, entre évêque et supérieur religieux de l’autre. Elles sont ailées assez largement au delà, semble-t-il, de ce qui avait été indiqué dans la partie doctrinale du document Mutuae relationes, et il peut être bon, en conclusion, de se demander pourquoi, non pour le plaisir de la critique mais pour ouvrir, si possible, une perspective plus large. Je relèverai donc ce qui me paraît insuffisant dans le document, en ce qui concerne son ecclésiologie. D’une part, il faut reconnaître que nous sommes tellement habitués, dans l’Église catholique, à penser « Église universelle » (celle-ci divisée en diocèses, qui en sont les parties) que spontanément nous avons du mal à nous placer dans la perspective de l’Église locale en son mystère de sacrement et de communion ; ou bien on agrée à cette perspective au niveau de la recherche théologique, mais on la laisse facilement de côté s’il s’agit de discipline concrète et de droit canon. D’autre part, et peut-être pour les mêmes raisons d’habitudes séculaires de pensée, nous avons du mal à voir dans l’Esprit Saint le principe initiateur et fondateur d’institutions effectives et à reconnaître à celles-ci une cohérence qui ne se situe pas exclusivement dans une perspective hiérarchique. Je voudrais reprendre brièvement chacun de ces points.
L’Église locale dans son mystère de sacrement et de communion
L’Église d’Occident – c’est un fait historique qu’il faut prendre comme tel – a vécu jusqu’à la fin du siècle dernier dans une ambiance de luttes, plus ou moins violentes, pour situer et défendre sa liberté spirituelle par rapport, non à la persécution des impies, mais à l’autorité des princes chrétiens et à leurs prétentions jusque dans le domaine religieux. Luttes entre le Pape et l’Empereur, de la Querelle des Investitures à la mort de Boniface VIII, luttes entre le Pape et les rois « très chrétiens » ou « très catholiques », de Philippe le Bel à Joseph II. Je ne prétends pas ici que tous les torts aient été du côté des princes, toute la vertu du côté des Papes, mais il est sûr que, à prendre les choses dans une vue d’ensemble, la défense de la liberté de l’Église passait par l’affirmation de l’autorité exclusive du Pape. Le cours de cette histoire difficile et mouvementée n’a, en tout cas, pas mis en valeur les Églises locales, objet de la revendication des princes et parfois elles-mêmes non exemptes de gallicanisme, ni non plus les évêques, que les conditions de leur nomination et leur appartenance aux cours des souverains, rendaient – on pouvait du moins le craindre, sur la base de tant d’expériences fâcheuses – solidaires des princes plus que de l’Église. La constitution Pastor aeternus, de Vatican I, promulguée à un moment où les princes étaient sur le point de disparaître et où le Pape lui-même était, providentiellement, on peut bien le dire, contraint à renoncer à ses États, a mis en quelque sorte un terme à ces siècles de controverses, en situant exactement le niveau et les termes de l’autorité spirituelle du Pape, garante de la liberté de l’Église. Par cette constitution, on peut dire que le principe d’un statut autonome de l’Église dans la société était en quelque sorte posé, moyennant l’affirmation, à l’intérieur de l’Église, d’une autorité ultime, liée à l’institution divine elle-même. Mais on peut dire que, ce faisant, la constitution Pastor aeternus elle-même ouvrait la voie à une investigation très large de l’être et de la mission de l’Église, ouvrait un espace, libre de contraintes extérieures, au déploiement de l’Esprit dans l’Église. Le siècle qui nous sépare de Vatican I a vu surgir toutes ces initiatives, dont Vatican II a fait l’inventaire, et qui nous conduisent aujourd’hui à « redimensionner » notre vue théologique et notre pratique disciplinaire de la vie en Église. Les thèmes de Peuple de Dieu, d’épiscopat fondé sur le sacrement, d’Église locale sont des éléments majeurs de cette réinterprétation. Mais ce n’est pas du jour au lendemain, ni sur le plan des institutions ou du droit, ni sur le plan des mentalités, que ce travail peut s’opérer. Des éléments, pourtant fondamentaux, mais plus ou moins laissés dans l’ombre pendant des siècles, ne peuvent revenir d’emblée sur le devant de la scène : il y faut du temps, et c’est peut-être la tâche de ceux qui ont à réfléchir au plan théologique d’être vigilants pour ramener sans cesse l’attention sur les renouvellements opérés à Vatican II et sur les conséquences pratiques que, à plus ou moins long terme, ils ne laisseront pas d’entraîner. L’absence d’une véritable considération théologique du mystère de l’Église locale dans la première partie de Mutuae relationes relève sans doute pour une part de cette inexpérience où nous sommes de considérer ce mystère, et de le situer dans l’ensemble d’une ecclésiologie.
L’Esprit Saint, principe initiateur et fondateur d’institutions
En ce qui concerne le second point faible auquel je faisais allusion plus haut, à savoir la question du rapport entre les structures qui viennent des « dons hiérarchiques » et celles qui jaillissent des « dons charismatiques », question insuffisamment abordée et mise au point dans le document qui nous occupe, je me demande si le manque à gagner ici ne provient pas du fait que la perspective ecclésiologique de base proposée au point de départ n’est pas assez unifiée. Le chapitre I commence par parler du Peuple de Dieu et il est mis sous le signe de l’Esprit. Le chapitre II parle des évêques et est mis sous le signe de l’initiative historique de Jésus-Christ et de son exode pascal. Mais il n’est pas précisé davantage comment ces deux données de la foi, l’Esprit et la Pâque de Jésus-Christ, sont en réalité une ; on ne voit pas très bien non plus pourquoi mettre seulement le ministère des évêques sous le signe de l’initiative historique de Jésus-Christ et non pas la naissance et le développement du Peuple de Dieu, et réciproquement pourquoi ne pas insister sur l’aspect immédiatement pneumatique du ministère des évêques. Le résultat est que, à la fin du chapitre II, l’ordre suivi dans ces chapitres I et II (Peuple de Dieu, puis ministère des évêques) est renversé dans la conclusion (n. 9a : les évêques, n. 9b : le corps ecclésial). Cela conduit à penser que le document est construit sur une sorte de théologie bicéphale de l’Église : Esprit Saint / évêques (cf. le début du chapitre VI), très proche d’une dichotomie charismes / structures, dont nous avons vu que, pourtant, le texte s’écarte, par exemple dans le chapitre III. Cette dichotomie revient pourtant, par exemple, au n. 34 qui oppose assez malheureusement « dons spirituels » et « structures ecclésiales » comme si n’étaient ecclésiales que les structures diocésaines (ou pontificales) et non aussi, mais sur une base différente, les structures religieuses ; comme si n’étaient spirituels que les dons charismatiques et non pas les dons sacramentels et ministériels ! L’opposition esprit/institution, si peu catholique pourtant, est décidément bien enracinée jusque dans nos documents les plus officiels !
La réalité me semble autre, plus unifiée et plus simple à la fois. L’Esprit procède du Christ et de son mystère pascal et rien n’est de l’Esprit qui ne soit du Christ. Le Christ envoie l’Esprit et rien n’est du Christ qui ne soit de l’Esprit. Toutes les structures du corps procèdent de l’Esprit du Christ, tous les dons de l’Esprit procèdent du corps crucifié et ressuscité de Jésus. Il faut donc d’abord mettre tous les dons sur le même plan, à la fois christique et pneumatique, et ensuite seulement les diversifier. Cela, Lumen gentium l’avait fait et notre texte l’avait repris en parlant, à propos de l’Église, de « la diversité des dons hiérarchiques et charismatiques » (LG 4, cité MR 2). Voilà le véritable point de départ, auquel on aurait aimé que le texte se tînt d’un bout à l’autre. Il s’agit toujours de dons, provenant tous de Jésus-Christ par son même Esprit et ordonnés à la construction du même corps. Mais les dons « hiérarchiques » sont discernés, consacrés et établis par le sacrement de l’Ordre (dont l’acte fondamental, qu’on se le rappelle, est l’imposition des mains et l’épiclèse), tandis que les dons « charismatiques », plus limités en extension mais plus prophétiques dans leur domaine, sont discernés et établis par les « dons hiérarchiques », dans une autonomie qui n’est pas indépendance.
Et si l’Esprit du Christ est ainsi au point de départ de tous les dons, c’est peut-être dans une interrogation constante de l’Esprit que se trouvera la solution des problèmes qui ne sauraient cesser de surgir dans l’harmonisation dynamique de toutes les institutions au service de la contemplation et de la mission.
Abbaye Sainte-Marie
de la Pierre-qui-Vire
F-89830 SAINT-LEGER-VAUBAN, France
[1] Conférence prononcée à la XXVe réunion de l’Union des Supérieurs Généraux, Rome, Villa Cavalletti, 25-28 novembre 1981.