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Problèmes de formation dans les instituts séculiers

Germana Sommaruga

N°1982-1 Janvier 1982

| P. 59-62 |

Le propre des membres des instituts séculiers est de vivre leur consécration à Dieu en plein monde. Il en résulte fréquemment une grande dispersion, une situation de « diaspora », qui pose de nombreux problèmes pour la formation. L’auteur examine ceux qui se présentent pour les membres et ceux que les situations rencontrées par un institut séculier posent aux formateurs eux-mêmes. Elle conclut que la tâche la plus urgente est précisément la formation des formateurs.

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Appelés à s’insérer partout dans le monde, les membres des instituts séculiers sont souvent très dispersés : une vraie « diaspora ». Au point de vue apostolique, cela peut être très positif : ils pénètrent partout, ils sont mêlés aux autres hommes, ils essaient d’être sel, lumière, ferment, comme le demande Jésus à ses disciples.

La formation des membres en « diaspora »

Mais cela ne rend-il pas difficile une formation en profondeur ? Comment les instituts séculiers peuvent-ils prendre celle-ci en charge ?

Les constitutions parlent souvent de formation complète pendant les années qui précèdent la consécration : formation ascétique, théologique, biblique, anthropologique, etc. Un programme qui demande bien plus que ces quelques années de formation dans l’institut, qui requiert une base culturelle, qui exige des contacts avec des gens capables d’expliquer, d’adapter, d’approfondir. Programme qui doit se concilier, d’autre part, avec un travail professionnel parfois très absorbant.

Dans la plupart des instituts, cette « formation complète » des premières années est utopique. Les membres des instituts séculiers vivent souvent isolés. Ils travaillent. Ils ont des devoirs dans leur milieu familial, dans leur paroisse, dans la société. Et c’est le dessein de Dieu sur eux, ils ne peuvent s’y dérober.

D’autre part, les membres des instituts séculiers proviennent de toutes sortes de milieux sociaux et culturels. Certains vivent en grande ville et peuvent y suivre des cours, y écouter des conférences, etc., leur permettant d’acquérir une formation humaine et religieuse. Mais il arrive que ces cours ne leur soient pas accessibles, en raison de leur travail ou de leur niveau culturel. Il se fait souvent aussi que ces cours et conférences, donnés à des heures tardives, les retiennent jusqu’à minuit, alors qu’il faut se lever tôt le lendemain pour ne pas arriver en retard au travail.

Quant à ceux qui vivent en petite ville ou dans un village, cette possibilité de formation leur est complètement inaccessible. Bien sûr, il y a les cours par correspondance. Mais combien de personnes, même sorties des universités, sont-elles capables de les suivre ? Combien aiment ce genre de formation ? Quels sont les cours bien adaptés aux unes et aux autres ?

On s’illusionne donc sur la possibilité de donner, comme le demandent les constitutions, une « formation complète » pendant les années dites « de formation ».

Plusieurs instituts ont un bulletin mensuel ou trimestriel qui sert à maintenir l’unité d’esprit. Mais d’autres n’ont même pas ce lien et n’ont d’autre moyen de formation que ce qui est strictement demandé comme spécifique à leur institut, selon les constitutions de chacun.

Pour ceux qui savent « lire », qui peuvent et aiment approfondir, les moyens de formation religieuse par la lecture ne manquent pas de nos jours. Mais voici encore une difficulté : on ne trouve que très peu de livres correspondant à la spiritualité spécifique des instituts séculiers [1].

On trouve parfois dans les librairies des livres sur la vie religieuse ; dans ceux-ci, on parle parfois des instituts séculiers. Mais on aimerait trouver des livres s’adressant à des « laïcs engagés » : s’ils existaient en librairie, on pourrait les acheter sans révéler son identité, qui ne doit pas être connue en un tel contexte.

La formation des formateurs

Si on passe de la formation des membres à celle des formateurs, les problèmes ne sont pas moindres. Eux aussi vivent en « diaspora ». Et il faudrait qu’ils puissent s’adapter à chacun, suggérer à chacun ce qui peut le mieux lui convenir. Plus encore que les membres, ils ont besoin d’une formation.

Les distances géographiques créent de grosses difficultés de rencontre, aussi bien des membres entre eux qu’avec leur formateur. La plupart des instituts séculiers ont des membres « isolés », qui ont bien du mal à rejoindre le groupe dans leur propre pays. Que dire alors si la « diaspora » s’étend sur des pays différents ? Un institut a parfois beaucoup de peine à démarrer dans le diocèse où il a pris naissance, et voilà qu’une demande arrive d’un pays situé à des milliers de km... Accepter ? Refuser ? Mais surtout, comment former ? Comment connaître ces nouveaux membres sans les obliger à s’expatrier pour venir dans le pays d’origine de l’institut ? Ils finiront par y être dépaysés, par prendre comme modèles des gens qui ne leur ressemblent pas, qui sont d’un milieu culturel et social différent.

Alors ? Envoyer là-bas quelqu’un du pays d’origine de l’institut ? Mais cela aussi pourra signifier la présentation d’une forme de vie qui ne sera pas la leur. D’autant qu’il est indispensable que l’envoyé connaisse l’histoire, la géographie, la mentalité, la ou les religions, la politique, la vie sociale, les milieux de travail (et la situation réelle de la femme, s’il s’agit d’un institut féminin...).

Alors, commencer avec des personnes du pays d’où vient la demande ? Un nouveau danger surgit : celui qui a le courage de commencer ne risque-t-il pas de donner sa formation personnelle et non celle de l’institut ? Dans ce cas, c’est un institut différent qui peut naître. C’est un risque. Mais est-il plus grave que celui d’avoir un institut qui ne soit pas adapté à la mentalité du pays ? Ne faut-il pas s’efforcer de saisir l’essentiel, d’avoir l’esprit très large, de chercher le vrai bien des gens du lieu, sans prétendre à une identité de vues, tout en partageant une spiritualité commune ?

En conclusion, une pareille « diaspora », dont l’ampleur est celle du monde entier, posera bien des problèmes. Il faudra des responsables attentifs, à l’écoute de l’Esprit, d’une grande largeur d’esprit, doués de beaucoup de souplesse et d’ouverture aux gens. A ces qualités essentielles devra se joindre une connaissance très sûre de la spiritualité spécifique de l’institut, du rôle particulier auquel Dieu l’appelle. Enfin, pour l’institut lui-même, cela demandera une grande souplesse au niveau des structures et le désir de créer plutôt que d’imposer des formes existantes.

Le formateur devra aider chacun à devenir lui-même son propre formateur, tâche qui est loin d’être aisée et qui demande une ferme vigilance pour que l’institut reste bien dans la ligne de l’Église. Mais la formation devra s’adapter à chaque pays, à chaque culture. On ne sera intransigeant que sur un point fondamental : appartenir à Dieu dans le monde, mêlé aux autres hommes. Pour le reste, forger des convictions solides, aider à l’acquisition de motivations concrètes et personnelles de se consacrer dans le monde : elles seront une force, même si l’on est seul, en « diaspora ».

Je crois que le problème le plus urgent est celui de la formation des formateurs. Celle-ci devra avoir pour base la prière, une connaissance intime du Christ, un très grand amour pour l’Église, le monde et les hommes. Je pense qu’il faut courir le risque de donner à chaque membre de l’institut le responsable qui puisse vraiment le comprendre, l’aider personnellement, l’attirer, dans l’esprit de son institut et sans craindre une formation trop personnelle, à la suite du Christ et au service de ses frères.

Via Paolo Rotta 10
I-20162 MILANO, Italie

[1En Italie, on a lancé une collection de textes propres aux instituts séculiers (une à deux publications par an). En France, la Conférence nationale a entrepris de dresser une bibliographie de tout ce qui a paru en français sur les Instituts séculiers.

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