Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Finale

Vies Consacrées

N°1981-3 Mai 1981

| P. 195-196 |

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Le célibat pour le Royaume est une réalité chrétienne et humaine qui demande à être approfondie selon toutes ses dimensions. Nous avons déjà publié dans Vie consacrée plusieurs études sur ce sujet. Il importe de ne pas perdre de vue ce souci de réflexion globale pour situer en toute sa vérité la question abordée ici.

Notre but, dans le présent numéro, était en effet de mener une réflexion sereine sur une réalité actuelle, vécue notamment dans la vie religieuse. Nous l’avons intitulée « Célibat consacré et amitié », car c’est à partir de la réalité du célibat chrétien que peut s’éclairer le don de l’amitié. En d’autres termes, c’est le célibat consacré qui constitue le choix de vie et le lieu fondamental autour desquels s’ordonnent toutes les autres sphères de la personne que Dieu consacre progressivement à lui. C’est dire qu’il n’y a, dans la vie religieuse, d’amitié que scellée en lui et par lui, et que le don fait entièrement à Dieu impose à toute autre rencontre la forme du respect, de la solitude et du dépouillement auxquels Dieu conduit celui ou celle qu’il appelle à s’unir à lui.

Une telle amitié – si le don de Dieu pour nous passe par elle, ce qui n’est certes pas nécessaire – ne sera vécue qu’à l’intérieur de l’immédiateté de la relation à Dieu. Certes, elle pourra toucher le sentiment, l’affectivité psychique, mais elle ne sera pas commandée ni déterminée par elle. Elle ne sera pas appelée par le besoin que l’on a l’un de l’autre, ni régie par l’affection de l’un pour l’autre. Ce qui commande, ce qui détermine, c’est le respect de ce que l’autre est en profondeur et le respect de ce que je suis moi-même. Car celui qui a voué le célibat ne s’appartient plus. Il ne dispose ni de sa vie ni de la vie qui s’offre à lui. Il est à Dieu. C’est l’intimité avec Dieu qui est le lieu où toute relation est accueillie comme une grâce et offerte à Dieu en action de grâces. Il peut être donné de vivre cela sur le mode du dépouillement et de la croix comme sur le mode de la résurrection. Nul ne choisit le don qui lui est fait.

Il importe donc d’insister sur le réalisme auquel il convient de revenir dans le discernement des rencontres possibles. Qu’elles soient béatifiantes dans un premier temps ne signifie rien encore : il est bien normal que l’homme et la femme s’enrichissent mutuellement de leur simple présence. Qu’elles aident à grandir dans la vie apostolique n’est pas non plus un critère décisif. Comment peut-on donc recevoir une rencontre donnée comme un don nouveau que Dieu fait de lui-même et comment ce don peut-il suffire ? C’est la question centrale, qui renonce à prendre comme critère fondamental et décisif la valeur d’autrui pour moi ou ce que je puis être pour lui. Car ce double mouvement ressortit non pas à l’amitié, qui est croissance dans l’effacement de la gratuité, mais à la conjugalité, où chacun se reçoit d’autrui et pour autrui, au nom de Dieu.

Il semble donc que la question présente, si elle est d’une certaine façon nouvelle, demande effectivement un nouveau discernement. Mais il y a davantage : elle appelle aussi une nouvelle réflexion sur ce qu’est fondamentalement l’amitié chrétienne. Il s’agit finalement de montrer comment l’emprise de Dieu peut transfigurer notre humanité assumée dans la Pâque de Jésus. En sorte que notre première tâche aujourd’hui soit l’annonce de ce possible au-delà des évidences que constitue pour nous la venue de Dieu dans la chair et sa résurrection d’entre les morts. L’amitié dans la vie consacrée donne de mûrir dans la fraternité spirituelle, pour autant qu’elle soit accueillie en totale gratuité et donc que soient respectés le droit de Dieu à être tout pour nous et le visage unique de cet amour capable de combler réellement le cœur de l’homme. C’est sur cette pierre d’angle qu’il semble possible, pour la réflexion théologique comme pour le discernement pastoral, d’appuyer une parole de réelle édification pour la vie religieuse d’aujourd’hui et de demain.

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