Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

Éditorial

Vies Consacrées

N°1981-1 Janvier 1981

| P. 5-8 |

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Trois documents viennent de paraître qui peuvent nous aider à faire le point et à baliser notre route en ce début d’année.

« Dieu riche en miséricorde », tel est le thème de l’encyclique que Jean-Paul II vient de publier. Comment hommes et femmes consacrés à Dieu et à leurs frères et sœurs pourraient-ils ne pas se réjouir et y puiser lumière et force ? Car la vie consacrée, éclairée par la lecture ecclésiale qu’en a donnée Vatican II, est appelée à manifester visiblement et socialement ce mystère de miséricorde et de renouvellement du monde offert par Dieu en Jésus-Christ. Notre revue a tenté de l’expliciter ces dernières années [1].

C’est également dans cette lumière que les deux documents publiés par la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers prennent tout leur sens. En effet, les thèmes abordés, « Les religieux et la promotion humaine » et « La dimension contemplative de la vie religieuse », se comprennent pleinement lorsqu’ils sont situés à l’intérieur du dynamisme de réconciliation et de nouvelle création en Jésus-Christ au cœur de notre monde. La lecture de l’encyclique et des deux documents confirme la justesse des orientations que beaucoup de religieux et religieuses pressentent et mettent en œuvre, et que nous avons traitées de diverses manières. Sans commenter ici l’encyclique, dont la portée est plus générale, nous voudrions présenter brièvement les deux documents qui concernent directement les religieux.

La promotion humaine

Le premier document commence par évoquer avec force l’importance et l’urgence d’« une participation adéquate des religieux à la promotion intégrale de l’homme ». Puis il décrit quatre situations souvent vécues aujourd’hui par les religieuses et les religieux dans la mesure même où ils sont fidèles à leur vocation prophétique d’« incarner l’Église désireuse de se livrer au radicalisme des béatitudes » (E.N. 69) et donne des orientations pour ces divers cas. C’est ainsi que sont analysés successivement l’option préférentielle pour les pauvres et le choix pour la justice : la vie religieuse, au cœur de l’Église et de sa mission, est invitée à être avant tout « la voix des sans-voix » ; les activités et œuvres sociales : elles ont plus que jamais leur sens dans la mesure où elles sont effectivement lieux privilégiés de témoignage, d’évangélisation et de promotion humaine authentique ; l’insertion dans le monde du travail, que ce soit dans une profession civile ou dans la condition ouvrière et l’activité syndicale : ce sont des motivations et des critères évangéliques et ecclésiaux qui donnent sens à une telle présence ; l’engagement dans la « praxis politique » : reprenant la distinction du politique et de la politique, un éclairage est donné sur la manière dont les religieux peuvent contribuer le plus vigoureusement selon leur charisme ecclésial propre aux transformations culturelles et sociales de la société.

À la lumière des situations ainsi analysées, le document dégage des critères généraux de discernement qui marquent les fidélités fondamentales des religieux : présence à l’homme de notre temps, vécue dans la force transformante du Christ et de l’Évangile, avec le souci de vivre une communion ecclésiale organique et une fidélité dynamique au charisme du fondateur. Pour terminer, quelques paragraphes sur les exigences du renouvellement de la formation : celle-ci est « une éducation profonde de mentalité et de style de vie qui rend capable de demeurer soi-même dans de nouveaux modes de présence ». C’est à ce prix que la vie religieuse deviendra toujours davantage « signe prophétique, comme force de conversion et de transformation du monde ».

La dimension contemplative

Le second document commence par décrire la dimension contemplative de la vie religieuse comme une réalité toute de grâce qui nous introduit dans la profondeur de Dieu : à nous de l’accueillir et de la mettre en œuvre. Puis il donne des orientations pour les Instituts de vie active et ceux de vie spécifiquement contemplative. En ce qui concerne les premiers, l’accent est mis d’abord sur l’importance d’une compénétration mutuelle entre action et contemplation. D’autant plus qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle activité, mais d’une « action apostolique et caritative » comme l’a marqué avec clarté le concile (P.C. 8) et donc d’une participation ecclésiale à la mission du Christ dans l’histoire. Le document insiste ensuite sur le souci de renouvellement de la vie dans l’Esprit Saint avec ses médiations indispensables : écoute de la Parole de Dieu, place centrale de l’Eucharistie, célébration communautaire et personnelle du sacrement de pénitence, direction spirituelle, liturgie des Heures, amour de la Vierge Marie, ascèse personnelle et communautaire. C’est dans la communauté, réalité d’abord théologale, poursuit le texte, que cette expérience de Dieu et cette vie dans l’Esprit Saint sont appelées à être vécues. D’où l’importance d’un milieu fraternel et d’un lieu de prière où la Présence eucharistique est gardée et adorée. D’où aussi le rôle du supérieur et de son ministère d’autorité comme animateur spirituel et apostolique.

Une dernière partie, brève mais dense, marque l’actualité de la vie spécifiquement contemplative au cœur de l’Église et le « mystère apostolique » qu’elle manifeste. Pour terminer, comme dans le premier document, on insiste sur l’importance d’une formation qui permette de vivre réellement cette dimension contemplative, en symbiose avec l’Église locale dont les Instituts font partie.

Et demain ?

À la lecture de ces documents, nous nous trouvons encouragés et confirmés dans l’insistance mise par notre revue sur la solidarité avec les pauvres et les démunis, privilégiés du Christ, et sur l’intégration du service apostolique à la consécration religieuse. Mais nous percevons aussi que c’est sous la lumière de l’encyclique « Dieu riche en miséricorde » que ces deux orientations fondamentales trouvent leur justesse et leur force. Il ne s’agit pas là de considérations purement théoriques : c’est tous les jours et dans nombre de pays que religieux et religieuses, engagés dans la lutte contre l’injustice et affrontés au drame de l’athéisme, sont appelés à rendre témoignage au Dieu de miséricorde. Loin d’y voir un chemin de démission, c’est ainsi qu’ils auront toutes les audaces, jusqu’au don de leur propre vie. Des exemples récents, à l’Est comme à l’Ouest, en font foi.

Quelle aide Vie consacrée peut-elle apporter aujourd’hui en ces domaines ? Beaucoup reste à faire, dans la ligne même de ce que nous nous sommes proposé depuis plusieurs années, comme l’esquissaient nos précédents éditoriaux. En particulier, l’insistance avec laquelle les deux documents parlent de la formation au sens le plus large est éclairante. Car, pour qu’une avance audacieuse et humble soit possible dans le témoignage prophétique d’un monde nouveau et la contemplation vivante de Jésus et de son Évangile, une grande attention doit être portée à la formation, c’est-à-dire à l’intégration et la qualité évangélique et humaine de la vie.

Dans ses prochains numéros, Vie consacrée souhaite porter ses efforts sur ces réalités de formation, de conversion et d’intégration, sans négliger pour autant d’autres questions. C’est ainsi que nous nous proposons de publier les résultats de notre réflexion, lors de notre Conseil de rédaction en septembre dernier, sur l’amitié dans la vie consacrée et plusieurs articles traitant de la formation des jeunes. Dans ce numéro, un article sur la prière et un autre sur l’accompagnement spirituel témoignent du même souci, tandis que les textes sur la vocation œcuménique de la vie religieuse nous font pressentir la conversion de vie requise dans ce but.

En cette année du congrès eucharistique de Lourdes, nous réfléchirons au rôle de l’Eucharistie comme force d’intégration et de transformation de la vie personnelle et apostolique. L’attention portée cette même année aux handicapés nous interpelle comme religieux : pour les accueillir en vérité, importe une existence évangélique enracinée dans la gratuité et la miséricorde.

Ce sont là quelques-uns de nos projets. Nous espérons ainsi donner à nos lecteurs et à nos lectrices un instrument qui nourrisse l’expérience spirituelle propre à leur vocation dans l’Église, éclaire leur réflexion, éveille et stimule la qualité évangélique de leur vie et de leur mission.

[1Cf. Vie consacrée, 1978, 353-361 ; 1979, 92-117, 334-352 ; 1980, 163-179.

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