Un périodique unique en langue française qui éclaire et accompagne des engagements toujours plus évangéliques dans toutes les formes de la vie consacrée.

L’œuvre de saint Benoît

Bernard Ducruet, o.s.b.

N°1980-1 Janvier 1980

| P. 5-13 |

Un groupe de jeunes, membres de la communauté de l’Arche, qui passaient quelques jours de prière et de réflexion au monastère de Saint-Benoît-sur-Loire, demandèrent à l’Abbé de leur parler de l’œuvre de saint Benoît. Le Père Ducruet leur fit une causerie un peu improvisée. Comment ne pas y voir une invitation pour chacune de nos communautés à être attentive aux réalités fondamentales évoquées en cette triple sagesse, humaine, mystique et chrétienne, mise en œuvre par la vie bénédictine ? Nous sommes heureux de publier ces pages à la veille de l’ouverture de l’année de saint Benoît.

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Saint Benoît a dû naître vers 480 en Italie. Très tôt, alors qu’il faisait des études à Rome, il a découvert l’inanité d’un monde déjà en pleine décomposition, le monde romain ; et il a tout quitté, il a abandonné les études qu’il faisait et il s’est rendu dans une vallée très escarpée, à une centaine de kilomètres de Rome ; et, dans cet endroit sauvage, il a commencé par vivre une vie érémitique. Peu à peu, des disciples sont arrivés se joindre à lui dans ce lieu désertique, beau et grandiose. Alors saint Benoît a fondé de petites communautés tout le long de la vallée, au flanc des montagnes où l’on entendait le bruit monotone d’un torrent. Mais, comme la vallée était trop étroite pour recevoir tout le monde, saint Benoît est parti plus loin, encore sur une montagne, le Mont Cassin, dans un endroit où il dominait un peu le paysage ; car saint Benoît est un montagnard, il est né dans la montagne, il a vécu dans la montagne, il a toujours aimé la montagne et c’est pour cela qu’il s’est installé sur une montagne.

Et voilà que quelque 50 ans après sa mort, il ne reste plus rien du tout de l’œuvre de saint Benoît : tout a été rasé par les invasions des barbares en Italie, le Mont Cassin est entièrement détruit. Mais ce qui germe de l’Évangile doit passer par la mort avant de porter du fruit. Trois siècles après la mort de saint Benoît, en plein Moyen Âge, l’Europe est quadrillée de centaines et de centaines d’abbayes vivant de son esprit. Chaque abbaye groupait autour d’elle de petites localités, des « granges », qui ont donné naissance aux paroisses de nos campagnes ; et c’est toute la civilisation romane qui va naître de là, si bien que l’on a pu dire que saint Benoît avait été le fondateur de l’Europe, le patron de l’Europe : des monastères se réclamant de lui ont, à un moment donné, couvert l’Europe.

Maintenant, il y a moins de monastères qu’autrefois, il est peut-être plus difficile de mener la vie monastique qu’au Moyen Âge, mais il reste des disciples de saint Benoît. Qu’est-ce qui fait que saint Benoît puisse être véritablement un maître de vie ? Ce qui reste de lui, son œuvre, c’est un petit livre que l’on appelle la « Règle des moines ». Et dans ce petit livre, il a tellement puisé à des sources qui lui venaient d’ailleurs qu’il y a à peine deux ou trois pages qui soient de lui vraiment. C’est très curieux qu’un homme comme lui ait pu avoir un rayonnement immense alors qu’il y a à peine quelques passages pleinement de lui. Son œuvre réside en une triple sagesse : une sagesse humaine, une sagesse mystique et une sagesse chrétienne ; et c’est d’avoir su faire la synthèse entre ces trois sagesses qui fait que l’on a là une richesse de vivre ensemble qui est assez extraordinaire.

Sagesse humaine

C’est une sagesse de vivre ensemble, et ce n’est pas si facile de vivre ensemble. On pense parfois que, pour faire une communauté, il suffit de se téléphoner, de se rassembler : on vit ensemble, on va acheter deux chèvres, et cela y est. Que non ! Vivre ensemble, vivre en communauté, demande toute une sagesse de vie, et c’est cela qui nous est livré à travers toute l’œuvre de saint Benoît.

Une règle et un abbé

Que faut-il pour vivre ensemble ? Il faut au départ une règle de vie et un abbé. Pourquoi une règle de vie ? Parce qu’il faut initialement savoir pourquoi l’on est ensemble, ce que l’on va faire ensemble, il faut que cela soit bien décidé. Une règle de vie, c’est ce qui, entre nous, organise la charité. Lorsqu’on vit ensemble, tout le monde veut vivre la charité ; encore faut-il l’organiser par une règle commune, une règle de vie. Si l’on veut que la vie soit un vrai jeu, il faut une règle, car il est impossible de jouer sans une règle. Ce n’est pas une banalité de dire qu’il y a toujours une règle à un jeu ; mais on ne pense pas toujours qu’il faut, avant de vivre ensemble, définir ce que l’on veut vivre ensemble, et pourtant, c’est absolument essentiel.

Et puis, lorsqu’on veut vivre ensemble, il faut un garant de ce que l’on veut vivre ensemble, quelqu’un qui est responsable de la règle commune ; nous l’appelons « abbé ». L’abbé n’est pas du tout une autorité qui gère tout et dit tout ce qu’il faut faire ; il est au service de ce que l’on veut vivre ensemble, il rappelle ce que l’on a décidé, il encourage à poursuivre dans telle direction plutôt que dans telle autre. A travers la règle, c’est la communauté que l’abbé sert.

Un partage de la vie

Une règle de vie et un abbé, voilà le tout premier point de la sagesse de vivre ensemble. Le second, c’est la manière dont on va partager la vie. Notre vie s’ordonne selon quatre dimensions, très nécessaires et qui constituent la base de notre vie : ce sont la dimension économique (ou dimension du travail), la dimension liturgique (ce que l’on va prier ensemble dans la beauté), la dimension personnelle et la dimension sociale (ou dimension d’ouverture aux autres).

La dimension économique est très facile à percevoir ; il faut qu’ensemble l’on travaille pour gagner sa vie et, si possible, pour partager avec d’autres. La dimension économique aura donc une grande place dans la vie d’un monastère. Le travail des moines sera un travail nécessaire, c’est-à-dire qu’il comprendra tous les services à se rendre les uns aux autres : faire la cuisine, laver le linge, réparer la maison, tous les services communs ; et puis, il y aura des moines qui travailleront à un artisanat quelconque pour pouvoir vendre des produits et avoir ainsi l’argent nécessaire pour échanger ce que l’on ne produit pas sur place.

Dans nos monastères, il y aura une dimension liturgique. La liturgie est une manière de nous retrouver ensemble pour célébrer sous un mode symbolique, sous un langage particulier, les valeurs que nous vivons ensemble. Elle est une dimension anthropologique absolument nécessaire ; c’est ainsi que l’on voit le parti communiste redécouvrir cette dimension et créer des fêtes spéciales, les pays socialistes comme la Russie et la Chine font de même. La dimension liturgique est nécessaire à la vie humaine, il y a une qualité de communion qui passe à travers une célébration communautaire ; il est absolument nécessaire de célébrer ensemble les valeurs que l’on veut vivre ensemble. La dimension liturgique existe donc aussi dans nos monastères ; la liturgie qui s’y célèbre peut apparaître austère, mais elle est adaptée à ce que nous vivons.

La dimension personnelle est très importante pour les moines. Ce qui différencie finalement les moines des marxistes, c’est la dimension personnelle ; les marxistes bâtissent la communauté humaine sur trois dimensions seulement : ils connaissent la dimension économique, qui a chez eux une grande importance, la dimension liturgique et la dimension sociale, mais ils oublient la valeur personnelle ou, du moins, ils ne donnent pas à la personne la transcendance qui en fait une véritable dimension de leur vivre ensemble. Sans la dimension personnelle, la vie ensemble devient une vie collective et non pas une vie communautaire. Ce qui fait notre vie communautaire, c’est la communion de personnes ; mais pour cela, il faut laisser à chaque personne du temps et un espace pour se recréer en profondeur. Et c’est grâce à cette dimension que les moines ont toujours été des « méditatifs », qu’ils ont, comme on l’a dit, sauvé la civilisation. C’est-à-dire qu’à force de lectio divina, de lecture, de temps réservé à eux-mêmes, ils ont conservé un élément de la culture de l’humanité.

Enfin, il y a la dimension sociale, la dimension d’accueil. Une communauté ne pourra jamais être une véritable communauté si elle ne s’ouvre pas sur les autres communautés, sur les autres. Mais la dimension d’accueil doit être équilibrée par les trois autres. Une communauté qui accueille trop est vouée à se dissoudre, elle ne pourra pas garder son identité propre, elle n’aura pas assez de personnalité pour être véritablement accueillante. Pour importante qu’elle soit dans notre vie, la dimension sociale n’en a pas moins besoin d’être contrebalancée par les dimensions économique, liturgique et personnelle.

Nous qui voulons, comme tous les chrétiens, faire de la prière un élément essentiel de notre vie, nous savons bien que notre prière aura la qualité des quatre dimensions sur lesquelles s’édifie notre vie. Autre est la prière personnelle d’oraison, que l’on fait tout seul ; autre est la prière liturgique que l’on fait tous ensemble ; autre est la prière dans le travail et autre la prière dans l’accueil. Car il y a une manière de prier en travaillant, il y a un travail qui est une véritable prière : l’attention qui est à la base d’un travail bien fait est exactement la même attitude que l’on a dans la prière d’oraison. Et pour ce qui est de la prière dans l’accueil, nous devons nous souvenir que, pour aller au plus profond de celui que nous accueillons, découvrir en lui le Christ, il faut que notre rencontre soit une vraie prière.

Ainsi nous prions sans cesse, puisque toutes les dimensions de notre vie sont prière.

Que faut-il encore pour vivre le partage, la mise en commun de tout ?

Il faut d’abord le respect des choses partagées. Si ce respect manque, le partage devient insignifiant. Le partage sera donc accompagné d’un grand respect des choses, aussi bien des vases sacrés de la sacristie que des outils de jardin, car toutes choses, pour saint Benoît, sont mises à valeur égale. En effet, si l’on met une priorité dans les choses, les personnes qui gèrent les choses seront aussi rangées selon une priorité. Mais si les choses sont aussi importantes les unes que les autres, les personnes qui les gèrent seront, elles aussi, également importantes ; si, par exemple, l’on met l’or et le pétrole au-dessus de tout, ceux qui géreront l’or et le pétrole deviendront les plus importants. Or, il ne peut pas y avoir de communauté s’il y a des personnes plus importantes à cause des choses qu’elles gèrent et non pas à cause de ce qu’elles sont. Cela explique pourquoi il y a, dans nos communautés, un très grand respect pour les choses, les plus humbles comme les plus grandes, et pourquoi il y a des magasiniers qui mettent les choses en ordre afin que toutes soient respectées.

Une autre nécessité du partage, c’est le respect des personnes de qui on reçoit les choses. Trop souvent l’on considère le partage comme un don fait aux autres et l’on ne voit pas que l’accueil est aussi l’une des dimensions les plus essentielles du partage. On n’est pas assez humble – le plus souvent – pour accueillir de l’autre ; on veut bien donner parce que cela paraît bien, mais on ne veut pas accueillir. Il faut donc être très humble pour savoir toujours et accueillir et donner ; il est sûrement aussi difficile de savoir accueillir que de savoir donner.

Et finalement, ce qu’on doit savoir le plus partager, c’est la pauvreté, ce sont nos limites, nos difficultés. Le vrai partage en communauté ne se déploiera avec toutes ses dimensions que le jour où l’on saura partager les difficultés, la pauvreté ; alors il y aura un accueil réciproque, qui est déjà la charité chrétienne ou presque.

Sagesse mystique

La seconde sagesse de l’œuvre de saint Benoît (et elle va s’intégrer dans la première), c’est la sagesse mystique. Il s’agit, pour les moines, de chercher Dieu, qui est la source la plus proche de nous, en nous, et que nous avons tant de mal à découvrir parce que, justement, il est trop proche et qu’il est en même temps l’au-delà de tout, l’au-delà de l’impossible, l’au-delà des limites, l’au-delà de l’inespéré, l’au-delà de la mort, l’au-delà de toutes les solitudes. Chercher Dieu, c’est à la fois trouver en nous la source profonde qui revitalise toute notre vie et dépasser toutes nos limites, toutes nos pauvretés pour découvrir celui qui est au-delà de tout. Alors, pour chercher Dieu, saint Benoît nous propose une triple ascèse parce que, sans ascèse, il est impossible de se concentrer dans la recherche de Dieu. L’ascèse que nous propose saint Benoît est obéissance, silence d’écoute et humilité. Le principal résultat de cette ascèse, c’est de nous apprendre à écouter vraiment – ce qui est la chose la plus difficile au monde –, non seulement entendre de ses oreilles, mais écouter avec toute sa personne, tout ce que l’on est, aussi bien ce qui nous attire que ce qui nous répugne. Si nous faisons une distinction entre les choses à écouter, nous fermerons nos oreilles à des choses où justement Dieu se trouvera, car très souvent Dieu est là dans l’inacceptable ; et comme nous avons toujours fermé nos oreilles à ce que nous ne savions pas accepter, nous passons à côté de Dieu. Et c’est en écoutant dans la totalité de nous-mêmes que nous arriverons à découvrir Dieu.

L’obéissance (qui vient de oboedire, en latin, qui a la même racine que audire) : obéir, c’est écouter jusqu’à mettre en pratique, c’est-à-dire aller jusqu’à la totalité de l’écoute. En effet, il n’y a de véritable écoute que lorsqu’on met en pratique ce que l’on a entendu ; si l’on entend et qu’on s’en va sans faire ce que l’on a entendu, il n’y a pas eu d’écoute, il y a eu audition, sans plus. Pour écouter, il faut aller jusqu’à l’obéissance, et c’est pour cela que chez saint Benoît toute une partie de l’ascèse sera obéissance. C’est ainsi qu’il faut comprendre que les Pères du désert demandaient à leur disciple d’arroser un bâton de bois jusqu’à ce qu’il pousse ; ce n’était absolument pas pour briser la personne ou faire de la discipline, c’était pour lui apprendre à écouter jusque dans l’inacceptable, à écouter jusque dans l’impossible. Car il faut bien savoir que le commandement le plus impossible qui nous sera dorme un jour, c’est celui de la résurrection. Et si nous ne sommes pas capables de l’écouter, Dieu ne nous ressuscitera pas sans nous : Il nous proposera la résurrection et nous aurons à dire oui ; si toute notre vie a été un oui total, la résurrection viendra comme dans la foulée, tandis que si nous avons toujours dit non à tout ce qui nous était proposé, nous n’écouterons pas ce commandement qui est bien plus impossible que tous les autres.

Un autre aspect de l’ascèse, c’est le silence. Le silence est l’environnement de la parole, et nous ne pouvons écouter vraiment la parole que dans un environnement de silence. Le silence est l’envers de la parole avec laquelle il forme une même réalité. Si nous ne sommes pas capables de donner à la parole un environnement de silence, elle n’aura pas cette résonance qui nous permettra non seulement de l’écouter mais de vibrer avec elle jusqu’aux dernières fibres de notre être.

L’humilité est le troisième aspect de l’ascèse, pour saint Benoît. L’humilité consiste à redevenir humain, humus – c’est la même racine, à être profondément terrestre, enraciné dans la terre. Les conditions qui nous sont faites ne sont pas des conditions angéliques, mais des conditions terrestres. Alors il nous faut être de bons terriens, enracinés dans la terre, dans l’humus de la terre. L’humilité, c’est ce qui nous apprend sans cesse à descendre de notre tête pour nous enraciner dans notre base, car c’est absolument nécessaire. La plupart d’entre nous vivent dans les nuages, la tête en l’air, dans le ciel déjà, et ne savent pas vivre. Quand on veut vivre une vie mystique très profonde, c’est-à-dire axée sur Dieu, il faut vivre aussi une vie terrestre très profonde, très proche des réalités les plus humaines. Dieu n’est pas un idéal, ni une idée ; au contraire, il est quelqu’un de très concret, et nous ne le rencontrerons que dans le concret de notre vie quotidienne et dans les conditions qui nous sont faites.

L’humilité, on le voit, n’est pas naturelle à l’homme. Ce qui nous est naturel depuis le péché, c’est d’être orgueilleux. Pour être humble, il faut descendre totalement par un chemin de croix, qui est celui du consentement à toutes les conditions qui nous sont faites, à toutes les souffrances qui nous sont proposées. C’est dans la mesure où nous consentons, où nous entrons dedans profondément qu’une petite porte s’ouvre vers l’au-delà : l’au-delà de la souffrance, des limites, des difficultés ; mais pour cela, il faut consentir. Et saint Benoît nous propose tout un chemin avec des degrés il en trouve douze – pour arriver à nous faire descendre dans le concret de la vie réelle. La sagesse mystique suppose une ascèse.

Sagesse chrétienne

La sagesse chrétienne est une sagesse d’aimer. Il ne faut pas croire que ce soit facile d’aimer ; il faut véritablement toute une ascèse pour parvenir à la sagesse chrétienne. Mais on ne peut pas proposer la sagesse d’aimer dès le départ de la vie commune ; saint Basile, saint Augustin l’ont fait et d’autres après eux, mais saint Benoît préfère laisser agir l’Esprit Saint et c’est tout à la fin de sa Règle qu’il découvre la sagesse d’aimer qui est un pur don, quelque chose de totalement gratuit, qui ne peut absolument pas être le fruit de notre effort. C’est bien pour cela qu’il ne la découvre qu’à la fin de son œuvre : il est trop réaliste pour la proposer au départ. Et, dans la Bible, c’est la même chose : l’épître de saint Jean, qui nous propose de nous aimer entre nous jusqu’au bout, est un des tout derniers livres de la Bible. Pourquoi cela ne nous est-il pas proposé au début, dès la Genèse ? Parce que c’est vraiment la découverte que l’on fait quand on a été fidèle longuement à tout le reste de la sagesse. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus a dit quelques mois à peine avant sa mort : « Aujourd’hui, j’ai découvert la charité. Jusqu’à présent, je pratiquais la charité, je faisais les œuvres de la charité, et aujourd’hui, avant de mourir, j’ai découvert la charité ». Avant, on fait des œuvres, on pratique – ou du moins on essaie –, mais un jour ou l’autre, dans l’Esprit Saint, on découvre une dimension absolument nouvelle qui envahit tout l’être, celle de l’amour de Dieu, de la charité. Et l’on fait cette découverte à la suite du Christ, à la suite d’un chemin de croix. Saint Benoît nous dit que c’est peu à peu que nous allons découvrir le Christ dans tous nos frères, dans les hôtes, dans les malades, dans les pèlerins, en tous. Notre regard ayant changé, nous allons découvrir le Christ et une sorte d’unité va se faire entre nous, chacun découvrant le Christ à l’autre : les moines découvrent le Christ dans leur abbé, l’abbé le découvre dans ses frères ; toute relation fait découvrir la dimension du Christ. Alors la communauté n’est plus simplement humaine, elle est déjà Église, elle est déjà communion des saints, elle est transfigurée ; mais c’est un don gratuit de Dieu. Nous ne pouvons pas dire au départ en nous rassemblant : c’est cela que nous allons réaliser dès demain ; mais, par un don gratuit de Dieu on en fait parfois l’expérience : cette charité tout humaine vers laquelle on a cheminé devient charité dans l’Esprit Saint et, à ce moment, la communauté est complètement transfigurée, elle devient don de Dieu, elle devient véritablement portion d’Église, elle devient communion des saints.

Voilà résumé sommairement ce qui me paraît être l’essentiel de l’œuvre de saint Benoît.

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