Éditorial

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De plus en plus, hommes et femmes consacrés à Dieu et à leurs frères perçoivent qu’ils ont un défi crucial à relever en ce moment de l’histoire du monde et de l’Église. Ce défi, comme l’a dit avec force le P. Tillard, peut se résumer d’un mot : « Opter avec Dieu pour les pauvres [1] ». La formule fait choc. Elle lie indissolublement le service de la foi et la promotion de la justice. Elle a le mérite de nous obliger à réfléchir, de nous rappeler que nous sommes invités à un exode, départ vers des terres inconnues. Il nous faudra renoncer à certaines attaches, à de vieilles habitudes, à des manières d’être et d’agir parfois profondément ancrées en nous.

Exigé par le charisme et l’expérience spirituelle propre de la vie consacrée au service de l’Église et du monde, cet appel demande une réponse immédiate. Réponse hardie, audacieuse, secouant tout immobilisme personnel, communautaire ou institutionnel. Nous ne pouvons décliner cette responsabilité sous peine de nous renier nous-mêmes.

Plusieurs fois, au cours de l’année écoulée, nous avons fait écho à cet appel. Nous continuerons à le faire cette année encore.

Pour pouvoir le mener à bien jusqu’au bout et sans délai, il s’agit aussi de baliser la route afin de ne pas nous engager sur de fausses pistes. Il importe donc que nous ayons des critères qui permettent de discerner les orientations à prendre dans les situations apostoliques et communautaires qui sont les nôtres aujourd’hui. Car comment marcher nous-mêmes, comment a fortiori en accompagner d’autres dans leur marche, si nous ne disposons pas de points de repère, d’une boussole qui guide nos pas de jour et de nuit, comme la nuée et la colonne de feu accompagnaient le Peuple de Dieu ?

Certes, la direction à suivre est indiquée par le charisme et les constitutions de chaque congrégation. Mais la vie religieuse nous est d’abord donnée dans l’Église. Quand un homme ou une femme a un charisme de fondation, celui-ci s’inscrit dans ce que l’Église vit en profondeur. Il y a une réalité ecclésiale première de toute vie consacrée. C’est à cette lumière aussi que nous pourrons préciser des points de repère dans le discernement des choix à faire, des orientations à prendre.

Or une lecture attentive des textes de Vatican II sur la vie religieuse nous permet d’y trouver un certain nombre de critères qui peuvent orienter notre route. Aussi espérons-nous publier cette année différents articles dans lesquels nous vous ferons part des résultats de la recherche amorcée pendant la session sur la vie religieuse apostolique dont nous avons rendu compte dans le précédent numéro. Nous voudrions ainsi contribuer pour notre part à donner à la vie consacrée, et en particulier à la vie religieuse apostolique, la lumière ecclésiale et spirituelle dont elle a besoin pour vivre. Nous avons l’intime conviction que c’est ainsi qu’elle pourra relever jusqu’au bout le défi qui lui est proposé et avancer avec assurance dans la recherche de formes de présence et de service radicalement nouvelles.

Nous nous trouvons confirmés dans notre effort par cette parole de Jean-Paul II au lendemain de son élection : « Il est nécessaire de reprendre en main la magna charta conciliaire qu’est la constitution Lumen gentium, en vue d’une méditation renouvelée et affermie sur la nature et sur la fonction, sur la manière d’être et d’agir de l’Église. Non seulement pour réaliser toujours mieux cette communion vitale, dans le Christ, de tous ceux qui croient et espèrent en lui, mais également en vue de contribuer à une plus forte et plus ample unité de la famille humaine tout entière [2] ».